ARRÊT DU
31 Mars 2023
N° 533/23
N° RG 20/00811 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S3IE
FB/VM
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE
en date du
13 Décembre 2019
(RG F17/01410 -section 4)
GROSSE :
aux avocats
le 31 Mars 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [M] [W]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Catherine CAMUS DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substituée par Me Cécile HULEUX avocat au barreau de DOUAI, et assisté de Me Patricia CHEVALLIER DOUAOUD avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
SAS SANECO
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Thierry DOUTRIAUX, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 31 Mai 2022
Tenue par Frédéric BURNIER
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 Septembre 2022 au 31 Mars 2023 pour plus ample délibéré
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Frédéric BURNIER, Conseiller, et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 31 Mai 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [M] [W] a été embauché par la société Saneco suivant contrat à durée indéterminée du 13 mai 2003 en qualité de technico-commercial.
Par avenant du 1er juillet 2004, Monsieur [W] a été promu responsable des achats de fibres de lin en France et en Belgique, avec le statut cadre soumis à une convention de forfait.
Par lettre du 17 février 2016, Monsieur [W] s'est vu notifier un avertissement portant sur onze griefs.
Par lettre du 12 novembre 2016, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 22 novembre suivant.
Par lettre du 25 novembre 2016, Monsieur [W] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire de trois jours.
Par lettre du 27 janvier 2017, Monsieur [W] s'est vu notifié une mise à pied à titre conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu le 23 février 2017.
Par lettre du 28 février 2017, la société Saneco a notifié à Monsieur [M] [W] son licenciement pour faute grave, libellée comme suit :
« Vous travaillez au sein de notre entreprise depuis le 14 août 2003 et occupez actuellement les fonctions de Responsable Achats Fibres (France Belgique).
À ce titre, vous avez la qualité de cadre et avez notamment en charge la prévision et la coordination de tous les achats de fibres de lin, en relation avec les autres services de la société.
Le 17 février 2016, nous avons dû vous notifier un avertissement pour différents motifs détaillés dans le courrier. Le premier avertissement aurait dû porter ses fruits, d'autant plus que la nouvelle Direction n'a eu cesse en 2016 de vous coacher et former pour vous aider à mieux vous organiser.
Le 25 novembre 2016, nous avons dû vous notifier une mise à pied disciplinaire pour de nouveaux faits, à savoir :
' Rétention d'informations fautive et fausses informations,
' Rapports d'activité inexistants et/ou inconsistants,
' Manquements professionnels et aux directives de votre hiérarchie.
Postérieurement à cette sanction, vous avez commis et nous avons découverts des faits nouveaux particulièrement graves et préjudiciables pour notre entreprise, à savoir :
1. Fraudes pour obtenir le paiement de frais de « restaurants » indus
Dans la précédente sanction, nous avions relevé d'importantes anomalies, telles que le doublement injustifié de vos frais depuis l'année 2013, ou des remboursements de carburant pour un montant 30 % supérieur au nombre de kilomètres que vous déclarez.
Courant janvier 2017, nous avons découvert que vous aviez déclaré des frais en indiquant, de manière mensongère, des invités professionnels (justifiant donc la dépense).
Présumant votre bonne foi, ces frais ont été payés.
Or, ayant interrogé les personnes que vous mentionnez, celles-ci nous indiquent ne pas avoir pris de repas avec vous dans les établissements concernés aux dates citées.
Cela concerne notamment :
' Un repas le 20 septembre 2016 à la ferme de la Rançonnière, pour lequel vous avez indiqué Mr [F] (Coopérative Lignière Cagny),
' Un repas le 27 septembre 2016 au restaurant Le Commerce, pour lequel vous avez indiqué Mr [N] (Coopérative lignière Cagny),
' Un repas le 28 septembre 2016 au restaurant Côté Cave, pour lequel vous avez indiqué Mr [KW],
' Un repas dans ce même restaurant le 30 juin 2016 au soir dans lequel vous dites avoir invité 3 membres de Vandecandelaere.
' 5 repas en 2016 au restaurant Le Commerce à [Localité 3] pour lequel vous avez indiqué Mr [J] [SU] du teillage [Localité 10] (TSM),
' 10 repas en 2016 au restaurant du Commerce pour lequel vous avez indiqué [H] [SU] de la linière [Localité 10] (LSM),
' 4 repas avec [Y] [P] et [U] [O] de la société SAFILIN au restaurant Michel Béguin à [Localité 7],
' 2 repas avec Mr [Y] [P] et avec Mrs [C] et [B] [S] au restaurant Le Terminus4.
