République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 02/02/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/03674 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TXDW
Jugement (N° 18/04261)
rendu le 1er juin 2021 par le tribunal judiciaire de chambre de Béthune
APPELANTS
Monsieur [G] [M]
né le 03 Septembre 1974 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/2021/007798 du 21/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai
Madame [N] [H] épouse [M]
née le 26 juin 1980 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/002/2021/007799 du 21/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai
représentés par Me Bertrand Henne, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉE
Madame [Y] [F] veuve [M]
née le 17 décembre 1939 à [Localité 3]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Thierry Lejeune, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 14 novembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2022
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De l'union de M. [G] [M] et de Mme [N] [H], son épouse, sont issus plusieurs enfants, dont [O] [M] [H], née sans vie le 8 février 2010, alors inhumée dans le caveau familial des parents de M. [M], à [Localité 3].
En 2018, M. et Mme [M] ont souhaité transférer l'urne cinéraire dans un colombarium à [Localité 4], lieu de leur résidence mais, malgré plusieurs démarches amiables, se sont heurtés au refus de Mme [Y] [F], veuve [M], titulaire de la concession, de donner son autorisation relative à l'ouverture du caveau.
C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier de justice en date du 9 novembre 2018, les époux [M] ont fait assigner Mme [Y] [F], veuve [M], devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins de voir autoriser l'exhumation et le retrait de l'urne de [O] [M] [H] reposant dans la concession n° 965 du cimetière de Camblain-Châtelain, en conséquence autoriser l'ouverture du caveau et les autoriser à procéder aux travaux afférents par tout professionnel agréé.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le tribunal judiciaire de Béthune les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, a débouté Mme [Y] [F] de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné Mme [H] et M. [M] in solidum aux entiers dépens.
Mme [H] et M. [M] ont interjeté appel de ce jugement et aux termes de leurs conclusions notifiées par la voie électronique le 20 septembre 2021, demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'autoriser l'exhumation et le retrait de l'urne de leur fille [O] [M] [H] reposant dans la concession n°965 du cimetière de [Localité 3], en conséquence, d'autoriser l'ouverture du caveau de la concession n° 965 et les autoriser à faire procéder aux travaux afférents par tout professionnel agréé, et enfin, laisser à chaque partie ses propres frais et dépens.
Ils soutiennent que l'inhumation de leur fille en 2010 est intervenue dans un contexte douloureux et que, alors en état de choc, dans l'urgence et en l'absence de moyens financiers à l'époque pour faire l'acquisition d'une concession en leur nom, ils ont accepté d'inhumer l'urne contenant les cendres de l'enfant dans le caveau familial de M. [M], avec l'idée par la suite de pouvoir déplacer l'urne lorsqu'ils auraient fait l'acquisition d'une concession. Ils ajoutent qu'ils n'ont pas fait de demande officielle d'exhumation avant 2018 afin de ne pas perturber davantage Mme [Y] [M], mère de M. [M] et titulaire de la concession, laquelle était fragilisée par le décès de son époux intervenu en 2013. Ils exposent ne pas comprendre le refus d'exhumation qui leur est opposé par celle-ci sans motif valable, alors que les opérations d'exhumations seraient effectuées par des professionnels et donc sans risque d'abîmer les cercueils entreposés dans le caveau.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2021, Mme [Y] [F] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner les appelants aux entiers frais et dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir que M. [G] [M] et Mme [N] [H] épouse [M] ne démontrent aucun motif grave et sérieux justifiant l'exhumation et le retrait de l'urne de l'enfant [O] [M] [H] reposant dans la concession n° 965 du cimetière de [Localité 3].
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'exhumation de l'urne
L'article 16-1-1 du code civil dispose que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ; que les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence.
Selon l'article R2213-40 du code général des collectivités territoriales, toute demande d'exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande.
Il est constant que l'exhumation d'un corps ou d'une urne cinéraire, par dérogation au principe de l'immutabilité des sépultures, ne peut être effectuée que pour des motifs graves et sérieux, tels le caractère provisoire de la sépulture et le respect de la volonté, exprimée ou présumée du défunt.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la défunte, enfant née sans vie, n'a pas fait connaître de volonté concernant sa sépulture.
Il apparaît que c'est d'un commun accord entre ses parents et ses grands-parents que son urne cinéraire a été inhumée au cimetière de [Localité 3], dans la concession détenue par sa famille paternelle, les appelants ne démontrant pas s'y être alors opposés.
S'il est possible que les parents de l'enfant n'aient alors accepté cette inhumation que de manière temporaire, compte tenu du choc émotionnel ressenti du fait de ce décès imprévu, de l'absence de moyens financiers pour acquérir leur propre concession et de l'urgence à trouver une solution d'inhumation, cette intention n'est cependant pas démontrée, la cour relevant en outre que la sépulture est composée d'un caveau recouvert d'un monument funéraire sur lequel a été apposé le nom de l'enfant et que l'urne cinéraire de celle-ci y repose depuis 2010 sans que ses parents n'aient entrepris de démarches pour la récupérer avant 2018, alors pourtant que le tombeau a été ouvert en 2013, à l'occasion des funérailles de M. [M] père, époux de l'intimée.
Mme [Y] [F] veuve [M] souhaite que la sépulture de son époux et de son fils ne soit pas perturbée par des opérations d'exhumation qui pourraient endommager le cercueil de son époux à l'occasion de manipulations.
En outre, il ne peut être valablement argué que la sépulture actuelle, distante de quatre kilomètres seulement du domicile des parents, ne permet pas le recueillement de tous.
Dans ce contexte, ni le conflit existant entre la grand-mère et les parents de l'enfant ni la circonstance que ces derniers auraient désormais fait l'acquisition d'une concession cinéraire dans leur village ne sauraient suffire pour justifier le transfert sollicité.
Aucun motif grave et sérieux, de nature à déroger au principe de l'immutabilité des sépultures en autorisant l'exhumation de l'urne cinéraire de [O] [M] [H], n'est donc démontré.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.
Les époux [M], qui succombent en leur appel, seront tenus aux entiers dépens de celui-ci.
En revanche, l'équité commande de rejeter la demande formulée par Mme [F] veuve [M] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Condamne M. [G] [M] et Mme [N] [H], son épouse, solidairement aux dépens,
Déboute Mme [Y] [F] veuve [M] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet