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02/02/2023 | FRANCE | N°21/01136

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 02 février 2023, 21/01136


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 02/02/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/01136 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPCP



Jugement (N° 18/02253)

rendu le 17 décembre 2020 par le juge aux affaires familiales de Béthune







APPELANTE



Madame [Z] [A]

née le 04 septembre 1973 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]


r>représentée par Me Laurence Pipart-Lenoir, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉ



Monsieur [R] [C]

né le 08 décembre 1962 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Corinne Rigalle...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 02/02/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01136 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPCP

Jugement (N° 18/02253)

rendu le 17 décembre 2020 par le juge aux affaires familiales de Béthune

APPELANTE

Madame [Z] [A]

née le 04 septembre 1973 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Laurence Pipart-Lenoir, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [R] [C]

né le 08 décembre 1962 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Corinne Rigalle-Dumetz, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 14 novembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2022

****

M. [R] [C] et Mme [Z] [A] ont contracté mariage le 16 octobre 1992, adoptant le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts.

Par jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Lille du 21 juillet 2016, le divorce entre les époux a été prononcé et la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux ordonnés.

Par jugement en date du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Béthune a désigné Me [S] [T], notaire à [Localité 10], pour procéder aux opérations de compte, liquidation, partage, dit que le notaire tiendrait compte des éléments suivants :

* Fixe la récompense due par la communauté à M. [R] [C] pour ses apports en fonds propres dans le cadre de l'acquisition du bien indivis à la somme de 102 119 euros,

* Fixe la récompense due par la communauté à M. [R] [C] au titre de la succession de son père, M. [X] [C], à la somme de 91 981,52 euros,

* Fixe la récompense due par la communauté à M. [R] [C] au titre de la succession de son oncle, M. [K] [L], à la somme de 33 317, 36 euros,

* Fixe la récompense due par M. [R] [C] à la communauté au titre des frais de succession de son père à la somme de 300 euros ;

- Débouté Madame [Z] [A] de sa demande de dommages intérêts,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que les dépens seraient supportés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage.

Mme [A] a interjeté appel de ce jugement et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 octobre 2022, demande à la cour, abstraction faite de demandes de «'dire que» qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais un simple rappel de ses moyens, de la déclarer recevable en son appel, confirmer la décision entreprise, sauf à préciser que le notaire commis pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage pourra interroger le fichier Ficoba national et le fichier européen pour déterminer l'existence des comptes détenus par chacune des parties et reconstituer le patrimoine propre de chacune des parties avant et après mariage, et à la réformer en ce que le juge a dit y avoir lieu à récompense par la communauté à M.'[C], condamner celui-ci aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 septembre 2022, M. [R] [C] demande à la cour de le déclarer recevable en son appel incident, confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de':

- Fixer son compte d'administration envers l'indivision post-communautaire à la somme de 10 635,14 euros, lequel figurera au passif de la liquidation ;

- Condamner Mme [A] à lui payer la somme de 15 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation, au titre des créances entre époux ;

- Renvoyer les parties devant Me [F], notaire, qui devra établir son acte selon les points tranchés par la décision à intervenir ;

- Débouter Mme [A] de l'ensemble de ses demandes ;

- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et la somme de 3 600 euros au titre de ceux par lui exposés en appel.

Pour l'exposé détaillé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il sera observé que si Mme [A] a formé appel de la disposition du jugement entrepris l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts, elle ne formule pas de demande à ce titre dans ses dernières conclusions, de sorte qu'elle sera réputée l'avoir abandonnée, en application de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'est pas tenue de statuer sur ce point.

Le jugement déféré n'est finalement contesté qu'en ce qu'il a fixé les récompenses dues par la communauté à M. [C], débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires, M. [C] sollicitant la fixation de son compte d'administration et d'une créance entre époux à son profit, et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres dispositions du jugement, définitives, ne seront pas abordées.

Sur les récompenses dues par la communauté à M. [C]

L'article 1401 du code civil dispose que la communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres.

L'article 1403 dudit code ajoute que chaque époux conserve la pleine propriété de ses propres.

L'article 1405 précise à cet égard que restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs.

Aux termes de l'article 1467 du code précité, la communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n'étaient point entrés en communauté, s'ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés. Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive.

L'article 1468 prévoit qu'il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté, d'après les règles prescrites aux sections précédentes.

