République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 16/02/2023
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SUR RENVOI DE CASSATION
N° de MINUTE :
N° RG 21/05106 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T3WB
Jugement rendu le 30 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Dunkerque
Arrêt rendu le 08 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai
Arrêt rendu le 14 avril 2021 par la Cour de cassation
DEMANDERESSE À LA DÉCLARATION DE SAISINE-APPELANTE
La société Atradius credito y caucion s.a. de seguros y reaseguros venant aux droits de la société Atradius credit insurance n.v
prise en la personne de ses représentants légaux
dont l'établissement principal en France est situé au [Adresse 2]
[Localité 8]
et dont le siège est [Adresse 12]
[Localité 4]
Espagne
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,
assistée de Me Nathalie Petrignet et Me Karim Soussi, avocats au barreau des Hauts-de-Seine, avocats plaidants
DÉFENDERESSE À LA DÉCLARATION DE SAISINE-APPELANTE
La SELAS Perspectives représentée par Maître [G] [V], venant aux droits de la Selarl [V] et Associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Care Distribution, dont le siège est [Adresse 3], mise en liquidation judiciaire par jugement du 17 juillet 2014,
demeurant [Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
Assisté par Me Stéphane Le Roy, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant.
DÉFENDEURS À LA DÉCLARATION DE SAISINE-INTIMES
Madame la directrice générale des douanes et des droits indirects agissant poursuites et diligences de Monsieur le Directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Madame la receveuse interrégionale des douanes et droits indirects
domiciliée à la recette interrégionale des douanes et droits indirects
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
Monsieur le directeur régional des douanes et droits indirects
domicilié à la direction régionale des douanes et droits indirects de
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 5]
Représentés par Me Aurore Bonduel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué.
Assistés par Me Colin Maurice, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Claire Litaudon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
DÉBATS à l'audience publique du 21 novembre 2022 après rapport oral de l'affaire par Céline Miller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 après prorogation du délibéré en date du 9 février 2023(date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022
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La société Care distribution (la société Care), entrepositaire agréé par l'administration des douanes, stocke de la bière et du vin en suspension de droits d'accises pour le compte de ses clients, puis les réexpédie sous régime suspensif de droits d'accises vers d'autres entrepositaires agréés dans l'Union européenne. La dette fiscale susceptible de naître de son activité est garantie par le cautionnement de la société Atradius Credit Insurance NV, aux droits de laquelle vient la société Atradius credito y caution SA de seguros y reaseguros (la société Atradius).
Le 26 juin 2014, la société Care a été mise en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 17 juillet 2014. La société [V], représentée par M. [V], a été désignée en qualité de liquidateur de la société.
Le 29 juillet 2014, l'administration des douanes a procédé à un inventaire des stocks dans l'entrepôt de la société Care, M. [V], ès qualités, étant représenté, puis, elle a, le 7 août 2014, adressé à celui-ci un avis préalable de taxation des stocks d'alcools détenus dans les entrepôts de la société Care et, le 19 septembre 2014, un avis définitif de taxation.
L'administration des douanes a émis deux avis de mise en recouvrement (AMR) le 22 septembre 2014 à l'encontre des sociétés Care et Atradius, que celles-ci ont contestés le 20 octobre 2014. L'administration des douanes ayant rejeté ces contestations, les sociétés Care et Atradius l'ont assignée aux fins d'obtenir l'annulation des AMR et des décisions de rejet de leur contestation.
Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal judiciaire de Dunkerque a débouté la société de droit espagnol Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reasseguros et la SARL Care distribution de leurs demandes d'annulation des avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 (AMR n°801/14/527 et AMR n°801/14/528) et des décisions de rejet des 20 et 24 avril 2015, constaté l'absence de dépens et débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL Care distribution représenté par son liquidateur Me [Y] [V] et la société Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reasseguros ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 8 novembre 2018, la cour d'appel de Douai a infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a constaté l'absence de dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, a annulé les avis de mise en recouvrement n°801/14.527 et n°801/14/528 du 22 septembre 2014 ainsi que les décisions de rejet des 20 et 24 avril 2015.