Ainsi, on relève notamment :
' 5 fiches depuis le 1er mai 2016 entre 131€ et 266€ pour un total de 1217€ au Café tabac Lotto PMU de [Localité 7] où vous mentionnez avoir invité les membres de SAFILIN alors que ce bar tabac ne fait pas de restauration,
' au moins 4 fiches imprimées (non détaillées) du restaurant Cuisine et cave à [Localité 6] pour un total de 418.1€ entre février et octobre 2016 qui fait à la fois Brasserie le midi et caviste (vente de vins et spiritueux), où vous mentionnez avoir invité des personnes de chez Vandecandelaere alors que, après investigation, ces tickets ont servi à l'achat d'au moins 13 bouteilles de vins,
' Une fiche du 30/06/2016 au soir où vous mentionnez avoir invité 2 personnes de Vandecandelaere pour 107,90€ alors que ce restaurant ne fait pas restauration le soir,
' Au moins 15 fiches manuscrites depuis le 1er mai 2016 de la Brasserie le Commerce à [Localité 3] pour lesquelles :
o les personnes inscrites sur les tickets de la carte visa ont déclaré n'avoir jamais été invitées par vous dans cette brasserie, alors qu'il y est mentionné des prestations de repas,
o le responsable de l'établissement nous a indiqué que vous insistiez à chaque fois à sortir une fiche incluant votre repas et les jeux de PMU, Lotto et Millionnaire que vous dépensiez à chaque fois, tout en précisant que vous avez cessé depuis 3 mois vos visites dans son établissement,
La découverte de ces fausses déclarations de votre part, fait apparaître des agissements gravement déloyaux dans le but d'obtenir de l'entreprise des sommes indues (dont nous nous réservons d'obtenir le remboursement).
Ces man'uvres frauduleuses étaient occultes, eu égard au caractère itinérant de vos activités.
2. Fraudes sur les frais de carburant
L'analyse détaillée de vos justificatifs, décidée suite à la découverte en février 2017 des fraudes de restaurant, fait ressortir :
' que vous présentez souvent des fiches manuscrites (certaines sont même avec des mentions corrigées, ou surchargées), alors qu'aucun ticket imprimé n'est joint, ce qui est anormal venant d'un établissement dans lequel vous payez avec la carte bleue de l'entreprise,
' c'est le cas des justificatifs de la station Q8 de [Localité 11] (à [Localité 9], à côté du restaurant le Terminus où vous avez vos habitudes) qui a pourtant une caisse émettant des facturettes imprimées, dont plus de 25 fiches correspondent à des montants bien supérieurs à la capacité de votre réservoir (60 litres} depuis le 1er mai 2016,
' il apparaît donc que :
o soit vous avez fait le plein d'un autre véhicule,
o soit vous êtes allé à l'épicerie vous fournir en produits sans aucun rapport avec les frais de carburants, et vous avez demandé une fiche manuscrite, en demandant expressément de ne pas faire mentionner les détails (nombre de litres, prix au litre, TVA).
Vous avez ensuite utilisé ces documents mensongers pour obtenir un remboursement de l'entreprise, profitant de la confiance qui vous était donnée comme à tous les autres membres de cette entreprise de 20 personnes par la Direction qui n'avait mis en place qu'une procédure de contrôle de la concordance des facturettes avec les débits bancaires.
De même, vous avez abusé de la confiance que l'entreprise vous accordait en ne respectant pas la charte du voyageur que vous avez signée le 29 août 2016.
Par ailleurs, nos investigations ont révélé les points suivants :
' comme vous nous avez indiqué dans votre courrier du 2 décembre que cette surconsommation était due à la consommation excessive de votre véhicule, nous avons vérifié et découvert que votre consommation moyenne est de 7,8 litres/l00kms (ordinateur de bord),
' il en ressort que vos consommations de gasoil sont d'au moins de 15% supérieures pour un kilométrage de 86,596 kms depuis la livraison de votre véhicule professionnel en janvier 2016 sur la base d'un prix moyen au litre de 1,15€
' d'ailleurs, le nombre de pleins par mois :
o était de 5 en janvier 2011,
o a augmenté considérablement de février à octobre 2016 progressivement à 17 ou 18 par mois,
o pour revenir ces derniers mois (pour une activité identique) à nouveau à 5 et 6 pleins en moyenne de 60€.
Après investigations, nous avons aussi relevé, entre autres, les anomalies suivantes :
' Un nombre important de notes de gasoil ne correspondent qu'à des petits montants sur fiches avec une mention manuscrite « gasoil » comme par exemple le 3 mai 2016 pour 36,73€, ce qui est incompréhensible dans les régions que vous visitez où il y a des pompes,
' 36 notes de gasoil dépassent la valeur théorique d'un plein de votre véhicule qui a une capacité de 60 litres X 1,15€/litre soit 70€, et dont 22 se situent entre 80€ et 97€.
