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02/03/2023 | FRANCE | N°20/03736

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 02 mars 2023, 20/03736


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 02/03/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/03736 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGKV



Jugement (N° 18/03681)

rendu le 19 mai 2020 par le juge aux affaires familiales de [Localité 3]







APPELANT



Monsieur [Y] [L]

né le 07 mai 1970 à Abidjan (Côte d'Ivoire)

demeurant [Adresse 9]

[Localité 4]

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représenté par Me Aurélie Lebel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉE



Madame [Z] [X]

née le 07 juin 1975 à Cambrai (59400)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 6]



bénéficie d'une aide juridictionnelle part...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/03736 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TGKV

Jugement (N° 18/03681)

rendu le 19 mai 2020 par le juge aux affaires familiales de [Localité 3]

APPELANT

Monsieur [Y] [L]

né le 07 mai 1970 à Abidjan (Côte d'Ivoire)

demeurant [Adresse 9]

[Localité 4]

représenté par Me Aurélie Lebel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [Z] [X]

née le 07 juin 1975 à Cambrai (59400)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 6]

bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 59178/002/2020/09375 du 24/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 2]

représentée par Me Stéphanie Dumetz, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 20 octobre 2022 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023 après prorogation du délibéré en date du 12 janvier (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 octobre 2022

****

Mme [Z] [X] et M. [Y] [L] ont vécu ensemble à partir de l'année 2000 et ont fait l'acquisition, pendant leur vie commune, de plusieurs biens immobiliers :

- le 11 juillet 2000, un terrain sis à [Localité 8], sur lequel ils ont fait construire une maison d'habitation,

- le 6 avril 2011, un terrain sis à [Localité 4], sur lequel ils ont également fait construire une maison d'habitation,

- le 25 juin 2015, un terrain adjacent à l'immeuble de [Localité 4].

Les immeubles ont été financés à l'aide de crédits souscrits solidairement par ces deux personnes, ainsi que d'un crédit familial de 35 000 euros pour les deux maisons.

Ils ont conclu un pacte civil de solidarité au mois de mars 2010 mais se sont séparés en juin 2016 et le PACS a été rompu le 22 juin 2016.

A la suite de cette séparation, ils sont convenus de mettre en vente l'immeuble de [Localité 8] mais ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur la valeur de l'immeuble de La'[Localité 4] lors d'un projet liquidatif établi par leur notaire.

L'immeuble de [Localité 8] a été vendu le 12 janvier 2018 au prix de 330 000 euros, les fonds restant consignés chez le notaire chargé de la vente.

Par jugement du 19 mai 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille, saisi par Mme [X], a déclaré recevable l'action en partage judiciaire des intérêts patrimoniaux existant entre celle-ci et M. [L] mais débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes, faute de pièces justificatives suffisantes, et condamné Mme [X] aux dépens.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 23 novembre 2021, demande à la cour de l'infirmer et de :

- ordonner le partage des biens dépendant de l'indivision existant entre les parties,

- fixer l'indemnité d'occupation due par lui à l'indivision à la somme de 1 000 euros par mois depuis le mois de juin 2016, et dire en conséquence qu'il doit à Mme [X] la somme de 33'000 euros en novembre 2021,

- dire que l'immeuble indivis sis à la [Localité 4] sera évalué à la somme de 420 000 euros,

- au besoin, commettre Me [H], notaire à [Localité 5], pour évaluer l'immeuble et à défaut, le notaire qui sera chargé de dresser l'acte de partage en conséquence de la décision à intervenir, aux fins de se rendre sur les lieux, visiter l'immeuble, se faire remettre tous documents qu'il jugera utile à la mission d'expertise, estimer l'immeuble, fixer le cas échéant une mise à prix dans l'hypothèse d'une vente sur licitation, fixer le montant de l'indemnité d'occupation,

- dire que le notaire expert devra rendre son rapport dans le délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir et que les frais de consignation d'expertise seront supportés par Mme [X] au regard de son opposition à l'évaluation retenue par le notaire amiable liquidateur,

- dire que l'actif indivis se monte à 442 152,73 euros, à savoir 22 152,73 euros représentant le solde du prix de vente de l'immeuble de [Localité 8] actuellement consigné chez le notaire après règlement de deux des trois crédits immobiliers et 420 000 euros, valeur de l'immeuble de la [Localité 4],

- dire que le passif indivis se compose comme suit : [Localité 4] : 47' 285,01 euros, prêt familial au couple : 35 000 euros, soit au total : 82 285,01 euros,

- fixer :

* l'actif net à la somme de 359 867,72 euros et les droits des parties à la somme de 179'933,86 euros avant déduction des comptes annexes,

* sa créance contre Mme [X] au titre du compte d'indivision à 65'780,28'euros, la créance de Mme [X] à son encontre à 41 400 euros et, en conséquence, sa créance contre Mme [X] à 24'380,28 euros, sous déduction de la somme de 6 151 euros, soit 18 229,28 euros,

* sa créance contre Mme [X] au titre des comptes entre concubins à 65'142'euros,

* sa créance contre Mme [X] au titre des comptes entre partenaires à la somme de 87'621'euros,

* la somme totale qui lui est due en conséquence par Mme à 170 992,28 euros,

* les droits des parties dans le partage comme suit : Mme [X] : 8'941,58 euros et lui-même : 350 926,14 euros,

- lui accorder l'attribution préférentielle de l'immeuble de [Localité 4],

- renvoyer les parties devant le notaire pour que soit dressé l'acte de partage en application des dispositions de l'article 1361 du Code de procédure civile,

- constater qu'il n'a cause d'opposition à la désignation de Me [J] et, à défaut, désigner Me [N] [B], notaire à [Localité 7],

- condamner Mme [X] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Aurélie Lebel, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes, la condamner aux dépens.

Mme [Z] [X], aux termes de conclusions notifiées le 27 septembre 2022, demande pour sa part à la cour d'infirmer le jugement et de :

- déclarer recevable sa demande en partage judiciaire,

- désigner pour y procéder le président de la Chambre des notaires du Nord ou son dévolutaire, à moins que les parties ne soient d'accord pour désigner l'office notarial de [Localité 6], à l'exclusion de Me [B], notaire proposé par M. [L],

- fixer la valeur de l'immeuble sis [Adresse 9] à la somme de 520'000'euros,

- juger :

* que le notaire aura toute latitude pour gérer la vente amiable de ce bien sur la mise à prix de 520 000 euros,

* qu'à défaut de vente amiable dans les 6 mois de la saisine du notaire, le prix en sera baissé à 480 000 euros,

* qu'à défaut de vente amiable dans les 6 mois de la baisse de mise à prix, il sera procédé par voie de licitation de l'immeuble à la barre du tribunal judiciaire de Lille sur le cahier des conditions de vente à établir par Me [A] sur la mise à prix de 480 000 euros avec baisse possible du quart à défaut d'enchères,

- au besoin, faire désigner un notaire (autre que Me [H]) aux fins d'expertiser ce bien immobilier et dire que les frais de consignation seront supportés par M. [L], au regard de son opposition au prix de l'évaluation initialement convenu entre les parties,

- juger que le notaire établira les comptes d'administration sur justificatifs par l'un et par l'autre des charges qu'il aura réglées,

- fixer l'indemnité d'occupation de l'immeuble de [Localité 4] due par M. [L] à l'indivision à la somme de 1 841,66 euros par mois du 1er juin 2016 au partage à intervenir et, en conséquence, à 66 299,76 euros la somme qui lui est due par M.'[L] à ce titre, arrêtée au 1er octobre 2022 et à parfaire au jour du partage,

- fixer à 7 000 euros la somme due par M. [L] à l'indivision au titre des loyers encaissés de [Localité 4],

