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04/05/2023 | FRANCE | N°21/01424

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 04 mai 2023, 21/01424


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 04/05/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/01424 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP7R



Jugement (N° 11-19-1480) rendu le 05 février 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras







APPELANTS



Monsieur [R] [U] [T] [C]

né le 27 novembre 1990 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

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Monsieur [G] [C]

né le 06 septembre 1951 à [Localité 6] ([Localité 6])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]



représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué





INTIMÉE



S.A.R.L. Nor...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01424 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TP7R

Jugement (N° 11-19-1480) rendu le 05 février 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANTS

Monsieur [R] [U] [T] [C]

né le 27 novembre 1990 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Monsieur [G] [C]

né le 06 septembre 1951 à [Localité 6] ([Localité 6])

demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

INTIMÉE

S.A.R.L. Nord Forage prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Agathe Chopin, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant, substituée à l'audience par Me Léa De Clercq, avocat au barreau d'Arras

DÉBATS à l'audience publique du 02 février 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 février 2023

****

M. [G] [C], agriculteur, a souhaité installer un point de captage d'eau sur une parcelle lui appartenant située sur la commune de [Localité 4]. Le 28 octobre 2011, après une visite sur place pour déterminer le matériel nécessaire à son projet d'irrigation, la Sarl Nord Forage a établi deux devis à son intention pour des travaux de forage et l'installation d'une station de pompage (devis 4992 et 4993).

Le 6 décembre 2012, M. [C] a commandé la réalisation du forage (devis 4992 réactualisé par le devis 5362 ) et indiqué que le matériel de pompage ferait partie d'une commande ultérieure. Le local technique ou la dalle en béton (dessus du forage), à la charge du client, devait être réalisé avant l'installation de la station de pompage.

Le 31 mai 2013, les travaux de forage ont été réalisés et facturés. Ils ont été réglés le 21 août 2013.

Le 10 juillet 2013, la société Nord forage a établi à la demande de M. [C] un nouveau devis 5566 pour la remise en état et la pose d'une pompe d'occasion achetée auprès d'un collègue agriculteur et l'achat de matériel neuf complémentaire. Ce devis, réactualisé le 11 juin 2015 (n°6258) et d'un montant de 11 827,63 euros, a été accepté et le matériel commandé a été facturé le 31 juillet 2015, pour un montant de 8 654,78 euros, dont le solde a été réglé par M. [C] en mai 2016.

M. [R] [C], fils de M. [G] [C], ayant repris les opérations initiées par son père, a informé la société Nord forage en juin 2017 que la dalle de béton avait été réalisée, sollicitant la mise en place de la pompe.

Lors de son intervention du 26 juin 2017, la société Nord forage constatait cependant l'absence de 5 paliers et la dégradation de la pompe d'occasion, rendant impossible le montage de la pompe et nécessaire la commande de pièces complémentaires, laquelle a été effectuée suivant bon de commande (n°7083), d'un montant de 2 812,15 euros, accepté par M. [C] le 30 juin 2017.

Un désaccord est cependant intervenu entre les parties concernant les modalités de paiement du solde de la commande, à laquelle s'était ajoutée une facture de 1 400,40 euros émise par la société Nord forage pour le coût du déplacement inutile du 26 juin 2017, et la société Nord forage n'est pas intervenue pour la pose de la pompe et terminer le chantier.

Par acte d'huissier de justice en date du 20 décembre 2019, la SARL Nord Forage a fait assigner M.'[R] [C] aux fins notamment d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 685,40 euros au titre du solde des travaux commandés, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2019 et capitalisation des intérêts, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et sa condamnation aux dépens.