' De nombreuses notes de gasoil sont d'un petit montant et notamment le vendredi (30€ le 2 septembre) voire le samedi (37€ le 10 septembre),
' Des fiches manuscrites du super U de [Localité 4] ont été fournies par 2 fois alors que ce super U édite des tickets imprimés (un seul a été joint),
' Des dépenses de gasoil le même jour pour 17 litres à 12H18, 23 litres à 17h48 et 19 litres à 20H30 le 25 mai,
' Un plein de gasoil fait le lundi 23 mai à 11h58 à [Localité 11] pour 77 litres (capacité de réservoir 60 litres!) suite à un plein le vendredi 20 mai à 14H47 pour 87,98€ alors que le lundi matin vous étiez au bureau et que vous n'êtes pas censé utiliser votre véhicule le week end + un troisième plein le lundi soir 23 mai à 19H45 au Shell de Marke en Belgique,
' Une fiche de gasoil du Carrefour contact de [Localité 8] le 23 juillet, qui semble confirmer que vous utilisez votre véhicule le week-end, contrairement à vos déclarations annuelles pour les avantages en nature.
3. Dépenses non justifiées et désorganisation délibérée
Nous avons aussi découvert que :
' En décembre 2016, vous avez fait 2 retraits de 20€ et n'ayant joint qu'un ticket justificatif de 16€, vous devez donc à la société 24€ ;
' vous procédiez à des dépenses de friandises, sans aucun lien avec l'activité professionnelle, parfois plusieurs fois par jour et pour des montants allant souvent jusqu'à plusieurs dizaines d'euros comme le 1er mars pour 33,70€ (Shamallow, Haribo, Pringles ... ) et le 29 avril pour 15,30€ ;
' vous aviez obtenu le remboursement de dépenses de 2 repas, le 3 juin 2016, pour 36,70€, sans préciser qui était invité et ce avec 2 tickets imprimés différents dont le second ticket est postérieur à l'heure de la carte de crédit.
De même, non seulement vous passez une partie de votre temps de travail à des activités non professionnelles, mais vous faites en sorte de générer des pertes de temps :
' Vous faites des allers-retours pour aller chercher de l'essence ou des achats personnels (40 kms aller/retour par exemple en ce qui concerne le Terminus et la station Q8 mitoyenne),
' Vous visitez des fournisseurs qui n'ont pas de lin sans les appeler au préalable,
' Vous rallongez vos tournées quotidiennes en ajoutant des visites non prévues (exemple [A] le 5 janvier 2017 alors que vous étiez parti du bureau pour [Localité 5] à 16H30 et où de ce fait vous déclarez être arrivé à 23H30 au lieu de 20H30 initialement prévu),
' Ou encore en janvier, quand vous déclarez être rentré à votre domicile à 23H30, alors que vous deviez dormir en Normandie pour finir votre tournée en visitant le lendemain 3 fournisseurs programmés en réunion fibres : Lin 2000, Calira + Ressault (avec la lumière du jour pour pouvoir voir la qualité des fibres dans les entrepôts),
' Vous envoyez vos rapports de visites toujours le soir à des heures tardives alors que vous étiez soit au bureau la journée, soit rentré chez vous ou à l'hôtel plusieurs heures avant.
4. Insubordinations répétées
Dans la dernière sanction, nous insistions sur le respect des directives.
Or, depuis cette date, vous avez délibérément entrepris de ne pas respecter celles-ci, en violation de vos obligations.
Cela concerne :
' Votre refus persistant de remplir l'agenda partagé, visant à simplement pouvoir inscrire vos activités dans nos actions collectives,
' Votre persistance à transmettre des rapports inexploitables, ne rendant aucunement compte de vos actions, et ne permettant pas de comprendre les besoins du client et les disponibilités ou les prix des fournisseurs,
Dans les procédures qui vous ont été rappelées le 21 décembre 2016, il était clairement stipulé que vous deviez faire « un reporting détaillé quotidien des informations de marché, clients et fournisseurs ».
II n'y a eu aucune amélioration de vos rapports suite à ces directives légitimes.
Ainsi, vous persistez à ne pas suivre votre clientèle habituelle, située à proximité (nord France/Belgique) alors qu'elle est inscrite dans votre contrat de travail et ses annexes au motif qu'elle était « petite et marginale » et non digne d'intérêt de votre part.
Ce alors que vous aviez réalisé avec ces 7 clients les chiffres d'affaires suivants: 1,3 millions € en 2014, 2 M€ en 2015 et 875,000 € en 2016 et pour lesquels un chiffre d'affaires de 1 million d'euros a été budgété en 2017.
C'est de plus une clientèle très exigeante qui n'achète qu'à des sociétés sérieuses comme Saneco et que nous suivons depuis toujours, votre dénigrement à l'égard de ces clients est inexcusable.
Nous avions insisté sur cette responsabilité commerciale qui a toujours été la vôtre le 21 décembre dans le document des procédures de travail: cela n'a eu aucun effet sur votre refus de respecter vos
obligations.
' Absence de tenue régulière du registre de bord du véhicule.
