La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2023 | FRANCE | N°21/01328

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 04 mai 2023, 21/01328


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 04/05/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/01328 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPTI



Jugement (N° 18-001041) rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal de proximité de Tourcoing







APPELANTS



Monsieur [W] [O]

né le 27 mai 1964

et

Madame [I] [S]

née le 09 janvier 1966

demeurant ensemble [Adres

se 2]

[Localité 3]



représentés par Me Charles-Antoine Page, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉE



Madame [J] [D]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Tiffany Dhuiege, avocat au ba...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01328 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPTI

Jugement (N° 18-001041) rendu le 10 novembre 2020 par le tribunal de proximité de Tourcoing

APPELANTS

Monsieur [W] [O]

né le 27 mai 1964

et

Madame [I] [S]

née le 09 janvier 1966

demeurant ensemble [Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Charles-Antoine Page, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [J] [D]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Tiffany Dhuiege, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 02 février 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 janvier 2023

****

Par contrat sous seing privé du 1er mars 2016, Mme [I] [S] et M.[W] [O] ont confié à Mme [J] [D], architecte, la réalisation d'une étude préliminaire dans le cadre d'un projet de réhabilitation d'un immeuble à usage d'habitation leur appartenant, comprenant trois appartements situés [Adresse 4], le montant du marché étant fixé à 4 230 euros TTC.

A la signature du contrat, une provision de 1 200 euros a été versée à Mme [D].

Celle-ci a envoyé les plans et un état estimatif des travaux le 1er juin 2017, ainsi que sa facture d'honoraires, laquelle n'a pas été payée malgré mises en demeure.

Par ordonnance rendue le 3 septembre 2018 sur requête de Mme [D], le juge d'instance de Tourcoing a enjoint à Mme [S] et M. [O] de payer la somme de 3 030 euros en principal avec intérêt au taux contractuel de 14,6% annuel à compter du 1er juin 2017. L'ordonnance a été signifiée le 17 octobre 2018 à l'étude d'huissier et Mme [S] et M.[O] ont formé opposition par lettre recommandée adressée au greffe le 6 novembre 2018.

Par jugement en date du 10 novembre 2020, le tribunal de proximité de Tourcoing a déclaré Mme [S] et M. [O] recevables en leur opposition, les a condamnés à payer à Mme [J] [D] la somme de 3 030 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,6% l'an à compter du 1er juin 2017, les a condamnés in solidum à lui payer en outre la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de signification de l'injonction de payer, et a enfin débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme [S] et M. [O] ont interjeté appel de ce jugement et, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 novembre 2021, demandent à la cour de réformer intégralement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, réduire le montant des intérêts conventionnels et faire courir ces intérêts à la date de l'assignation de première instance.

En toute hypothèse,

- condamner Mme [D] à leur payer la somme de 7 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de perte de loyers ;

- prononcer la compensation entre les sommes qui pourraient être respectivement attribuées aux parties';

- condamner Mme [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Invoquant l'exception d'inexécution de l'article 1219 du code civil, ils font essentiellement valoir que, contrairement à ce qu'a pu retenir la juridiction de première instance, Mme [D] a commis des fautes graves dans l'accomplissement de ses missions contractuelles, caractérisées d'une part par un manquement de diligence pendant toute la durée d'exécution de son contrat, à l'origine d'importants retards, alors que des délais avaient été contractuellement fixés pour l'exécution de ses missions, et d'autre part, par un accomplissement incomplet ou imparfait de l'ensemble de ses missions. Ils font valoir que ces fautes sont suffisamment graves pour justifier l'inexécution de leur obligation de payer la facture d'honoraires de l'architecte.

A titre reconventionnel, ils soutiennent que les retards accumulés de Mme [D] dans l'exécution de ses missions sont à l'origine d'un décalage injustifié de dix mois dans leur projet de rénovation, mais qu'ils limitent leurs demandes relatives à leurs pertes de loyers à sept mois.

