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14/04/2023 | FRANCE | N°21/01034

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 14 avril 2023, 21/01034


ARRÊT DU

14 Avril 2023







N° 386/23



N° RG 21/01034 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVSV



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

01 Juin 2021

(RG 20/00248 -section 2 )








































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GROSSE :



aux avocats



le 14 Avril 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BÉTHUNE





INTIMÉE :



S.A.S. SAINT NICOLAS DISTRIBUTION - NICOLADIS

[Adresse...

ARRÊT DU

14 Avril 2023

N° 386/23

N° RG 21/01034 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVSV

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

01 Juin 2021

(RG 20/00248 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 14 Avril 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [P] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BÉTHUNE

INTIMÉE :

S.A.S. SAINT NICOLAS DISTRIBUTION - NICOLADIS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Elise GALLET, avocat au barreau de POITIERS

DÉBATS : à l'audience publique du 28 Février 2023

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Février 2023

EXPOSE DES FAITS

 

[P] [F] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er août 2012 par la société NICOLADIS exploitant l'enseigne E Leclerc en qualité de responsable du rayon fruits et légumes, statut agent de maîtrise-technicien, niveau V, échelon A de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Il a fait l'objet d'un avertissement notifié par lettre du 6 février 2018 remise en main propre et motivé par l'aspect déplorable des produits se trouvant dans le rayon fruits et légumes, par des erreurs de balisage et par des problèmes managériaux.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mai 2018 à un entretien le 23 mai 2018 en vue d'un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 mai 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous avez été embauché au sein de notre entreprise le 01/08/2012 en qualité de responsable fruits et légumes , statut agent de maitrise, niveau V de la convention collective applicable.

A ce titre vous êtes notamment en charge de la gestion du rayon fruits et légumes.

Pourtant nous constatons de graves dysfonctionnements dans la gestion de votre rayon et en particulier

-des manquements de votre part dans la gestion commerciale de votre rayon

-de gros problèmes managériaux.

Manquements dans la gestion commerciale :

Le mercredi 9 mai 2018 vers 13h30, nous avons constaté que le rayon fruits et légumes était dans un état déplorable. Une grande partie du rayon légume était totalement vide : plus de tomate ronde, tomate grappe, tomate roma, tomate à farcir, concombre... l'autre partie dans un état indigne de l'image que nous nous efforçons de donner, avec des produits sans dessus dessous et un remplissage désordonné.

Vous n'avez pas anticipé les commandes, le mercredi 9 mai jour d'opération majeure tractée avec 30 % en ticket Leclerc, force est de constater qu'aucun des produits devant être mis en avant dans ce type d'opération n'était présent : pas de « caissettes » avec les produits de saison, tomates, concombres, melons....

Ce même jour après votre départ la responsable caisse accompagnée du responsable drive ont dû réapprovisionner eux-mêmes les rayons

Déjà le lundi 07/05/2018, le responsable du département avait constaté un rayon vide et sale, il avait dû, lui-même mettre en rayon les produits qui étaient en réserve : plus de pomme de terre, plus de salade, des étages complets de fruits secs vides'

De même nous avons évoqué les différents dysfonctionnements observés ces dernières semaines au sein du rayon dont vous avez la charge.

Par exemple lors du changement d'emballe, passage du sac plastique en papier kraft, vous n'avez pas pensé à recalibrer les balances. Nos clients paient donc 6 grammes de plus à chaque acte d'achat. Notre service qualité a dû faire la modification.

Ou encore le 30 avril 2018, veille du 1er mai (magasin fermé) nous nous sommes retrouvés en rupture de muguet à 15 heures, dû encore une fois à une mauvaise anticipation des commandes, nous n'avons pas observé non plus de théâtralisation sur votre zone.

De surcroît, le 04/04/2018, il est retrouvé par le responsable du département un filet d'oignons complètement germés en zone de vente, en retirant le produit il s'aperçoit qu'un bon nombre de denrées sont dans le même cas. Et c'est en fait des kilos d'oignons, d'ails et d'échalotes impropres à la vente qu'il doit retirer. Vous êtes à côté de lui à ce moment là et vous n'avez aucune réaction et ne donner aucune explication.