L'article 1433 du code civil dispose que la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi. Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions.

En vertu de l'article 1469 dudit code, la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire. Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.

A défaut de reconnaissance du droit à récompense par les époux, la preuve doit donc en être rapportée par celui qui en réclame le bénéfice, lequel doit alors établir par tous moyens, d'une part l'existence de biens ou de fonds propres, d'autre part, que ces biens ou fonds propres ont profité à la communauté. Il en est ainsi, notamment, chaque fois des deniers propres ont été utilisés pour améliorer un bien commun ou pour en financer, en tout ou partie.

Sauf preuve contraire, le profit résulte de l'encaissement de deniers propres par la communauté, à défaut d'emploi ou de remploi.

En l'espèce, Mme [A] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci a fixé les récompenses dues par la communauté à M. [C] :

- à la somme de 102 119 euros au titre de ses apports en fonds propres dans le cadre de l'acquisition de l'immeuble commun sis à [Localité 6],

- à la somme de 91 981,52 euros au titre des fonds qu'il a perçus durant le mariage dans le cadre de la succession de son père et qui ont été encaissés par la communauté,

- à la somme de 33 317,36 au titre des fonds qu'il a perçus durant le mariage dans le cadre de la succession de son oncle et qui ont été perçus par la communauté.

*Au titre de ses apports en fonds propres pour l'acquisition du bien indivis

Mme [A] fait valoir que le contrat de mariage, qui comporte une clause aux termes de laquelle les époux déclarent n'avoir aucune valeur mobilière, mais seulement des effets personnels. vaut preuve irréfragable de l'absence de biens propres avant le mariage ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de fixer la récompense due par la communauté à M. [C] au titre de son PEL au jour du mariage, faute de preuve du montant de celui-ci et du fait que ce sont ses fonds propres qui ont financé l'apport pour le bien immobilier alors que ce PEL a également été alimenté, après le mariage, par des versements du couple en vue de l'acquisition du bien immobilier ; que l'attestation sur l'honneur produite ne reprenant pas la situation du patrimoine propre de M. [C] hormis ses deux contrats d'assurance-vie a valeur de force probante ; que la règle nemo auditur propriam turpitudinem allegans doit s'appliquer à M. [C], qui ne peut se retrancher derrière des réticences volontaires et dolosives, en application de l'article 272 du code civil ; que les seules déclarations apparaissant dans son attestation sur l'honneur ont force probante et valent aveu judiciaire de ses biens propres, qui se limitent à la somme de 84 000 euros, en application des articles 1383 et suivants du code civil.

M. [C] conteste que le contrat de mariage comporte une disposition aux termes de laquelle il aurait déclaré n'avoir aucune valeur mobilière, mais soutient que si tel était le cas, il s'agirait d'une clause de style qui ne l'empêcherait pas d'apporter la preuve contraire, s'agissant d'une présomption simple. Il ajoute que la déclaration sur l'honneur qu'il a établie dans le cadre de l'instance en divorce ne prouve pas de manière définitive la consistance de son patrimoine, n'ayant qu'une simple valeur informative pour le juge aux affaires familiales, et précise qu'il avait en tout état de cause mentionné ses demandes à venir au titre des récompenses dans le cadre de ses conclusions de divorce.

Il expose que sa première épouse, décédée le 28 août 1990, lui a laissé un capital décès d'un montant de 216 117,20 francs, lequel lui a été versé par chèque encaissé sur son compte de dépôt le 3 novembre 1990, puis viré sur le PEL ouvert dans les caisses du Crédit Lyonnais, dont il était titulaire avant son remariage le 16 octobre 1992 avec l'appelante et dont celle-ci ne conteste pas l'existence. Il ajoute que le 15 septembre 1995, les parties ont acquis un immeuble à [Localité 6], financé en partie par un prêt immobilier et en partie par un apport personnel provenant de son PEL alimenté par le capital décès qu'il avait perçu de sa défunte épouse, que l'immeuble a été revendu le 4 décembre 2015 pour un prix net vendeur de 240 000 euros et qu'il est en droit d'obtenir une récompense.

Avis de la cour :

Il est constant que les parties ont acquis au cours de leur mariage, le 15 septembre 1995, un bien immobilier sis à [Localité 6], pour un montant de 470 000 francs, soit 71 651 euros. Si l'acte d'acquisition de cet immeuble ne fait pas état des modalités de financement du prix, il n'est pas contesté par les parties que l'immeuble a été financé partiellement, à hauteur de 290 500 francs, soit 44 286,44 euros, au moyen d'un prêt immobilier dont le tableau d'amortissement est versé aux débats. Ce bien a été revendu le 4 décembre 2015 pour un montant net vendeur de 240 000 euros, consigné depuis lors, à hauteur de 154'000 euros, chez Me [F].

M. [C] établit la preuve de ce qu'il a encaissé le 3 novembre 1990, sur son compte courant, un chèque d'un montant de 216 117,20 francs provenant du capital décès qui lui a été versé à la suite du décès de sa première épouse et de ce que, le 5 août 1995, la somme de 266 319,11 francs provenant de la clôture de son PEL a été versée sur le compte joint des époux.

S'il ne produit toujours pas, en cause d'appel, le relevé de son compte PEL personnel sur lequel il expose avoir versé le capital décès perçu suite au décès de sa première épouse, la cour relève à l'instar du premier juge que M. [E] [N], frère de sa défunte épouse, et à l'époque directeur de l'agence Crédit Lyonnais de [Localité 9], a attesté dans la procédure que M. [C] avait bien perçu un chèque en règlement d'une assurance prévoyance souscrite par sa soeur auprès de son employeur, dont le montant a été réparti entre M. [C] et leur fille, 'selon quotité précisée par l'assureur, sur des comptes épargnes à vue, de l'assurance-vie et un plan épargne logement.'

Si Mme [A], qui ne conteste pas l'existence même du PEL personnel de M. [C] au moment du mariage, conteste en revanche que les fonds issus de la clôture de ce PEL et versés sur le compte joint du couple en vue de l'acquisition immobilière commune soient des fonds issus de l'assurance-vie perçue par M. [C], arguant que le couple a alimenté ledit PEL postérieurement au mariage en vue de cette acquisition, elle n'en rapporte pas la preuve, et n'apporte pas plus la preuve de ce que M. [C] aurait utilisé les fonds propres qu'il avait déposés sur ce compte pour un autre motif, la cour remarquant à cet égard qu'il n'est pas possible de retirer des fonds sur un PEL sans clôturer ce compte et que si le compte PEL a effectivement été alimenté pendant le mariage avant l'achat immobilier, M. [C] ne sollicite une récompense que pour l'utilisation par la communauté des fonds provenant du capital-décès perçu de sa défunte épouse.

Mme [H] [C] épouse [W], soeur de M. [C], atteste en outre 'être témoin de l'apport fait par mon frère pour l'achat de son habitation. Cet argent provient de l'héritage reçu suite au décès de sa première femme [Y] et qu'il a investi pour ce bien. Ils ne se sont jamais cachés de ce fait au cours des années de leur mariage dans diverses discussions familiales', tandis que son ami d'enfance, M.'[B] [J], témoigne 'que lors de travaux, après l'acquisition de la maison d'[Localité 6], M. [C] [R], en présence de son épouse [C] [Z], a évoqué que pour cet achat, il avait réinvesti le capital décès qu'il avait perçu par sa première épouse, [C] [Y], décédée en 1990.'

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré qu'il était suffisamment établi que l'acquisition de l'immeuble commun s'était faite au moyen d'un apport issu d'un capital décès perçu par M. [R] [C], dont le montant correspondait d'ailleurs sensiblement au montant du solde du prix d'acquisition de l'immeuble, déduction faite du prêt immobilier souscrit et qu'il a estimé que M. [C] avait droit à récompense de la part de la communauté au titre des fonds propres ainsi utilisés pour l'acquisition de l'immeuble commun à [Localité 6], limités cependant à la somme de 216 117,20 francs (32 946,92 euros), correspondant au capital-décès perçu.

Il convient de confirmer la décision du premier juge en ce qu'elle a calculé et fixé la récompense due à M. [C] à ce titre, selon les règles du profit subsistant, à la somme de 102 119 euros (PS= contribution du patrimoine prêteur/ coût global d'acquisition du bien tenant compte des frais d'acquisition x valeur du bien acquis au jour de sa revente = 32 946,92 euros (soit 216 117,20 francs)/ 71 651 euros (470 000 francs) x 240 000 euros).

