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27/01/2023 | FRANCE | N°21/01082

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 janvier 2023, 21/01082


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 03/23



N° RG 21/01082 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV54



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

31 Mai 2021

(RG 20/00030 -section 4)







































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [SU] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dalila DENDOUGA, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localit...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 03/23

N° RG 21/01082 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TV54

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

31 Mai 2021

(RG 20/00030 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [SU] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Dalila DENDOUGA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 4] [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Patricia GOMEZ-TALIMI, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Amélie ENGELDINGER

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Novembre 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angélique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 Novembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[SU] [X] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 mars 2007 en qualité de responsable de proximité à l'accueil physique, niveau 5B de la grille des employés et cadres par la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]-[Localité 5]. Elle était assujettie à convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

Durant son arrêt de travail pour maladie a compter du 29 janvier et prolongé jusqu'au 25 février 2019, [SU] [X] a adressé sa démission, par courrier du 21 février 2019, en souhaitant être libérée de ses fonctions au 31 mars 2019 et profiter des congés qu'elle devait encore prendre. Par un courriel du 27 février 2019, elle a confirmé sa volonté de démissionner de son poste en précisant les motifs.

Par requête reçue le 7 février 2020, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix afin d'obtenir la requalification de sa démission en une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement nul du fait du harcèlement moral subi et la condamnation de son ancien employeur au versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de sa demande et l'a condamnée à verser à Caisse primaire d'assurance maladie 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Le 23 juin 2021, [SU] [X] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 9 novembre 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 30 novembre 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 30 août 2021, [SU] [X] sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris, la requalification de sa démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts et griefs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul, et la condamnation de l'intimée à lui verser

- 30000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 36169,92 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement

- 7185,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3853 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose qu'elle établit des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer le harcèlement moral dont elle a été victime, qu'elle subissait des propos particulièrement désobligeants et dénigrants de sa hiérarchie, que [E] [N] [D], se trouvant sur le même plateau qu'elle et travaillant avec la même hiérarchie, a assisté à de nombreux faits subis par elle et dont il témoigne, que ce témoignage est corroboré par le contenu du courriel transmis le 28 février 2019 par [S] [EA], référente relations sociales et santé au travail au sein de la caisse, qu'elle a été brutalement convoquée par sa hiérarchie, le 21 janvier 2019, à son retour d'un arrêt de travail et s'est vu reprocher un prétendu manque d'investissement, que ce reproche totalement injustifié avait en réalité pour seul objectif de la contraindre à accepter d'abandonner ses fonctions au profit de [H] [G], responsable du service qualité, qu'elle a subi des pressions exercées par [PK] [Y], son N+2, afin d'obtenir sa réponse en lui rappelant qu'il n'y aurait peut-être, par la suite, aucun autre poste à lui proposer, qu'une collègue de travail atteste des passages quotidiens de sa hiérarchie dans son bureau, cette semaine-là, qu'elle a reçu également un courriel de reproches de [PK] [Y] sur son travail lorsqu'elle a informé son employeur le 28 janvier 2019 qu'elle n'entendait pas quitter ses fonctions, que l'une de ses collègues, [B] [R], a été mise en copie de ce mail de reproches, que quelques heures après celui-ci, [PK] [Y] lui a adressé un nouveau mail pour lui demander des comptes sur l'envoi d'un courrier reçu trois mois plus tôt, en octobre 2018, que ces reproches injustifiés et les pressions subies étaient d'autant plus insupportables que ses qualités humaines et professionnelles étaient unanimement reconnues par ses collègues, caractérisées par les messages de soutien reçus, qu'elle justifie de la mise à l'écart dont elle a fait l'objet, qu'elle n'était pas conviée aux réunions de service pourtant en lien direct avec les fonctions qu'elle exerçait, qu'elle était par ailleurs contrainte d'assumer, seule, l'accueil des caisses de [Localité 4], [Localité 5], [Localité 6] et des itinérants, qu'elle était privée des contacts quotidiens avec sa hiérarchie alors que ses collègues pouvaient en bénéficier, qu'elle justifie de la dégradation de son état de santé physique et morale, que son médecin l'a placée immédiatement en arrêt de travail pour syndrome dépressif réactionnel et lui a prescrit un traitement anti-dépresseur, qu'un véritable système avait été mis en place par sa hiérarchie, que de tels agissements ont choqué de nombreux salariés qui ont adressé une pétition à la direction, que la caisse est défaillante dans la charge de la preuve qui lui incombe, que l'attestation de [E] [N] [D] ne saurait être écartée, qu'il travaillait comme responsable de proximité, au sein de la caisse de [Localité 4], sur le même plateau que l'appelante, au contact de la même hiérarchie, qu'il a donc assisté à de nombreux faits subis par elle et dont il a témoigné de façon précise et circonstanciée, que ses propos sont confortés par le courriel adressé par [S] [EA], que certains salariés du service des ressources humaines ont confirmé avoir alerté l'entreprise sur la situation, que les entretiens de juin 2017 ou juin 2018 sont impropres à contredire les faits établis par l'appelante, qu'elle se fonde sur le comportement adopté par son employeur lors de l'entretien du 21 janvier 2019 et postérieurement à celui-ci, qu'il est établi que lors de cet entretien, qui était organisé immédiatement après la fin de son arrêt de travail, lui étaient reprochés un prétendu manque d'investissement et de prétendues absences récurrentes, que la caisse souhaitait non l'accompagner dans ses souhaits de mobilité mais uniquement la faire partir de l'accueil, qu'après lui avoir demandé de changer de poste de travail le 21 janvier 2019, [PK] [Y] s'est rendue, tous les jours, dans son bureau, que l'appelante a bien reçu des reproches par mail adressés en copie à ses collègues de travail, que l'absence d'alerte adressée à l'employeur, de dénonciation des faits au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou au médecin du travail, ne peut constituer une justification pertinente permettant de faire obstacle à la reconnaissance des agissements de harcèlement moral, que les pièces produites démontrent en outre la connaissance de la situation par la caisse, qu'une pétition a été adressée à la direction par les collègues de l'appelante et en soutien de cette dernière, que grâce à ses compétences, elle a retrouvé un emploi en avril 2019 seulement, que les mails produits par la caisse ne démontrent pas l'absence de mise à l'écart, que les documents médicaux produits par l'appelante, confirmés par les attestations de ses collègues doivent être pris en compte, que la démission doit être requalifiée en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, qu'elle est fondée à solliciter 30000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral, une indemnité au titre de la nullité du licenciement, au moins équivalente à six mois de salaire correspondant à la somme de 36169,92 euros et le paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, à hauteur de 7185,83 euros qui n'est pas contestée, à titre subsidiaire, par la caisse.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 18 novembre 2021, la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4]-[Localité 5] intimée, sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, si les faits de harcèlement moral étaient considérés comme constitués, la limitation des dommages et intérêts à six mois de salaire, soit 15678,18 euros, si la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul, la limitation de l'indemnité conventionnelle de licenciement à 7185,83 euros et des dommages et intérêts à six mois de salaire, soit 15678,18 euros, et en tout état de cause la condamnation de l'appelante à verser à la caisse 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