Pour tenter de dissimuler votre insubordination sur ce dernier point, vous avez modifié a postériori le registre de bord de votre véhicule entre le 16 janvier et le 30 janvier 2017, ce qui est inacceptable
5. Déstabilisation de votre supérieur hiérarchique
Depuis la nomination de Mr [T], votre responsable hiérarchique, au poste de Responsable fibres en avril 2016, vous aviez adopté à son égard une attitude négative fréquente et persistante (ex. en mettant nombre de vos mails critiques en copie à plusieurs, voire parfois toute la société), créant une ambiance de malaise dans la société.
Par mail le 21 décembre 2016 (copie envoyée par LR/AR), nous nous étions étonnés que, malgré la mise à pied, vous continuiez votre attitude négative à son encontre (cf les 2 mails envoyés le 16 décembre).
Depuis, vous avez persisté à le critiquer ouvertement, notamment :
° qu'il n'était pas allé en Chine pendant 6 mois : vous n'avez pas à juger de son emploi du temps, cela d'autant plus que les ventes en Chine ont été plus du double en décembre 2016 et janvier 2017 (925 MT) alors qu'elles n'étaient que de 399 tonnes pendant la même période l'année précédente,
° vos échanges de fin janvier concernant lin 2000.
Vous avez donc continué votre attitude négative avec plusieurs mails de même nature envoyés à Mr [L], Président, et/ou Mr [T], dont le dernier en date du 25 janvier montrant ainsi que tous nos appels à la sérénité de nos relations professionnelles n'ont pas été respectés.
Cette persistance révèle le caractère intentionnel de votre comportement, qui nuit gravement aux intérêts de l'entreprise.
6. Fautes concernant les achats
En votre qualité de Responsable Achats Fibres (France Belgique), vous avez la responsabilité d'évaluer la qualité de la marchandise.
Ces dernières semaines, nous avons constaté de votre part de mauvaises vérifications de la qualité des lots.
1) Ainsi, récemment votre dernier achat du 25 janvier chez Vandecandelaere pour la corderie Eurolinen (Votre rapport de visite De DG du 24/01 : Camion prêt ET 2T R 16 type 6140 soit 215 balles pour Eurolinen au prix de 0.36 euros) qui a été refusé par le client qui a dû le déclasser en qualité papeterie alors qu'il n'avait pas de besoin dans ce classement et qu'il manquait de matières pour sa corderie.
Cette faute est d'autant plus inexcusable et préjudiciable que vous n'aviez déjà pas livré le camion de fibres pour la corderie commandé la semaine 3 et surtout que vous aviez eu la veille une remarque de qualité d'un client de ficelle (votre mail du 24/01 : Bonjour [GH]. Problème ficelle irrégulière et manque de résistance sur le camion 874 chez MART. Merci de prendre note et de faire le nécessaire. DG).
Or, vous savez pertinemment que la qualité des ficelles dépend essentiellement de la qualité des matières livrées, dont vous êtes responsable, et que déjà en novembre nous avions dû déclasser en papeterie un camion que vous aviez acheté chez FB Decock pour Eurolinen en corderie.
Ces fautes répétitives sont inexcusables compte tenu de votre expérience et de vos responsabilités et nuisent fortement à la réputation de notre Société et de sa filiale Eurolinen.
2) Vous avez l'entière responsabilité de prélever des échantillons conformes à la qualité des lots présentés aux réunions fibres avant achat. Or, il a été attesté par Mr [V], assistant achat et technicien fibres, qu'à plusieurs reprises vous retiriez les mauvaises parties de vos échantillons pour les valoriser à nos yeux, ce qui fausse notre jugement.
Le caractère volontaire de ces agissements, est établi, eu égard à votre expérience, à vos compétences, et aux conséquences préjudiciables pour notre entreprise.
De telles fautes de votre part induisent des difficultés que vous ne gérez aucunement, préférant les transmettre à d'autres chargés de régler les conséquences de vos manquements (ex lot 589 - 158 balles chez GRA, lot 287/1-70 balles chez GRA pour EUROLINEN).
D'une manière générale, vous négligez de mener les actions indispensables à la bonne réalisation de vos missions d'achat et de vente.
Vos agissements sur ce point portent atteinte à l'image de notre entreprise, dans un secteur dont vous savez qu'il est très concentré et que les manques de professionnalisme peuvent avoir de lourdes conséquences commerciales, et donc financières.
Lors de notre entretien, vous avez contesté tous ces reproches, y compris les faits pour lesquels nous vous avons présenté (pour les jeux et les bouteilles de vin) les tickets détaillés.
Vous avez seulement reconnu qu'aux cafés Loto PMU de [Localité 7] et de [Localité 3], les invités mentionnés sur les tickets n'étaient pas présents (ces déclarations sont donc mensongères). Vous avez prétendu être avec un Monsieur de chez [XH], qui est votre ami.