* Au titre de la succession de son père

Mme [A] conteste la décision entreprise en ce que celle-ci a reconnu le droit à récompense de M.'[C] sur la communauté à hauteur de 91 981,52 euros au titre des sommes perçues par celui-ci dans le cadre de la succession de son père et encaissées par le compte joint de la communauté. Elle fait valoir que celui-ci ne rapporte pas la preuve du profit tiré par la communauté de l'encaissement de ces fonds alors d'une part qu'ils ont été consommés en intégralité pour les besoins du ménage, que le découvert du compte joint des époux correspond à leur train de vie, et notamment à l'acquisition régulière de véhicules et motos, et que la participation de M. [C] correspondait à sa contribution aux charges du ménage et, d'autre part, que M. [C] procédait régulièrement à des virements sur des comptes et placements ouverts à son seul nom et dont il ne rapporte pas la preuve de l'historique, une somme de 24'681,52 euros ayant notamment à ce titre été encaissée sur un compte de la communauté mais ne l'ayant pas enrichie, de sorte que M. [C] ne bénéficie pas de plein droit de la récompense. Elle ajoute que les fonds propres de celui-ci, s'ils ont transité sur le compte joint, ont été répartis sur des contrats d'assurance-vie ouverts à son seul nom, étant précisé qu'il a déclaré bénéficier de 88 000 euros en assurances-vie au moment du divorce, et qu'ils n'ont donc pas profité à la communauté.

M. [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris, exposant que si la somme de 91 981,52 euros a effectivement été d'abord placée sur le compte-joint des époux avant d'être virée sur divers comptes de placement à hauteur de 67 300 euros, il n'en reste pas moins que la somme de 24 681,52 euros restée sur le compte joint des époux a bien profité à la communauté et ouvre droit à récompense. S'agissant des fonds placés sur ses comptes d'épargne, il expose les avoir progressivement virés sur le compte joint des époux pour faire face aux dépenses de la vie courante (découvert du compte joint notamment).

Avis de la cour :

Le premier juge a justement relevé qu'il résultait des pièces produites à la procédure et notamment de la fiche comptable de Me [M], notaire à [Localité 8], en charge de la succession d'[X] [C], en date du 17 novembre 2015, mais également de la photocopie du chèque dudit montant établi par le notaire libellé au nom de M. [R] [C], que celui-ci a perçu le 19 juin 2009 une somme de 91 981,52 euros à la suite du décès de son père.

C'est également de manière pertinente qu'après avoir constaté qu'il résultait de la production du relevé de compte bancaire Crédit Lyonnais en date du 22 juin 2009 qu'un chèque d'un montant de 91 981,52 euros avait été crédité sur le compte joint des époux le 20 juin 2009, le premier juge en a déduit que les deniers propres de M. [C] avaient été encaissés par la communauté, laissant ainsi présumer que cette dernière en avait tiré profit.

Il n'est pas contesté par les parties que, dès le 25 juin 2009, M. [R] [C] a ouvert plusieurs comptes épargne à son nom sur lesquels il a procédé à plusieurs virements depuis le compte commun des époux, à savoir :

- 46 000 euros vers un compte sur livret,

- 15 300 euros vers un livret A,

- 6 000 euros vers un livret développement durable,

soit un montant total de 67 300 euros, laissant la somme de 24 681,52 euros sur le compte-joint.

Cette somme de 24 681,52 euros doit donc bénéficier de la présomption de profit à la communauté et il appartient à Mme [A] de démontrer qu'elle n'a pas profité à la communauté.

Or, il résulte des relevés du compte-joint produits dans leur intégralité par M. [C] pour la période de juin 2009 à juin 2015 que ce compte a bien servi à prendre en charge les dépenses communes et Mme'[A] ne démontre pas que la somme ainsi versée n'aurait pas profité à la communauté.

Par ailleurs, il résulte de ces relevés qu'il a été procédé régulièrement à des virements internes de compte à compte, intitulés 'virt [C], vir découv', pour alimenter le compte joint du couple à hauteur d'un montant total de 70'566,67 euros, en sus des salaires de M. [C] également virés sur ce compte.