L'intimée soutient que l'appelante exerçait avant son embauche les fonctions de responsable-adjointe du service sécurité et environnement à la direction régionale du service médical dans l'Institution, qu'au cours de l'année 2018, elle a manifesté un souhait de mobilité, que sa candidature n'a pas été retenue, qu'à sa demande elle a été reçue en entretien le 21 janvier 2019, afin d'évoquer une proposition de changement de fonctions, que par courriel du 28 janvier 2019, elle a informé ses interlocuteurs qu'elle ne souhaitait pas donner suite à la proposition de poste de responsable qualité, que le lendemain, elle a été placée en arrêt maladie jusqu'au 25 février 2019 inclus, qu'elle a présenté sa démission le 21 février 2019, qu'elle prétend qu'elle subissait des propos particulièrement désobligeants et dénigrants de sa hiérarchie, que pour tenter de justifier ses allégations, elle ne se fonde que sur une seule attestation de [E] [N] [D], que le témoignage de ce dernier est discutable du fait de la procédure disciplinaire engagée à son encontre pour des fautes professionnelles d'importance, s'agissant d'un manager et consistant en un non-respect du règlement horaire de l'organisme et des règles de prise en charge des frais de déplacements, que la sanction infligée a été confirmée par le Conseil de discipline et les faits reconnus par le salarié qui a démissionné en mai 2019, que [S] [EA] se borne à relater les échanges qu'elle a eu avec l'appelante et le ressenti de cette dernière, que l'attestation de [I] [ST] est manifestement de pure complaisance, qu'elle n'atteste aucunement de faits circonstanciés permettant d'établir les conclusions hâtives de cette dernière, que l'ensemble des courriels versés dans le cadre des débats par la caisse atteste d'échanges respectueux entre [L] [Z] et l'appelante sur toute la période évoquée, qu'aucun signe de harcèlement moral n'y apparaît, et ce, quelques jours seulement avant l'arrêt de travail pour maladie de l'appelante, que sur la mise à l'écart et l'isolement de la part de la hiérarchie, une soixantaine de courriels échangés par [L] [Z] avec ses cadres et notamment avec l'appelante à cette période démontrent bien que cette dernière n'était pas mise à l'écart ni qu'elle n'avait plus de contact avec sa hiérarchie, que [L] [Z] avait validé son absence les 20 décembre 2018 et 30 janvier 2019, sur les reproches injustifiés et pressions pour lesquelles l'appelante aurait été contrainte de quitter ses fonctions, qu'aucun élément matériel ne permet d'attester que la hiérarchie ait remis en cause ses compétences, qu'elle a bénéficié de deux entretiens annuels d'évaluation et d'accompagnement en 2017 et 2018 conduits par deux responsables différents, que le dernier compte-rendu d'entretien de 2018 contient les commentaires de la salariée qui atteste d'échanges positifs avec sa responsable hiérarchique, que lors de l'entretien du 21 janvier 2019, l'appelante n'a fait l'objet d'aucun reproche, qu'au cours de l'année 2018, elle avait manifesté à plusieurs reprises un souhait de mobilité, à la fois interne et externe, qu'en janvier 2019, un poste s'est libéré à l'accueil physique, du fait du changement d'affectation de [E] [N] [D], donnant lieu à un appel à recrutement pour un poste de responsable de proximité, le 18 janvier 2019, que l'appelante a effectivement été reçue en entretien par la sous-directrice de la relation client et par le directeur comptable et financier le 21 janvier 2019, afin d'évoquer avec elle l'hypothèse d'un changement d'affectation vers les fonctions de responsable qualité, poste dont le niveau de rémunération était égal et en cohérence avec l'expérience professionnelle de la salariée, qu'en réalité l'appelante a démissionné de ses fonctions parce qu'elle avait retrouvé un poste de responsable secteur au sein de la Métropole Nord-Pôle Santé Travail, qu'en aucun cas, sa hiérarchie ne souhaitait qu'elle démissionne pour laisser sa place à [H] [G], qu'il avait d'ailleurs candidaté à l'appel lancé le 18 janvier 2019 pour pourvoir au remplacement de [E] [N] [D], que l'appel pour remplacer l'appelante n'a été lancé que le 6 mars 2019, suite à sa démission, que [M] [C] a été recrutée le 11 juin 2019 pour la remplacer, que [PK] [Y] est effectivement passée voir l'appelante la semaine suivant l'entretien du 21 janvier 2019 mais en aucun cas pour la menacer de quoique ce soit comme elle le prétend, sur les prétendus reproches formulés après son refus d'accepter le poste, que le message adressé à l'appelante par [PK] [Y] le 29 janvier 2019 au sujet de la Pfidass, projet dont l'appelante était identifiée comme référente depuis septembre 2018, n'était pas un reproche mais une simple demande de compléments d'informations factuels, que des messages similaires ont été adressés à ses autres collaborateurs, sur la dégradation de l'état de santé physique ou moral, que l'appelante n'a jamais fait part de son état ou de conditions de travail dégradées au département des ressources humaines, à l'inspection du travail, ou par le biais des représentants du personnel avant le début de son arrêt de travail, que les deux mails qu'elle verse aux débats sont datés du 28 février 2019, soit deux jours après la réunion qu'elle a eue avec [S] [EA] et [U] [O] qui l'avaient reçu afin de comprendre les raisons de sa démission, qu'elle n'a sollicité aucune visite auprès de la médecine du travail après sa visite d'embauche en septembre 2016 et n'a jamais fait part de difficultés quelconques auprès de [S] [EA], la référente santé au travail ou de l'infirmière, que le certificat médical établi le 20 mai 2019, par son médecin traitant est de pure complaisance, sur la prétendue absence de réaction de la part de sa hiérarchie, que l'appelante a été reçue le matin même de la fin de son arrêt de travail le 26 février 2019 par [U] [O] et [S] [EA], que [F] [K] l'a reçue personnellement le 28 février 2019 pour échanger sur sa situation, qu'à titre subsidiaire, si la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul, il ne devrait être alloué que la somme de 15678,18 euros, égale à six mois de salaires, que la même somme devrait être retenue pour le préjudice issu du harcèlement moral susceptible d'avoir été subi, que conformément à l'article 55 de la convention collective du personnel de la sécurité sociale, l'indemnité conventionnelle de licenciement devrait être évaluée à 7185,83 euros.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu en application de l'article L1154-1 du code du travail qu'à la suite de sa lettre de démission, l'appelante a souhaité en exposer les motifs dans un courriel du 27 février 2019 adressé à [F] [K], son directeur ; qu'elle a repris ces éléments de fait dans ses conclusions ; qu'elle y fait état de sa mise à l'écart systématique organisée par sa responsable hiérarchique, [L] [Z] ; que cette mise à l'écart aurait consisté à ne pas l'inviter à une réunion organisée en décembre 2018, au motif fallacieux que du fait de sa qualité de responsable de l'accueil sur le site de [Localité 4], elle ne pouvait abandonner son poste alors qu'auraient participé à cette réunion les deux responsables de proximité du site de [Localité 5] ; que sa responsable, qui se trouvait en déplacement le 14 décembre 2018, ne l'aurait pas non plus contactée pour faire un point « lancement journée » alors qu'elle avait pris attache avec les homologues de l'appelante de [Localité 5] ; que [L] [Z] se serait bornée, durant un mois à la contacter par simple courriel, alors qu'elle sollicitait quotidiennement ces derniers par téléphone ; que l'appelante n'aurait appris le départ de [E] [D] [N] qu'à la suite de la diffusion d'un message par intranet, alors que [L] [Z] et [PK] [Y], sous-directrice de la relation clients, avaient invité toute l'équipe à l'occasion de ce départ ; qu'elle ajoute avoir fait l'objet de reproches injustifiés portant sur son investissement de la part de [PK] [Y] lors d'un entretien organisé en toute hâte le 21 janvier 2019 ; qu'à cette occasion [GH] [PL], agent de direction, également présent à l'entretien, lui aurait fait connaître leur souhait qu'elle soit remplacée par [H] [G], responsable qualité et affectée à son poste ; qu'ayant demandé un délai de réflexion, elle aurait constamment reçu la visite de [Y] pour connaître ses intentions et que celle-ci aurait exercé sur sa personne des pressions ; qu'à la suite de son refus, elle aurait été destinataire d'un courriel de [PK] [Y] lui reprochant la non atteinte des objectifs « Pfidass » ; qu'un arrêt de travail pour maladie du 29 janvier au 25 février 2019 serait consécutif à cette situation ; que les affirmations de l'appelante sont confortées par l'attestation de [E] [N] [D], ancien responsable de proximité de la Caisse de [Localité 4], assurant que [L] [Z] ne cachait pas son mépris envers l'appelante et émettait régulièrement des jugements de valeur sur celle-ci ; qu'il faisait également état des différentes mises à l'écart rapportées par l'appelante ; que dans un courriel du 28 février 2019 [S] [EA], référente relations sociales, déplore la situation dans laquelle s'était trouvée, au cours de mois précédents, l'appelante qu'elle considérait comme une victime ; que [J] [A], conseiller relation clientèle, atteste avoir constaté la venue quotidienne de [PK] [Y] durant la semaine du 22 au 25 janvier 2019 dans le bureau de l'appelante ; que le 29 janvier 2019, soit le lendemain de la réception du refus par la salariée de prendre le poste de [H] [G], la sous-directrice, a adressé à l'appelante un courriel transmis également en copie pour information à deux autres responsables de proximité de la caisse de [Localité 5], collègues directs de l'appelante, lui reprochant le très faible nombre de signalements « Pfidass » réalisés par l'accueil depuis le début de l'année et lui demandant ses propositions en vue de l'amélioration de l'indicateur ; que l'appelante communique également un SMS qu'elle envoyé le 29 janvier 2019 à 11h 57 à son médecin traitant pour un rendez-vous le jour même en raison de son état de stress relaté dans le certificat établi par le docteur [W] [V] le 25 mai 2019 et ayant conduit à un arrêt de travail assorti d'un traitement médicamenteux ; que les éléments de fait présentés par l'appelante, pris dans leur ensemble, sont bien de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Attendu que pour démontrer que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral, l'intimée fait valoir que l'appelante ne se fondait que sur une seule attestation de [E] [N], que celle-ci n'était pas probante du fait que le témoin avait fait l'objet d'une procédure disciplinaire, que l'ensemble des mails versés dans le cadre des débats par la caisse attestait d'échanges respectueux entre [L] [Z] et l'appelante sur toute la période évoquée, que cette dernière n'était pas mise à l'écart puisqu'elle avait reçu une invitation à des réunions d'encadrement, qu'elle faisait l'objet de sollicitations régulières dans le cadre de la mission de suivi des DMP et de la Pfidass, et qu'elle avait bénéficié de deux entretiens annuels d'évaluation et d'accompagnement les 26 juillet 2017 et 22 juin 2018 ; qu'elle affirmait que lors de l'entretien du 21 janvier 2019, aucun reproche n'avait été émis ; que l'appelante avait été reçue en entretien par [PK] [Y], sous-directrice de la relation client et par [GH] [PL], directeur comptable et financier, le 21 janvier 2019, afin uniquement d'évoquer une proposition de changement de fonctions ; qu'elle souligne que l'appelante avait démissionné de ses fonctions parce qu'elle avait retrouvé un poste de responsable secteur au sein de la Métropole Nord - Pôle Santé Travail et que [PK] [Y] ne lui avait rendu visite que pour lui rappeler la nécessité de prendre attache auprès de la personne responsable afin qu'elle puisse bénéficier de la présentation du poste proposé, mais en aucun cas pour la menacer ; que le courriel du 29 janvier 2019 n'était pas un message de reproche mais une demande de compléments d'informations factuels ; qu'enfin l'appelante n'avait jamais fait part de son état ou de conditions de travail dégradées au département des ressources humaines ou à l'inspection du travail ;

