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27/01/2023 | FRANCE | N°22/01045

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 1, 27 janvier 2023, 22/01045


ARRET DU

27 Janvier 2023





















N° RG 22/01045 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMMD



N° 83/23



OB/AL



































































GROSSE



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Fr

ançais



COUR D'APPEL DE DOUAI



Renvoi après Cassation

- Prud'hommes -











CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE AVESNES SUR HELPE en date du 05 Février 2018

COUR D'APPEL DOUAI en date du 25 Septembre 2020

COUR DE CASSATION DU 13 Avril 2022



APPELANT :



M. [B] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me ...

ARRET DU

27 Janvier 2023

N° RG 22/01045 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UMMD

N° 83/23

OB/AL

GROSSE

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation

- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE AVESNES SUR HELPE en date du 05 Février 2018

COUR D'APPEL DOUAI en date du 25 Septembre 2020

COUR DE CASSATION DU 13 Avril 2022

APPELANT :

M. [B] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

INTIME :

S.A.R.L. MODELAGE ET TECHNIQUES DERIVEES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Hervé MORAS, avocat au barreau de VALENCIENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Olivier BECUWE

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Séverine [W]

DEBATS : à l'audience publique du 29 Novembre 2022

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Annie LESIEUR greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLOTURE : rendue le 15 Novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE :

M. [W] a été engagé à durée indéterminée le 4 janvier 1991 en qualité de modeleur par la société Modelage et Techniques dérivées (la société).

Reconnu travailleur handicapé en avril 2013, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2016.

Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Avesnes-sur-Helpe de demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et du préavis prévues à l'article L.1226-14 du code du travail.

Par un jugement du 5 février 2018, la juridiction prud'homale l'en a débouté.

Par un arrêt infirmatif du 25 septembre 2020, la cour d'appel de Douai a, sur appel de ce dernier, dit que l'inaptitude était d'origine professionnelle et qu'elle était imputable au moins partiellement aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Elle a condamné, en conséquence, la société à payer à M. [W] des dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'aux sommes prévues à l'article L.1226-14 du code du travail.

Sur pourvoi de l'employeur, la Cour de cassation a, par arrêt du 13 avril 2022 (n° 20-21.946), cassé l'arrêt du 25 septembre 2020 précité et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Par déclaration du 5 juillet 2022, l'appelant a saisi la cour de renvoi et, par des conclusions notifiées le 2 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il refuse de le faire bénéficier de l'article L.1226-14 du code du travail et, réitérant ses prétentions initiales de ce chef, réclame le paiement de l'indemnité spéciale et du préavis, ce à quoi s'oppose la société par des conclusions notifiées le 26 septembre 2022.

MOTIVATION :

Le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 25 septembre 2020 précité a été rejeté en son moyen unique, pris en ses deux premières branches qui critiquaient la condamnation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La condamnation de la société à payer de ce chef la somme de 28 000 euros à M. [W] est donc irrévocablement acquise.

C'est sur le moyen unique, pris en sa troisième branche relative à la condamnation au titre de l'article L.1226-14 du code du travail, que l'arrêt a été cassé.

La décision du 25 septembre 2020 rappelle que, dès 1999 et à plusieurs reprises, la médecine du travail avait, par ses avis délivrés à l'occasion des visites de reprise consécutives à divers arrêts en 2011, 2012 et 2013, préconisé le non-port de charges lourdes par le salarié mais que ce dernier avait continué de manipuler occasionnellement de telles charges, comme l'établit notamment l'attestation d'un collègue que ne réfute pas la société.

L'arrêt du 25 septembre 2020 constate que l'employeur n'avait alors fait procéder à aucune étude d'aménagement du poste de travail et que la mise à disposition d'outils de levage inadaptés n'avait pu pallier ses carences dans l'organisation du travail et la protection de la santé du salarié.

La cour d'appel en a souverainement retenu que ces manquements avaient entraîné une aggravation de l'état de santé du salarié au cours des années, sa lombalgie ayant dégénérée en hernie discale et ainsi caractérisé les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.

Il ressort de tels motifs que l'inaptitude est imputable à un manquement de l'employeur, ce qui a justifié le rejet des deux premières branches du moyen et ne peut plus être remis en cause, étant ajouté que le présent arrêt s'empare, en toute hypothèse, de ces motifs, se les approprie et les réitère.

Mais l'arrêt du 25 septembre 2020 se fonde sur ces mêmes motifs pour en déduire que le salarié a droit à l'indemnité spéciale de licenciement et au préavis, ce qui suscite la critique de la troisième branche, l'arrêt du 13 avril 2022 reprochant, par un défaut de base légale, à la cour d'appel de n'avoir pas recherché si l'inaptitude avait pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle et si l'employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement.