Cependant, l'intitulé de ces virements bancaires ne permet pas de déterminer le (ou les) compte(s) au débit duquel/desquels ont été pratiqués les virements et les quelques relevés produits permettent d'établir que ces comptes d'épargne n'ont pas été uniquement alimentés par la succession d'[X] [C]. De plus, force est de constater que M. [C] n'ayant pas produit l'intégralité des relevés de ses compte sur livret, livret A et livret développement durable sur la période, seuls quelques virements au débit de ces comptes peuvent être mis en lien, par leur montant, leur date et leur intitulé, avec des virements portés au crédit du compte joint du couple pour un montant total de 7 700 euros, établissant ainsi qu'ils ont profité à la communauté.

Enfin, la cour relève que M. [C] a déclaré devant le juge aux affaires familiales, au titre de la composition de son patrimoine mobilier, deux contrats d'assurance-vie provenant de l'héritage de [K] [L], son oncle, à hauteur de 82 000 euros au total alors que les fonds qu'il a perçus de cet oncle ne s'élevaient qu'à 33 317,36 euros. Il est donc possible, voire vraisemblable qu'une partie de cette somme provienne de la succession de son père.

Cependant, là encore, l'historique complet de ces contrats d'assurance-vie, avec la date de leur souscription et le montant des versements intervenus, n'est pas versé aux débats.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne disposant pas de suffisamment d'éléments pour établir que la communauté ait tiré profit de l'intégralité de la somme de 91 981,52 euros appartenant en propre à M. [R] [C] comme l'ayant perçue de la succession de son père, il convient de réformer la décision entreprise et, statuant à nouveau sur ce point, de dire que la récompense due à M. [R] [C] à ce titre doit être fixée à 32'381,52 euros (24 681,52 + 7 700).

* Au titre de la succession de son oncle

Mme [A], reprenant le même argumentaire que précédemment en ce qui concerne la succession d'[X] [C], sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a fixé au profit de M.'[C] un droit à récompense sur la communauté à hauteur de 33 317,36 euros provenant de la succession de l'oncle de celui-ci au titre d'une assurance-vie CNP perçue le 2 septembre 2011, encaissée par la communauté.

M. [C] s'y oppose, exposant que la somme de 33 317,36 euros a été encaissée par le compte-joint le 2 septembre 2011, puis que si 10 000 euros ont de suite été virés sur son livret A le 3 septembre 2011, c'est pour être de nouveau virés à hauteur de 5 000 euros le 10 janvier 2012 vers le livret A de Mme [C] qui était une réserve pour faire face aux dépenses du quotidien, les fonds ayant été ensuite virés vers le compte joint pour apurer les découverts et payer différents travaux ; que plusieurs virements à hauteur de 6 000 euros ont été également faits de ce compte vers le compte joint en juin et juillet 2012 pour apurer le découvert ; qu'un virement de 5 000 euros a été effectué le 3 septembre 2011 vers son compte épargne logement, lequel ne présentait plus qu'un solde de 407,13 euros à la date de l'ordonnance de non-conciliation, ce qui prouve que les sommes ne faisaient que transiter sur ce compte pour ensuite repartir vers le compte joint pour apurer le découvert.

Avis de la cour :

Ainsi que l'a relevé le premier juge, il résulte des pièces de la procédure et notamment des correspondances de CNP assurances en date du 18 mai 2015 et 31 août 2011 que M. [R] [C] a perçu une somme de 33 317,36 euros suite au décès de son oncle, [K] [L], survenu le 14 mars 2011 et il est établi par le relevé de compte bancaire n°436 pour la période du 1er au 12 septembre 2011 que cette somme a été versée sur le compte joint des époux ouvert au Crédit Lyonnais, le 2 septembre 2011.

C'est donc à juste titre que le premier juge a déduit que des deniers propres de M. [R] [C] avaient été encaissés par la communauté, laissant ainsi présumer que cette dernière en avait tiré profit.

Il résulte des éléments versés aux débats que dès le 3 septembre 2011, un virement de 10 000 euros a été effectué depuis le compte-joint des époux vers le livret A [XXXXXXXXXX02] ouvert au nom de M. [C], ainsi qu'un virement de 5 000 euros depuis le compte-joint vers le compte épargne logement ouvert au nom de M. [C].

Cependant, M. [C] établit qu'il a ensuite effectué, le 10 janvier 2012, depuis son livret A un virement de 5 000 euros et depuis son compte épargne logement un virement du même montant vers le livret A de Mme [A], lequel a servi à prendre en charge des dépenses communes.

