ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 337/23
N° RG 19/02127 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SVH6
GG/ GD
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCIENNES
en date du
15 Octobre 2019
(RG 17/00427 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [H] [Y]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉS :
Me [E] [W] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURTIE en remplacement de Me [T] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Vincent SPEDER, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Dorothee FIEVET, avocat au barreau de VALENCIENNES
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE LILLE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Thibaut CRASNAULT, avocat au barreau de VALENCIENNES
SAS SERVICE ASSISTANCE SECURITE en liquidation judiciaire
[Adresse 2]
[Adresse 2]
DÉBATS : à l'audience publique du 16 Novembre 2022
Tenue par [I] [D]
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 27 janvier 2023 au 17 février 2023 pour plus ample délibéré
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 26 octobre 2022
EXPOSE DU LITIGE
La SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE, qui avait pour activité la sécurité privée, a engagé M. [H] [Y], né en 1957, suivant contrat à durée indéterminée du 25/11/2013 à temps complet, en qualité d'agent privé de sécurité SSIAP1 (agent de service de sécurité incendie) niveau 3, échelon 2, coefficient 140.
Le tribunal de commerce de Valenciennes par jugement du 15/06/2015 a ouvert une procédure de redressement judiciaire et désigné Me [S] [K] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [R] [N] en qualité de mandataire judiciaire.
Après convocation à un entretien préalable par lettre du 25/04/2017, M. [Y] a été licencié pour faute grave par lettre du 18/05/2017, aux motifs suivants :
« [...]Notre client nous a informé par mail du 12 décembre 2016, que vous rencontriez des problèmes relationnels avec les étudiants du site La Serre Numérique.
De ce fait, une réunion de rappel de consignes, avait eu lieu avec l'ensemble des salariés du site. Lors de cette réunion, Mr [U] vous a demandé tout particulièrement d'adopter un comportement plutôt bienveillant et non pas autoritaire envers les étudiants.
En effet, vous avez refusé l'accès à plusieurs étudiants, vous vous êtes permis de découper les cartes des étudiants, et même mis dehors des étudiants qui étaient en train de réviser dans l'enceinte du bâtiment.
Nous vous rappelons qu'à cette période, le client ne souhaitait plus votre présence sur le site. Mais conscient de votre professionnalisme nous vous avons laissé une seconde chance.
Mais de nouveau, en date du 20 mars dernier, nous avons reçu un courrier recommandé de la part de notre client nous informant que votre comportement ne s'était pas amélioré depuis le mois de décembre 2016 à ce jour.
Par conséquent, compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible et au vu des faits reprochés ci-dessus, nous procédons donc à votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement[...] ».
Le même jour, un protocole d'accord a été signé par les parties, aux termes duquel M. [Y] a renoncé à contester les motifs de son licenciement.
Estimant la transaction nulle et le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [Y] a saisi suivant requête reçue le 19/10/2017 le conseil de prud'hommes de Valenciennes de diverses demandes indemnitaires.
Par jugement du 29/04/2019, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé la résolution du plan de redressement et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE, Me [N] étant désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement du 15/10/2019, le conseil de prud'hommes a :
-annulé la transaction du 18/05/2017 avec toutes conséquences de droit,
-dit que le solde de tout compte réglé à M. [H] [Y] est acquis au titre de cette rupture à hauteur de 2.416,40 €,
-dit le licenciement pour faute grave de M. [Y] justifié,
-débouté M. [Y] du surplus de ses demandes,
-condamné M. [Y] à payer à la SAS SERVICE ASSISTANCE SECURITE prise en la personne de son représentant légal la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Lille, Me [N], ès qualités de mandataire judiciaire et Me [K] ès qualités de mandataire de commissaire à l'exécution du plan, de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [H] [Y] aux dépens.
Suivant déclaration reçue le 29/10/2019, M. [Y] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.
Par ordonnance du tribunal de commerce du 04/05/2022, Me [E] [W] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur en replacement de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES prise en la personne de Me [T] [N].
Selon ses conclusions récapitulatives d'appelant reçues le 25/10/2022, M. [H] [Y] demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé le protocole transactionnel du 18 mai 2017 avec toute conséquence de droit, et dit que le solde de tout compte réglé demeure acquis à hauteur de 2416,40€ ;
-l'infirmer pour le surplus et statuant de nouveau sur les points infirmés :
-juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
-déclarer recevable la demande relative aux repos compensateur de nuit et à l'indemnité compensatrice de congés payés comme étant la conséquence de l'annulation du protocole transactionnel,
-fixer les créances dans la procédure collective de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE aux sommes suivantes :
-47.720 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3.560 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 356 € au titre des congés payés y afférents,
-1.424 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-15.000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
-2.416,40 € au titre des repos compensateur de nuit et de l'indemnité compensatrice de congés payés,
-ordonner la rectification des documents légaux de sortie sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
-débouter Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE et le CGEA AGS de l'ensemble de leurs demandes,
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a l'a condamné à verser une somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur ce point infirmé,
-condamner Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur à verser une somme de 1.500 € titre d'indemnité procédurale au titre des frais de 1ère instance et à une somme de 2.000 € au titre des frais d'appel,
-le condamner aux dépens de 1ère instance et d'appel,
-à défaut de condamnation, fixer la créance au passif de la procédure collective de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de 1ere instance,
-fixer la créance au passif de la procédure collective de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE à la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel,
-juger l'arrêt à intervenir opposable tant à Me [W] ès qualités de mandataire liquidateur de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE qu'à I'AGS CGEA DE LILLE
Selon ses conclusions récapitulatives contenant intervention volontaire reçues le 10/10/2022, Me [E] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE, en remplacement de la SELARL MJ VALEM ASSOCIES, demande à la cour de :
-déclarer recevable son intervention volontaire,
-mettre hors de cause Me [S] [K] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE et Me [T] [N] en qualité de liquidateur judiciaire de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE,
-infirmer le jugement déféré,
-En conséquence,
-débouter M. [H] [Y] de l'intégralité de ses demandes,
-A titre subsidiaire,
-dire et juger irrecevable la demande de fixation de la somme de 2.416,40 euros à titre de repos compensateur de nuit et de l'indemnité compensatrice de congés payés s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel,
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [Y] était justifié, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Y ajoutant,
-le condamner à payer à Me [E] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
L'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Lille, selon ses conclusions reçues le 07/02/2020 demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé la transaction régularisée entre les parties le 18/05/2017,
En conséquence,
-dire et juger que la transaction régularisée le 18/05/2018 a autorité de la chose jugée,
-débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
-confirmer le jugement déféré,
-dire le licenciement pour faute grave justifié,
-débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-le condamner au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
-dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
-dire et juger que la garantie prévue aux dispositions de l'article L3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages-intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant exclus de la garantie,
-dire et juger que la garantie ne pourra excéder toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance mentionné à ce titre,
-statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 26/10/2022.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur l'intervention volontaire
En application de l'article 329 du code de procédure civile, il convient d'accueillir l'intervention volontaire de Me [E] [W] en qualité de liquidateur de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE.
Il convient de mettre hors de cause Me [S] [K], commissaire à l'exécution du plan, ainsi que Me [N] pour le compte de la SELARL MJ VALEM, leurs missions ayant pris fin.
Sur la nullité de la transaction
L'appelant rappelle que le mandataire liquidateur et l'UNEDIC n'étant pas parties à la transaction, n'ont pas qualité pour se prévaloir du protocole, que la transaction a été signée avant la notification du licenciement, et qu'à défaut de concessions réciproques la transaction est nulle.
Le liquidateur et l'UNEDIC font valoir l'autorité de chose jugée attachée à la transaction en vertu de l'article 2052 du code civil.
Sur ce, en application de l'article 2044 du code civil modifié, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Le protocole d'accord du 18/05/2017 a été signé par M. [Y] avec la mention « sous réserve de mes droits présents, passés et futurs ». Elle prévoit en son article 1, et d'une part, que M. [Y] reconnaît que la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE lui doit les sommes de 1.989,42 € d'indemnité compensatrice de congés payés et 235,21 € d'indemnité de repos compensateur de nuit.
D'autre part, elle indique : « M. [Y] [H] renonce à contester les motifs de son licenciement et s'engage également au terme du présent protocole, à n'engager aucune action judiciaire à l'encontre de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail »
En dépit de son intitulé, l'article 2 du protocole ne permet pas de caractériser une concession de l'employeur en contrepartie de la renonciation du salarié à toute action. Il s'ensuit que la transaction est nulle faute de concessions réciproques.
Le jugement est confirmé.
Sur les sommes versées au titre du reçu pour solde de tout compte
L'appelant demande que la somme globale versée au titre du reçu pour solde de tout compte soit 2.416,40 €, au titre d'une indemnité de congés payés et d'une indemnité de repos compensateur, lui demeure acquise.
Il n'est pas discuté que cette somme a été effectivement réglée à M. [Y], de telle sorte qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la contestation du licenciement
L'appelant invoque l'absence de notification du licenciement, la prescription des faits du 02/12/2016 ; il indique qu'aucune faute grave n'est établie, qu'il a fait application du règlement intérieur en assurant la sécurité incendie, ce qui a déplu à certains étudiants, qui se trouvaient dans l'établissement sans autorisation, ce qui pouvait poser difficultés en cas de nécessité d'une évacuation, que les étudiants étaient irrespectueux, que le licenciement procède de l'action de parents d'élèves.
Le liquidateur expose que le salarié verse lui-même la lettre de licenciement, qu'il rencontrait de façon récurrente des difficultés relationnelles avec les étudiants, qu'en dépit d'un rappel à l'ordre en février 2016 le salarié n'a pas amélioré son comportement, ce qui a entraîné des réclamations de sa cliente la CCI GRAND HAINAUT, qu'il faisait preuve de zèle et découpait les cartes des étudiants.
L'UNEDIC estime le licenciement pour faute grave justifié.
Sur ce, l'article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.
Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.
Il convient d'examiner les griefs mentionnés à la lettre de licenciement du 18/05/2017, qui est versée par le salarié, qui en a donc reçu notification. L'employeur lui reproche :
-des problèmes relationnels avec les étudiants du site La Serre Numérique, après une information par courriel 12/12/2016 (refus d'accès à des étudiants, cartes découpées, « expulsion » d'étudiants), ayant donné lieu à un rappel de consignes,
-l'absence d'amélioration du comportement par suite d'une lettre du 20/03/2017.
Au préalable, l'appelant fait valoir la prescription d'un incident du 02/12/2016. La lettre de licenciement évoque avoir été informée le 12/12/2016 (et non le 02/12/2016) de l'existence de problèmes relationnels avec les étudiants de la « Serre Numérique ».
L'appelant est mal fondé à invoquer la prescription des faits, dans la mesure où, si aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a connaissance, en vertu de l'article L1332-4 du code du travail, ces dispositions en font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à ce délai si le comportement du salarié s'est poursuivi, ce qui est bien le cas en l'espèce, peu important que le fait n'ait pas été sanctionné par l'employeur. Le moyen n'est pas fondé.
Pour preuve de la faute grave, le liquidateur verse :
-une lettre de la CCI GRAND HAINAUT du 20/03/2017, faisant part, pour la seconde fois depuis décembre 2016, de difficultés relationnelles récurrentes entre M. [Y] et des étudiants de la Serre Numérique, et indiquant : « n'ayant toujours pas de reproche autre à faire à Monsieur [Y], et conscient qu'une minorité d'étudiants n'ont pas toujours un comportement exemplaire, nous vous avons demandé le 12 décembre 2016 d'envisager de lui trouver un autre site de travail, afin d'éviter que la situation ne se dégrade au fil des mois. Notre locataire principal est à présent régulièrement relancé par les parents d'élèves inquiets de la situation inchangé. Il est à noter que les élèves en question ne sont pas connus comme ayant des problèmes de discipline ou de comportement[...], le changement d'affectation de M. [Y] étant sollicité « au plus tard pour la prochaine rentrée scolaire à savoir le 1er septembre 2017 » ;
-le courriel du 12/12/2016 évoquant « de nouveau » des problèmes relationnels entre M. [Y] et des étudiants ;
-un extrait du registre de consigne du mois de février 2016 renseigné par M. [B] et demandant à M. [Y] qu'il n'y ait plus aucune altercation ;
-des extraits de registres (pièces adverses 12/7 et 12/9).
Il résulte des éléments apportés par l'employeur que M. [Y] a été recruté en tant qu'agent privé de sécurité, avec la qualification d'agent de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes (SSIAP 1), et qu'il a été affecté à la surveillance de «la Serre Numérique », groupement de trois écoles privées dédiés aux métiers de l'image et de la création numérique.
Le courriel du 12/12/2016 et la lettre du 20/03/2017 précités, établissent que M. [Y] a effectivement rencontré des difficultés relationnelles avec certains étudiants. Les extraits du cahier de liaison, à titre d'exemple, en témoignent :
-novembre 2016 : « à convoquer élève ['] ; « viré 1 étudiant 5e Design Transport Rubika »,
-le 04/12/2016 : « 13h30 viré Mlle [...] Supinfogame 1 pas de carte » ;
-le 08/12/2016 : « viré un étudiant à 23h30 en salle E202 étant seul »
En outre, M. [Y], s'il invoque le fait que tout étudiant doit être muni d'une carte en cours de validité, reconnaît avoir découpé des cartes d'étudiants qui ne l'étaient plus. Les faits invoqués par l'employeur sont donc établis, M. [Y] n'étant pas autorisé à découper les cartes des étudiants, même anciennes, et même en leur restituant les photos.
Cependant, il convient de prendre en compte le fait, comme le rappelle l'employeur, que le salarié devait assurer la prévention des incendies, et l'évacuation du public, sur un site de 17.000 m² pour les trois écoles du groupe Rubika, outre un espace d'entreprises de 3.000 m ² et de plusieurs « espaces de convivialité ».