Nous vous avions pourtant sanctionné en janvier 2018 pour des faits similaires, vous n'en avez manifestement pas tenu compte.

De tels comportements ne peuvent en aucun cas être admis car ils préjudicient au bon fonctionnement et à l'image commerciale de notre magasin.

De plus nous vous avons demandé à plusieurs reprises de rentrer dans votre rôle de responsable, d'apporter des solutions dans le but d'améliorer le rayon fruits et légumes,

Or trop souvent, c'est le responsable du département qui dot entreprendre le développement de votre rayon.

Le CA des salades d'effondrent vous ne réagissez pas, c'est le responsable du département qui doit repenser l'implantation.

Nous constatons qu'1/3 des salades en sachet sont mises en démarque, c'est une nouvelle fois le responsable du département qui doit intervenir en passant en automatique les commandes sur le logiciel de gestion.

C'est votre rôle de responsable d'implanter les produits dans le but de maximiser ou d'optimiser les ventes, de contrôler la rentabilité de votre rayon et de comparer vos résultats avec la concurrence pour établir des propositions d'amélioration. 

Problèmes managériaux :

En tant que responsable du rayon fruits et légumes, vous êtes en charge de la formation et de l'animation de votre équipe.

En janvier nous vous avions déjà indiqué que vous ne deviez pas laisser seule une salariée débutante sur son poste mais que votre rôle était de l'accompagner afin de lui transmettre les bases du métier et de la former.

Pourtant le mercredi 9 mai 2018 cette employée commerciale était seule face à un rayon désastreux, devant gérer une livraison de dépannage tardive ce qui l'a mise en situation d'échec, elle est revenue vers la direction en pleurs indiquant ne pas être épaulée, elle se sentait perdue ne sachant pas si son travail était bien réalisé, elle a également déclaré n'avoir aucun contact avec son responsable. Elle souhaitait même quitter son poste alors que sur ses précédentes missions au sein du magasin elle s'est toujours sentie épanouie. 

Les explications recueillies le 23 mai 2018 n'ont pas modifié notre appréciation sur les griefs qui vous sont reprochés. Compte tenu du caractère grave et réitéré de vos manquements, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, sans indemnité autre que l'indemnité compensatrice de congés payés. »

Par requête reçue le 13 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras afin d'obtenir l'annulation de l'avertissement et de la convention de forfait, de faire constater l'existence d'un harcèlement moral, la nullité ou subsidiairement l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 1er juin 2021, le conseil de prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, condamné la société à lui verser :

- 3640, 08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2706,06 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,

ordonné le remboursement par la société des allocations de chômage dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ainsi que la remise d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 20 euros par document et par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement,

débouté le salarié du surplus de sa demande et condamné la société aux dépens.

Le 17 juin 2021, [P] [F] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 8 février 2023 la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 28 février 2023.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 2 juillet 2021, [P] [F] appelant sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris, l'annulation de l'avertissement en date du 6 février 2018 et de la convention de forfait, la condamnation de la société à lui verser :

- 20000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail, si le harcèlement moral n'était pas reconnu

- 3640, 08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 2706,06 euros nets à titre d'indemnité de licenciement

- 40000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, 20000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

- 15000 euros nets à titre de dommages et intérêts liés à la faute morale

- 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

ainsi que la remise des documents de rupture rectifiés, conformes au jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification.