Vous avez aussi prétendu exécuter normalement votre travail.
En réalité, tous ces agissements et comportements sont établis et sont :
o des violations directes de vos obligations (d'autant plus inadmissibles que vous avez été sanctionné deux fois et que vous n'avez aucunement tenu compte de ces mises en garde vous donnant l'occasion de respecter à nouveau vos obligations),
o préméditées, répétées et préjudiciables à l'entreprise,
o rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail à effet immédiat,
o ce qui caractérise la faute grave.
A cet égard, nous faisons toutes réserves sur les préjudices subis par l'entreprise, en cours de chiffrage, dont nous vous demanderons l'indemnisation, outre le remboursement des frais indus.
Votre contrat est donc rompu à raison des fautes graves commises.
En conséquence, la période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas réglée, de même que les indemnités de rupture. »
Le 3 octobre 2017, Monsieur [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin principalement de contester la rupture du contrat de travail, faire reconnaître une situation de harcèlement moral et obtenir les indemnités afférentes ainsi qu'un rappel de primes et de salaire.
Par jugement du 13 décembre 2019, la juridiction prud'homale a :
- dit le licenciement pour faute grave justifié,
- débouté Monsieur [M] [W] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné Monsieur [M] [W] à payer à la société Saneco les sommes de:
- 25 431,70 euros à titre de remboursement des sommes indûment versées,
- 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [M] [W] aux entiers dépens.
Par déclaration du 20 janvier 2020, Monsieur [M] [W] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2022, Monsieur [M] [W] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant de nouveau, de:
- dire le licenciement abusif;
- condamner la société Saneco à lui payer les sommes de:
- 4 545,12 euros à titre de rappel de salaires pour mise à pied conservatoire abusive;
- 454,51 euros au titre des congés payés afférents;
-11 070,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 1 107,00 euros au titre des congés payés afférents;
-11 993,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement;
-88 560,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive;
-10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;
-29 920,00 euros au titre d'un préjudice financier;
- 2 992,00 euros au titre d'un préjudice moral;
- 400,00 euros au titre de la perte du véhicule de fonction;
- 3 690,00 euros au titre de la prime de 13ème mois,
- 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir pour l'essentiel que :
- sur le harcèlement moral : il a fait l'objet d'une diminution de salaire de 352 euros par mois dénuée de fondement, et doit constamment se justifier sur l'exécution de ses tâches malgré son ancienneté en qualité de cadre. En outre, il a fait l'objet de sanctions injustifiées et dégradantes, l'ayant conduit à se voir prescrire un arrêt de travail pour surmenage professionnel ;
- sur la rupture du contrat de travail : la société Saneco ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et de la gravité des griefs formulés dans la lettre de licenciement;
- l'avenant du 17 décembre 2008 prévoyant une diminution de son salaire masque en réalité une sanction pécuniaire résultant d'un entretien préalable à un éventuel licenciement, et il n'a signé cet avenant que pour conserver son emploi ;
- il a été injustement privé de son véhicule de fonction ;
- il n'a pas perçu la prime convenue dans l'avenant signé le 24 juillet 2006 au titre des exercices 2007 et 2008, ni la prime de 13ème mois ;
- outre le fait qu'une telle demande s'assimile à une sanction pécuniaire illégale, l'employeur ne rapporte pas la preuve du bien-fondé de sa demande de remboursement des sommes qu'il aurait indûment perçues.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mai 2022, la société Saneco demande à la cour de :
avant dire droit,
- écarter des débats les pièces et conclusions produites par l'appelant en janvier, février et mai 2022, pour communication tardive faite en violation du contradictoire;
- écarter des débats les attestations produites par l'appelant, en pièces adverses 21 à 26 ainsi que 53 à 55, ou constater leur absence de force probante, sauf à confirmer les fraudes commises;
au fond,
- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués pour procédure abusive à 3 000 euros;
- débouter Monsieur [M] [W] de l'intégralité de ses demandes;
- condamner M. [M] [W] à lui payer les sommes de:
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;
- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Saneco soutient en substance que :
- de nombreuses pièces, en particulier des attestations, des pièces médiales, des photographies de téléphones et des mails, n'ont été communiquées que tardivement alors qu'elles sont anciennes, de sorte qu'il convient de les écarter ;
- le licenciement est fondé sur des faits d'une telle gravité qu'ils ont empêché la poursuite des relations de travail même durant le préavis ;
- l'avertissement du 17 février 2016 est parfaitement valable et bien-fondé ;
- Monsieur [W] ne rapporte aucun élément laissant supposer à l'existence d'une situation de harcèlement moral ;
- Monsieur [W] ne justifie pas du bien-fondé de ses autres demandes ;
- les frais remboursés sur la base de factures frauduleuses, de trajets injustifiés ainsi que les retraits d'argent liquide sans justifications avec la carte professionnelle constituent, non une sanction pécuniaire, mais des indus dont il convient d'opérer le remboursement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des pièces et conclusions produites par l'appelant
L'article 15 du code de procédure civile prévoit que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, la cour observe qu'aux termes de ses conclusions transmis par voie électronique le 30 mai 2022 l'intimé a répondu de manière circonstanciée aux dernières conclusions et pièces transmises par l'appelant le 25 mai 2022, de sorte qu'il n'y pas lieu de les écarter.