De plus, le salarié verse les consignes aux agents de sécurité selon lesquelles, à titre d'exemple :
-les étudiants restant le soir ou le weekend doivent fournir leur carte d'étudiant, l'agent de sécurité devant vérifier que le porteur de la carte en est bien titulaire,
-aucun étudiant ne peut rester seul dans une salle,
-l 'utilisation des machines dans les ateliers par les étudiants est interdite hors présence d'encadrants.
Les extraits du cahier de liaison démontrent que M. [Y] a appliqué ces consignes à la lettre, de façon stricte, ce qui ressort d'ailleurs de la lettre du 20/03/2017, la CCI indiquant n'avoir pas de reproche « autre » à faire au salarié.
Ainsi le 19/05/2015 des étudiants demandent de laisser l'atelier ouvert, ce qui n'est pas possible en l'absence d'encadrants, et a pour conséquence que « le ton monte ». Dans ces conditions, il ne peut être reproché au salarié que d'avoir découpé des cartes d'étudiants, les difficultés relationnelles étant imputables au strict respect des consignes par le salarié.
Enfin, M. [Y] s'est trouvé confronté à des étudiants mettant en cause son statut de façon injurieuse (exemple : « j'espère que je vais réussir à virer ta grosse gueule », le 16/02/2016), ce qui n'a pas contribué à apaiser la situation.
Quant à la lettre du 20/03/2017, elle démontre la persistance de difficultés de relations, mais sans que l'on puisse l'imputer à M. [Y], faute d'éléments permettant de préciser le comportement de M. [Y] depuis le mois de décembre.
Dans ces conditions, la faute grave n'est pas établie, et la sanction du licenciement est disproportionnée. Il est ajouté que l'employeur ne justifie pas de la recherche d'une autre affectation pour le salarié, mieux adaptée à sa rigueur professionnelles, ce qui est d'ailleurs demandé par la CCI GRAND HAINAUT.
Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.
Sur les conséquences indemnitaires du licenciement
La moyenne des salaires s'établit à la somme de 1.734,55 €.
La demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois est accueillie à hauteur de 3.469,10 € outre 346,91 € au titre des congés payés afférents.
L'indemnité de licenciement s'établit à 1.269,69 €.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Y], de son âge (60 ans) ancienneté, (3 ans et 8 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22/09/2017, une somme de 14.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il n'est pas justifié d'un préjudice moral distinct autre que celui résultant de la perte de l'emploi, en sorte que la demande de M. [Y] doit être rejetée.
Enfin, M. [Y] ne saurait sans se contredire demander que lui reste acquise la somme réglée de 2.416,40 €, et solliciter par ailleurs la fixation de cette somme payée à l'état des créances. La demande, qui est nouvelle mais recevable, doit être rejetée.
A l'exception de cette dernière somme, celles allouées seront inscrites à l'état des créance du passif de la liquidation judiciaire de la société SERVICE ASSISTANCE SECURITE.
Le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Lille, qui devra sa garantie, conformément aux articles L3253-6 à L3253-21 du code du travail.
Sur les autres demandes
Une attestation Pôle emploi rectifiée conforme au présent arrêt devra être remise à M. [Y] par Me [W], une astreinte n'étant pas justifiée.
Par infirmation, les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Les dispositions de première instance étant infirmée, il convient d'allouer à M. [Y] pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel une indemnité globale de 2.000 € qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Reçoit l'intervention volontaire de Me [E] [W] en qualité de liquidateur de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE,
Met hors de cause Me [S] [K], commissaire à l'exécution du plan, ainsi que Me [N] pour le compte de la SELARL MJ VALEM,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Valenciennes du 15 octobre 2019, sauf en ce qu'il a annulé la transaction du 18 mai 2017 et dit que le solde de tout compte réglé à M. [H] [Y] au titre de cette rupture lui est acquis à hauteur de 2.416,40 € ;
Statuant à nouveau, y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [H] [Y] est sans cause réelle et sérieuse,
Fixe à l'état des créances salariales du passif de la liquidation judiciaire de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE les sommes suivantes :
-1.269,69 € d'indemnité légale de licenciement,
-3.469,10 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 346,91 € au titre des congés payés afférents,
-14.000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2.000 € d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [H] [Y] de sa demande de fixation de la somme de 2.416,40 € ;
Enjoint à Me [E] [W] ès qualités de liquidateur de la SARL SERVICE ASSISTANCE SECURITE de remettre à M. [H] [Y] une attestation destinée au Pôle emploi conforme au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu à astreinte,
Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Lille, qui devra sa garantie, conformément aux articles L3253-6 à L3253-21 du code du travail,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Soleine HUNTER-FALCK