L'appelant expose que son licenciement est particulièrement abusif, qu'il a été précédé d'un harcèlement moral évident et à tout le moins d'une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail, que dans un courrier extrêmement circonstancié du 3 septembre 2018, il s'est largement exprimé pour contester et démonter les faits reprochés, que l'entretien préalable a été précédé d'un entretien beaucoup moins officiel le 26 mai 2018 durant lequel son dirigeant lui a indiqué qu'il n'avait pas pu établir le caractère réel et sérieux des fautes reprochées, que la baisse d'activité et les mauvais résultats du rayon fruits et légumes pour la période du mois de mai 2018 ont amené l'entreprise à le licencier, que son employeur ne voulait pas lui verser la prime de bilan annuelle, qu'il a également été victime de brimades et d'humiliations, que le 28 décembre 2017, il lui a été reproché d'avoir les « bras ballants » et d'être responsable de la présence dans son rayon de « trouvailles dans ledit rayon », qu'il a fait l'objet d'un avertissement le 6 février 208 qui doit être annulé, que du fait du harcèlement moral et de la discrimination subie, le licenciement doit être déclaré nul, qu'à titre subsidiaire il est dénué de cause réelle et sérieuse, la faute grave ne résistant pas à l'analyse, qu'il doit être procédé au déplafonnement de l'indemnité due à ce titre en raison de l'inconventionnalité de l'article L1235-3 du code du travail et lui être octroyé des dommages intérêts en application de l'article 1240 du code civil.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 27 janvier 2023, la société SAINT NICOLAS DISTRIBUTION-NICOLADIS sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut à l'irrecevabilité de la demande du chef de harcèlement moral et à la condamnation de l'appelant à lui verser 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient, sur l'annulation de l'avertissement, que la sanction disciplinaire est parfaitement détaillée, que les faits reprochés sont précis et fondés sur l'aspect déplorable des produits, une erreur de balisage et des problèmes managériaux, que l'appelant ne produit aucun élément de preuve permettant de remettre en cause cette sanction, que la tenue d'un entretien préalable pour la notification d'un avertissement n'est pas obligatoire, que l'avertissement lui a été notifié par la remise en main propre de la lettre le 6 février 2018, que l'organisation du travail au sein de la société est parfaitement licite, de sorte qu'aucune annulation de la convention de forfait ne peut être prononcée, sur le harcèlement moral, qu'aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral n'est établi ni même présenté, qu'aucun lien entre ces prétendus faits, au demeurant inexistants, et la dégradation de son état de santé n'est démontré, que les éléments constitutifs du harcèlement moral ne sont donc pas réunis ni même ceux caractérisant une exécution déloyale du contrat de travail, qu'en tout état de cause la demande est irrecevable, s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel, que l'existence d'une discrimination n'est pas davantage rapportée, que le licenciement pour faute grave est bien caractérisé, que les fautes reprochées portant sur la gestion commerciale sont justifiées par les pièces versées aux débats, qu'elles établissent l'existence d'une faute professionnelle du salarié manquant au bon accomplissement des fonctions pour lesquelles il est rémunéré et portant préjudice à l'entreprise en raison de l'image dégradée renvoyée, que du fait des problèmes managériaux, la société avait l'obligation de préserver la santé et la sécurité des salariés placés sous sa responsabilité, que l'appelant avait été préalablement alerté par une première convocation à un entretien préalable n'ayant finalement pas été suivie d'effet et par un avertissement le 6 février 2018, à titre subsidiaire, qu'il incombe à l'appelant de justifier d'un préjudice, qu'aucun justificatif de sa situation depuis le licenciement n'est versé aux débats, que seule une indemnité minimale équivalente à trois mois de salaire pourrait lui être allouée, que tout en jugeant le licenciement bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, le conseil de prud'hommes a néanmoins ordonné le remboursement par la société des allocations de chômage.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu, en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile, que la demande du chef de harcèlement moral soumise à la cour ne constitue pas une demande nouvelle puisque, devant premiers juges, l'appelant avait sollicité que le conseil de prud'hommes constate qu'il avait été victime d'un tel harcèlement ayant pour effet d'annuler le licenciement ; qu'il ne se borne devant la cour qu'à solliciter une somme spécifique en réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi ;

