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31/03/2023 | FRANCE | N°20/02281

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 31 mars 2023, 20/02281


ARRÊT DU

31 Mars 2023







N° 496/23



N° RG 20/02281 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TJMB



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

06 Octobre 2020

(RG 18/00349 -section 3)











































GROSSE :



aux avocats



le 31 Mars 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.R.L. AUDIT ET GESTION

[Adresse ...

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 496/23

N° RG 20/02281 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TJMB

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

06 Octobre 2020

(RG 18/00349 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [M] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. AUDIT ET GESTION

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Pierre-Jean COQUELET, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 04 Janvier 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 17 Février 2023 au 31 Mars 2023 pour ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 décembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SARL AUDIT ET GESTION exerce une activité d'expertise comptable, emploie habituellement moins de dix salariés, et applique la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes. Elle a engagé M. [M] [L], né en 1984, en qualité de collaborateur comptable suivant contrat à durée indéterminée à temps complet de 169 heures du 09/10/2017, pour un salaire mensuel de 2.100 €.

L'employeur a infligé au salarié un avertissement «pour fautes graves» par lettre du 29/01/2018 pour un comportement inapproprié ou inacceptable avec des tiers ou ses collègues, que le salarié a contesté par lettre du 27/02/2018.

Par lettre du 27/02/2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 09/03/2018, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 26/03/2018, l'employeur a notifié à M. [L] son licenciement pour faute grave aux motifs qui suivent :

"['] Attitude discourtoise ou impolie à la faveur des repas d'affaire organisés pour ou avec les clients du cabinet :

Le 6 février 2018, à la faveur d'un repas avec notre cliente (magasin [C]) au Pasino de [Localité 5], vous avez commandé des plats que vous n'avez pas terminés, ce qui a conduit M. [D] à vous faire remarquer qu'il s'agissait là d'un manque de savoir-vivre élémentaire et qu'il convenait, par respect pour le client qui invitait le cabinet, de consommer ce que l'on avait commandé.

Le 9 février 2018, vous étiez programmé chez le client NEC à [Localité 6] avec M. [A].

Craignant votre comportement habituel défaillant en matière de savoir-vivre, notre collaborateur, M. [A], a sollicité un changement de collaborateur, craignant là encore une réaction vive du client qui nous invite régulièrement au restaurant dans la foulée de nos travaux, ce qui a conduit à votre remplacement au pied levé par M. [F], ce qui a provoqué une désorganisation du planning en lien avec votre comportement.

Le 20 février 2018, vous avez accompagné M. [A] chez le client APO.

Comme de coutume, le client a invité M. [A] et vous-même au [Adresse 4].

M. [A] nous a confirmé, qu'encore une fois, votre comportement a mis tout le monde mal à l'aise.

En effet, au moment de choisir votre menu, vous avez énoncé ce que vous ne vouliez pas sans jamais préciser ce qui pourrait vous convenir.

Ce comportement discourtois a eu le don d'agacer notre cliente et la restauratrice a dû faire trois allers et retours en cuisine pour voir avec son chef ce qu'il était possible de faire pour tenter de vous satisfaire.

Finalement, elle vous servira une magnifique salade composée d'ingrédients que vous avez bien voulu accepter mais là encore, vous ne finirez pas ladite assiette mais prendrez l'initiative de commander un dessert alors que les autres convives n'en prenaient pas !

Ces faits témoignent d'un manque total de respect et de courtoisie élémentaire dans le cadre des rapports avec notre clientèle qui nous invite à la faveur de nos visites sur place au restaurant, d'une part, et d'autre part pour la restauratrice qui s'est trouvée confrontée à vos exigences répétées et renouvelées, traduisant une marque d'impolitesse avérée, ce qui traduit aussi un manque de considération pour votre collègue M. [A],

embarrassé d'être accompagné d'un tel collaborateur aussi peu respectueux des règles élémentaires de savoir-vivre et, enfin et surtout, il s'agit là d'une atteinte à l'image de marque de notre cabinet forgée et entretenue depuis 24 ans grâce à une équipe de collaborateurs professionnels reconnus et éduqués.

-Sur le plan technique :

Le 22 février 2018, chez notre client [C] à [Localité 7], nous avons pu constater le non-respect des consignes de Mme [J] [U], la responsable de ce dossier, sur la rubrique "IMMOBILISATIONS", devant la cliente, [K] [X].

[J] [U] devra vous répéter deux fois à la faveur de l'entretien "Tu me laisses parler".