Par arrêt du 14 avril 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi formé par le directeur général des douanes et droits indirects, le directeur régional des douanes et droits indirects de Dunkerque et le receveur régional des douanes et droits indirects de Dunkerque, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai, a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai autrement composée.
La cour d'appel de Douai a été de nouveau saisie par déclaration du 1er octobre 2021 de la société Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reaseguros laquelle, dans ses dernières conclusions remises le 19 octobre 2022, demande à la cour, au visa de l'article L80 A du livre des procédures fiscales, des articles 302D et 302G du code général des impôts et du règlement du cautionnement n°CIA 200, d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque du 30 mai 2017 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la décision de rejet du 24 avril 2015 de l'administration des douanes et de l'avis de mise en recouvrement n°801/14/528 du 22 septembre 2014 et, statuant à nouveau, de :
- Annuler la décision de rejet du 24 avril 2015 de l'administration des douanes ;
- Annuler l'avis de mise en recouvrement n°801/14/528 du 22 septembre 2014 de l'administration des douanes ;
- Condamner l'administration des douanes à payer à la société Atradius credituo y caucion S.A. de seguros y reaseguros, venant aux droits de la société Atradius credit insurance nv, la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir que c'est à tort que le tribunal a écarté le grief tiré de l'évolution de la motivation de l'administration pendant le cours de la procédure, alors que l'administration était tenue de motiver intégralement et complètement le redressement envisagé dès l'avis préalable de taxation, avant toute décision susceptible de conduire à une taxation.
Elle conteste par ailleurs l'exigibilité des sommes réclamées par l'administration des douanes alors que les marchandises effectivement recensées demeuraient toujours sous le régime suspensif de droits d'accises à la date de l'inventaire, dès lors que la personnalité morale de la société et, partant, son agrément, continuaient jusqu'à la clôture de sa liquidation aux termes de l'article L237-2 du code de commerce.
Elle ajoute que les marchandises ont été cédées à la société CMH qui a directement acquitté les droits d'accises ; que l'administration des douanes ne saurait percevoir par deux fois le montant des droits d'accises exigibles ; que la perte irrémédiable des produits, en ce qu'ils sont rendus inutilisables en tant que produits soumis à accises, entraîne une exonération de droits d'accise,s ce qui est le cas en l'espèce, le stock étant atteint de péremption et la vente de celui-ci pour un euro symbolique ayant été, pour cette raison, autorisée par ordonnance du juge commissaire du 29 septembre 2014.
Elle fait valoir par ailleurs qu'en sa qualité de caution, elle doit être déchargée de sa responsabilité à l'égard des droits applicables aux produits en stock qui ont fait l'objet d'une saisie judiciaire, ce qui est le cas en l'espèce.
Elle ajoute que l'administration des douanes ne justifie pas qu'elle a bien déclaré sa créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Care distribution, conformément au BOD n°6517 du 29 juin 2001 et aux articles L622-17 et L641-13 du code de commerce. Or l'absence de déclaration de créance par la douane entraîne non seulement l'extinction de sa créance à l'encontre du débiteur, mais également l'extinction de l'obligation de la caution, de sorte que la société Atradius, en sa qualité de caution, est libérée de son obligation.