Attendu que l'appelant sollicite l'annulation de la convention de forfait sans toutefois l'accompagner d'une demande de rappel de salaire par suite de la nullité alléguée ; qu'il résulte du contrat de travail que son salaire mensuel était destiné à rémunérer forfaitairement des dépassements d'horaire dans la limite de 171,37 heures correspondant à 163,21 heures de travail effectif ; qu'il ne démontre nullement que cette rémunération n'était pas au moins égale à celle applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant à son forfait augmenté des majorations pour heures supplémentaires ;

Attendu en application des articles L1134-1 et L1154-1 du code du travail qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ou d'un harcèlement, la partie défenderesse, au vu de ces éléments, devant prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou discrimination ;

Attendu sur la discrimination que l'appelant se borne à prétendre dans ses écritures qu'il en a été victime sans présenter le moindre fait à l'appui de telles affirmations ;

Attendu sur le harcèlement moral que l'appelant parsème ses écritures d'affirmations selon lesquelles il aurait subi de nombreuses brimades et humiliations, été victime «d'un véritable travail d'usure psychologique», «d'une déstabilisation visant à le pousser clairement vers la sortie », dû affronter de «multiples entretiens de travail interminables, généralement le mardi après 17 heures, afin de bien l'empêcher de rentrer chez lui à une heure raisonnable », dû supporter un supérieur hiérarchique qui «lui menait la vie très dure et avait finalement décidé de le mettre dehors» essuyé des refus répétés de demandes de congés ou de prise de récupération faisant suite à de nombreuses heures supplémentaires, été accusé de rester «les bras ballants» par son supérieur hiérarchique ; que toutefois ces accusations ne sont confortées par aucune pièce susceptible de les convertir en éléments de fait ; que seul le courrier du 28 décembre 2017 adressé à [T] [S], responsable alimentaire par l'appelant, fait apparaître l'expression que ce dernier juge dénigrante à son égard ; qu'il résulte toutefois de ce courrier que [T] [S] lui avait reproché de n'avoir apporté aucune explication au constat qu'il avait dressé le 28 décembre 2017 et qui, semble t'il, l'avait conduit à déposer sur le bureau de l'appelant des produits impropres à la consommation découverts dans les rayons ; que l'expression employée par [T] [S], qui n'est que l'illustration de l'attitude de l'appelant sans réaction face aux constatations de son supérieur, ne saurait avoir un caractère humiliant ; qu'il s'ensuit que l'appelant ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ;

Attendu qu'il ne démontre pas davantage l'existence de faits susceptible de caractériser une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur ;

Attendu en application de l'article L1333-2 du code du travail. sur l'annulation de l'avertissement. qu'il résulte des conclusions de l'appelant que celui-ci conteste la réalité des faits à l'appui de la sanction ; que de ce fait, il appartient à la société de les démontrer et non au salarié de verser aux débats des éléments permettant de remettre en cause la sanction. comme le soutient l'intimée dans ses écritures ; que le défaut de production d'éléments de preuve par la société est d'autant plus étonnant que pour justifier l'avertissement, celle-ci avait fait état dans la lettre de notification de différents constats effectués par le service qualité et même d'un audit complet du rayon entamé le 4 janvier 2018, qui ont dû nécessairement donner lieu à des écrits pouvant être aisément communiqués ; qu'en l'absence de démonstration de la réalité des faits reprochés à l'appelant, l'avertissement doit donc être annulé ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont des manquements de l'appelant dans la gestion commerciale et des problèmes managériaux susceptibles de constituer de graves dysfonctionnements dans la gestion de son rayon ;

 