- « constater l'accord des parties tendant à ce qu'il soit acté que Madame [X] n'a cause d'opposition de la demande formulée par Monsieur [L] concernant les travaux faits dans l'immeuble pour les montants respectifs de 2 697 euros et 3 680 euros'»,

- débouter M. [L] :

* de sa demande d'attribution préférentielle,

* de ses demandes de créances entre concubins pour la période due novembre 2001 à novembre 2010 comme étant prescrites à titre principal et à titre subsidiaire sur le fondement de la volonté commune de partager les dépenses de la vie courante,

* de ses demandes de créances entre concubins au titre du PACS pour la période de 2000 à 2016,

* de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* de toutes ses demandes contraires,

- le condamner à lui payer 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour observe que Mme [X] lui demande d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de déclarer recevable sa demande en partage judiciaire alors que le tribunal a déclaré cette demande recevable ; le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Il convient, dans un souci d'impartialité, de désigner, pour procéder au partage, le président de la chambre interdépartementale des notaires du Nord-Pas-de-Calais avec faculté de délégation au profit d'un notaire autre que ceux à l'égard desquels les parties expriment une réticence, quelle qu'en soit la raison.

Sur l'évaluation de l'immeuble de [Localité 4]

Compte tenu de la relative ancienneté d'une partie des estimations produites et de l'étendue considérable de la fourchette dans laquelle se situent les prix proposés selon des critères qui n'apparaissent pas identiques (410'000'/'680'000), il y a lieu de prévoir que le notaire commis procédera à une estimation après visite de l'immeuble, recueillera l'avis, après visites, de deux agences distinctes de celles qui ont déjà été consultées et retiendra la valeur moyenne de ces estimations.

Sur les sommes dues par M. [L] à l'indivision

L'indemnité d'occupation

M. [L] occupe la maison de [Localité 4] depuis la séparation du couple, c'est-à-dire 2016, et est redevable à ce titre d'une indemnité d'occupation conformément à l'article 815-9 du code civil. Les évaluations de cette indemnité proposées par M. [L] et Mme [X], influencées par leurs intérêts respectifs et la crispation de leurs désaccords, sont manifestement dérisoires pour l'une et excessives pour l'autre. Il convient de fixer cette indemnité à compter de l'occupation privative de M. [L], conformément à une formule et une moyenne des valeurs habituellement retenues, à la valeur locative de l'immeuble, estimée à 4,5'% de sa valeur vénale, affectée d'un coefficient de précarité de 20 %, ce qui donne, sur la base d'une valeur vénale moyenne de 450'000 euros en 2017 sur laquelle se sont accordées momentanément les parties à l'époque, une indemnité d'occupation mensuelle de 1350 euros.

Les loyers de la maison de [Adresse 9]

M. [L] a perçu ce loyer mensuel de 1200 euros du mois de juillet 2016 au mois de juillet 2017 inclus et se reconnaît débiteur de 15'600 euros envers l'indivision.

Sur les créances revendiquées par M. [L] sur l'indivision

Les travaux réalisés dans l'immeuble de [Localité 4]

Mme [X] ne conteste pas cette créance de 6378 euros.

