ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 327/23
N° RG 21/00376 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPYW
IF/NB
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX
en date du
11 Février 2021
(RG 19/00365)
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
S.N.C. LIDL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Dominique GUERIN, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
Mme [C] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Dalila DENDOUGA, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 03 Janvier 2023
Tenue par Isabelle FACON
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 décembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à temps partiel à durée déterminée du 24 septembre 2011, devenu à durée indéterminée le 1er janvier 2012, la société LIDL (la société) a engagé Madame [C] [O], en qualité de caissière employée libre service.
Son salaire mensuel brut s'élevait initialement à la somme de 1083.61 euros.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 18 septembre 2018, Madame [C] [O] a été mise à pied à titre disciplinaire les 9 et 10 octobre 2018 pour huit erreurs de caisse pour un montant total de 62.87 euros, commises entre le 12 juillet 2018 et le 7 septembre 2018.
Madame [C] [O] a été mise à pied à titre conservatoire le 29 septembre 2019 et convoquée à un entretien préalable à son licenciement le 10 octobre 2018.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 16 octobre 2018, la société a notifié à Madame [C] [O] son licenciement pour faute grave.
Madame [C] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud'hommes de Roubaix a jugé que le licenciement de Madame [C] [O] emportait les effets d'un licenciement nul et a condamné la société à payer à Madame [C] [O] les sommes suivantes :
- 3094.94 euros, à titre d'indemnités compensatrices de préavis, ainsi que 309.50 euros, au titre des congés payés y afférents,
- 2731.72 euros, à titre d'indemnités de licenciement,
- 817.92 euros, à titre de rappel de salaire suite à la mise à pieds conservatoire, ainsi que 81.80 euros au titre des congés payés y afférents,
- 12 978.78 euros, au titre des salaires dus pendant ia période de protection couverte par la nullité, ainsi que 1297.88 euros à titre des congés payés y afférents,
- 11536,69 euros, à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du caractère illicite de la rupture,
- 15 000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de ses manquements pendant le temps de la relation contractuelle,
- 700 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des dépens
La société a fait appel de ce jugement par déclaration du 9 mars 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande l'infirmation du jugement aux fins de débouté de Madame [C] [O] et sa condamnation à lui payer la somme de 2500 euros, au titre de l'indemnité pour frais de procédure.
Aux termes de ses dernières conclusions, Madame [C] [O], qui a formé appel incident, demande la confirmation du jugement, excepté quant au quantum des condamnations prononcées au titre de la réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement et de l'indemnité de procédure. Elle demande ainsi à la cour de condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
- 37 139.28 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nullité du licenciement
- 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance
- 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre la charge des dépens
Il est référé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
L'état de grossesse d'une salariée lui procure une protection relative contre la rupture de son contrat de travail.
En effet, en application des articles L1225-4 et L 1225-70 du code du travail, l'employeur ne peut rompre, sous peine de nullité, le contrat de travail d'une salariée lorsqu'il est informé de son état de grossesse, par elle-même ou par tout moyen.
Par exception, l'employeur peut rompre le contrat notamment s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, en suivant les règles applicables au droit commun du licenciement pour faute grave.
Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.
L'employeur doit ainsi prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.
Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que Madame [C] [O] a été licenciée pour les faits suivants :
'Suite à des contrôles opérés par nos services, nous avons pris connaissance, le 27 septembre 2018 que, sur la période du 1 er juillet 2018 au 23 septembre 2018, vous avez utilisé à 32 reprises la touche «contrôle prix» en établissant directement après un ticket de caisse avec un prix faible et ce, pour un montant de 116.18 euros.
En comparaison dans votre magasin, aucun autre collègue n'a établi de ticket avec la même façon de faire sur la période contrôlée.
Ces manipulations sont toujours effectuées sur votre caisse. Il s'agit d'une façon de faire systématique par laquelle vous scannez les articles via la fonction « contrôle prix » et annoncez sur l'écran le montant à payer au client. Après que le client ait payé, vous clôturez le ticket d'achat avec un prix faible que vous saisissez manuellement afin d'ouvrir le tiroir-caisse pour rendre éventuellement la monnaie.
Ce mode opératoire est bien connu car il permet de soustraire de l'argent à la société sous la forme de la contrepartie financière des articles scannés non enregistrés.'
C'est à tort que Madame [C] [O] excipe de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur, les faits reprochés diffèrent des erreurs de caisse, lesquelles résultent de la différence entre les montants facturés sur les tickets de caisse et le fonds de caisse.