Par dernières conclusions écrites remises le 31 janvier 2022, la société en liquidation judiciaire Care distribution, représentée par la Selas Perspectives agissant par Me [V], en qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en conséquence, d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque (RG 15/01450) du 30 mai 2017, en ce qu'il a:
« - Débouté la société de droit espagnol Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reasseguros et la SARL Care distribution de leurs demandes d'annulation des avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 (AMR n°801/14/527 et AMR n°801/14/528 et des décisions de rejet du 20 avril 2015 et du 24 avril 2015) ;
- Débouté les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'
et statuant à nouveau, de :
- Annuler l'avis de mise en recouvrement (AMR) n°801/14/527 du 22 septembre 2014 et l'avis définitif de taxation du 19 septembre 2014;
- Annuler la décision du 20 avril 2015 rejetant la contestation de la société Care distribution de l'AMR n°801/14/527 du 22 septembre 2014 ;
- Condamner l'administration des douanes à payer à la société Care distribution la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'administration des douanes aux dépens ;
Soutenant que les droits de la défense n'ont pas été respectés, elle relève que la Cour de cassation n'a pas statué sur le second grief tiré de l'évolution de la motivation de l'administration pendant le cours de la procédure, alors que l'administration, qui était tenue de motiver intégralement et complètement le redressement envisagé dès l'avis préalable de taxation du 7 août 2014, a invoqué dans sa décision de rejet du 10 avril 2015 une doctrine administrative dont les références n'étaient pas indiquées et qu'elle n'avait pas citée précédemment, puis s'est fondée dans ses conclusions devant le tribunal et la cour sur un 'bulletin officiel des douanes BOD n°6517 du 16 juin 2001" toujours en violation des mêmes principes et a motivé rétrospectivement son redressement par une vente des bières par le liquidateur intervenue après l'émission de l'avis de mise en recouvrement contesté, qu'elle estime irrégulière. Elle considère que l'administration des douanes n'ayant pas communiqué, au moment de la phase contradictoire de la procédure, l'intégralité des fondements légaux du redressement, l'avis de mise en recouvrement ne peut être qu'annulé.
Elle conteste par ailleurs la créance de l'administration des douanes au visa de l'article L237-2 du code de commerce dès lors que :
- les bières ont été trouvées en suspension des droits d'accises par l'administration lors de son recensement ;
- la douane a demandé le paiement des droits d'accises motif pris du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, alors que la personnalité morale de la société survit jusqu'à la clôture de la liquidation ; que l'administration était tenue d'attendre la clôture de la liquidation pour traiter fiscalement le stock non vendu à la fin des opérations ;
- les marchandises ont été vendues après le recensement et les droit d'accises ont été acquittés par un tiers,
- subsidiairement, la marchandises était périmée et ne pouvait plus être consommée, de sorte que l'administration aurait dû les admettre en décharge des droits d'accises à l'instar des pertes.
Enfin, au visa de l'article L256 du livre des procédures fiscales, elle soutient que la vente des bières et leur devenir sur le plan de la fiscalité des droits d'accises sont des événements postérieurs et indépendants du redressement dont la cour n'est pas saisie.
Dans ses dernières conclusions remises le 18 novembre 2022, Mme la directrice générale des douanes et droits indirects, M. Le directeur régional des douanes et droits indirects de Dunkerque et Mme la receveuse interrégionale des douanes et droits indirects demandent à la cour, au visa des articles R256-2, L80A, L80M et L256 et suivants du livre des procédures fiscales, 302B, 302 D, 302 G, 302 P 402 bis, 438, 1682 et suivants du code général des impôts, de la directive n°2008/118/CE du Conseil en date du 16 décembre 2008, de la doctrine administrative et notamment du Bulletin officiel des douanes n°6517 du 29 juin 2001, et des articles 2288 et 2298 du code civil, de confirmer l'ensemble des dispositions du jugement rendu le 30 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Dunkerque (RG15/01450) dont appel et, en conséquence, de :
- débouter la société Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reasseguros et la société Care distribution représentée par la Selas perspectives de l'intégralité de leurs demandes ;
- condamner la société Atradius credito y caucion S.A. de seguros y reasseguros aux dépens de première instance et d'appel et à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir que les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été respectés dès lors que l'avis préalable et l'avis définitif de taxation avaient déjà évoqué la teneur de la doctrine administrative selon laquelle 'la survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stock', de sorte que cette argumentation n'était pas nouvelle, tous les fondements légaux du redressement ayant été communiqués et discutés et que la procédure est régulière.