Par jugement en date du 5 février 2021, le tribunal judiciaire d'Arras a :

- constaté l'intervention volontaire de M. [G] [C] ;

- débouté MM. [C] de leurs demandes de résolution du contrat conclu avec la société Nord Forage, de dommages et intérêts à hauteur de 52 981 euros pour le préjudice lié au manque d'irrigation des parcelles pour la période 2017-2019 et en paiement des préjudices réactualisés liés au manque d'irrigation des parcelles et de leur demande de restitution de matériel ;

- condamné M. [R] [C] à payer à la société Nord Forage la somme de 2 238,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté la société Nord Forage de ses plus amples demandes et de sa demande à hauteur de 2 000 euros à titre de dommage et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;

- dit que chacune des parties conserverait la charge de ses frais et dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MM. [R] et [G] [C] ont interjeté appel de ce jugement et, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 janvier 2023, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, rejeter toutes les demandes formulées par la société Nord Forage notamment au titre de son appel incident et, statuant à nouveau, de :

- prononcer la résolution du contrat conclu entre M. [G] [C] et la société Nord Forage ;

- condamner la société Nord Forage :

* à répéter à M. [R] [C] la somme de 8 654,78 euros au titre des sommes payées en acompte sur le contrat résolu ;

* au paiement de la somme de 105 962 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au manque d'irrigation des parcelles sur la période 2017-2018, 2018-2019, 2019-2020 et 2021-2022 et au paiement des préjudices réactualisés liés au manque d'irrigation des parcelles ;

* à restituer à ses frais le matériel d'occasion de M. [C] dans le mois de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 1 an ;

* au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Philippe Meillier, avocat aux offres de droit.

Ils font essentiellement valoir que le contrat conclu entre les parties prévoyait dans ses conditions générales un paiement des factures par tiers successifs à la commande, la mise en chantier et la fin des travaux ; que la prestation relative au forage a été entièrement réglée ; que la mise en chantier de l'installation de la pompe n'ayant toujours pas eu lieu, seul un tiers des sommes prévues était donc exigible ; que M. [R] [C] a déjà réglé la totalité du matériel, soit 8 654,78 euros, excédant largement ce qu'il aurait dû payer à ce stade puisque la prestation hors frais de déplacement s'établit à un montant total de 14 639,78 euros ; que la société Nord forage entend à tort leur imputer une facturation supplémentaire de 1 400,40 euros liée à son déplacement inutile de juin 2017, outre 300 euros au titre de frais de port ; que c'est pourtant une incompatibilité entre le matériel acheté d'occasion par M. [G] [C] et le matériel neuf qui a entraîné l'impossibilité de poursuivre le chantier alors que le responsable de la société Nord forage s'était assuré en se déplaçant sur place de la compatibilité du matériel ; que rien ne permet de justifier les affirmations de la société Nord forage selon lesquelles des paliers auraient disparu depuis la visite de son représentant et que la pompe était désormais en mauvais état ; que suite à ce déplacement de juin 2017, les salariés de la société Nord forage ont repris, outre le matériel neuf acheté, le matériel d'occasion acheté par M. [C] alors que celui-ci appartenait à ce dernier, et que ce matériel n'a pas été restitué depuis lors ; qu'il est d'autant plus justifié à en obtenir restitution que le contrat ne peut plus être exécuté en raison de la caducité de l'autorisation de forage faute de justification à la DDTM de la bonne terminaison des travaux au 30 septembre 2019.

Ils ajoutent que si M. [C] a satisfait à ses obligations en réalisant sa dalle béton, en payant l'acompte du tiers à la commande et en rendant son chemin carrossable, ainsi que demandé par la société Nord forage, celle-ci a manqué aux siennes en refusant d'exécuter sa prestation, en tentant d'exiger le paiement de la totalité de la facture au démarrage des travaux en contradiction avec les stipulations contractuelles qu'elle avait elle-même imposées dans ses conditions générales et en ajoutant une facture supplémentaire, de sorte que la résolution du contrat doit être prononcée à ses torts et la société condamnée à restituer les sommes déjà versées et à les indemniser du manque à gagner lié au défaut d'irrigation de leurs parcelles.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 janvier 2023, la société Nord Forage, sollicite le débouté de MM. [G] et [R] [C] de leur appel principal et la confirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci les a déboutés de leurs demandes de résolution du contrat conclu avec la société Nord Forage, de dommages et intérêts, de restitution de matériel, et en ce qu'il a fait droit à sa demande de capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil.

