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27/01/2023 | FRANCE | N°21/01064

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 27 janvier 2023, 21/01064


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 10/23



N° RG 21/01064 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVXC



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

18 Mars 2021

(RG 19/00345 -section 2)







































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [N] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.R.L. KOCAK TRANSPORT

[Adresse 1]

[Localité ...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 10/23

N° RG 21/01064 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVXC

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

18 Mars 2021

(RG 19/00345 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [N] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.R.L. KOCAK TRANSPORT

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Emily TAHON, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Novembre 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Novembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[N] [D] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à compter du 1er janvier 2016, avec reprise de son ancienneté au 1er juillet 2015, en qualité de conducteur, groupe 3B coefficient 118 M de la convention collective des transports routiers par la société KOCAK TRANSPORT.

Il a fait l'objet de deux rappels à l'ordre, les 14 février et 14 septembre 2017, et de deux avertissements infligés, le premier, le 19 janvier 2018, à la suite d'une altercation avec son responsable d'équipe, le second, le 20 juillet 2018, en raison d'un refus opposé à une cliente de procéder à un contrôle du produit qu'il avait livré.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mars 2019 à un entretien le 18 mars 2019 en vue d'un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 avril 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Rapidement vous avez commis différents manquements dans l'exécution de vos obligations contractuelles.

-Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable pour le 6 février 2017. Suite à cet entretien et par courrier recommandé en date du 14 février 2017, nous avons été contraints de vous rappeler les consignes de livraison à la suite de la perte d'un colis que vous aviez laissé en boîte aux lettres, alors que le client était absent

-Vous avez persisté à ne pas respecter les consignes, malgré les multiples relances de votre chef d'équipe et de votre supérieur hiérarchique, ce qui nous a obligé à vous notifier un nouveau rappel à l'ordre par lettre recommandée en date du 14 septembre 2017.

-Le 21 septembre 2017 vous avez refusé de prendre en charge un colis ce qui a généré une altercation avec votre responsable d'équipe. Vous avez multiplié les propos négatifs et fait preuve d'agressivité.

Cet incident qui s'est déroulé devant notre client a été préjudiciable à l'image de la société et nous a conduits à nouveau à devoir vous sanctionner, cette fois-ci par le biais d'un avertissement, qui vous a été notifié par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 janvier 2018.

-Au mois de mai 2018, vous avez encore fait preuve d'agressivité envers un client, lui hurlant dessus et lui indiquant de manière vulgaire : « J'en ai rien à branler de ce qu'il y a à l'intérieur du colis ». A cette occasion et au regard de la gravité des faits nous avons été particulièrement tolérants en ne vous notifiant qu'un avertissement par courrier recommandé en date du 20 juillet 2018, vous rappelant que si ce genre de comportement devait se reproduire nous n'aurions d'autre choix que de vous sanctionner plus lourdement.

Ce lundi 11 mars 2019 matin, alors que votre chef d'équipe distribuait les tâches, celui-ci vous a attribué la tournée « [Localité 7] 2 ».

Faisant preuve d'une insubordination caractérisée, vous avez refusé catégoriquement en indiquant que si vous n'étiez pas affecté à la tournée de [Localité 6] vous préfériez rentrer chez vous.

Votre chef d'équipe a tenté de vous ramener à la raison mais sans l'écouter, vous avez quitté votre poste de travail, en criant et en précisant de manière agressive et vulgaire « si c'est comme ça je me casse ».

Ce comportement, qui plus est répétitif, est inacceptable et nous ne pouvons le tolérer.

Il est constitutif d'un manquement manifeste à vos obligations professionnelles et contractuelles.

Il perturbe gravement la bonne marche de notre société et ne nous permet pas de vous compter plus longtemps dans l'effectif.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis »

A la date de son licenciement, [N] [D] percevait un salaire mensuel brut moyen de base de 1551,68 euros.