La société Saneco sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur le harcèlement moral allégué
Aux termes de l'article L.1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.
En l'espèce, Monsieur [W] étaye sa demande :
- sur des courriers qu'il a lui-même envoyés à son employeur les 22 juillet 2016 et 6 février 2017, et qui ne permettent pas à eux-seuls de contextualiser ni même d'objectiver la situation alléguée ;
- sur la circonstance suivant laquelle sa rémunération s'est trouvée diminuée de 352 euros, la cour observant que cette diminution est intervenue suivant avenant signé entre les parties le 17 décembre 2008, soit dans un temps ancien et sans rapport avec les autres éléments produits par le salarié pour étayer sa demande;
- sur le fait que malgré son ancienneté dans ses fonctions de cadre, il soit dans l'obligation de répondre à de multiples mails et de se justifier sur l'exécution de ses tâches. Sur ce point, la cour observe que nonobstant le fait qu'aucun élément n'est produit à l'appui de cette allégation, l'autonomie du salarié conférée par le statut de cadre ne le dispense pas pour autant d'exécuter ses fonctions et de rendre compte de l'exécution de ses missions dans le respect et sous l'autorité du pouvoir de direction de l'employeur, de sorte que l'argument manque de portée. A titre surabondant, le fait pour l'employeur de reprocher à son salarié l'achat de confiseries avec la carte bancaire de l'entreprise est légitime et, seul, ne caractérise en rien une situation de harcèlement moral ;
- sur l'assertion, qui n'est démontré par aucun élément de la procédure, d'une diminution de son domaine d'action et de compétence du fait des différentes stratégies commerciales de l'entreprise ;
- sur la production d'un certificat médical établi par le Docteur [R] reprenant l'expression par son patient d'un surmenage professionnel, ce praticien reprenant les déclarations de son patient.
La cour retient que, même pris dans leur ensemble, les éléments produits par Monsieur [W] ne permettent pas présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Dès lors, l'appelant sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le licenciement
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 28 février 2017, reprise in extenso ci-avant et qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail, formule de multiples griefs qui s'articulent autour des items suivants :
1) des fraudes pour obtenir le paiement de frais de restaurant indus ;
2) des fraudes sur les frais de carburant ;
3) des dépenses non justifiées et une désorganisation délibérée ;
4) des manifestations d'insubordination répétées;
5) une déstabilisation du supérieur hiérarchique;
6) des fautes concernant les achats.
S'agissant des frais de restaurant et de carburant considérés comme indus, la société Saneco produit notamment, à l'appui de son argumentaire :
- une facture relative à un repas pris le 20 septembre 2016 à la ferme de la Rançonnière pour lequel Monsieur [W] a déclaré avoir invité Monsieur [F]. Or, ce dernier atteste ne pas avoir participé à ce repas. Monsieur [W] ne le dément pas;
- une facture de 107,90 euros mentionnant trois repas pris le 30 juin 2016 avec l'indication manuscrite de trois invités, dont Messieurs [I] et [H] [KW], au sein d'un établissement dont il est établi qu'il ne délivre pas de prestation de repas, ainsi que l'original de la facture dont l'édition correspond en réalité à l'achat de plusieurs bouteilles de vins. Sur ce point, les attestations de Messieurs [H] et [K] [KW] produites par Monsieur [W] manquent de convaincre dans la mesure où elles concernent un repas qui aurait été pris le 20 mai 2016 dans un autre établissement ;
- un mail du 27 janvier 2017 de Monsieur [SU] indiquant qu'il n'a pas mangé avec Monsieur [W] en 2016, alors que ce dernier a présenté sur cette période un total de quinze fiches de repas concernant ce client. Monsieur [W] est taisant sur ce point ;
- le duplicata d'une facture du restaurant Côté Cave du 28 septembre 2016 pour un montant de 133,10 euros, sur lequel apparaît l'achat de quatre bouteilles de vins en sus d'un repas, alors que Monsieur [W] a indiqué, pour en solliciter le remboursement, avoir invité Monsieur [KW]. En réplique, Monsieur [W] produit l'attestation de Monsieur [G] indiquant : « j'ai bien déjeuné plusieurs fois en 2016 (dont le 28 septembre 2016) avec M. [M] [W] de la SAS Saneco chez Cuisine et Cave à [Localité 6] et j'ai bien reçu des bouteilles de vin ». La cour relève la contradiction manifeste existant entre les lieux de restauration et entre les identités des clients invités ;