Formant appel incident, elle demande par ailleurs à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [R] [C] à lui payer la somme de 2 238,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, dit que chacune des parties conserverait la charge de ses frais et dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, statuant à nouveau, de':

- condamner in solidum MM. [R] et [G] [C] à lui payer la somme de 7 625, 40 euros au titre du paiement du solde du chantier ;

- A titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [R] [C] à lui payer la somme de 2 238,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement mais condamner in solidum MM. [G] et [R] [C] à lui payer une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et dire que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En tout état de cause, elle demande la condamnation in solidum des appelants aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Elle fait valoir que les travaux commandés par M. [C] s'élèvent à la somme totale de 16 040,18 euros incluant, outre le bon de commande n°6258 en date du 11 juin 2015 pour un montant de 11 827,63 euros TTC et celui n°7083 en date du 30 juin 2017 pour un montant de 2 812,15 euros TCC, le coût du déplacement inutile du véhicule atelier, de la grue de levage et des salariés de la société le 28 juin 2017 pour un montant de 1 400,40 euros TTC et les frais de port à hauteur de 300 euros TTC ; que M. [C] n'a versé que la somme de 8 654,78 euros alors qu'il aurait dû verser la somme de 10 893,45 euros correspondant aux deux tiers du prix total des travaux dès lors qu'il y a bien eu mise en chantier par la commande du matériel et l'intervention de juin 2017 ; que M. [C] a régulièrement payé en retard ses factures antérieures et qu'elle ne peut attendre plusieurs mois après la mise en chantier pour obtenir le règlement ; que lors de la tentative de règlement amiable du litige intervenue le 30 novembre 2017, M.'[C] s'était engagé à payer l'ensemble du chantier par chèque de banque ; qu'elle sera en mesure d'exécuter sa prestation dès que le solde du chantier, d'un montant de 7 685,40 euros, sera payé.

Elle ajoute qu'elle est bien fondée à facturer son déplacement injustifié du 26 juin 2017 dès lors que ce n'est pas la profondeur du forage qui a rendu nécessaire le rachat de pièces supplémentaires, mais l'absence de cinq paliers d'occasion et le mauvais état de la pompe d'occasion, achetés en juillet 2013 et stockés par M. [C], empêchant le montage de la pompe, ce dont elle ne saurait être rendue responsable ; que d'ailleurs, M. [C] a accepté le devis du 28 juin 2017 correspondant à la fourniture des pièces manquantes. Elle conclut qu'elle est bien fondée à obtenir le paiement du solde de sa facture et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la résolution du contrat à ses torts.

Elle soutient enfin que le rapport d'expertise invoqué par M. [C] à l'appui de sa demande de dommages et intérêts a été réalisé de manière non contradictoire et qu'il n'est pas probant ; que les travaux de forage ayant été déjà réalisés et facturés en date du 31 mai 2013 et les pompages d'essai réalisés par elle-même avec une pompe lui appartenant le 6 juin 2013, M. [C] avait, à compter de cette date, la possibilité d'adresser le compte-rendu de fin de travaux de forage, dénommé également 'dossier technique' à la DDTM et d'obtenir le récépissé d'exploitation ; que c'est donc du seul fait de sa négligence qu'il doit déposer une nouvelle demande à la DDTM ; que M. [C] a attendu d'être assigné en justice pour solliciter l'indemnisation d'un prétendu préjudice de perte d'exploitation.

Pour plus ample détails de l'argumentation des parties, il convient de s'en rapporter à leurs écritures en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en résolution du contrat

A titre liminaire, il convient d'observer que les relations entre les parties sont à la fois régies par les anciennes dispositions du code civil pour les bons de commande conclus avant le 1er octobre 2016, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et par les nouvelles dispositions de ce code issues de cette ordonnance, pour le bon de commande postérieur.

Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans son ancienne version applicable au bon de commande n°6258 accepté le 11 juin 2005, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1103 du même code, dans sa nouvelle version applicable au bon de commande n°7083 accepté le 30 juin 2017, dispose quant à lui que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, tandis que l'article 1104 ajoute qu'ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public et l'article 1193 que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

En vertu de l'article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En vertu de l'article 1217 nouveau de ce code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1219 nouveau précise qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il résulte des articles 1224, 1225 et 1228 nouveaux que la résolution du contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice, le juge pouvant, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

***

SUR CE

Le contrat objet du litige entre les parties porte sur des travaux de remise en état et d'installation d'une pompe d'occasion achetée par M. [G] [C] auprès d'un tiers au contrat et de fourniture et de pose de matériel neuf complémentaire, faisant l'objet d'un devis n°5566 du 10 juillet 2013, réactualisé suivant bon de commande n°6258 du 3 juin 2015 accepté le 11 juin 2015, pour un montant de 11 827,63 euros TTC, ainsi que d'un bon de commande complémentaire n°7083, accepté le 30 juin 2017 par M. [R] [C], qui a repris l'exploitation de son père, pour un montant de 2'812,15 euros, soit un total de 14'639,78 euros TTC.

La société Nord forage entend par ailleurs facturer à M. [C], qui s'y oppose, son déplacement inutile du 28 juin 2017, pour un montant de 1 400,40 euros TTC (facture n°7709 du 30 novembre 2017), outre des frais de port pour un montant de 300 euros TTC, ce qui porterait le montant total dû par M. [C] à 16 340,18 euros TTC.

Les conditions générales de vente annexées aux bons de commande précisent : 'Conditions de paiement': par tiers du montant TTC, sans escompte, soit un 1/3 à la commande, 1/3 à la mise en chantier, 1/3 à la fin des travaux.'

M. [C] a réglé une somme de 2 000 euros le 11 juin 2015 et une somme de 6 654,78 euros en mai 2016, soit un total de 8 654,78 euros, correspondant au coût du matériel commandé par la société Nord forage en exécution du bon de commande n°6258 du 3 juin 2015 et facturé par celle-ci le 31 juillet 2015.

Il résulte cependant du courrier recommandé adressé par la société Nord forage à M. [C] le 31 mai 2016 et réceptionné le 2 juin qu'elle lui a alors précisé être dans l'attente de la réalisation par celui-ci de la dalle en béton à sa charge afin de pouvoir exécuter sa prestation d'installation de la station de pompage.

Ce n'est ensuite qu'en juin 2017 que M. [C] a informé la société Nord forage que la dalle en béton avait été réalisée et que celle-ci pouvait intervenir pour la mise en place de la pompe.

Puis, après une tentative d'intervention infructueuse du 28 juin 2017 à l'occasion duquel il a été constaté que du matériel manquait, la société Nord forage s'est refusée à installer le matériel de pompage au motif notamment que M. [C] se refusait à lui payer l'intégralité des sommes réclamées incluant la facturation supplémentaire du déplacement inutile du 28 juin 2017 et des frais de port, exigeant au préalable, aux termes de plusieurs correspondances, que celui-ci lui fournisse la copie d'un chèque de banque portant sur l'ensemble de la facturation lequel serait remis à son technicien le jour de l'intervention.