Elle ajoute qu'en vertu du Bulletin officiel des douanes n°6517 du 29 juin 2001, dès lors que la garantie par une caution est une condition sine qua non à la détention de boissons alcooliques en suspension de droits par un dépositaire agréé, son retrait (découlant du jugement de liquidation) emporte la cessation du régime suspensif et déclenche l'exigibilité immédiate des droits conformément à l'article 302 D du Code général des impôts ; que les droits d'accises d'un montant de 25 839 euros étaient ainsi dus à compter de la liquidation judiciaire de la société Care distribution, peu important le fait que cette créance puisse être réglée au fur et à mesure de la commercialisation des produits selon des modalités à mettre en place par la Recette régionale des douanes ; que la cession du stock à la société CMH aurait été illicite dès lors que celle-ci n'étant pas entrepositaire agréé mais que celle-ci n'a pas abouti ; que la société Care distribution étant redevable des droits d'accises litigieux, ces droits sont devenus exigibles à l'égard de la caution solidaire ; que la procédure fixée par le bulletin officiel des douanes ayant été respectée, il n'y a pas lieu à annulation des avis de mise en recouvrement ni des décisions de rejet contestées.
Elle soutient que la société Atradius et la Selas Perspectives ès qualités de liquidateur de Care distribution ne démontrent pas qu'au jour du placement de cette société en liquidation judiciaire, soit le 17 juillet 2014, la marchandise était dénuée de valeur marchande ou qu'elle était périmée ; que le dépôt de scellés judiciaires sur les locaux de la société Care distribution n'a pas entraîné la saisie des marchandises.
En réponse à l'argumentation de la société Atradius concernant le défaut de déclaration de la créance de l'administration fiscale à la liquidation judiciaire de la société Care, elle fait valoir que le fait générateur ayant donné naissance à la dette douanière est la constatation de manquants lors de l'inventaire réalisé par les douanes après ouverture du jugement de conversion en liquidation judiciaire ; il s'agit donc d'une créance postérieure, laquelle a bien été déclarée par l'administration des douanes le 22 septembre 2014 entre les mains de Me [V] qui en a accusé réception et l'a enregistrée dans la liste définitive des créances de Care Distribution.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Selon l'article L80 M du livre des procédures fiscales, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, toute constatation susceptible de conduire à une taxation donne lieu à un échange contradictoire entre l'administration et le contribuable, qui est informé des motifs et du montant de la taxation encourue et invité à faire connaître ses observations. Si le contribuable demande à bénéficier d'une communication écrite, l'administration lui adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception une proposition de taxation qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Il dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition de taxation pour formuler ses observations ou faire connaître son acceptation. A la suite des observations du contribuable ou, en cas de silence de ce dernier, à l'issue du délai de trente jours, l'administration prend sa décision. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée.
En l'espèce, l'administration des douanes a adressé le 7 août 2014 à Me [V], liquidateur de la société Care distribution, un avis préalable de taxation pour un montant total de 25 532 euros suite à un inventaire du stock de la société contradictoirement effectué le 29 juillet 2014, alors que la société venait d'être placée en liquidation judiciaire.
Cet avis était ainsi motivé :
' L'article L237-2 du code de commerce précise que 'la personnalité morale de l'entreprise subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci'.
La survenance de la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stocks.
Toutefois, les marchandises continuent d'être détenues dans l'entrepôt de l'opérateur dans l'attente de leur commercialisation.
Les droits doivent être acquittés au fur et à mesure de leur commercialisation. A cet effet, je vous adresse ci-joint un état liquidatif détaillé, établi par catégorie de produits et nature d'imposition (tableau de calcul des accises joint au présent courrier).
