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03/03/2023 | FRANCE | N°22/01240

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 03 mars 2023, 22/01240


ARRÊT DU

03 Mars 2023







N° 370/23



N° RG 22/01240 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UO3E



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

02 Février 2018

(RG 17/00407 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 03 Mars 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [U] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Ludovic HEMMERLING, avocat au barreau de BETHUNE





INTIMÉE :



S.A.S. [O] ENGINEERING

[Adresse 1]

[Localité 4...

ARRÊT DU

03 Mars 2023

N° 370/23

N° RG 22/01240 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UO3E

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

02 Février 2018

(RG 17/00407 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 03 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [U] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Ludovic HEMMERLING, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMÉE :

S.A.S. [O] ENGINEERING

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Stephan FARINA, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 07 Décembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 27 janvier 2023 au 03 mars 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SAS [O] ENGINEERING qui exerce une activité de société holding, emploie habituellement moins de 10 salariés et applique la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques du 9/04/1997.

Elle a engagé par contrat à durée déterminée du 02/10/2010, M. [U] [I], né en 1960, en qualité de contrôleur de gestion, statut cadre, pour un salaire mensuel initial de 2.200 €. La relation de travail au terme du contrat s'est poursuivie pour une durée indéterminée.

Au dernier état de la relation de travail, M. [O] percevait une somme de 4.233,36 € bruts par mois.

A compter du 14/12/2015, M. [I] a été arrêté pour maladie, arrêts successivement renouvelés.

Après deux visites médicales des 13/09/2016 et 29/09/2016, M. [I] a été déclaré inapte par le médecin du travail l'avis du 29/09/2016 étant ainsi libellé : «après étude du poste et des conditions de travail réalisées le 26/08/2016 est inapte à reprendre son poste de travail antérieur. L'état de santé actuel ne permet pas de lister de capacités restantes et fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise».

Par lettre du 27/10/2016, l'employeur a proposé plusieurs postes au salarié aux mêmes conditions salariales auprès de filiales, qui n'ont pas été acceptés.

Après convocation à un entretien préalable à licenciement par lettre du 08/11/2016, fixé au 21/11/2016, l'employeur a notifié à M. [I] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement suivant lettre du 24/11/2016.

Estimant relever du coefficient 790 et contestant le licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Béthune suivant requête reçue le 10/10/2017.

Par jugement du 02/02/2018, le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé le licenciement de M. [U] [I] pour inaptitude valide,

-dit et que le coefficient applicable à M. [U] [I] par la convention collective est le coefficient 790,

-condamné la société [O] ENGINEERING à payer à M. [U] [I] les sommes suivantes :

-2.649,05 € au titre de rappel de salaire, outre 264,90 € de congés payés afférents,

-225,42 € de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-57,88 € de prélèvement indu de cotisation mutuelle,

-150 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné à la société [O] ENGINEERING de remettre à M. [U] [I] des bulletins de paie rectifiés et l'attestation Pôle emploi conforme au présent jugement,

-condamné M. [U] [I] à restituer l'ordinateur DELL LATITUDE 7240 et le badge numéro 14,

-débouté les parties du surplus de leurs autres demandes,

-laissé à chacune des parties la charge de leurs entiers frais et dépens,

-rappelé que les condamnations emportent intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 05/01/2017 pour les sommes de nature salariale, à compter du présent jugement pour les autres sommes,

-dit qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 02/09/2020, la cour de céans a :

-ordonné le retrait du rôle de l'affaire inscrite au répertoire général sous le numéro 18/00652 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RMPP conformément aux dispositions de l'article 382 du code de procédure civile ;

-subordonné en application de l'article 940 du code de procédure civile le rétablissement de l'affaire au rôle par le greffe qu'au vu du présent arrêt, du bordereau de communication de pièces, de conclusions écrites ou d'un exposé écrit des demandes et des moyens notifiés préalablement aux parties adverses,

-dit que la durée de la péremption commencera à courir de la date de la notification du présent arrêt.