Le constat d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne suffit pas à ouvrir droit au bénéfice des dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail, comme la Cour de cassation l'a d'ailleurs déjà dit (Soc., 11 janvier 2017, n° 15-20.492).

Le juge prud'homal n'est pas lié par la décision de refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle.

La décision de refus se fonde sur le fait que, n'ayant pas été exposé de manière habituelle à des travaux de manutention de charges lourdes, le salarié ne remplissait pas la condition ainsi requise au titre du tableau n° 98 pour bénéficier de la présomption d'imputabilité de la maladie dont il souffrait.

Mais il a été occasionnellement soumis à de tels travaux de manutention, l'absence de cause réelle et sérieuse étant, sur ce point, définitivement acquise au terme de l'arrêt du 13 avril 2022.

En outre, les multiples arrêts du salarié de 2011 à 2013 supposent une atteinte corporelle au niveau du rachis lombaire et du dos, laquelle constitue un accident.

Et cet accident a été favorisé par les conditions de travail du fait du manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité qui fonde l'absence de cause réelle et sérieuse, ce qui constitue un accident du travail.

En d'autres termes, le lien entre les atteintes corporelles subies par le salarié, génératrices d'arrêts, et ses conditions d'emploi est établi et a progressivement conduit à une inaptitude.

Mais, en réalité, et telle est d'ailleurs la difficulté soulevée par la troisième branche du moyen de cassation en son libellé, la question est celle de savoir si l'employeur avait

connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié.

Lorsque le licenciement a été prononcé en août 2016, cela faisait près de deux années que la caisse primaire avait, par une décision du 5 juin 2014, refusé la demande de reconnaissance de maladie professionnelle, décision confirmée par la commission de recours amiable par une décision désormais irrévocable du 30 octobre 2014, ce qui pour l'employeur, qui en fait état dans la lettre de licenciement, écartait légitimement l'origine professionnelle de l'inaptitude.

Mais, en premier lieu, le refus de prise en charge se fonde, comme il l'a été dit précédemment, sur l'absence d'exposition de manière habituelle à des travaux de manutention de charges lourdes, ce qui laisse la possibilité à une exposition occasionnelle, et même fréquente sans être habituelle, que ne réfute pas l'employeur.

En deuxième lieu, ce dernier vise expressément l'article L.1226-10 du code du travail dans la lettre de licenciement, ce dont il se déduit qu'il a, par là même, reconnu que l'inaptitude était consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.

Et, en troisième lieu, les circonstances dans lesquelles l'employeur a manqué à son obligation de sécurité traduisent, notamment par l'absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail, la connaissance que l'inaptitude en résultant était le fruit de sa propre carence, elle-même génératrice d'atteintes corporelles.

Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité spéciale et au préavis.

S'agissant des quantum, si le salaire de référence d'un montant de 2 191,43 euros n'est pas discuté, l'employeur expose que l'indemnité conventionnelle ne peut être doublée, sauf dispositions en ce sens.

Mais ce moyen est inopérant dès lors que le salarié ne revendique que l'indemnité légale laquelle est donc doublée et aboutit, par des modalités de calcul non contestées, à la somme de 15 266,27 euros.

S'agissant du préavis, M. [W], qui n'invoque aucune disposition conventionnelle, a droit à une indemnité compensatrice égale à la durée du préavis de deux mois conformément à l'article L.1234-1 du code du travail compte tenu de son ancienneté.

Il revendique une indemnité compensatrice de trois mois au regard de son statut de travailleur handicapé, plafond du doublement du préavis ouvert au salarié non soumis à ce statut.

C'est à juste titre que l'employeur rappelle, sur le fondement des articles L.1226-14 et L.5213-9 du code du travail, que ce doublement n'est pas ouvert en cas de licenciement pour inaptitude, sauf dans l'hypothèse, qui n'est pas celle de l'espèce, de manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement, comme la Cour de cassation l'a d'ailleurs déjà dit (Soc., 25 janvier 2012, n° 10-30.637).

Il s'ensuit que le salarié n'a droit qu'à une indemnité compensatrice de deux mois, soit la somme de 4 382,86 euros laquelle ne saurait être assortie des congés payés puisque cette somme revêt un caractère indemnitaire.

Le jugement sera infirmé.

Il sera équitable de condamner l'employeur, débouté de ce chef ayant succombé en cause d'appel, à payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi :

- infirme, dans les limites du renvoi après cassation, le jugement rendu le 5 février 2018, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Avesnes-sur-Helpe ;

- statuant à nouveau, condamne la société Modelage et Techniques dérivées à payer à M. [W] la somme de 15 266,27 euros à titre de l'indemnité spéciale de licenciement et celle de 4 382,86 euros au titre du préavis ;

- la condamne également à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- rejette le surplus des prétentions ;

- met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société Modelage et Techniques dérivées.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 1
Numéro d'arrêt : 22/01045
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;22.01045 ?
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