Par ailleurs, les relevés du livret A de M. [C] sur la période comprise entre le 6 août 2011 et le 7 février 2012, puis entre le 8 août 2012 et le 6 février 2015 montrent que ce compte, qui était régulièrement alimenté par des virements internes au crédit, faisait aussi régulièrement l'objet de virements internes au débit, dont les intitulés permettent d'établir qu'il s'agissait de dépenses communes.

Il convient donc de déduire de l'ensemble de ces éléments que les fonds perçus par M. [C] de la succession de son oncle ont bien profité à la communauté.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a retenu un droit à récompense à ce titre de M. [C] sur la communauté à hauteur de 33 317,36 euros.

Sur la demande de complément de la mission du notaire

Au vu des éléments parcellaires versés aux débats, notamment concernant les comptes d'épargne, et notamment de l'absence de tout élément sur les assurances-vie que M. [C] a déclarées devant le juge aux affaires familiales, il convient de compléter la mission du notaire et de dire que celui-ci pourra interroger, outre le fichier Ficoba national, le fichier européen pour déterminer l'existence des comptes détenus par chacune des parties et reconstituer le patrimoine propre de chacun des époux, avant et après mariage.

Sur les créances entre époux, le compte d'indivision post-communautaire, les opérations de partage et le schéma liquidatif

Aux termes de l'article 1479 du code civil, les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation. Sauf convention contraire des parties, elles sont évaluées selon les règles de l'article 1469, troisième alinéa, dans les cas prévus par celui-ci ; les intérêts courent alors du jour de la liquidation.

M. [C] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci l'a débouté de ses demandes tendant à voir fixer une créance à son profit sur Mme [A] d'un montant de 15 000 euros au titre d'un trop-perçu lié à l'avance sur communauté qu'elle a reçue, à voir fixer le compte d'indivision post-communautaire, les opérations de partage et le schéma liquidatif.

Mme [A] conclut à la confirmation du jugement.

Ceci étant exposé, c'est à juste titre que le premier juge a rappelé qu'il n'entrait pas dans les missions du juge aux affaires familiales statuant sur un litige patrimonial opposant deux anciens époux de se substituer au notaire chargé de l'établissement d'un acte de compte, liquidation et partage de leur régime matrimonial et qu'il a renvoyé les parties devant le notaire aux fins que celui-ci établisse les opérations de liquidation-partage de leur indivision post-communautaire, en tenant compte des éléments tranchés par le juge et qu'il procède à l'actualisation du compte d'administration des parties, précisant qu'il conviendrait alors de déduire des droits des parties les avances de communauté consenties et de déterminer, le cas échéant, s'il y a lieu à remboursement d'un trop perçu.

La cour rappelle à cet égard qu'en application de l'article 1368 du code de procédure civile, il appartient au notaire, dans le délai d'un an suivant sa désignation, de dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à établir, le juge commis veillant au bon déroulement des opérations de partage et au respect du délai prévu à l'article 1369, qu'un acte de partage amiable peut être établi en application de l'article 1372 mais que si un désaccord subsiste entre les copartageants sur le projet d'état liquidatif établi par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif et le tribunal statue sur les points de désaccords, en application des articles 1373, 1374 et 1375 du code de procédure civile.

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté M. [C] en l'état de ses demandes d'établissement de son compte d'administration et d'une éventuelle créance entre époux au titre d'un trop perçu par Mme [A].

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et des frais irrépétibles.

De même, en cause d'appel, il convient de dire que les dépens seront supportés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage, étant rappelé que les modalités de cet emploi sont incompatibles avec la distraction des dépens au profit du conseil de l'une ou l'autre des parties.

L'équité commande de rejeter les demandes présentées par chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a fixé la récompense due par la communauté à M. [R] [C] au titre de la succession de son père, à la somme de 91 981,52 euros,

La confirme pour le surplus, sauf à préciser que le notaire commis pourra consulter le fichier européen en sus du fichier Ficoba,

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Fixe la récompense due par la communauté à M. [R] [C] au titre de la succession de son père, à la somme de 32'381,52 euros,

Y ajoutant,

Dit que les dépens seront supportés par moitié entre les parties et employés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/01136
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.01136 ?
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