Ils ajoutent que la demande en paiement de dommages et intérêts de Mme [D] au titre de leur prétendue résistance abusive n'est pas justifiée, les manquements de celle-ci étant à l'origine de leur refus de paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 janvier 2022, Mme [D] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, de le confirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- condamner les consorts [O] [S] au paiement de la facture n° 170601 du 1er juin 2017 d'un montant de 3 030 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,6 % annuel à compter du 1er juin 2017 ;

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;

- les condamner au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts 'au titre de l'article 700 du code de procédure civile' ;

- les condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Elle soutient principalement que le contrat d'architecte qu'elle a signé avec les consorts [S]-[O] aux fins de réalisation d'une étude préliminaire définissait strictement ses missions et sa rémunération'; qu'elle a rempli toutes les missions qui lui incombaient à savoir la remise à ses clients du diagnostic immobilier, des plans de l'état des lieux et d'une esquisse de projet de réaménagement en mai 2016 ; qu'elle a demandé une fiche de prescription des travaux à Coeur de Ville en prévision de la rénovation de la toiture, ne sachant pas que ses clients avaient déjà fait cette démarche ; qu'elle a mis en évidence la nécessité de faire réaliser une étude structure par un bureau d'études, compte tenu de l'état dégradé du bâtiment, afin de préciser les travaux de première urgence à réaliser ; qu'elle a fait les demandes de devis de diagnostics avant travaux dont deux avaient été transmis aux maîtres d'ouvrage le 30 janvier 2017 ; qu'elle a envoyé les plans d'état des lieux et de projet, ainsi que l'estimation sommaire des travaux le 1er juin 2017. Elle ajoute que cette étude préliminaire n'avait pas vocation à fournir des plans définitifs mais à évaluer la faisabilité du projet, les plans étant amenés par la suite à être modifiés lors de la phase d'exécution.

Elle fait valoir que le contrat ne spécifiait pas de délais pour toutes les missions prévues et que seuls l'établissement de l'esquisse du projet sous forme de documents graphiques sommaires, le programme à définir et les relevés des façades-état des lieux devaient être réalisés dans un délai de deux semaines chacun, ces délais étant cumulés ; que les autres missions ne pouvaient être soumises à des délais précis, nécessitant de faire appel à d'autres intervenants (bureau d'étude technique structure et diagnostiqueurs), seule une estimation de son temps de travail étant indiquée ; que les délais fixés au contrat d'architecte étaient donc de minimum six semaines, outre les missions pour lesquels des délais ne pouvaient être fixés'; qu'en aucun cas, la date du 15 avril 2016 était une date butoir pour l'exécution de l'ensemble de ses prestations.

Elle affirme par ailleurs ne pas avoir pu respecter les délais contractuellement imposés en raison notamment de l'inertie des consorts [O]-[S], qui ne la contactaient pas directement et avaient besoin de temps de réflexion pour prendre leurs décisions, de difficultés d'accès à l'appartement du dernier étage de l'immeuble occupé par un locataire et du retard d'exécution des intervenants mandatés par ses soins, l'empêchant de poursuivre ses missions. Elle précise notamment qu'elle a dû analyser le rapport du bureau d'étude et demander l'avis d'une société de désamiantage afin de faire une estimation englobant le désamiantage, justifiant le délai de transmission des éléments à ses clients.

Elle ajoute qu'elle a finalisé son intervention et communiqué les plans d'état des lieux et de projet ainsi que l'estimation sommaire des travaux le 1er juin 2017 dès que le rapport de diagnostic a été rendu ; que les consorts [S]-[O], qui évoquent une prétendue perte de loyers, n'étaient manifestement pas pressés de réaliser leur projet qu'ils avaient entamé en 2014 en réalisant des premiers devis, étant précisé qu'à ce jour, près de deux ans et demi après la réception des plans et de l'estimation des travaux, ils n'ont réalisé aucun des travaux structurels du bâtiment indispensables à la réhabilitation de l'immeuble.

Sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [O]-[S] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts, elle expose qu'aucun manque de diligence ne peut lui être reproché, qu'elle a été tributaire des délais imposés par les prestataires et les délais de réponse et de réflexion de ses clients, que les appartements du rez-de-chaussée et du 1er étage de l'immeuble n'étaient pas loués à la date de signature de l'immeuble et ne pouvaient l'être compte tenu de leur état d'indécence et de dangerosité, que le contrat signé portait uniquement sur une étude préliminaire et non sur un contrat de travaux qui devait être signé ultérieurement et que les consorts [S]-[O] n'ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour rénover les appartements. Elle rappelle que pour être réparable, le préjudice doit être certain, direct et déterminé, mais que le préjudice éventuel n'est pas indemnisable.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de préciser que compte tenu de la date de conclusion du contrat liant les parties, les dispositions du code civil applicables à leurs relations sont celles antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

Sur la demande en paiement de la facture d'honoraires d'architecte

Aux termes de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En vertu de l'article 1315 dudit code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Par ailleurs, si l'exception d'inexécution de l'article 1219 du code civil a été formellement introduite dans ce code par l'ordonnance du 10 février 2016 précitée, elle était auparavant admise au visa de l'article 1184 dudit code dans son ancienne rédaction, lequel dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Cet article ajoute cependant, en ses deuxième et troisième alinéas, que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit ; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ; que la résolution doit être demandée en justice, et qu'il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

L'exception d'inexécution a donc pour but de permettre à un contractant de suspendre l'exécution de son obligation afin de contraindre son co-contractant à exécuter la sienne lorsque cette exécution est encore possible ou de demander une résolution du contrat en justice, le cas échéant avec des dommages et intérêts.

La cour relève que si les consorts [O]-[S] soutiennent qu'ils sont bien fondés à refuser de payer le solde des honoraires d'architecte de Mme [D] en raison de l'ampleur de ses manquements contractuels, ils ne sollicitent pas pour autant l'exécution forcée du contrat ou sa résolution.

Or ce n'est qu'en cas d'inexécution contractuelle, qu'il leur appartient de prouver, qu'ils peuvent être dispensés du paiement du solde de leur facture.

Tout d'abord, il sera observé que le contrat d'architecte litigieux, confiant à Mme [J] [D] une mission d'études préliminaires en vue de la réalisation de travaux de réhabilitation sur l'immeuble sis [Adresse 4], mentionne comme co-contractants Mme [S] et M. [O], mais ne porte que la signature de la première.

Si Mme [S] et M. [O] ne sont pas mariés et donc pas soumis à la solidarité de l'article 220 du code civil, ils n'est néanmoins pas contesté qu'ils sont propriétaires indivis de l'immeuble objet du contrat litigieux et que M. [O] a été, au même titre que Mme [S], l'interlocuteur de Mme [D] dans le cadre des relations contractuelles, de sorte qu'il sera considéré qu'à défaut de contrat écrit, il est tenu d'un contrat au moins verbal à l'égard de Mme [D], portant les mêmes obligations que Mme [S].

Le contrat conclu entre les parties met à la charge de Mme [D] les obligations suivantes, assorties de leur durée de travail estimative et, pour certaines, d'un délai d'exécution :

- programme à définir : 4 heures, délai d'exécution 2 semaines,

- établir une esquisse du projet sous forme de document(s) graphique(s) sommaire(s). Ce poste comprend les réunions nécessaires à l'aboutissement de cette tâche : 16 heures, délai d'exécution 2 semaines,

- vérifier l'adéquation du budget avec les éléments du programme à définir : 2 heures

- définir le contenu et la rémunération de la mission future de l'architecte en cas de réalisation du projet

- mandater une entreprise pour décrouter des planchers (poutres et bois d'enfustage) : 2 heures

- relevés des façades - état des lieux : 20 heures, délai d'exécution 2 semaines,

- mandater un bureau d'études structures pour un diagnostic : 1 heure,

- faire établir le diagnostic avant travaux et le diagnostic de performance énergétique : 2 heures.

Il est par ailleurs indiqué que pour cette mission, la rémunération de l'architecte est calculée au temps passé, au prix horaire de 75 euros HT, soit 90 euros TTC, soit un montant total de 4 230 euros pour 47 heures de travail.

Aucune autre stipulation ne précisant que l'ensemble des prestations soumises à un délai d'exécution de deux semaines devaient être réalisées dans un même trait de temps et aucune date limite d'exécution n'étant par ailleurs fixée, il doit être considéré que ces délais sont cumulatifs et que ces prestations devaient être réalisées dans un délai de six semaines au total à compter de la signature du contrat, intervenue le 1er mars 2016.