Par requête reçue le 28 août 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de ROUBAIX afin, avant dire droit, de se faire remettre, sous astreinte, la copie de ses feuillets de livret individuel sur la période du mois d'avril 2016 à avril 2019, à titre subsidiaire, d'obtenir la condamnation la société KOCAK TRANSPORT à lui verser des dommages et intérêts pour perte de chance de justifier de ses demandes de rappel de salaire, et par ailleurs de faire constater l'irrégularité et l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir un rappel de primes d'encaissement et le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes a condamné la société à lui verser 1551,68 euros net au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, a débouté le salarié du surplus de sa demande et laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 18 juin 2021, [N] [D] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 8 novembre 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 29 novembre 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 20 août 2021, [N] [D], appelant, sollicite de la cour la confirmation de la condamnation de la société au paiement de 1551,68 euros net au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, l'infirmation du jugement entrepris pour le surplus, avant dire droit, la remise de la copie par la société de ses feuillets de livret individuel sur la période du mois d'avril 2016 à avril 2019, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

à titre subsidiaire, la condamnation de la société à lui verser 10000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de justifier de ses demandes de rappel de salaire

et par ailleurs la condamnation de cette dernière au paiement de

- 1812,45 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la prime d'encaissement

- 181,24 euros bruts au titre des congés payés y afférents

- 1177,65 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire

- 117,76 euros bruts les congés payés y afférents

- 3103,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 310,33 euros brut au titre des congés payés y afférents

- 1927,61 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 9310,08 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'appelant expose qu'il a été convoqué par un courrier daté du 11 mars 2019 mais dont il n'a été mis en possession que le 13 mars 2019, que le délai de cinq jours ouvrables n'a commencé à être décompté qu'à partir du 14 mars 2019, que la société n'a pas respecté le délai légal de convocation, qu'elle ne conteste pas cette irrégularité mais prétend qu'aucun préjudice ne pourrait être invoqué, que les livrets individuels de contrôle sont le seul moyen permettant d'établir sans contestation possible la réclamation du chauffeur-livreur relative au paiement effectif de ses heures de travail, qu'ils sont actuellement en la possession exclusive de l'employeur qui ne les communique pas, que l'appelant est en droit de solliciter cette communication en application de l'article D3312-62 du code des transports, qu'il n'a jamais été établi qu'il travaillait suivant des horaires de service, qu'il remplissait des livrets individuels de contrôle, ce que ne conteste pas l'employeur, que le refus de communication de la copie du livret individuel de contrôle lui cause nécessairement un préjudice du fait de son incapacité à pouvoir vérifier que toutes les heures supplémentaires prestées ont été rémunérées, que dans le cadre de son activité, il a été amené à assurer des encaissements pour le compte de clients, que cette situation est attestée par des collègues de travail, que par voie de conséquence, il devait bénéficier d'une majoration de 3 % de sa rémunération conformément à l'article 13 de la convention collective applicable, qu'il conteste fermement tant la matérialité que l'imputabilité des griefs reprochés dans la lettre de licenciement, que pour tout élément, l'employeur produit aux débats les attestations des deux responsables d'équipe chargés de la répartition des tournées, qu'à aucun moment il n'est justifié de la réalité de son affectation sur la prétendue tournée [Localité 7] 2 plutôt que celle de [Localité 6], qu'en outre il était en arrêt maladie depuis le 4 mars 2019, qu'il n'a donc pu commettre les faits reprochés, que le délai entre la rupture et la contestation judiciaire du licenciement ne peut s'analyser en une acceptation tacite des griefs reprochés, que compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et des conditions de rupture, il sollicite l'allocation de dommages et intérêts qui ne sauraient être inférieurs à six mois de rémunération.

Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 5 novembre 2021, la société KOCAK TRANSPORT intimée, sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris en ce qu'elle a été condamnée au paiement de 1551,68 euros net à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, la confirmation pour le surplus et la condamnation de l'appelant à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient qu'en première instance, l'appelant prétendait obtenir, avant dire droit, la communication d'un «livret individuel de contrôle», en se fondant sur les dispositions de l'article 10 du 26 janvier 1983, que cet article, modifié par un décret n°2007-13 du 4 janvier 2007, a été abrogé par un décret n° 2016-1549 du 17 novembre 2016 relatif à certaines dispositions de la partie réglementaire du code des transports, qu'en tout état de cause il ne fournit aucun décompte, ni même le moindre commencement de preuve, s'agissant d'heures supplémentaires qu'il aurait effectuées, que l'article D3312-62 du code des transports dont il se prévaut désormais renvoie à l'article R3312-58 du même code, que la société concluante relève de la première hypothèse mentionnée dans cet article, à savoir une prise de poste tous les matins à la même heure, et chaque chauffeur ayant sa tournée attitrée avec les mêmes heures qui ne changent pas d'un jour à l'autre, qu'il n'y a donc pas de livret individuel de contrôle qui s'avère inutile puisque les horaires sont identiques tous les jours, que la société avait mis en place des documents « cerfa » reprenant les heures de travail de chaque conducteur, envoyés à l'Inspection du travail, que l'appelant travaillait du lundi au vendredi de 8h00 à 15h45, qu'il n'a réalisé aucune heure supplémentaire qui ne lui a pas été payée, que les fiches de paie mentionnent les heures supplémentaires régulièrement payées, qu'il ne démontre pas qu'il assurait habituellement des encaissements pour le compte de la société intimée, que les attestations qu'il produit n'établissent pas qu'il recevait des encaissements, mais tout au plus qu'il arrivait à certains de ses collègues de recevoir des encaissements, que la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement ne peut se cumuler avec celle tendant à indemniser l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci, que l'appelant est tenu d'apporter aux juges des éléments permettant d'apprécier le quantum de sa demande ce qu'il ne fait pas, qu'il avait déjà été rappelé à l'ordre et averti, que chacune des fautes mentionnées au sein de la lettre de licenciement est constitutive, en elle-même, d'une faute grave, qu'il a, sans motif, refusé de réaliser sa prestation de travail, à savoir effectuer la tournée de livraison sur [Localité 7], le 11 mars 2019, qu'il a complètement ignoré son supérieur hiérarchique, faisant ainsi acte d'insubordination manifeste, et a abandonné son poste de travail, qu'il s'est bien présenté le 11 mars 2019 au matin sur son lieu de travail et, à la suite de son coup d'éclat, a abandonné son poste de travail, qu'il ne fait état d'aucun préjudice et n'apporte aucune pièce sur sa situation personnelle ou professionnelle à la suite de son licenciement, que pour une ancienneté inférieure à quatre ans, il peut au maximum solliciter une indemnisation égale à quatre mois de salaires, qu'il n'a en réalité connu qu'une très courte période de chômage.

 

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu, sur la prime d'encaissement, que [Z] [W] et [C] [T], chauffeurs livreurs de la société, attestent avoir livré contre remboursement ou avec des frais de douanes en encaissant de l'argent en espèces ou par chèques ; qu'outre le fait qu'il n'est pas démontré qu'ils aient perçu des primes à cette occasion, il ne peut se déduire de ces seules attestations que l'appelant se trouvait dans une position similaire, puisqu'il ne rapporte pas la preuve qu'il a lui-même procédé à des encaissements ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont une insubordination consistant en un refus d'accomplir une tournée le 11 mars 2019, suivi d'un abandon de son poste de travail ponctué de propos agressifs, alors que le salarié avait précédemment été sanctionné par deux rappels à l'ordre les 14 février et 21 septembre 2017 et un avertissement notifié le 20 juillet 2018 pour un non-respect des consignes, un refus de prise en charge d'un colis et un comportement agressif envers un client ;

Attendu que pour caractériser le grief reproché, la société intimée produit les attestations d'[X] [O] et d'[H] [P], tous deux chefs d'équipe ; que le premier rapporte que le 11 mars 2019 au matin, l'appelant a refusé d'effectuer la tournée « [Localité 7] 2 » que celui-ci lui avait attribuée en sa qualité de supérieur hiérarchique, exigeant celle de [Localité 6] faute de quoi il rentrerait chez lui, ces derniers propos étant prononcés sur un ton vulgaire, et qu'il a ensuite quitté son lieu de travail ; que le témoin ajoute qu'il a tenté sans résultat de raisonner l'appelant qui a maintenu sa position ; qu'[H] [P] confirme intégralement la relation effectuée par [X] [O], ajoutant que l'appelant avait quitté son poste sans écouter ce dernier et en criant « je me casse si c'est comme ça" ; que le fait que les deux témoins soient des salariés de la société ne suffit pas à lui seul pour ôter à leur déclaration toute fiabilité ; que l'appelant se trouvait bien sur son lieu de travail le 11 mars 2019 ; qu'il résulte en effet du bulletin de paye établi pour le mois de mars 2019 qu'il n'a été absent pour maladie que du 4 au 9 mars 2019 ; qu'en outre, dans sa requête introductive d'instance, il exposait qu'un ultime arrêt de travail pour maladie lui avait été notifié du 4 au 9 mars 2019, produisant, à l'appui de cette affirmation, la pièce n° 5/3 qui n'est pas communiquée en cause d'appel ; qu'il ajoutait avoir regagné son poste le 11 mars 2019 et qu'à cette occasion il avait normalement effectué sa prestation de travail ; qu'il ne peut donc prétendre qu'une erreur de plume se soit glissée dans ses conclusions qui serait démontrée par le fait qu'il avait bénéficié d'indemnités journalières du 4 au 6 mars 2019 puis du 7 au 29 mars 2019 ; que cette apparente contradiction ne peut s'expliquer que par le fait qu'après avoir quitté son poste de travail, l'appelant s'est rendu immédiatement auprès de son médecin traitant pour obtenir un nouvel arrêt de travail pour maladie ; qu'enfin, selon l'attestation de [R] [S], présent à l'entretien préalable en qualité de conseiller de l'appelant, ce dernier a contesté durant cet entretien, non sa présence le 11 mars 2019, mais le comportement qui lui était reproché ; qu'il est donc établi que l'appelant a refusé de se soumettre aux directives de son supérieur hiérarchique et a quitté immédiatement son lieu de travail ; que ces agissements fautifs sont aggravés par le fait que durant la seule année 2018, il avait été sanctionné à deux reprises à la suite d'une altercation avec son responsable d'équipe puis en raison d'un refus, empreint de vulgarité, de permettre à une cliente d'effectuer une vérification du contenu du colis qu'il lui avait livré, ce qui avait conduit à une réclamation ; qu'ils rendaient bien impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;

Attendu en application de l'article L1232-2 du code du travail qu'il n'est pas contesté que le délai de cinq jours ouvrables exigé par les dispositions précitées n'a pas été respecté ; qu'en effet, bien que la date de présentation de la lettre recommandée ne soit pas communiquée, même si la lettre de convocation avait été envoyée le jour de sa rédaction, soit le lundi 11 mars 2018, le délai de cinq jours ouvrables n'aurait pas été respecté pour autant puisque le 17 mars était un dimanche ; que la procédure de licenciement est bien affectée d'une irrégularité qui a occasionné à l'appelant un préjudice qui a été justement évalué par les premiers juges ;

Attendu que l'appelant sollicite, en application de l'article D3312-62 du code des transports, qui n'est entré en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2017, la communication de son livret de transport en vue de l'évaluation des heures supplémentaires, des repos compensateurs, des heures de nuit susceptibles de lui être dus et de la démonstration de l'accomplissement par son employeur d'un éventuel travail dissimulé ; que pour écarter ces dispositions, la société intimée se prévaut de l'article R3312-58 1° dudit code ; que selon ces dispositions alors en vigueur à compter du 1er janvier 2017, la durée du travail des personnels de conduite exécutant des transports routiers de marchandises, catégorie à laquelle appartenait l'appelant, est enregistrée, attestée et contrôlée au moyen de l'horaire de service, pour les services de transports de marchandises à horaire fixe et ramenant chaque jour les salariés intéressés à leur établissement d'attache ; que tels n'est pas le cas pour ce qui concerne ce dernier puisqu'il résulte des pièces versées aux débats que si l'appelant effectuait sa prise de poste tous les matins à partir du même endroit, à savoir le [Adresse 5] à [Localité 3], les heures de cette prise de poste ou de fin de service variaient ; que selon le document intitulé « horaires de service n°1 » fixés du lundi au vendredi de 8 heures à 15 h 45, l'entreprise se réservait la possibilité de déroger aux horaires indiqués, les prises de poste ou les fins de service pouvant avoir lieu plus tôt ou plus tard, pour des raisons de service ou selon la tendance de l'activité et des volumes, ainsi qu'il était mentionné à la rubrique « observations » ; qu'en outre l'appelant n'avait pas de tournée attitrée puisque le changement de celle-ci est à l'origine des faits ayant conduit à son licenciement ; que les dispositions de l'article R3312-58 2° du code des transports étaient, de ce fait, seules applicables à l'espèce ; qu'il résulte des écritures de l'intimée que celle-ci se trouve dans l'impossibilité de procéder à la communication d'une copie du livret individuel de contrôle de l'appelant sur la période de janvier 2017 à avril 2019 ; que cette impossibilité a bien occasionné à ce dernier un préjudice puisqu'il n'a pu de ce fait calculer les différents rappels de salaire susceptibles de lui être dus au titre des heures supplémentaires ; qu'il convient d'évaluer le préjudice ainsi subi à la somme de 1000 euros ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

REFORME le jugement déféré,

 

CONDAMNE la société KOCAK TRANSPORT à verser à [N] [D] 1000 euros en réparation du préjudice subi résultant de l'impossibilité de la société de communiquer le livret individuel de contrôle,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

FAIT MASSE des dépens,

 

DIT qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie.

LE GREFFIER

A. LESIEUR

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/01064
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.01064 ?
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