Attendu, sur le premier grief, qu'il résulte de l'attestation de [T] [S] que celui-ci, en se livrant dans le cadre de ses fonctions de responsable de secteur à une inspection journalière du magasin avant son ouverture, a constaté, le 4 avril 2018, la présence d'oignons ayant germé et d'autres produits dans un état similaire dans le rayon relevant de l'appelant ; qu'il ajoute que le 7 mai 2018 il a constaté, outre la saleté du rayon, que des étagères étaient restées vides durant tout l'après-midi alors que les marchandises qui devaient y être présentées se trouvaient en réserve ; qu'il affirme que le 9 mai 2018 il a dû se livrer à un constat identique, alors que ce jour-là étaient prévues des réductions pour l'achat de fruits et légumes au moyen de tickets Leclerc ; que ce dernier dysfonctionnement est confirmé par [Z] [C], responsable Drive, qui atteste que le 9 mai 2018 une partie du rayon était totalement vide et, notamment, dépourvue de tomates en tout genre, de concombres et de raisin et que, du fait de cette situation, il avait dû reconstituer le rayon, libérant ainsi la responsable de caisse qui s'était chargée spontanément de cette tache ; que la société produit également des photographies des rayons prises ce jour-là faisant apparaître leur absence d'approvisionnement ; que l'appelant ne se livre à aucun commentaire sur les faits constatés le 4 avril 2018 ; que s'agissant de ceux du 7 mai 2018, il se borne à soutenir que [T] [S] avait menti ; que toutefois le fait que ce dernier ait dû en personne refournir en produits les étagères le lendemain matin 8 mai 2018, jour d'absence de l'appelant, démontre au contraire que ses affirmations sont exactes et que, bien que s'absentant le lendemain, l'appelant n'avait pas jugé utile de s'assurer que les étagères n'étaient pas restées vides, conformément à ses responsabilités ; qu'il résulte en outre des écritures de ce dernier que le 9 mai 2018, il était à son poste de travail depuis l'ouverture du magasin à 4 h 45 jusqu'à 12 h 30 ; que selon ses déclarations, [Z] [C] avait effectué son constat vers 14 heures ; qu'il n'apparaît pas que le magasin ait connu entre 12h 30 et 14 heures une ruée soudaine de clients amateurs de fruits et légumes, empressés de s'approprier ces produits au point d'en vider en peu de temps les étagères ; que par ailleurs l'intimée ne produit aucun élément de preuve de nature à caractériser les autres dysfonctionnements allégués ;

Attendu sur le second grief que celui-ci concerne exclusivement des faits survenus le 9 mai 2018, à savoir la réaction d'[U] [R], désemparée face à l'absence de contacts avec l'appelant et d'instructions de celui-ci et à la gestion désastreuse du rayon par ce dernier ; qu'il résulte de l'attestation du témoin, qu'elle reprochait à son supérieur hiérarchique un manque total d'encadrement, et en particulier une absence de directives, alors qu'elle n'était affectée que depuis trois semaines au secteur des fruits et légumes ; qu'elle ajoute que du fait de ce comportement, elle ne venait travailler qu'avec réticence, angoissée à l'idée de commettre des erreurs ; que toutefois elle ne rapporte pas que le 9 mai 2018 les carences démontrées de l'appelant l'avaient plongé dans l'état dépressif relaté dans la lettre de licenciement ;

Attendu en conséquence que si les faits fautifs commis par l'appelant dans la gestion du rayon et du personnel dont il avait la responsabilité sont caractérisés, ils ne présentaient pas un degré de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement allouées par les premiers juges, la société intimée n'en discutant que le principe ;

Attendu qu'il convient de confirmer l'obligation à la charge de la société intimée de délivrer un certificat de travail et une attestation Ppôle emploi conformes, sans toutefois assortir cette obligation d'une astreinte ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage n'est ordonné au profit du Pôle Emploi que lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE RECEVABLE la demande de [P] [F] du chef de harcèlement moral,

REFORME le jugement déféré,

ANNULE l'avertissement en date du 6 février 2018,

DIT n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte la délivrance par la société NICOLADIS d'un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes,

DIT n'y avoir lieu à remboursement par la société NICOLADIS au profit du Pôle Emploi des allocations de chômage versées à [P] [F],

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

FAIT MASSE des dépens d'appel,

 

DIT qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie.

LE GREFFIER

S. LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01034
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;21.01034 ?
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