Mme [U] a constaté que ce n'était pas la première fois que vous ne supportiez pas les remarques d'une collègue de sexe féminin.

La cliente a été surprise de votre comportement et en a reparlé d'ailleurs au déjeuner à Mme [U].

D'une part, vous utilisez votre téléphone portable en continu, que ce soit au bureau ou en clientèle.

Vous le consultez en permanence et faites des réponses instantanées aux messages que vous recevez, qui n'ont en aucun cas, à notre connaissance, de caractère professionnel.

Là encore, il s'agit d'un manque de professionnalisme vis-à-vis du client qui nous reçoit en ses locaux.

De même, un collaborateur n'a pas à gérer sa problématique portable personnelle pendant ses heures de travail.

M. [A] a organisé plusieurs réunions de travail avec vous pour vous expliquer à plusieurs reprises nos méthodes internes que vous avez toujours rechigné à appliquer strictement.

Mme [J] [U] vous a demandé plusieurs fois de classer les pièces comptables dans des classeurs et non pas dans des fastners.

Pourtant, dans le dossier LA FRITE RIT, vous avez une nouvelle fois éludé les consignes de Mme [U] et avez classé les pièces dans des fastners, obligeant Mme [U] à recommencer une nouvelle fois le classement.

Enfin, M. [D] vous a reproché de ne pas réaliser vos horaires les semaines 4, 5, 7 et 8, ce qui traduit un manque total d'investissement et de solidarité envers l'équipe qui ne peut qu'assister à votre comportement dilettante.

M. [A] a ainsi déploré votre comportement dans ces termes : "Nous on rame et lui, il joue les touristes, on n'est pas dans le même bateau'".

-les faits du 26 février 2018 :

M. [D], signataire de la présente, s'est trouvé contraint de vous rappeler à vos obligations en termes de comportement lors d'un entretien organisé le 26 février 2018 vers 17 heures.

Au moment où M. [D] a évoqué votre comportement discourtois, régulier et persistant au restaurant, d'une part, et qu'il vous a fait remarquer que vous n'accomplissiez pas votre horaire contractuel, vous avez alors insulté M. [D] de menteur !

Confronté à ce nouveau débordement, M. [D] vous a alors demandé de partir et de quitter son bureau.

A ce moment-là vous vous êtes levé brusquement et avez menacé physiquement M. [D], ce qui a justifié l'intervention de Mme [P], collaboratrice du cabinet, qui assistait à cet entretien !

C'est Mme [P] qui vous a accompagné hors du bureau de M. [D] et vous a demandé de bien vouloir remettre les clés du cabinet.

Non content de cette attitude, vous êtes revenu menacer verbalement M. [D] avant de quitter le cabinet !

L'ensemble de ces griefs, ajoutés à ceux reproduits dans la lettre d'avertissement du 29 janvier 2018, interdisent la poursuite de votre contrat de travail, ne fût-ce que pendant la période du préavis. [...]».

La lettre de licenciement a été contestée par le salarié suivant réponse du 29/03/2018.

Ce dernier a saisi suivant requête reçue le 15/06/2018 le conseil de prud'hommes de Valenciennes de demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 06/10/2020, le conseil de prud'hommes a :

-dire que la procédure de licenciement de M. [M] [L] est irrégulière,

-dit que le licenciement de M. [M] [L] s'analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-condamné la SARL AUDIT ET GESTION à verser à M. [M] [L] les sommes suivantes :

-2.100 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 210 € de congés payés y afférents,

-2.013,14 € au titre de rappel de salaire couvrant la période de mise à pied conservatoire et 201,31 € de congés payés y afférents,

-1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [M] [L] du surplus de ses demandes,

-débouté la SARL AUDIT ET GESTION de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la SARL AUDIT ET GESTION aux dépens.

Par déclaration reçue le 19/11/2020, M. [M] [L] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions d'appelant reçues le 01/03/2021, M. [M] [L] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrégulière la procédure de licenciement et a condamné la SARL AUDIT ET GESTION au paiement des sommes de 2100 € d'indemnité compensatrice de préavis, 210 € de congés payés y afférents, 2.013,14 € de rappel de salaire couvrant la période de mise à pied conservatoire, 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de :

-censurer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le licenciement s'analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts y afférents, de sa demande au titre du préjudice moral et financier, et du surplus de ses demandes, et de :

-dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière,

-dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamner la SARL AUDIT ET GESTION à lui payer les sommes suivantes :

-2.100 € au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

-18.900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4.500 euros, au titre du préjudice moral et financier,

-débouter la SARL AUDIT ET GESTION de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner la SARL AUDIT ET GESTION à la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et aux entiers dépens de l'instance.