Mais attendu que si [E] [N] [D], homologue de l'appelante et employé de janvier 2017 à janvier 2019, a fait l'objet d'une sanction de rétrogradation notifiée le 21 janvier 2019 pour la perception d'indemnités de repas indues et pour des temps de travail injustifiés, cette sanction n'est pas néanmoins de nature à porter atteinte à la crédibilité de ses déclarations circonstanciées ; que l'appelante ne critique pas le ton employé par [L] [Z] dans ses courriels mais lui reproche, alors que cette dernière était sa responsable hiérarchique, d'avoir pendant un mois limité ses contacts à de simples échanges épistolaires, attitude qu'elle n'avait pas adoptée envers les homologues de la salariée ; que l'intimée ne démontre nullement que la mise à l'écart de l'appelante à l'occasion de la réunion organisée en décembre 2018 soit dépourvue de fondement ; qu'elle ne fournit aucune explication à la raison pour laquelle l'appelante avait dû se rendre soudainement à un entretien organisé le 21 janvier 2019 sans en avoir été informée à l'avance et en connaître le motif, s'il ne s'agissait que d'une simple entrevue destinée à envisager un changement de fonctions ; que l'intimée ne justifie pas non plus les multiples visites de [PK] [Y] entre le 22 et le 25 janvier 2019 constatées avec étonnement par [J] [A] ; que si celles-ci n'étaient fondées que sur les motifs allégués par la caisse, une seule aurait alors suffi ; que le courriel du 29 janvier 2019 contient bien des reproches à l'appelante, puisque [PK] [Y] prétend avoir été alertée par le très faible nombre de signalements « Pfidass » réalisés depuis le début de l'année par l'accueil dont l'appelante avait la responsabilité ; qu'il est manifeste à la lecture de son contenu et des informations exigées, que ce courriel, transmis également en copie à ses deux collègues, [B] [R] et [IP] [XI], responsables de proximité de la caisse de [Localité 5], s'inscrivait dans une logique destinée à démontrer des carences imputables à l'appelante et à justifier la mutation de cette dernière ; que celle-ci était fortement appelée de ses v'ux par la direction ; qu'il ressort en effet du courriel adressé le 7 février 2019 à l'appelante par [P] [T], représentant du personnel, à la suite d'échanges avec [F] [K], que la caisse souhaitait qu'à l'issue de son arrêt de travail pour maladie, l'appelante ne regagne pas son précédent poste ; que ne peut donc être considérée comme une simple coïncidence la transmission du courriel précité le lendemain de la réception par [PK] [Y] de celui de l'appelante lui communiquant son refus de prendre le poste de [H] [G] ; qu'il en est de même du second courriel de demande d'explications transmis le même jour dans l'après-midi ; que cette demande est relative à un courrier recommandé concernant un indu par un itinérant, objet d'un mail adressé personnellement à [PK] [Y] le 17 octobre 2018, soit plus de trois mois auparavant, que celle-ci n'avait pas traité et qui parait avoir été exhumé pour les besoins de la cause ; que l'intimée ne peut prétendre que la hiérarchie de l'appelante ne souhaitait pas qu'elle démissionne pour laisser sa place à Monsieur [H] [G], alors que le département des ressources humaines a diffusé officiellemment au sein de la caisse la nomination de celui-ci au poste de responsable de proximité à l'accueil à compter du 6 février 2019, durant la période où l'appelante se trouvait en arrêt de travail et n'avait pas encore manifesté son souhait de démissionner ; que [H] [G] occupait de fait ses nouvelles fonctions dès le 1er février 2019, comme le fait apparaître le SMS adressé ce jour-là par [B] [R] à l'appelante ; que la santé de cette dernière a bien connu une grave dégradation puisqu'elle a dû faire l'objet d'un arrêt de travail du 29 janvier jusqu'au 25 février 2019, son médecin traitant lui prescrivant des médicaments destinés à traiter des syndromes d'anxiété ; que cette dégradation est d'ailleurs déplorée dans la lettre ouverte au directeur adressée et signée par les salariés à la suite de la démission de l'appelante ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que cette dernière a bien subi des agissements répétés de harcèlement moral ;