Or, si elle fait valoir que M. [C] aurait dû d'ores et déjà lui avoir réglé les deux tiers du montant du chantier au motif que le démarrage du chantier aurait été concrétisé par la commande de matériel et le déplacement infructueux du 28 juin 2017, il doit être observé d'une part que la commande de matériel ne s'assimile pas à la mise en chantier et fait d'ailleurs l'objet d'un premier versement d'accompte prévu par les conditions générales du contrat, et d'autre part que l'intervention infructueuse du 28 juin 2017 n'a précisément pas permis le démarrage du chantier en raison de l'absence de certaines pièces nécessaires, qu'il a fallu commander suivant bon de commande complémentaire du 30 juin 2017.

Il s'ensuit que, quel que soit le montant total des sommes dues selon que l'on retienne ou non le caractère bien-fondé de la facturation supplémentaire du déplacement inutile du 28 juin 2017 et des frais de port, M. [C] a déjà payé plus du tiers du montant du chantier, de sorte que la société Nord forage, qui reconnaît par ailleurs que les autres conditions préalables nécessaires à l'exécution de ses obligations - telles que la pose de la dalle en béton par son client et la réception du matériel commandé - sont réalisées et ne démontre pas que M. [C] n'aurait pas satisfait à sa demande de viabilisation des voies d'accès au site d'installation de la station de pompage, ne pouvait se refuser à installer la pompe en exigeant de manière unilatérale des conditions de paiement non prévues au contrat, telles que la fourniture préalable de la copie d'un chèque de banque de la totalité du solde du chantier avant le démarrage de celui-ci.

S'agissant de la facturation supplémentaire de la somme de 1 400,40 euros au titre du déplacement inutile du 27 juin 2017, la société Nord forage fait valoir que l'installation de la station de pompage aurait été impossible en raison de l'absence de cinq paliers dans le matériel d'occasion stocké par M. [C] et de la dégradation de la pompe d'occasion achetée par celui-ci en juillet 2013, rendant nécessaire une commande complémentaire que son client a acceptée le 30 juin 2017, suivant devis n°7083.

Cependant, il résulte de la facture n°7639 du 31 juillet 2017 émise par la société Nord forage et correspondant au bon de commande n°6258 du 3 juin 2015, que celle-ci facture à M. [C] une prestation correspondant à un déplacement d'une demi-journée d'un technicien chez celui-ci aux fins d'identification du matériel et il ressort des affirmations de M. [C], non contredites par la société Nord forage, que M. [M], responsable de cette société, s'est déplacé au préalable chez lui pour vérifier la compatibilité du matériel d'occasion acheté avec le matériel neuf que la société allait fournir en complément pour l'installation.

Dès lors, c'est à cette occasion que la société Nord forage, en sa qualité de professionnelle tenue à ce titre d'une obligation générale de bonne foi contractuelle et de conseil vis-à-vis de son client, aurait dû faire l'inventaire complet de tout le matériel manquant et remarquer, le cas échéant, le mauvais état de la pompe, et c'est donc à tort que celle-ci lui a facturé l'intervention inutile du 27 juin 2017.

Il ne peut donc être reproché à M. [C] d'avoir refusé de payer la facture supplémentaire de 1 400,40 euros au titre de cette intervention.

Par courrier recommandé de son conseil du 3 juillet 2019 répondant à la mise en demeure du 27 juin 2019 de la société Nord forage, M. [C] s'est reconnu débiteur de la somme de 6 313,96 euros correspondant à la facture n°7639, laquelle incluait des frais de port de 300 euros TTC, et a mis en demeure la société Nord forage d'exécuter ses obligations, s'engageant à effectuer son paiement à l'achèvement des installations.

Or, il n'est pas contesté qu'à ce jour, la société Nord forage n'a toujours pas procédé à l'installation de la pompe, ce qui constitue un manquement grave à ses obligations justifiant la résolution du contrat.

Par ailleurs, si dans le dispositif de leurs conclusions, les consorts [C] ne demandent que la résolution du contrat initial conclu entre M. [G] [C] et la société Nord forage, cette demande de résolution du contrat ne peut se comprendre que comme incluant la commande supplémentaire du 28 juin 2017 qui est en lien avec celui-ci. Il conviendra donc de prononcer la résolution des deux contrats.