En effet, bien qu'elle ne le dise pas aussi explicitement dans la lettre de licenciement, la cour comprend que la société reproche à sa salariée de ne pas avoir édité de tickets de caisse pour des achats de produits que des clients auraient pourtant payés en argent liquide, argent qu'elle aurait gardé pour elle.
La première difficulté est que la société ne le dit pas clairement dans la lettre de licenciement.
En effet, si, comme le prétend la société dans ses conclusions, la faute reprochée à Madame [C] [O] serait uniquement d'avoir utilisé la fonction contrôle prix de façon excessive et contraire à la procédure argent, alors il est difficile de la considérer comme une faute grave, ne serait ce que parce que la procédure argent, telle que versée au débat en pièce 8, ne limite pas l'usage de la fonction contrôle prix pour une salariée en caisse.
La seconde difficulté réside dans la preuve de la faute grave.
En effet, si comme le comprend la cour, à la suite de Madame [C] [O], il lui est reproché des faits qualifiables pénalement pour avoir usé de ses fonctions de caissière pour recevoir frauduleusement de la part de clients de l'argent liquide qui aurait du revenir à son employeur, alors il revient à la société de le démontrer.
La preuve repose essentiellement sur l'attestation d'une salariée de la société, dont le statut et la fonction ne sont pas mentionnés, qui atteste avoir visionné la video du magasin pour la journée du 10 septembre 2018 et avoir relaté ce qu'elle avait vu de l'activité de caisse de Madame [C] [O] en la liant au différents contrôle prix effectués ou tickets de caisse édités, lesquels sont justifiés par la production des relevés de caisse correspondant bien à Madame [C] [O].
Pour autant, la lecture de cette attestation ne permet pas de se convaincre du procédé reproché, faute de certitude, pour les achats litigieux, non seulement que les clients ont emporté la marchandise après le contrôle prix sans ticket de caisse mais surtout que Madame [C] [O] a effectivement empoché l'argent liquide en cause, ce qui in fine constituerait la faute grave.
La société explique en vain qu'elle ne peut plus produire la video en cause, étant tenue de la détruire au terme d'un délai légalement défini. En effet, il lui appartenait de ménager des preuves tangibles, particulièrement au soutien d'une procédure d'exception, telle que le licenciement d'une salariée enceinte pour faute grave.
Dès lors, en l'absence de preuves suffisamment précises des faits reprochés, le doute doit profiter à la salariée.
La cour conclut que la société ne démontre pas l'existence d'une faute grave commise par Madame [C] [O], dont il n'est pas contesté qu'elle connaissait l'état de grossesse.
Par conséquent, la nullité du licenciement de cette dernière sera prononcée.
Le jugement sera confirmé.
Sur les indemnités pour licenciement nul
Sur le salaire de référence
Les parties s'opposent sur le montant du salaire de référence.
C'est à tort que la société affirme que le salaire mensuel brut de base de Madame [C] [O] s'élevait à 1447.49 euros, prime d'ancienneté incluse.
En effet, comme le relève justement Madame [C] [O], ses feuilles de paie montrent que le salaire de base était de 1477.03 euros, ce qui augmenté de la prime d'ancienneté de 70.44 euros, porte son salaire mensuel brut à la somme de 1547.47 euros.
Sur l'indemnité de licenciement
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Madame [C] [O] avait sept années et 22 jours d'ancienneté, ce qui justifie, en application des article l 1234-9 et r 1234-9 et suivants, de lui octroyer la somme de 2731.72 euros, au titre de l'indemnité légale de licenciement
Le jugement sera confirmé.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
En application de l'article 1234-1 du code du travail, le salarié licencié a droit à un préavis de deux mois, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans.
Aux termes de l'article 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit à une indemnité compensatrice.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, la salariée avait une ancienneté de 2 ans, l'indemnité légale de préavis doit donc être fixée à la somme de 3094.94 euros, outre 10 % au titre des congés payés
Le jugement sera confirmé.
Sur l'indemnité pour la nullité du licenciement
En application de l'article L 1235-3-1 du code du travail, en cas de licenciement nul, la salariée peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaire.
Le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation de l'indemnité de perte d'emploi, compte-tenu de l'ancienneté de Madame [C] [O], de sa rémunération, de son âge, de son niveau de qualification, de sa capacité à trouver un nouvel emploi au regard de sa formation et de son expérience professionnelle, ainsi que des conséquences du licenciement à son égard.
Le jugement sera confirmé.
Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire
Le licenciement étant nul, la période de mise à pied conservatoire précédant la sanction définitive l'est également.
C'est à bon droit que le conseil de prud'homme a alloué à Madame [C] [O] l'indemnité sollicitée à ce titre.
Le jugement sera confirmé.
Surl'indemnité correspondant aux salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité
En application de l'article L 1225-4 du code du travail, la période couverte par la nullité du licenciement court du jour du licenciement jusque dix semaines suivant l'expiration du congé maternité prévu à l'article L 1225-17.
Madame [C] [O] justifie que son enfant est né le 21 janvier 2019. Dès lors, la période de protection a couru du 16 octobre 2018 au 10 juin 2019.
Le licenciement étant nul, la Cour de cassation a jugé que la salariée, qui demande sa réintégration de principe ou qui y renonce, est en droit d'obtenir une indemnité correspondant au salaire qu'elle aurait perçu pendant la péridoe couverte par la nullité, sans déduction des revenus de remplacement (Soc 17 février 2010, n° 08-45.640, Soc 29 janvier 2020, n° 18-21.862)
En outre, la Cour a estimé que la période de protection étant assimilée à du travail effectif, elle ouvre droit àune indemnité compensatrice de congés payés (Soc 10 novembre 1993, n°89-42302)
En conséquence, le conseil a fait une exacte appréciation des sommes dues au titre de l'indemnité correspondant aux salaires dus pendant la période de protection couverte par la nullité.
Le jugement sera confirmé.
Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité
Madame [C] [O] reproche à la société d'avoir manqué à son obligation de sécurité, eu égard à son état de grossesse, étant précisé qu'elle a connu deux grossesses successives en 2017 et en 2018, la première ayant été interrompu à la suite d'une chute survenue en novembre 2017, dont elle impute la responsabilité à l'employeur.
Elle lui fait, en outre, grief de ne pas lui avoir fait bénéficier des règles protectrices de femmes enceintes, dans les circonstances suivantes :
- son supérieur hiérarchique la plaçait systématiquement de fermeture de magasin jusqu'à son rappel à l'ordre par le service des ressources humaines le 29 juin 2018
- elle était astreinte à réaliser ses piqûres thérapeutiques à la caisse devant les clients ou à se rendre aux toilettes, caisse ouverte, faisant ainsi patienter les clients durant ce temps
L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L4121-4 précise que lorsqu'il confie des tâches à un travailleur, l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, prend en considération les capacités de l'intéressé à mettre en oeuvre les précautions nécessaires pour la santé et la sécurité.
L'article L1225-2 du code du travail prévoit qu'une salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte. Il en est de même pour le bénéfice des dispositions conventionnelles.
Nonobstant les formalités légales prévues à l'article R1225-1 du code du travail, la Cour de cassation a jugé que la salariée devait être protégée dès lors que l'employeur a connaissance de son état de grossesse. (Soc 9 juillet 2008, n° 07.41-927)
La société Lidl a établi un planning organisationnel de la femme enceinte, au termes duquel le supérieur doit notamment :
- faciliter le départ de caisse pour se rendre aux toilettes en dehors des pauses
- en cas de planification avant/après ouverture/fermeture clientèle, limiter les horaires à des tâches adaptées
- interdire les tâches de travail non autorisées, parmi lesquelles la mise en rayon et le port de charge lourde
Il y est précisé enfin, qu'en cas de doute, le principe de précaution s'applique.
Pour les deux grossesses, la société fait état du défaut d'information à l'employeur de l'état de grossesse, puis, pour la seconde grossesse, de la mise en place de la politique de prévention des risques dès l'information de son état le 13 juin 2018.
S'agissant de la première grossesse en 2017
Madame [C] [O] ne démontre pas avoir officiellement informé son employeur de sa première grossesse, dont la réalité est établie par les examens de sang du 10 novembre 2017. Quatre collègues attestent avoir été informées de son état de grossesse et avoir vu la chute dont la date précise n'est pas connue. Dans ce contexte, l'attestation d'une seule collègue qui affirme que l'ensemble du magasin connaissait son état de grossesse est insuffisante pour démontrer que Madame [C] [O] en avait informé l'un de ses supérieurs hiérarchiques.
Dès lors, s'il est établi que Madame [C] [O] a du subir un curetage obstétrical le 28 décembre 2017, à la suite d'une fausse couche intervenue quelques temps après une chute en magasin, elle ne démontre pas que la société était informée de son état de grossesse.