L'affaire a été réinscrite au rôle suivant demande du 29/08/2022.

Selon ses conclusions reçues le 26/08/2022, M. [U] [I] demande à la cour de juger l'appel recevable, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu le coefficient 790 de la convention collective, et en ce qu'elle a condamné la société intimée à lui payer la somme de 57,88 € au titre d'un prélèvement indu de la part salariale de la mutuelle, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de :

-dire et juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

«DIRE et JUGER que la rémunération de M. [I] à la date du licenciement est de 4527, 67 € bruts pour 169 heures (ajoutant les majorations HS structurelles)

CONDAMNER la société [O] ENGENNERING au paiement de sommes

suivantes :

' Rappel de salaires'

' 11167.66 € outre 1116,76 € au titre des CP, au titre de la rémunération de base sur le coefficient 790 avec heures supplémentaires structurelles

' 18 032.25 € au titre des HS au-delà de 169 heures, outre 1803,22 € à titre de CP

A titre subsidiaire sur la base de la rémunération versée par l'employeur mais majorations les HS (structurelles et non structurelles)

' majoration jusqu'à 169 heures' 3804,53 € outre 380,45 € à titre de CP

' sur les HS' soit la somme de 17154,17 €, outre 1715,41 € au titre des CP

' IC de Préavis' 4527,67 € x 3 subsidiairement 4233,36 € x 3, outre 10 % à titre de CP afférents

Solde IC de CP (34 jours incluant majoration HS structurelles) ' 1051,28 €

' Rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement :

CONDAMNER l'employeur au titre d'un solde à recevoir à titre principal 925.57 € et subsidiairement de 564.92 €

' Ayant confirmé la condamnation que la société intimée à verser à M. [I] la somme de 57.88 € au titre d'un prélèvement indu de la part salariale de la mutuelle, CONDAMNER l'employeur sous astreinte de 50 € par jour et par fiche de paie à rectifier les fiches de paie de janvier 2016 à novembre 2016 inclus.

' DOMMAGES et INTERETS pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse'65.000 €

' ORDONNER la remise sous astreinte de bulletins de paie rectifiés et Attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt

' ASSORTIR l'ensemble de condamnation des intérêts de droit et capitalisation des intérêts par année entière

Dont à déduire les sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire du jugement dont appel.

' INFIRMER la décision en ce qu'elle a condamné M. [I] à la restitution de l'ordinateur DELL et du badge n° 14.

' DEBOUTER La société intimée de l'ensemble de ses demandes et notamment toutes demandes contraires au présent dispositif

' CONDAMNER la défenderesse au paiement de la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers frais et dépens».

Selon ses conclusions reçues le 10/11/2022 la SAS [O] ENGINEERING demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et jugeant de nouveau, de :

-débouter M. [U] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-confirmer le jugement et dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

-infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le coefficient 790 de la convention collective était applicable à M. [U] [I],

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes de 2 649.05 euros au titre de rappel de salaire et 264,9 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 225,90 au titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 57,88 euros au titre de prélèvement indu de cotisation mutuelle,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [U] [I] à lui verser une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens de la présente procédure.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 16/11/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

-Sur la classification

Au titre de son appel incident, la société [O] ENGINEERING fait valoir que la mention sur les bulletins de paie du coefficient 790 à compter du mois de mars 2016 résulte d'une erreur qui n'est pas créatrice de droit, que le salarié n'a jamais indiqué ce coefficient lorsqu'il était en charge de l'établissement des bulletins, que les fonctions de contrôleur de gestion et de responsable des ressources humaines correspondent au coefficient 670, le coefficient 790 étant le plus élevé et ne pouvant correspondre qu'aux postes de dirigeants, que le salarié tait rémunéré au-dessus du minimum conventionnel.

Le salarié rappelle que l'employeur est tenu d'indiquer le coefficient sur les bulletins de paie, ce qui a été fait à compter du mois de mars 2016, que ce coefficient correspond au niveau 5 de la convention collective (cadre de direction), qu'il assurait les fonctions de responsable des ressources humaines et de contrôle de gestion (préparation et réalisation des paies, recrutements, gestion des salariés, responsabilité juridique, responsable formation, responsable assurance, gestion sécuritaire des bâtiments, réunions de direction, création d'un contrôle de gestion opérationnel etc), que Mme [V] [O], juriste du groupe, lui a adressé un courriel expliquant lui attribuer le coefficient 790, puis qu'en août 2016 le coefficient appliqué a été ramené à 670, Mme [O] ayant fait valoir une erreur et expliqué que ce coefficient correspondait à 151,67 heures, et non à 169 heures.

Sur ce, il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Les parties s'accordent sur le fait que le salarié relève du niveau 5 de la convention collective, le débat portant sur la position 5.1 (coefficient 670) ou 5.2 (coefficient 790)

L'annexe 1 relative à la classification de la convention collective nationale du négoce et des prestations de services dans les domaines médico-techniques du 9 avril 1997 stipule :

«Niveau V : Cadre de direction

Les emplois de cadre de direction sont ceux auxquels sont attachés les notions d'administration, d'organisation et de direction s'exerçant au sein d'un service. Le titulaire bénéficie d'une grande autonomie de fonctionnement et d'une structure interne développée.

Le cadre de direction est responsable des résultats de l'entité qu'il dirige et pour laquelle il justifie d'une délégation de pouvoirs et de responsabilité totale ou partielle du chef d'entreprise. Il peut participer au comité de direction.

Les emplois de cadre de direction sont repartis :

-en emplois hiérarchisés : position direction ;

-en emplois hors grille : hors grille.

Principe de classement

Chaque emploi de l'entreprise doit faire l'objet d'un classement résultant de l'application de la grille visée à l'article 1er en fonction des critères de technicité, responsabilité, autonomie et formation minimale requise.

Le niveau de formation minimale correspond à la compétence optimale pour occuper le poste mais ne conditionne pas de façon stricte l'accès à l'emploi ni ne présume le droit à l'accès à l'emploi».

L'annexe 3 comporte des emplois repères pour les emplois de cadres de direction de niveau 5 (directeur d'un ou plusieurs départements, directeur régional, secrétaire général, directeur administratif et financier, directeur des relations humaines.) 

L'annexe 2 ne comporte pas de critères spécifiques pour distinguer le niveau 5.1 du niveau 5.2, sauf à préciser que les salaires minimaux sont fixés pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, que les salaires versés ne peuvent en aucun cas être inférieurs à la valeur du Smic, que les montants sont arrondis à l'euro le plus proche.

Au préalable, il convient d'observer que les bulletins de paie, pas plus que le contrat de travail, ne mentionnent la classification conventionnelle, en contradiction avec les dispositions de l'article R3243-1 du code du travail.

La cour relève que M. [I] indique qu'il se chargeait d'établir les bulletins de paie, et que l'absence de mention lui est donc imputable. Toutefois, il appartenait à la société [O] ENGINEERING, titulaire du pouvoir de direction, de donner les instructions nécessaires pour que les bulletins de paie soient rectifiés, ce qui a été fait à compter du mois de mars 2016. Il est exact que Mme [V] [O] a indiqué au salarié avoir consulté la convention collective pour allouer le coefficient 790 au salarié.

Toutefois, les bulletins de paie mentionnent à compter du mois d'août 2016 le coefficient 670, sans modification du taux horaire (25,05 €), jusqu'au mois d'octobre 2016 où l'employeur distingue le taux horaire mensuel pour 151,67 (24,42 €) et le taux des heures supplémentaires structurelles (30,53 €), les bulletins précédents ne les distinguant pas et indiquant «169 heures».