Le remboursement des crédits après la séparation

M. [L] déclare avoir assuré seul le remboursement de quatre crédits relatifs aux immeubles depuis le mois de juin 2016, dont trois ont été soldés en mars et juin 2018, à concurrence de la somme de 134'551,47 euros arrêtée au mois d'octobre 2022. Il ressort des explications des parties que, concrètement, les mensualités étaient réglées aux banques prêteuses par M. [L]. Mme [X] soutient avoir contribué au remboursement de ces crédits de juin 2016 à mars 2017, grâce à un prêt revolving, des aides de la CAF et ses économies, de sorte que ne seraient dues à M. [L] que les mensualités réglées à partir du mois d'avril 2017. Elle ne justifie toutefois pas de l'apport à cet effet de sommes provenant d'un crédit revolving ou d'une épargne, d'autant moins qu'elle déclare par ailleurs avoir participé aux charges courantes pendant la vie commune avec son salaire et n'avoir pu constituer d'économies. Sa pièce 13, qu'elle vise à ce sujet et qui paraît être le décompte mensuel, de septembre 2016 à janvier 2017, de la part lui incombant dans les charges restant communes aux deux parties, n'est guère explicite et ne démontre pas le paiement effectif de ladite part. Sa pièce 21, intitulée clairement sur son bordereau «'justificatifs de la situation financière de Mme [X] suite à la séparation rendant impossible la prise en charge par moitié du prêt immobilier'» démontre effectivement une situation précaire l'ayant conduite à solliciter des aides sociales pour faire face à ses charges de première nécessité, à commencer par son loyer, et rend donc peu vraisemblable sa participation, même inférieure à la moitié, au remboursement des crédits immobiliers dont elle n'explique pas, de surcroît, sous quelle forme elle l'aurait, concrètement, apportée, aucun justificatif de paiement n'étant fourni. Le montant et le nombre des mensualités de ces crédits, détaillé par M.'[L], n'est pas discuté, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à sa demande de ce chef.

Les taxes foncières de 2016 à 2021

M. [L] allègue une créance, détaillée, de 9 347 euros à ce titre, laquelle doit être retenue en l'absence d'observations de Mme [X] à ce sujet.

Sur le compte entre les parties au titre de leur période de concubinage

M. [L] déclare avoir assuré seul, de novembre 2001 à mars 2010 (conclusion du PACS) le remboursement des crédits souscrits pour l'acquisition et la construction de l'immeuble de [Localité 8] à concurrence de 130'284 euros et détenir par conséquent une créance de 65'142 euros à l'encontre de Mme [X].

Sur la prescription opposée à cette prétention

Mme [X] oppose à M. [L] la prescription quinquennale en rappelant, à bon droit, que la créance de l'indivisaire issue d'un remboursement d'emprunt est exigible dès le paiement de chaque échéance, si bien que le délai de prescription court dès le règlement de l'échéance (Cass.civ.1ère, 14 avril 2021, n° 19-21.313). Elle en déduit que la demande de remboursement de M. [L], présentée plus de cinq ans après le mois de mars 2010, dans le cadre de l'action aux fins de partage, est prescrite.

Toutefois, l'article 2224 du code civil, qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, est issu de la loi du 17 juin 2008. Le délai de prescription de droit commun était antérieurement de trente ans. Et ladite loi dispose, en son article 26 II, que les dispositions de ladite loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il en résulte en l'espèce que l'action de M. [X] en remboursement des mensualités échues avant le 17 juin 2008 était soumise à une prescription de 30 ans, ramenée à 5 ans à compter de cette date, et expirant par conséquent le 17 juin 2013 ; qu'en revanche, l'action en remboursement des mensualités échues à compter du 17 juin 2008 était soumise à une prescription de 5 ans à compter du paiement de chaque échéance, expirant donc, selon les mensualités, entre juin 2013 et mars 2015.

Cependant, l'article 2236 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

Il s'en déduit au cas présent qu'en ce qui concerne l'action en remboursement des mensualités antérieures au 17 juin 2008, la prescription de 5 ans, qui avait couru sur 23 mois à la date du PACS (mars 2010), a été suspendue pendant la durée de celui-ci et a recommencé à courir à compter de sa rupture le 22 juin 2016 pour une durée de 37 mois expirant le 22 juillet 2019, de sorte que M. [X], qui a présenté sa demande devant le premier juge par des conclusions antérieures à cette date, ne peut se voir opposer la prescription. A fortiori, l'action en remboursement des mensualités postérieures au 17 juin 2008, pour lesquelles la prescription avait couru moins longtemps avant la conclusion du PACS, est recevable.

Sur le fond

Si le concubinage n'est pas régi par la loi, il est admis qu'une participation effective des deux concubins aux dépenses du ménage, même inégalitaire, traduit une répartition des charges procédant d'une volonté commune, sur le modèle de la participation des époux aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, qui fait obstacle à une réclamation de celui qui a assuré les échéances de l'emprunt immobilier.