Le liquidateur judiciaire est tenu de reverser au comptable des douanes les droits facturés et acquittés par l'acquéreur des produits lors de leur commercialisation, qui ne constituent pas un actif de l'entreprise.
En cas de cession du stock sous le régime de la suspension à un autre opérateur agréé, le liquidateur sera invité à justifier de leur cession en droits suspendus.
A contrario, les droits sont exigibles en cas de cession à un opérateur non agréé.'
Le liquidateur était ensuite informé de la possibilité de formuler des avis ou observations dans le cadre d'une procédure orale ou écrite, avec un rappel des dispositions de l'article L80 M du Livre des procédures fiscales précité et l'indication qu'il disposait d'un délai de trente jours à compter de la réception du courrier pour adresser par écrit ses observations, à défaut de quoi la société Care distribution ferait l'objet d'un avis de taxation définitif, suivi de l'établissement d'un bulletin de prise en charge, puis, à défaut de paiement, d'un avis de recouvrement.
Le premier juge a exactement relevé que si l'avis préalable de taxation ne vise que l'article L237-2 du code de commerce dans sa motivation, l'administration des douanes précise également que la liquidation judiciaire entraîne l'exigibilité des droits sur stock et détaille ensuite la procédure à suivre en cas de vente du stock, aucune incohérence n'étant caractérisée à cet égard.
C'est en outre de manière pertinente qu'ayant observé qu'aucune réponse ou demande de précision de la base légale n'avait été formulée dans le délai de trente jours prévu par l'article L80M du livre des procédures fiscales, qu'au regard des explications fournies par l'administration des douanes, la société Care distribution pouvait parfaitement comprendre les droits réclamés, leur calcul et formuler toute observation à ce sujet et qu'il résultait de l'avis de taxation définitive qu'il n'y avait eu aucune réponse (du liquidateur de la société Care distribution) dans le délai de trente jours précité, le premier juge a estimé qu'il n'y avait pas lieu à annulation de l'avis de mise en recouvrement n°801/14/527 du 22 septembre 2014 pour non-respect de la procédure prévue par le livre des procédures fiscales, peu important la motivation retrospective de l'avis de mise en recouvrement qui avait pu être faite postérieurement par l'administration des douanes (tendant à constater que les droits réclamés n'avaient pas été acquittés).
La décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Sur la créance de l'administration douanière
L'article 302 B du code général des impôts dans sa version applicable au litige prévoit que 'sous réserve de l'article 564 undecies, sont soumis aux articles 302 B à 302 V bis : les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés'. L'article 302 D précise que l'impôt est exigible lors de la mise à la consommation et que le produit est mis à la consommation lorsqu'il cesse de bénéficier du régime suspensif des droits d'accises prévu au II de l'article 302 G ou de l'entrepôt mentionné au 8° du I de l'article 570.
Par ailleurs, l'article 302 G, V précise que l'administration accorde la qualité d'entrepositaire agréé à la personne qui justifie être en mesure de remplir les obligations prévues au III (tenue d'une comptabilité matières des productions, transformations, stocks et mouvements des produits mentionnés aux 1° et 2° du I) et qui fournit une caution solidaire garantissant le paiement des droits dus.
C'est à juste titre que le premier juge a déduit de ces dispositions que la caution était une condition nécessaire à la détention de boissons alcooliques par un entrepositaire agréé et que le retrait de la caution emportait la cessation du régime suspensif des boissons alcooliques, déclenchant ainsi l'exigibilité des droits selon l'article 302 D du code général des impôts.
Or, il résulte du bulletin officiel des douanes n°6517 du 29 juin 2001 que l'engagement de la caution s'éteint de plein droit au jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire des biens du redevable, que cette liquidation emporte déchéance du terme pour le principal obligé mais non pour la caution et que les créances cautionnées en cours ressortant de la procédure de liquidation judiciaire et non apurées doivent être produites entre les mains du liquidateur. (...)
En matière de crédit d'entrepôt, le recensement par les services des douanes des produits en stock détenus par le redevable en suspension de droits d'accises à la date d'ouverture de la liquidation judiciaire permet de déterminer le montant des droits exigibles sur ce stock ainsi que ceux applicables aux manquants éventuellement constatés. L'ensemble des impositions échues (y compris les droits sur stock et les manquants en entrepôt) doit être notifié à la caution sous couvert d'un avis de mise en recouvrement. (...) Particularité : en matière de crédit d'entrepôt, le montant des droits sur stock arrêté par le service des douanes au jour de la liquidation judiciaire, puis notifié à la caution et au liquidateur, est de caractère définitif.
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge en a déduit que les droits d'accises à hauteur de 25 839 euros étaient bien exigibles dès la liquidation judiciaire de la société Care distribution même si la personnalité morale de cette société subsistait jusqu'à la date de clôture de la liquidation - ce qui n'était pas le cas de l'agrément du fait de la cessation de l'engagement de la caution, seuls les engagements passés pouvant encore être garantis par la caution, à l'exclusion de tous les actes qui pourraient être passés, après l'ouverture de la liquidation, concernant le stock inventorié au jour de la publication du jugement d'ouverture.
La cour observe en outre, à l'instar du premier juge, que la cession du stock à la société OTN, entrepositaire agréé, autorisée par ordonnance du juge commissaire, n'a pas été suivie d'effet et qu'il n'est nullement démontré que la SCI OMH, qui a finalement acquis le stock, ait réglé les droits d'accises, de sorte qu'il n'est pas établi que ces droits aient été réglés deux fois.
Par ailleurs, il n'est pas établi qu'au jour du placement de la société Care distribution en liquidation judiciaire, soit le 17 juillet 2014, la marchandise était dénuée de valeur marchande ou qu'elle était périmée, de sorte qu'elle pourrait ainsi être dispensée du paiement des droits d'accises.
En outre, il convient de préciser que le dépôt de scellés judiciaires sur les locaux de la société Care distribution n'a pas entraîné la saisie des marchandises et que celles-ci étaient encore commercialisables.
Enfin, il est relevé que la créance de l'administration douanière a régulièrement été déclarée en tant que créance postérieure au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, suivant courrier de l'administration des douanes adressé au liquidateur par recommandé reçu par Me [V] ès qualités le 23 septembre 2014.
Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société Care distribution de sa demande visant à annuler la décision de rejet du 20 avril 2015 et l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2015.
Sur l'engagement de caution de la société Atradius
Aux termes de l'article 228 du code civil, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le créancier n'y satisfait pas lui-même.
L'article 1682 du code général des impôts dispose que le rôle, régulièrement mis en recouvrement, est exécutoire non seulement contre le contribuable qui y est inscrit, mais contre ses représentants ou ayants cause.
Enfin, il résulte de l'article L.256 du livre des procédures fiscales qu'un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité.
C'est à juste titre que le premier juge, ayant constaté d'une part que la société Care distribution était redevable des droits tels qu'ils lui avaient été notifiés par l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014, la caution, tenue solidairement et ne pouvant opposer le bénéfice de discussion, était également redevable du montant des droits, de sorte que les dispositions de l'article L.256 du livre des procédures fiscales imposaient qu'un avis de mise en recouvrement lui soit notifié, et d'autre part que la procédure rappelée au bulletin officiel des douanes n°6517 avait été respectée, a rejeté la demande en annulation de l'avis de mise en recouvrement n°801/14/528 du 22 septembre 2014 et de la décision de rejet du 24 avril 2015.
La décision entreprise sera confirmée sur ce point également.
Sur les demandes accessoires
Selon l'article 367 du code des douanes, en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre.
Il convient, à l'instar du premier juge, de constater l'absence de dépens.
Par ailleurs, il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées, tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme la décision entreprise,
Constate l'absence de dépens,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet