ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 474/23
N° RG 20/00854 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3U5
FB/AL
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne sur mer
en date du
26 Décembre 2019
(RG 19/00122 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [J] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me André HADOUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/004158 du 10/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
Société SARL PP & CO en liquidation judiciaire
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'AMIENS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
S.E.L.A.R.L. [M] MANDATAIRES & ASSOCIES prise en la personne de Maître [J] [M], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PP&CO
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Sébastien BOULANGER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS : à l'audience publique du 03 Mai 2022
Tenue par Frédéric BURNIER
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 Septembre 2022 au 31 Mars 2023 pour plus ample délibéré
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, Conseiller et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 Avril 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [J] [C] a été engagé par la société PP & CO pour une durée indéterminée, à compter du 26 avril 2017, dans le cadre d'un contrat initiative emploi, en qualité d'employé polyvalent.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Par lettre du 24 novembre 2017, Monsieur [C] a été convoqué pour le 5 décembre suivant, à un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre du 8 décembre 2017, la société PP & CO a notifié à Monsieur [J] [C] son licenciement pour faute grave, caractérisée par un abandon de poste depuis le 29 avril 2017.
Le 13 janvier 2018, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer.
Le 5 avril 2018, la société PP & CO a été placée en redressement judiciaire. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 26 novembre 2019.
Par jugement du 26 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer a :
-condamné la société PP & CO à payer à Monsieur [C] la somme de 211,50 euros au titre des salaires du 26 au 30 avril 2017, outre la somme de 21,15 euros au titre congés payés afférents;
- ordonné à la société PP & CO de remettre à Monsieur [C] les documents sociaux relatifs à la période de travail du 26 au 30 avril 2017 ;
- débouté Monsieur [C] du surplus de ses demandes;
- laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Monsieur [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 janvier 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2022, Monsieur [J] [C] demande à la cour d'infirmer le jugement, excepté en ce qu'il a condamné la société PP & CO à lui payer les sommes de 211,50 euros au titre des salaires du 26 au 30 avril 2017 et de 21,15 euros au titre congés payés afférents, et, statuant de nouveau, de:
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société PP & CO aux sommes suivantes :
- 7614,00 euros à titre de rappel de salaire du 1er mai 2017 au 31 octobre 2017;
- 761,40 euros au titre des congés payés y afférents;
- 996,00 euros à titre de rappel de salaire du 1er au 23 novembre 2017;
- 96,60 euros au titre des congés payés y afférents;
- 634,50 eurosà titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire;
- 63,45 euros au titre des congés payés y afférents;
- 211,50 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;
- 1 269,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 126,90 euros au titre des congés payés y afférents;
- 2 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour application déloyale du contrat de travail;
- 7 614,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L.8221-5 2° du code du travail.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 août 2020, Maître [J] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PP & CO, demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [C] au paiement d'une indemnité de 1 500 euros pour frais de procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 mars 2022, l'AGS - CGEA d'Amiens demande la confirmation le jugement, excepté en ce qu'il a condamné la société PP & CO au paiement de diverses sommes, de débouter Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes et, en tout état de cause, qu'il soit fait application des limites légales de sa garantie.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail
Il ressort des éléments versés au dossier que Monsieur [C] a été engagé par la société PP & CO, à compter du 26 avril 2017, en qualité d'employé polyvalent. Monsieur [C] était alors le compagnon de la gérante de la société, Madame [N].
Les parties conviennent que dès le 29 avril 2017, suite à une altercation avec le cuisinier, Monsieur [C] a cessé de travailler dans les locaux de la société PP & CO.
Par courriers des 10 octobre et 13 novembre 2017, la société PP & CO a convoqué Monsieur [C] afin de lui proproser une rupture conventionnelle.
Par lettre du 24 novembre 2017, Monsieur [C] a été convoqué, pour le 5 décembre suivant, à un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre du 8 décembre 2017, la société PP & CO a notifié à Monsieur [C] son licenciement pour faute grave, caractérisée par un abandon de poste depuis le 29 avril 2017.
Il n'est pas contesté que Monsieur [C] a travaillé du 26 au 29 avril.
Le mandataire judiciaire n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un paiement effectif du salaire correspondant à ces jours travaillés.
Le quantum des sommes allouées par les premiers juges à titre d'un rappel de salaire pour cette période n'étant pas contesté par les parties, le jugement sera confirmé de ce chef.
A compter du 30 avril 2019, les parties conviennent que Monsieur [C] n'a plus travaillé au sein même de l'étalissement tenu par la société PP & CO. Deux attestations de riverains, versées au dossier par l'AGS, confirment ce fait.
Monsieur [C] n'apporte aucun élément laissant supposer qu'il a été empêché de travailler par l'employeur.
Il ne démontre pas s'être tenu à la disposition de l'employeur.
Il n'apporte pas la preuve d'avoir exécuté des tâches pour le compte de cet employeur en dehors de l'établissement. Le bordereau émanant de la société Métro ne démontre ni que les achats visés ont été réalisés par Monsieur [C] ni qu'ils l'ont été pour le compte de la société PP & CO. De même, la restitution par l'intéressé du véhicule de société le 6 novembre 2017 ne suffit pas, seule, à établir que celui-ci a continué à exercer jusqu'alors une activité effective.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [C] qui n'a plus assuré sa prestation de travail et ne s'est plus tenu à la disposition de son employeur à compter du 30 avril 2019, ne peut prétendre à aucun salaire du 1er mai 2017 au 23 novembre 2017.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en rappel de salaire.