M. [L] fait valoir qu'a contrario, ce dernier peut formuler une telle réclamation s'il établit que l'autre ne participait pas aux dépenses de la vie courante et qu'il les a assumées seul.

Il soutient qu'il a assuré seul le remboursement des prêts immobiliers et la majeure partie des autres charges du ménage avec le compte joint alimenté par ses seuls revenus et que les quelques dépenses de la vie courante auxquelles Mme [X] prétend avoir participé à partir de son compte personnel l'ont été en réalité en partie par les fonds communs déposés sur ce compte qu'étaient les sommes versées par la sécurité sociale et la caisse d'allocations familiales.

Mme [X] soutient pour sa part qu'elle percevait un salaire inférieur de plus de moitié à celui de M. [L] et n'a plus travaillé qu'à 80 % à compter de la naissance de son second enfant, qu'ils ont décidé d'avoir un compte joint alimenté par M. [L] et un compte à son nom à elle sur lequel étaient versés son salaire, les allocations familiales, les remboursements médicaux, les intéressements débloqués au fur et à mesure des besoins outre des prêts à la consommation nécessaires pour boucler le budget, lequel permettait de faire face aux dépenses de la vie courante telles que l'alimentation, l'habillement, l'hygiène, les dépenses concernant les enfants, des taxes locales d'équipement et taxes d'habitation, etc. ; qu'il existait donc une participation de chacun aux charges du ménage, en fonction de ses facultés, décidée d'un commun accord.

M. [L] ne contredit pas Mme [X] en ce qui concerne leur importante disparité de revenus ; dès lors qu'il déclare (page 24 de ses conclusions) qu'outre les crédits immobiliers, il réglait les 2/3 des dépenses de la vie courante, il admet une participation de Mme [X] à concurrence d'un tiers au moins de ces dépenses. Il ne démontre pas que cette dernière aurait épargné ses salaires au lieu de les utiliser au profit de leur ménage comme elle affirme l'avoir fait et souligne au contraire la situation difficile dans laquelle elle s'est trouvée après leur séparation, la plaçant dans l'impossibilité de participer au remboursement des prêts et la nécessité de solliciter des aides. Il s'avère que M. [X] s'est accommodé du fonctionnement qu'il décrit pendant dix ans au terme desquels, loin de renoncer à cette union, il s'est engagé plus avant dans sa relation avec Mme [X] par la conclusion d'un PACS.

Ces circonstances établissent la preuve d'une contribution effective des deux concubins aux charges du ménage inégalitaire mais voulue conjointement, qui exclut qu'il soit fait droit à la demande de l'appelant tendant au remboursement pour moitié des crédits immobiliers dont il a assumé la charge pendant la période de concubinage.

Sur le compte entre les parties au titre de leur PACS

L'article 515-4 du code civil dispose que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, ainsi qu'à une aide matérielle et une assistance réciproques ; que si les partenaires n'en disposent autrement, l'aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.

M. [L] et Mme [X] n'ont pas conclu de convention dérogeant à ce principe.

Il apparaît qu'ils ont continué à fonctionner comme ils le faisaient précédemment, à proportion de leurs facultés respectives ainsi que cela a été exposé ci-dessus, de sorte que M.'[L] doit être également débouté de sa demande de reconnaissance d'une créance à son profit pour avoir assumé seul le remboursement des crédits immobiliers pendant cette période.

Sur la demande d'attribution préférentielle

Il résulte de l'article 515-6 du code civil que M. [L] peut demander l'attribution préférentielle de la maison indivise de [Localité 4] qui constitue son domicile.

Mme [X] s'oppose à cette demande en soutenant que l'appelant ne justifie pas de sa capacité à régler la soulte qui lui incomberait.

