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26/05/2023 | FRANCE | N°21/00574

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 26 mai 2023, 21/00574


ARRÊT DU

26 Mai 2023







N° 800/23



N° RG 21/00574 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TSSW



PN/AS

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

23 Mars 2021

(RG 19/00243 -section )









































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GROSSE :



aux avocats



le 26 Mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. PULPIMO

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Krystel SCOUARNEC, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



M. [P] [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par...

ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 800/23

N° RG 21/00574 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TSSW

PN/AS

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

23 Mars 2021

(RG 19/00243 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. PULPIMO

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Krystel SCOUARNEC, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

M. [P] [X]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Brigitte VAN-ROMPU, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Mars 2023

Tenue par Pierre NOUBEL et Laure BERNARD

magistrats chargés d'instruire l'affaire qui ont entendu les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Anne STEENKISTE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 9 février 2023

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [P] [X] a été engagé par la société ZESTIMO aux droits de laquelle vient la Société PULPIMO en qualité de négociateur immobilier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2007.

À compter du 1er janvier 2017, il a été promu au poste de directeur commercial, statut cadre.

Après avoir reçu un mail du 14 mars 2019 d'une salariée de l'entreprise imputant un comportement de harcèlement moral de la part de la compagne de M. [P] [X], Mme [Z] [N], elle-même salariée de l'entreprise, une enquête interne a été diligentée par l'employeur ; M. [P] [X] a été entendu à cette occasion le 25 mars 2019. Par courrier électronique du 22 mars 2019, il lui a été notifié une mise à pied conservatoire dans l'attente du déroulement de l'enquête. Celle-ci n'a finalement pas permis de démontrer l'existence de faits de harcèlement moral.

Par lettre recommandée du 4 avril 2019, M. [P] [X] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 12 avril 2019.Le 17 avril 2019, Mme [Z] [N] a été licenciée pour faute grave en raison de son comportement professionnel.

Par courrier du même jour, il a été notifié à M. [P] [X] une mise à pied disciplinaire de cinq jours pour ne pas avoir sanctionné le comportement de cette dernière.

À compter de ce jour, M. [P] [X] n'a pas réintégré son poste.

Le 6 mai 2019, il était mis en demeure de justifier des motifs de son absence.

Par courrier du 22 mai 2019, la Société PULPIMO a licencié le salarié pour faute lourde, tout particulièrement en raison de faits de dégradation des panneaux publicitaires de l'entreprise.

Le 2 juillet 2019, M. [P] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens afin de contester son licenciement et d'obtenir paiement des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.

Sur saisine du salarié, suivant ordonnance du 15 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Lens a ordonné à l'employeur de lui payer une indemnité de congés payés à hauteur de 8741,15 euros.

Vu le jugement du 23 mars 2021 du conseil de prud'hommes de Lens aux termes duquel il a :

- dit le licenciement de M. [P] [X] sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société PULPIMMO à payer à M. [P] [X] :

- 45 600 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 13 690,74 euros à titre d'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents,

- 13 944,33 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 842,49 euros au titre de la mise à pied conservatoire, outre les congés payés y afférents,

-1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'appel formé par la Société PULPIMO le 27 avril 2021,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de la Société PULPIMO transmises au greffe par voie électronique le 26 juin 2022 et celles de la Société PULPIMO transmises au greffe par voie électronique le 23 septembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 9 février 2023,

La Société PULPIMO demande :

- à titre principal,

- de dire le licenciement de M. [P] [X] fondé sur une faute lourde,

-de débouter M. [P] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- À titre subsidiaire,

- de dire que le licenciement de M. [P] [X] repose sur une faute grave,

-de débouter M. [P] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- À titre infiniment subsidiaire,

-d'allouer à M. [P] [X] l'équivalent de trois mois de salaire en application de l'article L 1235 -3 du code du travail,

- de débouter M. [P] [X] de ses plus amples demandes,

- En tout état de cause,

- de condamner M. [P] [X] à lui rembourser 6305,64 euros à titre de trop-perçu sur l'indemnité de congés payés,

- de condamner le salarié à lui rembourser les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire, et lui payer 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

M. [P] [X] demande :

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- de débouter la Société PULPIMO de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la Société PULPIMO à lui payer 4500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité ;

Que la preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile ;

Que la faute lourde comme la faute grave est celle qui par sa nature rend impossible sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur, la continuation des rapports de travail même pendant la durée limitée du préavis ;

Qu'elle suppose en outre l'intention de nuire du salarié ;

Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, est ainsi motivée :

« Nous sommes contraints de constater que vous avez multiplié les manquements à vos obligations contractuelles et à votre obligation d'exécuter de bonne foi ce contrat.