S'il est établi que Monsieur [C] a quitté son poste de travail suite à une altercation avec le cuisinier et qu'il ne s'est pas présenté par la suite dans les locaux de la société PP & CO pour y exécuter sa prestation de travail, aucun élément ne permet de conclure qu'il en aurait été empêché par l'employeur. Aucun manquement de l'employeur s'opposant à l'exécution du contrat de travail n'est caractérisé.
Monsieur [C] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Monsieur [C], qui ne démontre pas avoir fourni à la société PP & CO des prestations de travail qui n'auraient pas donné lieu à délivrance de fiches de paie, sera débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur la rupture de la relation de travail
Le mandataire liquidateur ne peut valablement arguer que la rupture du contrat de travail est imputable au salarié qui aurait donné sa démission verbale à l'occasion de l'altercation du 29 avril 2017.
Il ne verse au dossier aucun élément susceptible de démontrer que Monsieur [C] aurait alors manifesté de manière claire et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail durant la période d'essai.
La société PP & CO n'a alors pris aucune mesure pour entériner cette prétendue rupture à l'initiative du salarié. Elle n'a notamment pas délivré les documents de fin de contrat.
En proposant à deux reprises une rupture conventionnelle puis en procédant au licenciement de l'intéressé, l'employeur a lui-même confirmé que la relation de travail n'avait pas été préalablement rompue par une démission du salarié.
La lettre de licenciement du 8 décembre 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, ne vise que l'abandon de poste du 29 avril 2017.
Or, il est constant que l'abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois prévu par l'article L.1332-4 du code du travail.
Il s'ensuit que la faute invoquée par l'employeur résultant d'un abandon de poste le 29 avril 2017 était prescrite lors de l'engagement de la procédure disciplinaire le 24 novembre 2017.
Par infirmation du jugement déféré, la cour retient que le licenciement de Monsieur [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La détermination de l'ancienneté du salarié au moment du licenciement exclut les périodes d'absence qui ne sont pas assimilées par la loi à du temps de travail effectif. Il s'ensuit que Monsieur [C] comptait une ancienneté, non pas de 7 mois complets, mais de 4 journées.
Il est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à 8 jours de salaire sur le fondement de l'article 30 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants, soit la somme de 338,69 euros, ainsi que l'indemnité de congés payés afférente, soit 33,87 euros.
L'article L.1234-9 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 applicable au litige, réserve le versement d'une indemnité de licenciement aux salariés qui comptent au moins 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur.
Monsieur [C], qui ne disposait pas de l'ancienneté requise, ne peut donc prétendre au bénéficie de l'indemnité légale de licenciement.
Il ne peut pas prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement qui exige une ancienneté de deux années.
Il sera débouté de sa demande à ce titre.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 applicable au litige, Monsieur [C] est en droit de percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut dépasser un mois de salaire.
Au moment de la rupture, Monsieur [O] était âgé de 50 ans. Il ne justifie pas de sa situation professionnelle suite à cette rupture.
Au vu de cette situation, du montant de la rémunération et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il convient d'évaluer son préjudice à 700 euros.
Monsieur [C] a été mis à pied à titre conservatoire du 24 novembre 2017 à la date de son licenciement.
Le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [C] peut prétendre à la rémunération correspondant à la période de mise à pied conservatoire.
Il lui sera alloué à ce titre la somme de 634,50 euros, outre la somme de 63,45 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.
Sur les autres demandes
Compte tenu de la solution apportée au litige, l'intimé sera débouté de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel.
La cour constate que Monsieur [C] ne présente pas de demande à ce titre.
L'AGS - CGEA d'Amiens sera tenue de garantir, entre les mains du liquidateur, le paiement des sommes allouées à Monsieur [C], dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, sous réserve de l'absence de fonds disponibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a:
- condamné la SARL PP & CO à payer à Monsieur [J] [C] la somme de 211,50 euros à titre de rappel de salaire du 26 au 30 avril 2017, outre la somme de 21,15 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
sauf à préciser que ces sommes sont désormais fixées au passif de la procédure collective de la SARL PP & CO,
- ordonné à la société PP & CO de remettre à Monsieur [J] [C] les documents sociaux relatifs à la période de travail du 26 au 30 avril 2017,
sauf à préciser que Maître [J] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PP & CO, est désormais tenu de cette obligation,
- débouté Monsieur [J] [C] de ses demandes de rappel de salaire pour la période du 1er mai 2017 au 23 novembre 2017 (et de sa demande d'indemnité de congés payés afférente), de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'indemnité légale de licenciement,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Dit le licenciement de Monsieur [J] [C] sans cause réelle et sérieuse,
Fixe la créance de Monsieur [J] [C] au passif de la procédure collective de la SARL PP & CO aux sommes suivantes :
- 338,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 33,87 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
- 634,50 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,
- 63,45 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
- 700,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Monsieur [J] [C] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Déboute Maître [J] [M], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société PP & CO, de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel,
Condamne Maître [J] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société PP & CO, aux dépens de première instance et d'appel,
Déclare l'arrêt opposable à l'AGS - CGEA d'Amiens qui sera tenue de garantir, entre les mains du liquidateur, le paiement des sommes allouées à Monsieur [J] [C], dans les limites légales et réglementaires de sa garantie résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, à l'exclusion des dépens, et sous réserve de l'absence de fonds disponibles.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
P/LE PRESIDENT EMPECHE
Le Conseiller
Frédéric BURNIER