Au-delà de l'évocation d'un salaire mensuel de 4 000 euros et de la possibilité de souscrire un emprunt, M. [L] fonde la démonstration de sa capacité à régler cette soulte, en retenant l'estimation la plus basse de l'immeuble, sur un calcul intégrant les créances qu'il revendique au titre du remboursement des crédits immobiliers pendant le concubinage et la durée du PACS pour un total de 152'763 euros, créances dont il a été jugé ci-dessus qu'elles n'étaient pas fondées.

Dans ces conditions, sa capacité à régler la soulte, alors même que sa sous-estimation de la valeur de l'immeuble apparaît comme probable, est compromise et n'est en tout cas pas démontrée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande d'attribution préférentielle.

Il y a lieu, par voie de conséquence, de faire droit aux demandes de Mme [X] relatives à la mise en vente de l'immeuble, à l'amiable puis, le cas échéant, sur adjudication. Toutefois, il semble ressortir des écritures des parties que M. [L] a, depuis 2016, effectué des travaux d'amélioration, distincts de ceux, évoqués supra, au titre desquels il est reconnu créancier de 6 378 euros, qui ont probablement valorisé l'immeuble et dont il pourra être tenu compte, sur justificatifs apportés par celui-ci, dans le compte entre les parties.

Sur les autres demandes

Les parties s'accordent sur le montant du solde du prix de vente de l'immeuble de [Localité 8], soit 22'152,73 euros.

Il appartiendra au notaire commis de déterminer l'actif et le passif de l'indivision et d'établir le compte entre les parties en fonction de la présente décision, de l'estimation et du produit de la vente de l'immeuble de [Localité 4] et de l'actualisation des sommes évolutives (solde de crédit, indemnité d'occupation).

Il convient de dire que les dépens seront considérés comme frais de partage et il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en partage judiciaire des intérêts patrimoniaux existant entre Mme [Z] [X] et M. [Y] [L],

l'infirme en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

désigne, pour procéder audit partage, le président de la chambre interdépartementale des notaires du Nord-Pas-de-Calais ou son délégataire, à l'exclusion de Me [J], de Me [B] et de Me [O],

dit que pour fixer la valeur actuelle de l'immeuble de [Localité 4], le notaire commis procédera à une estimation après visite de l'immeuble, recueillera également l'avis, émis après visites, de deux agences distinctes de celles qui ont déjà été consultées et retiendra la valeur moyenne de ces trois estimations, laquelle ne pourra plus être discutée,

déboute M. [L] de sa demande d'attribution préférentielle dudit immeuble,

dit que le notaire aura toute latitude pour gérer la vente amiable de ce bien au prix correspondant à la valeur retenue, baisser le prix à défaut de vente amiable dans les 6 mois de la mise en vente et, à défaut de vente amiable dans les 6 mois de la baisse de prix, il sera procédé par voie de licitation de l'immeuble à la barre du tribunal judiciaire de Lille sur le cahier des conditions de vente à établir par le conseil de Mme [X] sur la mise à prix proposée par le notaire avec baisse possible du quart à défaut d'enchères,

fixe l'indemnité d'occupation due par M. [L] pour l'occupation de cet immeuble depuis le mois de juin 2016 à 1350 euros par mois,

dit que M. [L] est débiteur envers l'indivision de la somme de 15'600 euros au titre de la perception des loyers de l'immeuble de [Localité 8],

dit que M. [L] est créancier de l'indivision :

- de la somme de 6'378 euros au titre de travaux réalisés dans l'immeuble de [Localité 4],

- de la somme de 9'347 euros au titre des taxes foncières acquittées par ses soins,

- du montant des mensualités de remboursement de quatre crédits immobiliers réglées depuis le mois de juin 2016,

le déboute de sa demande de reconnaissance de créances à son profit au titre du remboursement des crédits immobiliers pendant les périodes de concubinage et de PACS,

dit qu'il appartiendra au notaire commis de déterminer l'actif et le passif de l'indivision et d'établir le compte entre les parties,

déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens de première instance et d'appel seront repris comme frais privilégiés de partage.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/03736
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;20.03736 ?
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