Ainsi, et sans être exhaustif, nous avons découvert et devons déplorer que :

- vous êtes en situation d'absence injustifiée depuis le 24 avril 2019.

En effet, après avoir reçu une lettre de notification de sanction disciplinaire vous avez sollicité une rupture conventionnelle que nous avons refusée.

Depuis, vous êtes en situation d'absence alors même que nous vous avons mis en demeure de justifier des motifs de votre absence et de réintégrer votre poste.

Or, non seulement vous n'avez pas daigné répondre à nos demandes, mais surtout et curieusement pendant toute cette période vous avez continué à vous connecter sur smartsheet ce qui vous a permis de continuer à prendre connaissance de tous les mandats que tous nos négociateurs rentraient.

Durant cette période de mise à pied, et donc alors même que votre contrat de travail était suspendu, vous avez continué à utiliser la carte bleue du commentaire de la société.

Une telle utilisation n'est pas acceptable dans la mesure où vous n'avez aucuns frais professionnels engagés. Il s'agit d'un abus manifeste.

Nous devons déplorer la dégradation volontaire de nombreux panneaux publicitaires de nos agences.

Il se trouve que vous avez été surpris en procédant à cette dégradation de l'un de nos panneaux par une cliente qui vous a même pris en photo et nous a transmis cette photo.

En outre, vous likez des biens sur le compte Facebook de Souchez immobilier, société immobilière concurrente, depuis quelques temps alors que vous êtes toujours notre directeur Commercial.

En votre qualité de directeur commercial, dégrader des panneaux publicitaires de notre société, liker sur Facebook les biens vendus par une agence immobilière concurrente est inacceptable et caractérisent manifestement votre intention de nuire à notre société.

Par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise. Nous considérons donc que ces faits constituent une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise (') » ;

a) sur la faute lourde :

Attendu que pour caractériser l'intention de nuire du salarié, l'employeur fait valoir dans un premier temps qu'en compagnie de sa compagne, M. [P] [X] a procédé à la destruction de panneaux publicitaires de l'entreprise ;

Qu'a cet égard, il se prévaut du témoignage d'une cliente de l'agence, Madame [S], qui déclare que dans la nuit du 3 au 4 mai 2019, elle a vu que le panneau PULPIMO posé sur son habitation avait été enlevé et qu'elle avait constaté la présence d'un homme, avec une échelle à proximité d'une voiture BMW immatriculée 7WW, alors que celui-ci était en compagnie d'une femme blonde ;

Que par ailleurs, l'appelante fait valoir qu'elle a reçu anonymement des éléments établissant que le salarié et sa compagne étaient responsable de cette dégradation « et qu'ils en étaient fiers » ;

Attendu cependant que la cour constate que l'employeur a inséré dans le corps de ses conclusions des vues du salarié ainsi que des photographies du salarié et des vues de panneaux et de piliers soutenant des annonces immobilières outre deux bribes de conversations électroniques ;

Que toutefois, ces éléments ne sont pas versés aux débats en tant que pièces proprement dites, pour ne pas être contenus dans le bordereau de pièces de l'employeur ;

Qu'outre leur manque de valeur probante s'agissant de l'imputabilité des griefs reprochés au salarié, ces insertions ne sauraient en soi constituer des pièces constitutives d'éléments de preuve ;

Que les photographies prises par Mme [S] et son témoignage ne suffisent pas à imputer les griefs reprochés à M. [P] [X] ;

Qu'en soi, le fait de mentionner des signes d'approbation sur le site Facebook d'une entreprise concurrente et le fait d'avoir consulté des fichiers clientèle de l'entreprise ne sauraient constituer l'image d'une volonté de nuire de la part du salarié ;

Qu'en conséquence, la cour considère que les éléments produits par l'employeur ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une faute lourde de la part du salarié ;

b) sur la faute grave :