Pour les autres prestations, aucun délai d'exécution n'est précisé et il n'est notamment pas indiqué qu'elles doivent être réalisées dans le même délai que les autres.

Il résulte des éléments versés aux débats que Mme [D] a adressé à ses clients le diagnostic immobilier, les plans de l'état des lieux et l'esquisse du projet de réaménagement le 13 mai 2016, soit un peu plus de deux mois après la signature du contrat, ce qui, ainsi que l'a relevé le premier juge, ne constitue pas un retard excessif par rapport aux prévisions contractuelles ; que le bureau d'études AIES a ensuite été mandaté pour un diagnostic, puis que les diagnostics avant travaux, amiante et plomb, pour lesquels auquel délai n'était stipulé ont été établis ; qu'une étude structure a été sollicitée par l'architecte, conformément à la mission qui lui était confiée, en raison de l'état structurel dégradé des planchers des 1er et 2ème étage, de la cage d'escalier et de la génoise ; qu'après avoir sollicité l'avis d'une société de désamiantage, Mme [D] a envoyé les plans d'état des lieux et projet, ainsi qu'une estimation sommaire des travaux par courriel du 1er juin 2017.

Parmi les obligations stipulées au contrat, seules n'apparaissent pas avoir été réalisées :

- 'la définition du contenu et de la rémunération de la mission future de l'architecte en cas de réalisation du projet', mais cette mission était conditionnée dans le contrat à la réalisation du projet, ce qui n'a pas été le cas, les consorts [O]-[S] n'ayant pas donné suite au projet de Mme [D] par la conclusion d'un contrat d'architecte. Cette inexécution ne peut donc être reprochée à Mme [D].

- 'mandater une entreprise pour décrouter des planchers (poutres et bois)' : si Mme [D] invoque le fait que M. [O] a préféré réaliser lui-même le décroutage par mesure d'économie, elle reconnaît ainsi n'avoir pas exécuté cette prestation, évaluée à deux heures de travail, soit 180 euros TTC.

- 'faire établir le diagnostic de performance énergétique' : si Mme [D] soutient que ce diagnostic a été réalisé par un prestataire extérieur 'Coeur de ville' et qu'il lui a été transmis en cours d'étude par celui-ci, elle reconnaît en conséquence n'avoir pas exécuté la prestation consistant à faire établir ce diagnostic, évalué à une heure de travail, soit 90 euros TTC.

Les consorts [O]-[S] reprochent encore à Mme [D] de n'avoir assuré aucune réunion, ni aucun suivi des prestations accomplies par les diagnosticiens, de n'avoir pas vérifié l'adéquation de leur budget avec le coût des travaux envisagés et de n'avoir jamais finalisé son projet.

Cependant, celle-ci expose que plusieurs réunions se sont tenues en juillet et septembre 2016 avec M.'[O] et que les parties ont échangé par courriel et par téléphone, et il doit être relevé que les consorts [S]-[O] ne justifient pas avoir sollicité d'autres rendez-vous. Par ailleurs, les délais des diagnostiqueurs ne sont pas imputables à Mme [D]. Concernant la prise en compte du budget, Mme [D] expose qu'elle a évoqué le budget avec ses clients, que M. [O] a d'ailleurs demandé un délai de réflexion compte tenu de l'ampleur et du coût des travaux à réaliser, et qu'elle a bien établi un projet de budget prévisionnel, permettant d'établir une estimation pour la rénovation de l'immeuble, ce qui était l'objet de sa mission d'étude préliminaire.

Enfin, le premier juge a justement relevé, à la lecture du contrat, que l'étude préliminaire confiée à Mme [D] portait sur l'esquisse du projet et n'avait pas pour mission de finaliser le projet d'aménagement, de sorte que l'établissement d'un projet de 1er étage rectifié, demandé par Mme [S] suivant courrier électronique du 20 mars 2018, ne constituait pas une obligation contractuelle.

Il s'ensuit qu'aucun manquement contractuel à ces titres ne peut être reproché à Mme [D].