- l'attestation de Madame [EA], salariée de la société Saneco, indiquant que les bouteilles de vin offertes à la clientèle par Monsieur [W], tout comme celles offertes par les autres salariés de l'entreprise, devaient résulter non de ses achats personnels, mais provenir d'une même commande opérée par l'employeur auprès de l'exploitation La Prioulette, ce que le salarié ne pouvait ignorer. Outre l'achat opéré le 28 septembre 2016, l'employeur démontre qu'entre février et octobre 2016, Monsieur [W] a sollicité le remboursement de 418,10 euros de frais effectués auprès du restaurant Cuisine et Cave situé à [Localité 6], mentionnant avoir invité des membres de l'entreprise Vandecandelaere, alors que les tickets correspondent à l'achat de treize bouteilles de vins, dont au demeurant il n'est pas démontré qu'elles aient été offertes aux clients de l'entreprise, l'attestation de Monsieur [D] ne précisant pas la provenance ni l'appellation des bouteilles qu'il a reçues de l'appelant ;
- un ensemble de factures, libellées « divers » pour des montants allant de 131 à 266 euros et totalisant 1217 euros, correspondant à des achats effectués en 2016 au Café Tabac Lotto PMU de [Localité 7], Monsieur [W] y ayant déclaré avoir invité des membres de la société Safilin, à savoir Monsieur [P] et Madame [O], pour en solliciter le remboursement. Néanmoins, bien que le salarié produise l'attestation de Monsieur [XH], liniculteur dont le rapport avec la société Safilin n'est pas établi, indiquant y avoir déjeuné 16 fois, la société Saneco établit par constat d'huissier que ce commerce est dépourvu de service de restauration. Cette contradiction manifeste entre les noms écrits sur les tickets de caisse et celui du témoin est de nature à faire douter de la véracité de cette attestation ainsi que de celle de Monsieur [PL], salarié de Monsieur [XH]. Au surplus, la cour relève les montants disproportionnés pour de simples consommations de bar ;
- un ensemble de factures correspondant à de l'achat de sans-plomb 95 alors qu'il est constant que le véhicule de société utilisé par le salarié consommait du gasoil, étant précisé que les attestations de Messieurs [E], [Z] et [X] produites par l'appelant, indiquant que Monsieur [W] utilisait occasionnellement d'autres véhicules de la société, ne sont pas circonstanciées ;
- un nombre important de factures de carburant dépassant la valeur théorique d'un plein. Sur ce point, le témoignage de Monsieur [XJ] produite par le salarié, qui atteste de l'utilisation de deux jerricans, ne permet de justifier au mieux les factures éditées en mai et juin 2016 lors d'un épisode de pénurie, et non la consommation totale de l'année 2016 ;
- la totalité des factures de carburant soumises à remboursement par Monsieur [W], démontrant une surconsommation de l'ordre de 20 % par rapport aux kilomètres déclarés annuellement, étant précisé que la consommation moyenne du véhicule de fonction utilisé par Monsieur [W], constatée par voie d'huissier, est de 7,8 l/100km, que le montant moyen du prix au litre retenu est plus élevé que le prix au litre moyen constaté sur la même période et que le salarié attestait chaque année de l'usage exclusif à titre professionnel dudit véhicule conformément aux stipulations contractuelles auxquelles il avait souscrit;
- plusieurs factures éditées le week-end alors que le véhicule de fonction n'est mis à la disposition de Monsieur [W] que pour ses usages professionnels en semaine ;
- un ensemble de factures correspondant à l'achat de confiserie, sans rapport avec l'activité professionnelle de Monsieur [W].
Ces éléments démontrent que Monsieur [W] a, par le biais de pratiques frauduleuses, obtenu le remboursement de frais indus.
Dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la matérialité des autres griefs, l'ensemble de ces éléments justifie l'impossibilité de maintenir Monsieur [W] au sein de l'entreprise, ce compris durant la période de préavis, de sorte que le licenciement pour faute grave apparaît fondé.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Le licenciement disciplinaire étant fondé, Monsieur [W] sera également débouté de sa demande de rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire.
Sur la demande de remboursement des sommes indûment versées
Il résulte de la combinaison des articles 1235 et 1302-1 du code civil que les sommes indûment versées peuvent être réclamées par la partie versante, sans que celle-ci ait à prouver qu'elle les a versées par erreur ; qu'il s'en déduit également que la réclamation au salarié de sommes indûment perçues par lui ne saurait constituer ni une sanction pécuniaire ni la réitération de l'éventuelle sanction disciplinaire déjà prononcée contre lui.