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'après avoir été destinataire d'une mise à pied de 5 jours le 17 avril 2019, M. [P] [X] n'a pas repris son poste, alors que dans le cadre d'un courrier du 24 avril suivant, il a en vain sollicité son employeur pour la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

Que par courrier recommandé du 6 mai 2019, la Société PULPIMO, constatant l'absence du salarié à l'issue de sa mise à pied conservatoire de 5 jours (depuis le 24 avril 2019) a mis l'intimé en demeure de réintégrer son poste de travail et d'avoir à justifier des motifs de la durée de son absence dans les plus brefs délais, tout en lui rappelant qu'il restait tenu de respecter ses obligations contractuelles ;

Que toutefois, le salarié, qui ne pouvait ignorer le caractère très explicitement comminatoire de cette lettre, n'a pas réintégré son poste, sans en justifier le motif ;

Qu'il s'ensuit que ce dernier a manqué à l'obligation essentielle de son contrat de travail consistant à fournir à l'employeur sa prestation de directeur commercial ;

Que ce manquement caractérisé est constitutif d'une volonté de ne pas reprendre le travail au sein de la Société PULPIMO ;

Qu'il est d'une gravité telle qu'il justifie à lui seul la rupture du contrat de travail de M. [P] [X] et son départ immédiat de l'entreprise, sans indemnité de préavis et de licenciement ;

Que le licenciement du salarié repose donc sur une faute grave ;

Qu'en conséquence, M. [P] [X] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes y afférentes ;

Que le jugement entrepris sera donc infirmé à cet égard ;

Sur l'indu réclamé par la Société PULPIMO au titre de l'indemnité de congés payés

Attendu qu'aux termes de l'article 1302 du Code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à répétition ;

Attendu que dans ce cadre une ordonnance du bureau de conciliation en date du 15 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Lens a ordonné à l'employeur de payer à M. [P] [X] 8741,15 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

Qu'à ce titre, l'employeur réclame le paiement de 6305,64 euros à titre de trop-perçu, étant en fait observé que cette somme correspond au solde du commandement aux fins de saisie-vente diligentée par le salarié ;

Attendu que pour justifier le caractère indu des versements opérés, l'employeur fait valoir en substance que compte tenu du solde de congés payés non pris (24,44 jours) telles que porté sur le bulletin de paie de septembre 2019, il a été versé au salarié 3717,80 euros bruts ;

Qu'il souligne que le conseil de prud'hommes « n'a pas examiné « la preuve rapportée par la société concluante de la prise effective de ses congés par Monsieur [X] grâce à ses réservations ou photos de vacances datées et simplement considéré que « le conseil constate que les jours de congés sont bien sur la fiche de paie » ;

Qu'il en déduit que le salarié se doit de rembourser les 17 jours de congés payés pris ;

Attendu que pour en justifier, l'employeur produit aux débats copie des documents émanant d'agences touristiques aux termes desquels il est fait état de séjours de M. [P] [X] sur des sites et des résidences ou hôtels ;

Que cependant, ces documents ne permettent pas d'établir de façon circonstanciée et datée que ces pièces correspondent à des prises effectives de congés non prises en compte et ignorées de l'employeur, d'autant que la Société PULPIMO ne produit pas de décompte récapitulatif des congés et des dates prises par le salarié ;

Que faute de démontrer que les sommes réclamées revêtent un caractère indu au sens des dispositions légales susvisées, l'appelante sera déboutée de sa demande ;

Sur la demande de remboursement des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire

Attendu qu'à cet égard, le présent arrêt infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l'appelant en exécution du jugement de première instance ;

Que la demande de condamnation formée par l'employeur est donc sans objet ;

Sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'à cet égard, les demandes formées par les parties au titre de leurs frais irrépétibles doivent être rejetées ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris,

STATUANT à nouveau,

DIT que le licenciement de M. [P] [X] repose non pas sur une faute lourde mais sur une faute grave,

DEBOUTE M. [P] [X] de l'ensemble de ses demandes,

DEBOUTE la Société PULPIMO de sa demande en remboursement de trop-perçu d'indemnité de congés payés,

CONDAMNE M. [P] [X] aux dépens.,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de leurs frais de procédure.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00574
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.00574 ?
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