Enfin, les consorts [S]-[O] invoquent un retard de Mme [D] dans l'exécution de ses prestations. Cependant, dès lors qu'il n'est pas contesté que ces prestations ont par définition été réalisées, un tel manquement contractuel n'est pas de nature à les dispenser du paiement de leur facture, mais seulement, en application de l'article 1147 du code civil, à leur permettre d'obtenir le cas échéant des dommages et intérêts, ce qui sera évoqué plus loin.

Il s'ensuit que les consorts [S]-[O], qui ne justifient pas d'inexécutions contractuelles de Mme [D] suffisamment graves pour être dispensés de payer le solde des honoraires de celle-ci, doivent être condamnés au paiement de la somme de 2 760 euros TTC correspondant à ce solde, suivant facture du 1er juin 2017, déduction faite de la somme de 270 euros TTC au titre des prestations non réalisées mentionnées plus haut.

Sur les intérêts

Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

Le contrat d'architecte conclu entre les parties stipule qu'à la signature du contrat, une provision de 1'000 euros HT, soit 1 200 euros TTC est versée à l'architecte et que : 'le solde sera facturé à la remise des documents et réglé dans le délai de (absence de précision) jours. Passé ce délai, une indemnité de 4,00/10'000e du montant HT de la facture est dûe par jour calendaire de retard. Cette indemnité couvre forfaitairement les intérêts moratoires, les frais d'agios bancaires et les divers frais de relance. Calcul 4,00/10 000e par jour = 0,000400 x 365 j = 14,60% par an.'

Cependant, la clause contractuelle ne mentionnant pas le délai de règlement du solde restant dû, il s'ensuit que le reste de la clause n'est pas applicable et que par conséquent, le taux d'intérêt contractuel ainsi stipulé n'est pas applicable.

Le taux d'intérêt applicable à la condamnation sera dès lors le taux d'intérêt légal, le point de départ des intérêts devant être fixé au 17 octobre 2018, date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer aux débiteurs, laquelle emporte mise en demeure suffisante de paiement.

Sur la demande de dommages et intérêts des consorts [S]-[O]

L'article 1147 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article 1146 précise que les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante

Ainsi qu'il a été indiqué plus haut et que l'avait déjà relevé le premier juge, le diagnostic immobilier, les plans de l'état des lieux et l'esquisse du projet de réaménagement ont été adressés le 13 mai 2016, soit un peu plus de deux mois après la signature du contrat, alors que le contrat conclu le 1er mars 2016 prévoyait trois délais de deux semaines cumulés, soit six semaines, un tel retard apparaissant minime.

Pour ce qui est des autres prestations, non soumises à délai spécifique, il sera observé que si Mme [D] n'a commandé l'étude structure qu'en octobre 2016 alors que celle-ci étant prévue au contrat signé le 1er mars 2016, elle n'avait pas besoin d'obtenir un accord supplémentaire de ses clients pour effectuer cette démarche, ce délai n'est pas excessif en l'absence de stipulation contractuelle précise et de relance de ses clients, étant précisé par ailleurs qu'il n'est pas contesté qu'après la remise des premiers documents le 13 mai 2016, Mme [S] n'a repris contact avec l'architecte qu'au mois de juillet 2016. Mme [S] et M. [O] ne justifie pas plus avoir mis en demeure l'architecte concernant la réalisation des autres diagnostics.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [S] et M. [O] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Aux termes de l'article 1153, alinéa 4 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En l'espèce, si Mme [D] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, elle ne formule pas de demande à ce titre dans son dispositif alors que dans ses motifs, elle sollicite la condamnation des appelants à lui payer la somme de 1 500 euros à ce titre.

Cependant, il résulte de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Dès lors, la cour n'étant pas saisie d'une demande de Mme [D] à ce titre, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] et Mme [S] succombant en appel, ils seront condamnés in solidum aux dépens et à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Ils seront par ailleurs déboutés de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Mme [I] [S] et M. [W] [O] à payer à Mme [J] [D] la somme de 3 030 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,6% l'an à compter du 1er juin 2017,

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Condamne Mme [I] [S] et M. [W] [O] à payer à Mme [J] [D] la somme de 2 760 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [I] [S] et M. [W] [O] aux entiers dépens d'appel,

Les condamne in solidum à payer à Mme [J] [D] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

Les déboute de leur demande à ce titre.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/01328
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.01328 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award