En dépit du courriel de Mme [O] du 04/04/2016, la modification en octobre 2016 ne permet pas de retenir la volonté claire et non équivoque de l'employeur, et non affectée d'erreur, d'appliquer le coefficient 790, correspondant à la qualification la plus élevé dans l'entreprise.

Il s'ensuit qu'il convient de s'attacher aux fonctions réellement exercées par M. [I]. Or, si le salarié évoque en pages 11 et 12 de ses conclusions l'ensemble des tâches qui lui étaient confiés, il ne produit aucun élément permettant de justifier des fonctions réellement exercées. Le courriel du 12/09/2016 de Mme [O] faisant valoir une erreur tenant au minimum conventionnel et non aux fonctions n'est pas versé. Il n'est pas produit de justificatifs des tâches réalisées (par exemple : achats de deux sociétés à [Localité 5], représentation de la société lors de réunions, contrôle de gestion opérationnel).

Les tableaux portant décompte des heures supplémentaires mentionnent (pièce 21) comme tâches l'analyse de bulletins de paie. Ces fonctions peuvent aussi correspondre au niveau 4 : responsable d'un ou plusieurs services comptable, administratif, gestion. Faute de précisions dans les emplois repères, il convient de rechercher à quel coefficient correspond l'emploi du salarié en considération du poste le plus proche des fonctions exercées par le salarié.

En conséquence, faute de justification suffisante de l'appelant pour bénéficier du coefficient 790, il convient de retenir que c'est le coefficient 670 qui lui est applicable. Le jugement est infirmé.

M. [I] est débouté de sa demande de rappel de salaire au titre du coefficient 790.

-Sur le rappel de salaire d'heures supplémentaires au titre des heures supplémentaires structurelles

Pour l'essentiel, l'appelant considère que les heures supplémentaires structurelles, soit 4 heures par semaine, puisqu'il travaillait 169 heures par mois, ne lui ont pas été rémunérées. Il fonde sa demande de rappel de salaire sur le coefficient 790, et subsidiairement sur le taux horaire fixé par l'employeur.

L'intimée indique que le salarié savait que les heures supplémentaires étaient intégrées dans la rémunération, que c'est d'ailleurs ce qu'il indiquait aux salariés recrutés pour les cadres, que le contrat de travail précise que les heures supplémentaires sont incluses dans la rémunération.

Il est de principe que l'inclusion du paiement des heures supplémentaires dans la rémunération forfaitaire ne se présume pas et doit résulter d'un accord non équivoque des parties, d'une disposition expresse du contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci.

Le contrat de travail initial prévoit en son article 2 que la durée hebdomadaire de travail est fixée à 39 heures, du lundi au vendredi. L'article 9 stipule que M. [I] bénéficiera «d'un salaire mensuel brut de 2.200 euros net» (sic).

Ces éléments sont insuffisants pour établir la réalité d'un accord non équivoque d'un forfait de salaire, les stipulations relatives au temps de travail et à la rémunération relevant d'articles distincts. Certes, le courriel du 02/10/2015 de M. [I] à M. [Z] indique que les heures supplémentaires sont distinguées pour les salariés, mais pas pour les cadres. Cependant, force est de constater que l'employeur fait apparaître à partir du mois d'octobre 2016 les heures supplémentaires structurelles majorées sur les bulletins de paie, ce qui ne permet pas de caractériser un accord pour un paiement forfaitaire, dont la preuve incombe à celui qui l'invoque et qui en l'espèce n'est pas rapportée.

Selon le calcul non sérieusement discuté du salarié, les heures structurelles majorées doivent être indemnisées par la somme de 3.804,53 € outre 380,45 € à titre de congés payés afférents. Il convient d'infirmer le jugement et de condamner la société [O] ENGINEERING au paiement de ces sommes.

-Sur les heures supplémentaires

L'appelant indique avoir réalisé de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, qu'il travaillait de 9h à 13h et de 14h à 19h, qu'un salarié atteste en sa faveur.

L'intimée indique qu'aucun élément ne vient étayer la demande du salarié,

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, M. [I] verse un décompte récapitulatif des heures mensuelles effectuées par mois, précisant de façon globale ses horaires, et pour chaque mois les événements ayant donné lieu à dépassement du temps horaire.

Il s'ensuit que M. [I] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accompli pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments

Force est de constater que l'employeur se borne de façon non pertinente à contester les éléments produits par le salarié sans produire les siens, et sans justifier des heures du travail du salarié.

Il s'ensuit, au regard des éléments produits par le salarié et de l'argumentation respective des parties, que la cour se convainc de la réalité d'heures supplémentaires non rémunérées. La demande de rappel d'heures supplémentaires doit donc accueillie pour la somme de 11.436,11 € brut outre 1.143,61 € au titre des congés payés y afférents, le salarié n'ayant pas déduit les différents temps de pause lors des déplacements effectués, ainsi que les temps de trajet. Le jugement est infirmé. Ces sommes sont mises à la charge de la société [O] ENGINEERING.

-Sur la mutuelle

L'appelant explique avoir adhéré à une mutuelle d'entreprise en janvier 2016, la convention collective prévoyant une prise en charge de 60 % par l'employeur et non de moitié.

L'accord du 2 décembre 2015 étendu par arrêté du 27/12/2016 prévoit que soixante pour cent de la cotisation du salarié seul sont pris en charge par l'employeur sur la « base obligatoire » du régime professionnel de santé. La demande du salarié n'est pas sérieusement contredite en sorte que la demande de remboursement doit être accueillie à hauteur de 57,88 €. Le jugement est confirmé.

Sur les conséquences indemnitaires des rappels de salaire alloués

L'appelant demande la réintégration des sommes allouées pour obtenir un rappel d'indemnité de licenciement, et d'indemnité compensatrice de congés payés. Il fonde sa demande sur le coefficient 790. Il sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.

L'employeur s'oppose à la demande.

Le salarié n'étant pas en mesure d'exécuter son préavis, aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut lui être allouée. De plus, la convention collective prévoit en son article 16 que «dans le cas où le licenciement n'est pas motivé par une faute grave ou lourde ou la force majeure, la première présentation de la notification de licenciement fait débuter la période de préavis, sauf accord entre les parties». Ces dispositions ne prévoient pas expressément le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis en cas d'inaptitude. La demande est rejetée.

S'agissant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, compte-tenu des rappel de salaire alloué au titre du coefficient 670, et non 790, et de l'ensemble des heures supplémentaires, le solde d'indemnité de licenciement s'établit à hauteur de la somme réclamée soit 564,92 €. Le jugement est infirmé. La société [O] ENGINEERING est condamnée au paiement de cette somme.

En revanche pour le calcul de l'indemnité compensatrice de congés payés, l'appelant se fonde exclusivement sur le coefficient 790, en sorte que sa demande n'est pas davantage fondée que devant les premiers juges. Le jugement qui a rejeté sa demande est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelant fait valoir un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, que l'offre de reclassement doit respecter les préconisations du médecin du travail, qu'en l'espèce les offres ont été faites sous réserve de l'avis du médecin du travail qui n'a pas été consulté avant la proposition de poste, que l'offre de reclassement est imprécise, en l'absence de qualification du poste et de mention de la convention collective applicable, que la recherche en externe n'est pas sérieuse.

L'intimée réplique avoir effectué une recherche de reclassement externe, que le salarié n'a jamais répondu aux propositions, que le salarié connaît les différentes conventions collectives applicables, que l'entreprise comporte moins de dix salariés, que le salarié n'avait aucune capacité restante, qu'aucun poste disponible n'était compatible avec l'état de santé du salarié, par mutation, transformation ou aménagement de poste de poste de travail.

Sur ce, en vertu de l'article L1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

La recherche de possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le licenciement prononcé en méconnaissance de l'obligation de reclassement est sans cause réelle et sérieuse.

C'est à l'employeur de justifier, tant au niveau de l'entreprise que du groupe auquel appartient celle-ci, de démarches précises pour parvenir au reclassement du salarié. Les recherches de reclassement doivent être sérieuses et loyales. Le reclassement doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise. L'employeur n'est pas tenu de libérer un poste pour le proposer au salarie inapte.

Le médecin du travail a déclaré M. [I] inapte au poste de responsable RH- contrôleur de gestion selon avis du 29/09/2016. L'avis retient que l'état de santé du salarié ne permet pas de lister les capacités restantes et fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

Contrairement à ce qui est soutenu, l'employeur a pris attache avec le médecin du travail qui lui a répondu le 13/10/2016, avant que l'offre de reclassement ne soit faite, le médecin du travail se bornant toutefois à rappeler ses conclusions. La société [O] ENGINEERING produit son registre du personnel dont il ressort qu'aucun poste n'était disponible. Il ressort de la lettre du 27/10/2016 que l'employeur a proposé 4 postes au salarié, après recherche auprès de ses filiales, de responsable des ressources humaines ou de contrôleur de gestion «aux mêmes conditions salariales que celles qui vont sont appliquées ce jour», ce qui est suffisamment précis.

La précaution prise par l'employeur de préciser que l'offre est faite « sous réserve de votre acceptation et de l'avis du médecin du travail », conjuguée au fait que le salarié bénéficiera des formations nécessaires en cas d'acceptation, ne peut caractériser un défaut de loyauté à l'égard du salarié, dans la mesure où l'employeur avait préalablement pris attache avec le médecin du travail. Il s'ensuit que la société [O] ENGINEERING démontre l'impossibilité de reclassement du salarié, y compris au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. Il convient de confirmer le jugement de première instance, le licenciement étant causé.

Sur les autres demandes

Il n'est pas nécessaire d'ordonner la rectification de chaque fiche de paie. Il convient d'enjoindre à la société [O] ENGINEERING de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif, sans astreinte, outre une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt.

Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et à compter du jugement déféré pour les autres sommes.

La capitalisation des intérêts échus par annuité sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

L'appelant a restitué l'ordinateur portable et les clés de bureau avec un badge comme le démontre le reçu du 09/03/2017. Le jugement est infirmé.

Succombant la société [O] supporte les dépens de première instance et d'appel, par infirmation du jugement.

Il est équitable d'allouer à M. [I] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant confirmées, la demande la SAS [O] ENGINEERING à ce titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [U] [I] de sa contestation du licenciement et de ses prétentions afférentes, et sauf en ses dispositions relatives à la cotisation mutuelle, aux dépens et aux intérêts légaux,

Statuant de nouveau, y ajoutant,

Déboute M. [U] [I] de sa demande au titre du coefficient 790,

Condamne la SAS [O] ENGINEERING à payer à M. [U] [I] les sommes qui suivent :

-3.804,53 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires structurelles, outre 380,45 € à titre de congés payés afférents,

-11.436,11 € de rappel de salaire outre 1.143,61 € au titre des congés payés y afférents,

-564,92 € de solde sur indemnité de licenciement,

Déboute la SAS [O] ENGINEERING de sa demande de restitution de l'ordinateur portable, des clés de bureau avec un badge,

Ordonne à la SAS [O] ENGINEERING de remettre à M. [U] [I] un bulletin de salaire récapitulatif, outre une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Dit que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et à compter du jugement déféré pour les autres sommes.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus par annuités,

Condamne la SAS [O] ENGINEERING aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute la SAS [O] ENGINEERING de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [O] ENGINEERING à payer à M. [U] [I] une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC,

Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 22/01240
Date de la décision : 03/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-03;22.01240 ?
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