République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 04/05/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/01388 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPZL
Jugement (N° 19/01610) rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Arras
APPELANT
Monsieur [V] [S]
né le 10 janvier 1983 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Patricia Chevallier-Douaud, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉE
S.A.S. [N] Edl
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Caroline Théry, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 02 février 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 janvier 2023
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Mme [B] [N] et M. [V] [S] ont entretenu une relation sentimentale en conservant chacun leur domicile.
Mme [N] est présidente de la société par actions simplifiées [N] EDL (ci-après SAS [N]) ayant pour activité la rédaction d'états des lieux et de constats, la gestion contentieuse et la rédaction de diagnostics. Artisan exerçant sous l'enseigne Easy Travaux, M. [S] est reconnu en invalidité catégorie 2 depuis le 1er novembre 2018.
Le couple s'est séparé début 2019.
Le 7 mars 2019, Mme [N] a déposé plainte contre M. [S] pour violence, abus de confiance et vol d'une reconnaissance de dette sans poursuite pénale engagée par le Ministère public.
Le 3 avril 2019, Mme [N] et la SAS [N] ont mis en demeure M. [S] de leur rembourser la somme de 62 000,22 euros comprenant : 42 000,22 euros remis par virements bancaires depuis le compte personnel de Mme [N] ; entre le 5 décembre 2018 et le 17 janvier 2019 ; 20 000 euros remis par virement bancaire depuis le compte de la SAS [N] le 2 janvier 2019.
Par courrier en réponse du 9 avril 2019, M. [S] a indiqué ne pas contester avoir perçu ces sommes tout en affirmant qu'il s'agissait du financement des travaux d'extension de son domicile en accord avec Mme [N] pour débuter une vie commune et y installer un bureau professionnel pour cette dernière.
Par acte d'huissier de justice en date du 23 mai 2019, la SAS [N] a assigné M. [S] devant le tribunal judiciaire d'Arras aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 20 000 euros, outre une somme à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement en date du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Arras a condamné M. [S] à payer à la SAS [N] la somme de 20 000 euros sur le fondement de la répétition de l'indu, outre la somme de 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamné aux dépens et a rejeté le surplus des demandes.
M. [S] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à la SAS [N] la somme de 20 000 euros sur le fondement de la répétition de l'indu, la somme de 750 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens et, statuant, à nouveau, de débouter la SAS [N] de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il ne conteste pas l'existence même du virement effectué à son profit depuis le compte de la SAS [N] le 2 janvier 2019 à hauteur de 20 000 euros, mais prétend que celle-ci, qui ne rapporte ni la preuve d'une absence de dette, ni celle d'une erreur au sens de l'article 1302-1 du code civil, échoue à démontrer le caractère indu du virement contesté. Il soutient que cette somme a servi à financer des travaux d'extension de son domicile dans la perspective d'une vie commune avec Mme [N] et du transfert à son domicile de l'activité professionnelle de celle-ci au sein de la SAS [N] ; que les pièces communiquées n'ont pas de caractère probant, ainsi que l'a relevé le premier juge.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 janvier 2022, la SAS [N] EDL demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à sa demande au titre de la répétition de l'indu et statué sur les dépens et les frais irrépétibles, mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement au titre de la résistance abusive, et, statuant à nouveau, de :
- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner celui-ci à lui rembourser la somme de 20 000 euros sur le fondement de la répétition de l'indu ;
- le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- en tout état de cause, le condamner aux entiers frais et dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que M. [S] l'a sollicitée, ainsi que Mme [N], aux fins de se voir prêter des fonds par sms du 3 décembre 2018 et qu'elle lui a ainsi viré la somme de 20 000 euros le 2 janvier 2019 ; que M. [S] lui avait rédigé une reconnaissance de dette, mais qu'il la lui a dérobé, ce pourquoi elle a déposé plainte, le dossier étant toujours en cours d'instruction. Elle ajoute que le couple s'est séparé en mars 2019 et que M. [S] s'est alors refusé à la rembourser, conditionnant ce remboursement à la rédaction par Mme [N] d'une attestation à destination de l'organisme de mutuelle Malakoff avec lequel il était en conflit, celui-ci lui réclamant un indu de 50 000 euros ; qu'après avoir été mis en demeure de restituer la somme versée, il a répondu qu'il ne lui devait rien compte tenu de son concubinage passé avec Mme [N], la somme ayant servi à la réfection de son habitation qui avait vocation à accueillir le couple.
Elle soutient que les arguments de M. [S] relatifs à son concubinage avec Mme [N] sont inopérants à son égard ; qu'elle n'a jamais eu l'intention de transférer son activité professionnelle, située dans le secteur de la métropole lilloise, au domicile de M. [S] ; qu'elle n'est ni la commanditaire ni la bénéficiaire des travaux effectués par celui-ci à son domicile ; que la preuve de l'indu ne nécessite pas celle d'une erreur à l'égard de l'accipiens dans le cas où le paiement se trouve dépourvu de cause en raison de l'inexistence de la dette.
Elle ajoute enfin que la mauvaise foi de M. [S] à son égard lorsqu'il refuse de lui rembourser cette somme constitue une faute à son égard.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en répétition de l'indu
L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
L'article 1302-1 ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
En application de ces textes, l'auteur de virements bancaires peut agir en répétition de l'indu s'il apporte la preuve qu'aucune obligation ne justifiait le paiement, étant précisé que son action n'est pas subordonnée à la preuve de ce qu'il aurait commis une erreur.
C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a considéré que quel que soit le motif du versement effectué et dont la réalité n'était pas contestée (remboursement d'une dette de M. [S] selon la demanderesse, règlement de travaux d'extension de son domicile selon le défendeur), il était établi que la SAS [N] n'était pas tenue au paiement, la cour y ajoutant qu'il n'est justifié d'aucun contrat passé entre les parties, qu'il s'agisse d'un contrat de prêt de somme d'argent, d'un contrat de prêt à usage ou même d'un bail portant sur la mise à disposition de la SAS [N] d'une partie de l'immeuble d'habitation de M. [S] et que la seule existence d'une relation sentimentale entre Mme [N], présidente de la Sas du même nom, et M. [S], n'est pas de nature à justifier d'un tel versement par la société.
Par ailleurs, si M. [S] rapporte la preuve de la réalisation des travaux d'extension de son domicile, il ne démontre pas une éventuelle volonté de Mme [N] d'emménager chez lui, les pièces versées par les parties étant divergentes à cet égard, et encore moins celle d'y établir l'activité de la SAS [N].
Les versements litigieux ne correspondent donc pas à une dette de la SAS [N] Edl à l'égard de M. [S].
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge l'a condamné à restituer à la SAS [N] la somme de 20 000 euros sur le fondement de la répétition de l'indu et il convient de confirmer la décision entreprise.
Sur la demande au titre de la résistance abusive
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la SAS [N] ne démontrait pas l'existence d'un comportement abusif de M. [S] au delà de sa simple résistance à ses sollicitations amiables puis judiciaires pour obtenir le remboursement des sommes versées, étant précisé que M. [S] justifie de la modicité de ses ressources, la cour y ajoutant que la SAS [N] ne rapporte pas non plus la preuve du préjudice résultant pour elle du comportement fautif qu'elle allègue.
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a débouté la SAS [N] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur les demandes accessoires
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.
M. [S] succombant en son appel sera tenu aux entiers dépens de celui-ci et condamné à payer à la SAS [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera également débouté de sa demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [S] aux entiers dépens d'appel ;
Le condamne à payer à la SAS [N] Edl la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le déboute de sa demande à ce titre.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet