République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 11/05/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 19/06638 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SYAE
Jugement (N° 18/04263)
rendu le 05 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Béthune
APPELANTS
Monsieur [E] [G]
né le 24 mai 1932 à [Localité 7]
Madame [K] [S] épouse [G]
née le 18 juin 1934 à [Localité 6]
demeurant ensemble [Adresse 5]
[Localité 3]
représentés par Me David Mink, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [R] [H]
né le 18 septembre 1972 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifié le 03 février 2020 à l'étude de l'huissier
Madame [P] [I]
née le 14 avril 1978 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 03 février 2020 à l'étude de l'huissier
DÉBATS à l'audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023 après prorogation du délibéré en date du 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 décembre 2022
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Suivant acte authentique du 22 juin 2011 reçu par Me [N], notaire, M.'[E]'[G] et Mme [K] [S], son épouse, ont vendu à M. [R] [H] et Mme [P] [I] une maison située [Adresse 5] à [Localité 3], sous réserve du droit d'usage et d'habitation dudit immeuble, moyennant le versement de la somme de 10'000 euros et le service d'une rente annuelle et viagère de 4 200 euros.
Exposant que les acquéreurs avaient cessé le paiement de la rente, que M.'[H], artisan, avait été placé en liquidation judiciaire le 30 novembre 2012 et que Me'[N] avait déclaré leur créance au liquidateur le 7 février 2013, M.'et'Mme'[G] ont fait assigner M. [H] et Mme [I] devant le tribunal de grande instance de Béthune par actes des 12 et 14 novembre 2018 afin de voir prononcer la résolution de la vente et la condamnation des défendeurs à leur verser des dommages et intérêts.
Par jugement réputé contradictoire du 5 novembre 2019, le tribunal les a déboutés de leurs prétentions et condamnés aux dépens, aux motifs tirés de l'absence de preuve d'une déclaration de créance et de mise en cause du mandataire judiciaire.
M. et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement et, par conclusions du 31 janvier 2020, demandaient à la cour de l'infirmer, de prononcer la résolution de la vente et de condamner solidairement M. [H] et Mme [I] à leur payer 10 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral, outre 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [H] et Mme [I], auxquels la déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été régulièrement signifiées le 3 février 2020, n'ont pas constitué avocat.
La cour, par arrêt du 2 décembre 2021, a invité M. et Mme [G] à indiquer l'état de la procédure de liquidation de M. [H] et à conclure sur le défaut de mise en cause du liquidateur, la validité de la déclaration de créance effectuée par notaire en l'absence de justificatif d'un mandat confié à ce dernier et la validité de la mise en demeure adressée aux débirentiers par une seule et même lettre.
Par conclusions remises le 7 février 2022, les appelants ont maintenu leurs demandes. Ils font valoir qu'étant créanciers de l'indivision existant entre Mme [I] et M. [H], ils n'étaient pas soumis à la discipline de la procédure collective de ce dernier et visent, à ce sujet, un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 18 février 2003. Ils déclarent que la liquidation judiciaire de M. [H] a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement du 4 juin 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour observe que le défaut de déclaration de créance des demandeurs et de mise en cause du liquidateur de M. [H], relevés par le premier juge dans la motivation de sa décision, étaient des motifs d'irrecevabilité des demandes des époux [G] et non de débouté de ces derniers. Il convient, néanmoins, de les examiner.
L'article L 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'introduction de la procédure par M. et Mme [G], dispose en particulier que le jugement d'ouverture [d'une procédure collective] interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L'622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
L'article L 622-24, dans sa rédaction applicable à la même date, ajoute notamment qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.
Il résulte de l'article L 622-22 que les actions visées par l'article L 622-21 sont interrompues ou interdites jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et, à partir de là, peuvent tendre uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Toutefois, il est constant que, comme le font valoir les appelants, le créancier d'une indivision antérieure à l'ouverture de la procédure collective de l'un des indivisaires n'est pas soumis à la suspension des poursuites individuelles.