La SARL AUDIT ET GESTION selon ses conclusions reçues le 27/04/2021 demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de VALENCIENNES en ce qu'il a dit le licenciement de fondé sur une cause réelle et sérieuse, et de :

-dire que le licenciement de Monsieur [L] est fondé sur une faute grave,

En conséquence,

-débouter Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

-infirmer le jugement déféré en qu'il l'a condamnée à verser à M. [L] la somme de 2.100 € outre les congés payés y afférents au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

-débouter M. [L] de sa demande indemnitaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis compte tenu de son licenciement pour faute grave,

-infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [L] la somme de 2.013,14 € outre les congés payés y afférents à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

-dire justifiée la mise à pied conservatoire de M. [L],

-débouter M. [L] de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

-infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [L] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et financier, de sa demande de dommages et intérêts au titre non-respect de la procédure de licenciement,

-Subsidiairement,

-revoir à de plus justes proportions la demande indemnitaire formée par M. [L] au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

-revoir à de plus justes proportions la demande indemnitaire formulée par M. [L] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

-débouter M. [L] de ses demandes plus amples,

-le condamner au paiement d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 14/12/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

-sur le licenciement verbal

L'appelant fait valoir en premier lieu au soutien de sa contestation un licenciement verbal, puis l'absence de faute grave. Il expose avoir été convoqué dans le bureau de M. [D], qui a fait preuve d'un comportement méprisant et agressif, lui a demandé de rendre ses clés puis de quitter les lieux, qu'il n'a pu reprendre son travail que le surlendemain, qu'il était déboussolé, s'est rapproché du conseil de prud'hommes, puis est revenu au travail le 28/02/2018 pour constater que l'accès à l'entreprise était interdit.

L'intimée rappelle que le salarié a été mis à pied à titre conservatoire le 26/02/2018, mesure confirmée par lettre du 27/02/2018 et qu'aucune décision de rupture du contrat de travail n'a été prise le 26/02/2018, en dépit d'une discussion houleuse avec le salarié qui ne démontre pas le licenciement verbal.

En vertu de l'article L1232-2 alinéa 1 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

Selon l'article L1332-3 du code du travail, lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée.

En l'espèce, M. [L] a été mis à pied à titre conservatoire par lettre du 27/02/2018, compte-tenu d'une «attitude inqualifiable» le 26/02/2018. L'intimée reconnaît que le salarié a dû remettre ses clés le jour même.

Le salarié verse un certificat médical du 26/02/2018 du centre hospitalier de [Localité 7] rapportant le contexte de l'examen, et les propos du salarié, notamment «ce jour, insulte ++ avec menace de violence physique, expulsion du cabinet. Rentre chez lui, appel l'ordre des experts comptables pour recours. Appel familles. Vient aux urgences en recherche d'écoute neutre, se sent perdu». En outre, M. [L] verse copie d'une lettre du 28/02/2018, dont l'accusé de réception n'est pas produit, retraçant les propos tenus par l'employeur («vous allez vous foutre de ma gueule encore longtemps») et son emportement, sa collaboratrice Mme [P] lui ayant demandé de lui rendre les clés, de prendre ses affaires et de quitter l'entreprise. Il précise s'être rendu sur son lieu de travail le 28/02/2018 au matin, l'accès au cabinet lui étant refusé. Ce fait est corroboré par l'attestation de M. [O], régulière en la forme, indiquant, après avoir sonné à l'interphone qu'on «lui a demandé ce qu'il faisait là, il lui a ensuite demandé quelles étaient les directives à son encontre et elle a répondu qu'elle n'en savait rien. Il a ensuite demandé qu'il pouvait entrer et elle a répondu «bah non». Il n'a donc pas été mentionné l'effet d'une mise à pied conservatoire.

Si l'employeur indique que la mise à pied conservatoire a été confirmée par la lettre du 27/02/2018 force est de constater que la lettre ne fait pas état d'une mise à pied à titre conservatoire notifiée oralement le 26/02/2018. De plus, l'avis d'envoi et de réception de cette lettre ne sont pas produits, l'employeur indiquant qu'elle a été notifiée le 28/02/2018, ce qui explique que le salarié n'en a pas eu connaissance lorsqu'il s'est présenté sur son lieu de travail.