En l'espèce, la cour observe que les éléments apportés par la société Saneco ne permettent pas de douter de la véracité et de l'authenticité des factures présentées par Monsieur [W] à son employeur, les sommes y figurant ayant été manifestement engagées par lui. Toutefois, il y a lieu de relever que les achats engagés par le salarié ne trouvent pas tous une justification dans l'exercice de l'activité professionnelle, et ne sauraient par conséquent être portés au crédit de l'employeur. Ainsi, la société Saneco démontre, par la production des factures que lui avait adressées son salarié, qu'une partie des sommes remboursées au titre des frais de transport et de repas ainsi que certaines sommes résultant de retraits non justifiés opérés au moyen de la carte bancaire professionnelle, constituent des indus dont la société Saneco est bien fondée à solliciter le remboursement.
Compte tenu des pièces versées aux débats et des explications des parties, notamment des calculs particulièrement détaillés opérés par l'employeur et dont la méthodologie n'est pas remise en cause par Monsieur [W], le jugement condamnant ce dernier à rembourser la somme de 25 431,70 euros à la société Saneco sera confirmé.
Sur la demande tirée de la diminution de salaire
A titre liminaire, la cour observe que Monsieur [W] formule des «demandes pécuniaires supplémentaires pour préjudice financier » qui correspondent en réalité à une demande de rappel de salaire soumise aux règles de prescription édictées à l'article L.3245-1 du code du travail.
Par suite, selon les articles L.1331-1 et L.1331-2 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.
En l'espèce, il résulte de l'avenant signé par les parties le 17 décembre 2008 que suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 4 décembre 2008, « M. [M] [W] conscient des difficultés rencontrées [dans la réalisation de ses fonctions de cadre responsable des achats de fibres de lin pour la France et la Belgique] a proposé et accepte de son plein gré une réduction de salaire de 10 % (soit une réduction de 352 euros) à partir du 1er janvier 2009 ».
Cette diminution de salaire, bien qu'acceptée par le salarié, ne saurait s'analyser en une rétrogradation, n'étant accompagnée d'aucune d'aucune baisse de responsabilités, et constitue en réalité une sanction pécuniaire illicite.
Monsieur [W] est donc bien fondé à solliciter, en application de son contrat de travail et pour la période non prescrite, un rappel de salaire et la société Saneco sera condamnée à lui payer 12 672 euros à ce titre outre 1 267,20 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la demande tirée du préjudice moral
Monsieur [W] ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue d'un préjudice moral distinct résultant de cette diminution de salaire.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.
Sur la demande tirée de la perte du véhicule de fonction
Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Monsieur [W], sur qui pèse la charge de la preuve, n'apporte aucun élément, ni même aucune explication permettant de justifier du bien-fondé de cette demande. Il en sera donc débouté.
Sur la demande de rappel de primes et de 13ème mois
C'est à juste titre que la société soutient, sur la base de l'article L.3245-1 du code du travail, que la demande en rappel de salaire ne peut porter que sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, soit pour la période postérieure au 28 février 2014. Dès lors, la demande de rappel de primes sur le résultat net comptable de l'entreprise portant sur les exercices 2007 et 2008 et qui auraient dû être versées en 2008 et 2009, est prescrite.
S'agissant de la prime de 13ème mois, les explications apportées par Monsieur [W] ne permettent pas de comprendre au titre de quelle année il fonde sa demande. A titre surabondant, la cour observe, ainsi que la société Saneco l'y invite, que Monsieur [W] a effectivement perçu une prime de même nature en décembre 2014, 2015 et 2016, et qu'il résulte du contrat de travail de l'intéressé que cette prime n'est versée qu'à la condition que le demandeur soit toujours présent dans l'entreprise au 31 décembre de l'année en cours.
Dès lors, Monsieur [W] sera débouté de ses demandes de ce chef et le jugement sera confirmé.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus qu'en cas de malice ou de mauvaise foi équipollente au dol qui n'est pas caractérisée en l'espèce.
Compte tenu de la solution apportée au litige, et notamment du rappel de salaire alloué à l'appelant, l'action de Monsieur [W] n'a pas dégénéré en abus du droit d'agir en justice.
En conséquence, la société Saneco sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Il n'apparaît pas en outre inéquitable de laisser à chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer, tant en première instance qu'en appel. Le jugement sera infirmé de ce chef et les parties seront déboutées de leur demande respective formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement,
excepté en ce qu'il a:
- débouté Monsieur [M] [W] de sa demande en rappel de salaire tirée d'une sanction pécuniaire illicite,
- condamné Monsieur [M] [W] à payer à la SAS Saneco les sommes de 3 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance,
Infirme le jugement de ces seuls chefs,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Condamne la SAS Saneco à payer à Monsieur [M] [W] la somme de 12 672 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 1 267,20 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
Déboute la SAS Saneco de ses demandes indemnitaires pour procédure abusive formées tat en première instance qu'en cause d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens, tant en première instance qu'en appel.
LE GREFFIER
Séverine STIEVENARD
POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
Frédéric BURNIER, Conseiller