Attendu que l'appelante a subi un préjudice du fait des agissements de son employeur, qui l'ont conduite à présenter sa démission ; que le docteur [W] [V] rapporte dans le certificat en date du 25 mai 2019 que, le 29 janvier 2019, sa patiente se trouvait dans un état de stress réactionnel tel qu'il avait dû lui prescrire immédiatement un arrêt de travail accompagné d'un traitement médicamenteux et que, lors de la réévaluation de l'état de santé de cette dernière le 11 février 2019, il avait constaté une aggravation de celui-ci nécessitant une thérapie plus lourde ; qu'en réparation du préjudice ainsi subi, il convient d'allouer à l'appelante la somme de 15678,18 euros correspondant en outre à celle proposée par l'intimée à titre subsidiaire ;

Attendu que la démission de l'appelante étant équivoque du fait du harcèlement moral subi qui l'a précédée, elle s'analyse en une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement nul ;

Attendu qu'à la date de la rupture de la relation de travail, l'appelante percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2613,61 euros ; qu'il n'existe pas de contestation sur le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement sollicitée par l'appelante et évaluée à 7185,83 euros ;

Attendu en application de l'article L1235-3-1 du code du travail que l'appelante, qui a retrouvé un travail puisque dès le mois d'avril 2019, elle occupait le poste de responsable de secteur au sein de la Métropole Nord- Pôle Santé Travail, ne démontre pas avoir subi du fait de la perte injustifiée de son emploi un préjudice lui permettant de solliciter une indemnité d'un montant supérieur au minimum prévu par les dispositions légales précitées, soit 15681,66 euros ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelante les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU

DIT que la démission en date du 21 février 2019 de [SU] [X] s'analyse en une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement nul,

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 4]-[Localité 5] à verser à [SU] [X]

- 15678,18 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 7185,83 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 15681,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

- 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 4]-[Localité 5] aux dépens.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRÉSIDENT

Philippe LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01082
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.01082 ?
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