Partant, la cour ne relève pas de manquement de la société à son obligation de sécurité sur ce premier fait.
S'agissant de la seconde grossesse en 2018
Au regard des pièces produites, la première information officielle de la seconde grossesse date d'un courriel à la responsables des relations humaines le 13 juin 2018.
Pour autant, une collègue atteste de manière claire et précise que l'ensemble du magasin était informé de sa grossesse en avril 2018. Trois autres salariés attestent, sans reprendre spécifiquement cette date, que le responsable du magasin était informé, à tout le moins, des rendez-vous médicaux pour la grossesse.
La cour retient que la société, par l'intermédiaire du responsable de magasin, était informée de l'état de grossesse de Madame [C] [O] dès le mois d'avril 2018.
S'agissant des fermetures de magasin, le planning organisationnel de la femme enceinte n'exclut pas les fermetures de magasin et il apparaît que ce type de mission prenait fin avant 21 heures, soit avant le début de la période de nuit, interdite pour le travail des femmes enceintes.
En outre, dès lors que le médecin du travail a préconisé de ne plus positionner Madame [C] [O] sur les fermetures de magasin, les instructions en ce sens ont été données au responsable de site.
Le grief tient donc à la récurrence inhabituelle des fermetures de magasin entre le mois d'avril 2018 et le 25 juin 2018, ce dont ont attesté sept collègues de Madame [C] [O].
Or, la société ne produit les plannings du personnel qu'après le mois de juin 2018, en dépit des demandes formulées par Madame [C] [O] en première instance et en cause d'appel.
La cour retient, par conséquent, que la société a manqué à son obligation générale de sécurité, en n'appliquant pas le principe général de précaution qui aurait dû inviter le supérieur hiérarchique du magasin à positionner une salariée enceinte sur des missions moins fatigantes qu'habituellement, et pas l'inverse.
S'agissant des pauses pour faire des piqûres de contrôle de glycémie, Madame [C] [O] produit un certificat de l'hôpital de [Localité 4] indiquant le 18 mai 2018 qu'elle doit faire une glycémie capillaire deux heures après chaque repas jusqu'à son accouchement. Trois collègues ont attesté qu'elle était contrainte de faire ses piqûres en caisse.
Pour autant, dans son avis du 25 juin 2018, le médecin du travail ne préconise pas d'aménagement pour effectuer la glycémie. Ce geste bénin de piqûres sur le bout du doigt pouvait d'ailleurs être fait lors de passage aux toilettes.
La cour ne relève pas de manquement de la société sur ce fondement.
S'agissant des pauses pour aller aux toilettes, cinq collègues ont indiqué que pour aller aux toilettes, Madame [C] [O] avait reçu la consigne de laisser la caisse ouverte, pendant que les clients attendaient.
Ces consignes sont particulièrement pressives et contraires au sens et à l'esprit des instructions du planning organisationnel de la femme enceinte. En effet, dans un tel contexte, le risque est grand qu'une salariée chute en se dépêchant de revenir à sa caisse ou se trouve à devoir faire face à un client mécontent, ce qui serait source de stress supplémentaire.
Le manquement de la société à son obligation de sécurité vis à vis d'une salariée enceinte est caractérisé sur ce dernier point.
En définitive, la cour retient deux manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité, lesquels ont assurément causé de la fatigue et du stress inutiles à Madame [C] [O]. Son préjudice sera réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail
L'article L.1235-4 du code du travail dispose que « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. ».
Le licenciement de Madame [C] [O] ayant été jugé nul, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du Code du travail.
En conséquence, la cour ordonne le remboursement par la société aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Madame [C] [O], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur les dépens et l'indemnité pour frais de procédure
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel. Le jugement sera confirmé sur les dépens de première instance.
Le jugement sera réformé sur l'indemnité pour frais de procédure qui en découle.
Compte tenu des éléments soumis aux débats, il est équitable de condamner la société à payer à Madame [C] [O] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré, excepté quant aux demandes relatives à :
- l'indemnité pour manquement à l'obligation de sécurité
- l'indemnité pour frais de procédure
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Condamne la société LIDL à payer à Madame [C] [O] la somme de 5 000 euros, au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
Ordonne le remboursement par la société LIDL aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Madame [C] [O], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
Rappelle qu'une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi,
Condamne la société LIDL aux dépens d'appel,
Condamne la société LIDL à payer à Madame [C] [O] la somme de 3 000 euros, au titre de l'indemnité pour frais de procédure de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Olivier BECUWE