A ce titre, elle sera déboutée de sa demande en paiement du solde de sa facture et condamnée à restituer à M. [C] la somme de 8 654,78 euros correspondant aux acomptes versés en règlement du matériel neuf commandé qu'elle a toujours en sa possession et dont il n'y a donc pas lieu d'ordonner la restitution.

Elle sera par ailleurs condamnée à restituer à M. [C] le matériel d'occasion appartenant à celui-ci dans le délai d'un mois de la présente décision et sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard.

Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 1149 dudit code ajoute que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

L'article 1150 précise cependant le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée.

M. [C] sollicite l'indemnisation du préjudice économique résultant du défaut d'irrigation de sa parcelle depuis juin 2017, date à laquelle la dalle de béton a été réalisée, permettant la finalisation de l'installation de la station de pompage qui n'a jamais eu lieu. Exposant qu'il avait l'intention d'emblaver ses parcelles avec des cultures de pomme de terre à forte valeur ajoutée, mais que le défaut d'irrigation l'a contraint à maintenir une culture céréalière en 2019, il actualise son préjudice à la somme de 105 962 euros sur une période allant de 2017 à 2021.

Il ajoute par ailleurs qu'il n'a pas été rendu destinataire par la société Nord forage du rapport de fin de travaux consécutif aux opérations de forage menées à bien par celle-ci dans le cadre du devis initial du 28 octobre 2011 actualisé le 6 décembre 2012, l'établissement de ce rapport de fin de travaux faisant partie des obligations contractuelles de la société.

A cet égard, la société Nord forage fournit un 'dossier technique forage d'eau' mentionnant une fin d'ouvrage au 7 juin 2013, avec la coupe longitudinale du forage et le résultat des essais de forage réalisés le 6 juin 2013, dont M. [C] prétend, sans le prouver, qu'il n'en aurait pas été destinataire avant la présente procédure, et qui aurait pu permettre à celui-ci d'établir son dossier de déclaration d'exploitation de forage auprès de la Direction départementale des Territoires et de la Mer du Pas-de-Calais (DDTM).

Le manquement de la société Nord Forage à ses obligations dans le cadre de ce premier contrat n'apparait pas établi. En revanche, le défaut d'installation de la pompe dans le cadre du second contrat est potentiellement à l'origine, pour M. [C], d'un préjudice lié au défaut d'irrigation de ses parcelles.

Cependant, l'expertise produite par M. [C], réalisée par M. [Y] [X], expert agricole, n'est pas contradictoire et n'est étayée par aucun autre élément complémentaire, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme suffisamment probante et qu'il convient de débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts complémentaire, en l'absence de preuve de son préjudice de perte de rendement lié au défaut d'irrigation.

Sur les demandes accessoires

La société Nord forage, qui succombe, sera tenue aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle sera par ailleurs condamnée à payer à MM. [C], ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel, et sera déboutée de ses demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution du contrat conclu entre M. [G] [C] et la société Nord forage et de la commande complémentaire conclue entre M. [R] [C] et la société Nord forage, portant sur l'installation d'une station de pompage,

Condamne la société Sarl Nord forage à restituer à M. [R] [C] la somme de 8'654,78 euros à tittre de restitution des acomptes versés,

Condamne la société Sarl Nord forage à restituer le matériel d'occasion appartenant aux consorts [C] dans le mois de la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois à l'issue de laquelle il sera de nouveau statué ;

Déboute M. [G] [C] et M. [R] [C] de leur demande d'indemnisation au titre de leur préjudice économique lié au manque d'irrigation de leurs parcelles ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

La condamne à payer à payer à M. [G] [C] et M. [R] [C], ensemble, la somme de 4'000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;

La déboute de sa demande à ce titre.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/01424
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.01424 ?
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