Enfin, l'employeur produit l'attestation de Mme [P], examinée avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, indiquant que M. [D] a indiqué à M. [L] qu'il le mettait à pied. Cette attestation n'est corroborée par aucun autre élément. Compte-tenu de l'attitude diamétralement opposée des parties sur les faits du 26/02/2018, M. [L] et M. [D] contestant l'un et l'autre l'attitude qui leur prêtée, cette attestation apparaît insuffisante à justifier que le salarié avait connaissance de la mise à pied à titre conservatoire le 26/02/2018.

Il s'ensuit comme l'a exactement retenu le premier juge, que M. [L] a fait l'objet d'un licenciement verbal compte-tenu de la remise des clés et du fait qu'il ne puisse plus se rendre au travail avant la notification de la mise à pied conservatoire, ces faits caractérisant la volonté de rompre le contrat de travail.

Cependant, les conséquences de ce licenciement ne s'analysent pas en une irrégularité de procédure comme l'a retenu le premier juge, mais bien comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en l'absence d'énonciation des motifs de licenciement, lors de l'entretien du 26/02/2018.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse, en dépit de la procédure ultérieure engagée par l'employeur.

Sur les conséquences indemnitaires

Le licenciement n'étant pas causé, M. [L] est bien fondé en sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire soit 2.013.14 €, et 201,31 € de congés payés, le jugement étant confirmé sur ce point.

La demande en paiement de l'indemnité compensatrice de un mois est bien fondée et sera accueillie pour la somme de 2.100 € outre 210 € de congés payés afférents.

S'agissant de la somme réclamée pour irrégularité de procédure, il ressort de l'article L1235-2 dernier alinéa que, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

En l'espèce, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la demande d'indemnité pour irrégularité de procédure est rejetée. Le jugement est confirmé.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'appelant demande à la cour d'écarter le barème de l'article L1235-3 du code du travail.

Sur ce, en ce qui concerne la réparation du préjudice subi par le salarié, les nouvelles dispositions de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.',

S'agissant de la compatibilité de ce texte avec l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la partie II de ce texte et de l'article 24 qui vise, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, il convient de dire que les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En revanche, l'article 10 de la Convention n° 158 sur le licenciement de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) est d'application directe en droit interne.

La Convention n° 158 de l'OIT sur le licenciement stipule dans son article 10 que, si les tribunaux arrivent à la conclusion qu'un licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Le juge judiciaire exerce un contrôle de conventionnalité de nature à permettre de s'assurer que les lois françaises sont bien conformes aux conventions et traités internationaux signés par la France et au droit de l'Union Européenne, qui ont une valeur supérieure à la loi. Ces textes internationaux comprennent notamment la Convention n° 158 de l'OIT dont le texte a été déclaré d'application directe.

Le principe d'égalité des citoyens devant la loi, qui est garanti par l'article 6 de de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ne s'oppose pas au principe d'individualisation des décisions de justice qui ressort de l'office du juge et de la fonction correctrice de la jurisprudence qui se détermine au cas par cas.

Il est des cas restant exceptionnels dans lesquels l'indemnisation légalement prévue apparaît insuffisante et inadéquate.

Cependant encore faut-il que le salarié apporte des éléments de nature à permettre au juge d'une part d'apprécier l'écart entre le préjudice subi et le préjudice indemnisable, et d'autre part de déterminer si des circonstances particulières expliquent cet écart et justifient de prendre en compte la situation personnelle du salarié pour éviter une atteinte disproportionnée à la protection contre le licenciement injustifié, ce qui n'est pas le cas.

En l'espèce, M. [L] indique avoir perdu brutalement son emploi, en avoir trouvé un autre le 31/03/2018 mais pour une qualification moindre alors qu'il était investi dans ses fonctions. Il n'est toutefois pas justifié de cette situation. En conséquence, et en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, la société AUDIT et GESTION sera condamnée au versement d'une indemnité de 2.100 €.

Enfin, il n'est pas justifié d'un préjudice moral et matériel autre que celui résultant de la rupture du contrat de travail. La demande est donc rejetée et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes

Succombant, la SARL AUDIT Et GESTION supporte les dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [L] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit en ce qu'il a dit que le licenciement s'analyse en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL AUDIT ET GESTION à payer à M. [M] [L] les sommes qui suivent :

-2.100 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 210 € de congés payés afférents,

-2.100 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL AUDIT ET GESTION à payer à M. [M] [L] une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL AUDIT ET GESTION aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/02281
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;20.02281 ?
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