En l'espèce, M. et Mme [G], en tant que créanciers de M. [H] et de Mme [I], devenus propriétaires en indivision de l'immeuble susvisé avant l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de M. [H], étaient donc affranchis de cette règle et leur demande était recevable nonobstant l'absence de justificatif d'une déclaration de créance en bonne et due forme.
En revanche, par l'effet de la liquidation judiciaire, M. [H] s'est trouvé dessaisi de l'administration de ses biens et l'absence de mise en cause du liquidateur, seul habilité à le représenter, entraînait l'irrecevabilité des demandes dirigées contre lui. Toutefois, le tribunal n'a pas constaté cette irrecevabilité puisqu'il a seulement débouté M. et Mme [G] de leurs demandes. Il est justifié de ce que la liquidation judiciaire de M. [H] a été clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement rendu le 4 juin 2021 par le tribunal de commerce d'Arras, de sorte que la situation donnant lieu à cette irrecevabilité a alors disparu. Ainsi que cela a été dit ci-dessus, la déclaration d'appel et les conclusions des appelants ont été signifiées à M.'[H] et à Mme [I] le 2 février 2020, dans le délai d'un mois suivant l'avis adressé à cette fin par le greffe au conseil des appelants, conformément à l'article 902 du code de procédure civile. Cette signification est certes intervenue à nouveau sans mise en cause du liquidateur mais ce n'est que par l'arrêt susvisé du 2 décembre 2021 que la cour a soulevé, d'ailleurs pas expressément, l'irrecevabilité de leurs demandes en les invitant à conclure sur cette absence de mise en cause, soit postérieurement à la date à laquelle la situation donnant lieu à cette fin de non-recevoir avait disparu. Les demandes dirigées contre les intimés, qui ont été mis en mesure de comparaître et de se défendre par la signification susvisée de la déclaration d'appel et des conclusions des appelants, doivent dès lors être considérées comme recevables.
Un décompte de l'office notarial fait état, après un versement très partiel de 50 euros, d'une absence totale de paiement de la rente viagère depuis le mois d'octobre 2012 et d'un arriéré se montant à 24'499 euros au mois d'avril 2018.
Les intimés, faute de comparaître, n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, du respect de leur obligation, la liquidation judiciaire évoquée supra rendant au demeurant leur défaillance vraisemblable.
Cette défaillance justifie la résolution de la vente et il sera donc fait droit à la demande en ce sens des époux [G].
Ladite résolution entraîne la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente, et donc la restitution par les vendeurs aux acheteurs des sommes versées par ces derniers, M. et Mme [G] retrouvant pour leur part la propriété de leur immeuble dont ils ont, en pratique, continué à disposer, s'agissant d'un viager «'occupé'».
Les appelants justifient néanmoins du préjudice dont ils demandent réparation dès lors qu'ils ont été privés du complément de ressources que la rente était censée leur apporter et ont eu à faire face aux désagréments et démarches engendrés par la situation, de sorte qu'il y a lieu de faire droit intégralement à leur demande de dommages et intérêts d'un montant de 10'000 euros.
Il convient d'ordonner la compensation entre les sommes que les parties sont susceptibles de se devoir réciproquement.
Il appartient aux intimés, parties perdantes, de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, et il est en outre équitable qu'ils indemnisent les appelants, en application de l'article 700 du même code, des autres frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour assurer la défense de leurs intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
prononce la résolution de la vente en viager consentie par acte authentique du 22 juin 2011 par M.'[E]'[G] et Mme [K] [S], son épouse, à M. [R] [H] et Mme [P] [I], portant sur une maison située [Adresse 5] à [Localité 3],
dit que cette résolution entraîne la remise des parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la vente, et donc la restitution par les vendeurs aux acheteurs des sommes versées par ces derniers, incluant le bouquet, M. et Mme [G] retrouvant pour leur part la propriété de leur immeuble,
condamne solidairement M. [R] [H] et Mme [P] [I] à payer à M. et Mme [G] la somme de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts,
ordonne la compensation entre les créances croisées des parties,
condamne solidairement M. [R] [H] et Mme [P] [I] aux dépens de première instance et d'appel et au paiement à M. et Mme [G] d'une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet