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27/01/2023 | FRANCE | N°20/01199

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 27 janvier 2023, 20/01199


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 206/22



N° RG 20/01199 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7YP



GG / SL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

19 Mars 2020

(RG 19/00302 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Mme [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Patrick LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI





INTIMÉE :



S.A.S. SKF AEROENGINE FRANCE

[Adresse 4...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 206/22

N° RG 20/01199 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7YP

GG / SL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

19 Mars 2020

(RG 19/00302 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Mme [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Patrick LEDIEU, avocat au barreau de CAMBRAI

INTIMÉE :

S.A.S. SKF AEROENGINE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Nathalie GARBUIO, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 16 Novembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 26/10/22

EXPOSE DU LITIGE

La SAS SKF AEROENGINE FRANCE a engagé Mme [O] [J], née en 1980, en qualité d'assistante commerciale de niveau IV échelon 1, coefficient 255, de la convention collective des industries métallurgiques du Valenciennois et du Cambrésis, suivant contrat à durée indéterminée du 20/12/2013, avec reprise d'ancienneté au 20/09/2013 compte-tenu d'un contrat de mission antérieur pour la période du 24/06/2013 au 20/12/2013.

Au dernier état, sa rémunération s'établit à la somme de 2.504,26 €.

Par lettre du 26/04/2018, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 04/05/2018.

Par lettre du 14/05/2018, l'employeur a notifié à Mme [J] son licenciement aux motifs suivants :

«[...] Le mercredi 25 avril 2018, vous avez eu une réunion téléphonique avec Madame [X] [G], Supplier Officier d'un client important, la Société Airbus Helicopters.

Cette réunion avait pour objet de répondre aux demandes du client qui souhaitait des réponses sur l'état des livraisons pour le jeudi 26 avril 2018.

Or, au cours de cette réunion, vous avez communiqué des éléments de nature personnelle et fait état de critiques notamment quant à un acte de management de votre responsable dont le client n'avait absolument pas à avoir connaissance.

En effet, le 25 avril 2018, lorsque Madame [X] [G] vous a informé qu'elle était en congé la semaine suivante et qu'elle avait un besoin de connaître l'état des livraisons pour le 26 avril 2018 au plus tard, vous vous êtes alors plainte auprès d'elle au motif que vous n'aviez pas de congés car votre manager vous les avait refusés.

Le même jour, soit le 25 avril 2018, votre interlocutrice d'Airbus Madame [X] [G] a fait part de votre conversation à sa responsable, Madame [A] [W], Supply Chain and Quality Manager et notamment de vos échanges d'ordre non professionnel.

Madame [A] [W] a alors immédiatement appelé, Monsieur [S] [H], Global Account Manager de la Business Unit SKF Aerospace, en charge du compte Airbus Helicopters.

Madame [A] [W] s'est montrée très inquiète quant à votre capacité à assurer la gestion du compte Airbus de manière sereine et, de facto, quant à la capacité de SKF de les rassurer et a indiqué à Monsieur [S] [H] que sa collaboratrice, Madame [X] [G], avait clairement perçu vos états d'âme personnels.

Ces informations relayées par le client sont inacceptables et ont pour conséquence de semer le doute auprès de ce dernier quant à la capacité de l'entreprise de gérer avec lucidité et professionnalisme ses dossiers et commandes.

En marge de cet événement en date du 25 avril 2018, il nous paraît important de revenir sur l'origine de vos critiques et divulgations.

Un arrêt de travail d'origine non professionnelle, vous a été prescrit par votre médecin traitant pour la période du 10 avril au 17 avril 2018, arrêt qui a fait l'objet d'une prolongation du 18 avril au 28 avril 2018.

Au regard des éléments en notre possession, et conformément à la règlementation, nous avons diligenté un contrôle médical en date du 20 avril 2018 auprès de la Société Securex.

Un contrôle a eu lieu à votre domicile le lundi 23 avril 2018. A l'issue de ce contrôle, le médecin-contrôleur a précisé que votre arrêt de travail n'était plus justifié pour raisons médicales le même jour.

Vous avez donc repris votre activité le mardi 24 avril 2018.

En parallèle, vous aviez demandé mi-avril à votre responsable, [K] [D], la possibilité de poser des congés la semaine du 30 avril 2018.

Compte-tenu des absences dans le service et de la charge de travail de votre périmètre, votre responsable n'a pas été en mesure de vous accorder cette semaine de congés.

Malgré la légitimité de ce refus, vous n'avez pas accepté qu'il ne soit pas répondu favorablement à votre demande. Ainsi, entre le 24 avril et le 26 avril 2018, vous n'avez cessé de vous plaindre, sur votre lieu de travail et pendant vos heures de travail, et de critiquer vivement ce refus auprès de qui voulait bien l'entendre, et notamment auprès du client Airbus Helicopters, client très important.

Plus encore, vous avez fait pression sur votre responsable Monsieur [K] [D].

L'une des conséquences de votre attitude susvisée est que Monsieur [K] [D] a pris contact avec le Service Médical de la Société le 27 avril 2018 afin d'exprimer son état de stress négatif, de fatigue dans lequel votre comportement l'a installé depuis plusieurs jours.

Nous vous rappelons qu'il appartient à l'entreprise de garantir la sécurité et la santé de notre personnel et qu'à ce titre, nous ne pouvons tolérer aucune dérive qui aura pour vocation de nuire moralement à notre personnel quel que soit son positionnement au sein de l'entreprise.

Aussi, devant l'ensemble de ces éléments, il nous apparaît un manque de loyauté dans l'exécution de votre contrat de travail et une perte de confiance manifeste de notre part, rendant impossible la poursuite de notre collaboration.

Ces motifs nous conduisent donc à constater de manière générale votre incapacité de vous soumettre aux règles imposées par votre contrat de travail et d'accepter les décisions de votre hiérarchie.

En conséquence, nous sommes amenés à vous notifier par la présente, votre licenciement[...]. »

Mme [J] a contesté le licenciement par lettre du 24/05/2018, l'employeur maintenant sa décision par lettre du 11/06/2018, ce qui entraîné un nouvel échange de correspondance du 22/06/2018.

Estimant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [J] a saisi suivant requête reçue le 19/07/2018 le conseil de prud'hommes de Valenciennes de diverses demandes indemnitaires.

Par jugement du 19/03/2020 le conseil de prud'hommes a :

-dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [O] [J] est justifié,

En conséquence,

-débouté Mme [O] [J] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné Mme [O] [J] à payer à la SASU SKF AEROENGINE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal 250 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [J] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée le 27/05/2020.

Selon ses conclusions d'appelante reçues le 17/08/2020, Mme [O] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de :

-dire et juger le licenciement comme étant dénué de toute cause réelle et sérieuse,

-en conséquence :

A titre principal,

-dire ne pas y avoir lieu à application du « barème Macron »,

-condamner la SASU SKF à lui verser à Mme [O] [J] la somme de 31.200 € à titre de dommages et intérêts, sans charges sociales ni fiscales, correspondant à 12 mois de salaire,

A titre subsidiaire :

-condamner la SASU SKF à lui verser la somme de 15.600 € à titre de dommages et intérêts, sans charges sociales ni fiscales, correspondant à 6 mois de salaire,

-constater le caractère vexatoire et brutal du licenciement,

-condamner la SASU SKF à lui verser la somme de 15.600 € à titre de dommages et intérêts, sans charges sociales ni fiscales, correspondant à 6 mois de salaire,

En tout état de cause :

-condamner la SASU SKF à lui verser à Mme [O] [J] la somme de 2.600 € en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de visite médicale d'embauche, -condamner la SASU SKF au paiement d'une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens.

Selon ses conclusions d'intimée reçues le 12/11/2020, la SAS SKF AEROENGINE France demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et de :

-dire et juger le licenciement justifié pour cause réelle et sérieuse,

-dire et juger qu'elle a a rempli ses obligations en matière de visite médicale d'embauche,

En conséquence,

-débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [J] aux entiers frais et dépens de l'instance.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 26/10/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'absence de visite médicale

L'appelante explique qu'il ne peut être tenu compte de la visite médicale effectuée lorsqu'elle était salariée de Manpower, que l'employeur ne justifie pas du respect de son obligation.

L'intimée expose que Mme [J] a travaillé comme assistante export dans le cadre d'un contrat de mission du 24/06/2013 au 20/12/2013, qu'elle a été convoquée à une visite médicale d'embauche, qu'elle était dispensée d'effectuer une visite médicale.

Sur ce, selon les dispositions de l'article R4624-12 du code du travail dans leur rédaction applicables au litige, sauf si le médecin du travail l'estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, un nouvel examen médical d'embauche n'est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies : ['] 2° Le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d'aptitude établie en application de l'article R. 4624-47 ;

3° Aucune inaptitude n'a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :

a) Soit des vingt-quatre mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur ;

b) Soit des douze derniers mois lorsque le salarié change d'entreprise.

En dépit de ces dispositions, il n'est pas justifié que le médecin du travail détienne une fiche d'aptitude de la salariée, l'employeur produisant une attestation de la société Manpower se bornant à indiquer que le suivi médical des salariés intérimaires relève de sa responsabilité, et n'évoquant pas Mme [J]. Il n'est donc pas justifié de la visite médicale d'embauche.

Cependant, Mme [J] ne justifie pas d'un préjudice en lien avec ce manquement, sa demande devant par conséquent être rejetée.

Sur la contestation du licenciement

L'appelante fait valoir des états de service irréprochables, qu'il n'est produit aucun élément concernant le premier grief, qu'elle est l'interlocutrice depuis plusieurs années de la société AIRBUS HELICOPTERS, que Mme [G] connaissait ses problèmes de santé, qu'elle n'a pas dénigré l'employeur, qu'une intérimaire ayant assuré son service a mal géré le compte, qu'elle ne pouvait imaginer que sa demande de congé serait rejetée, qu'il lui a été demandé lors de la reprise d'assurer la revue du client PWC qui ne relevait pas de son portefeuille, ce qu'elle a néanmoins effectué, qu'elle réfute les propos qui lui sont imputés par M. [D], l'investissement de ce dernier pouvant expliquer un état de fatigue physique et psychique important.

L'intimée réplique que la salariée n'a cessé de se plaindre entre le 24 et le 26/04/2018, qu'elle a multiplié les agressions verbales et menaces au sein de son service, qu'elle a critiqué vivement le refus de ses congés auprès de salariés, du client Airbus Helicopters, et devant M. [U] [V], account manager SKF, faisant partie de l'unité de vente, que la salariée a indiqué qu'elle rentrerait chez elle et solliciterait un nouvel arrêt, que cela a suscité des tensions, que le 25/04/2018, la salariée, lors d'une réunion téléphonique avec Mme [X] [G], « supplier officier » de la société Airbus Helicopters, a vivement critiqué M. [D], au motif que des congés payés lui avaient été refusés, qu'il s'agissait d'une réunion entre deux professionnels, destinée à montrer que la gestion du compte du client était reprise par Mme [J], en personne, et non plus par la personne intérimaire qui avait fait défaut et failli à sa mission de suivi client, son attitude ayant fortement nuit à l'image de la société SKF AEROENGINE FRANCE, à sa crédibilité et à son professionnalisme.

Sur ce, l'article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il convient d'examiner les griefs figurant à la lettre de licenciement du 14/05/2018.

S'agissant du premier grief, l'employeur reproche à la salariée le 25/04/2018 lors d'une réunion téléphonique avec Mme [X] [G], d'avoir communiqué des éléments de nature personnelle et fait état de critiques quant à un acte de management dont le client n'avait pas avoir connaissance, ce qui a eu pour conséquence de semer le doute quant à la capacité de l'entreprise de gérer avec lucidité et professionnalisme ses dossiers et commandes.

Il ressort des pièces produites que Mme [J] a été arrêtée pour maladie du 10 au 17/04/2018, arrêt prolongé du 18 au 28/04/2018, la salariée ayant repris le travail le 24/04/2018 à la suite d'une contre-visite d'un médecin vérificateur de la société Securex. Mme [J] indique dans sa lettre de contestation suivre un traitement anti-dépresseur depuis trois ans, son arrêt étant justifié par un changement de molécule et un dosage plus important, son état de santé étant corroboré par les certificats de son médecin traitant du 22/06/2018 et du 08/03/2019.

Mme [J] admet dans sa correspondance du 24/05/2018, avoir indiqué le 25/04/2018 à son interlocutrice de la société AIRBUS HELICOPTERS, Mme [G], qu'elle serait présente la semaine 18 alors qu'elle souhaitait poser des congés, ce qui avait été refusé. A cet égard, il ressort de l'attestation de M. [S] [H], examinée avec circonspection compte-tenu du lien de subordination avec l'employeur, que Mme [W] l'a contacté pour expliquer que « la revue ne s'était pas bien déroulée », et l'informer de « commentaires additionnels » face au comportement de Mme [J]. Force est de constater que la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige n'évoque pas le mauvais déroulement de la revue avec le client Airbus Helicopters, dont il n'est pas contesté que Mme [J] assure le suivi sans problème notable depuis près de cinq ans.

En l'espèce, il apparaît que Mme [G], qui aurait perçu des « états d'âme personnels », en a fait part à Mme [W], qui s'en est ouverte à M. [H]. On ignore donc la teneur exacte des propos de la salariée, qui ont pu être interprétés par Mme [G]. Le fait pour la salariée d'indiquer qu'elle sera présente, alors que des congés étaient envisagés mais ont été refusés, ne constitue pas un défaut de loyauté à l'encontre de l'employeur, les salariés des entités respectives pouvant être amenés à échanger, y compris sur des éléments personnels. Le grief n'est pas établi.

S'agissant du second grief, il est reproché à Mme [J] de s'être plainte entre le 24 et le 26/04/2018, à la suite du refus de sa demande congés payés, et d'avoir fait pression sur son responsable M. [K] [D].

Mme [J] reconnaît avoir fait part de son incompréhension relativement au refus de ses congés, expliquant qu'elle pensait devoir les solder avant le 31/05/2018. La salariée a adressé le 26/04/2018 un minimessage à M. [D], indiquant : « [K], les émotions les mots et les sentiments dépassent souvent la pensée surtout quand l'on est à fleur de peau. J'ai ressenti de l'injustice qui n'en était pas mais qui n'est pas infaillible ' Je te prie de bien vouloir accepter mes excuses pour les propos tenus sous de coup de la colère[...] », ce qui démontre bien un excès de langage de la part de Mme [J]. Le grief est établi.

Il convient toutefois de tenir compte du contexte dans lequel Mme [J] a été informée du refus de ses congés à savoir le 23/04/2018 à 8h25 (confer pièce 9 de l'intimée), avant le contrôle de la société Securex, le certificat du médecin n'étant pas circonstancié, du fait que Mme [J] n'a jamais été sanctionnée auparavant, ses évaluations démontrant ses qualités professionnelles. De plus, si M. [D] atteste de son désarroi du fait de l'attitude de Mme [J], rien ne permet de lier la prise d'un traitement antidépresseur par celui-ci en janvier 2019, alors que la salariée a quitté l'entreprise en mai 2018, M. [D] assurant des fonctions de management. Il s'ensuit que la sanction compte-tenu de ces éléments apparaît disproportionnée au regard de la faute commise. Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement abusif, les nouvelles dispositions de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.'

S'agissant de la compatibilité de ce texte avec l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la partie II de ce texte et de l'article 24 qui vise, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, il convient de dire que les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En revanche, l'article 10 de la Convention n°158 sur le licenciement de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) est d'application directe en droit interne.

La Convention n°158 de l'OIT sur le licenciement stipule dans son article 10 que, si les tribunaux arrivent à la conclusion qu'un licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Le juge judiciaire exerce un contrôle de conventionnalité de nature à permettre de s'assurer que les lois françaises sont bien conformes aux conventions et traités internationaux signés par la France et au droit de l'Union Européenne, qui ont une valeur supérieure à la loi. Ces textes internationaux comprennent notamment la Convention n°158 de l'OIT dont le texte a été déclaré d'application directe.

Le principe d'égalité des citoyens devant la loi, qui est garanti par l'article 6 de de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ne s'oppose pas au principe d'individualisation des décisions de justice qui ressort de l'office du juge et de la fonction correctrice de la jurisprudence qui se détermine au cas par cas.

Il est des cas restant exceptionnels dans lesquels l'indemnisation légalement prévue apparaît insuffisante et inadéquate.

Cependant encore faut il que le salarié apporte des éléments de nature à permettre au juge d'une part d'apprécier l'écart entre le préjudice subi et le préjudice indemnisable, et d'autre part de déterminer si des circonstances particulières expliquent cet écart et justifient de prendre en compte la situation personnelle du salarié pour éviter une atteinte disproportionnée à la protection contre le licenciement injustifié.

En l'espèce, Mme [J] ne fait valoir aucun élément particulier, autre qu'une attestation Pôle emploi du 16/09/2019.

En conséquence, et en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, compte-tenu d'une ancienneté de 4 ans et 10 mois, la SAS SKAf AEROENGINE FRANCE sera condamnée au versement de la somme de 12.521,30 €.

Il ne peut être dérogé à la législation sociale et fiscale s'agissant de cette indemnité venant réparer la perte de l'emploi.

Enfin, Mme [J] ne justifie pas du caractère vexatoire de la procédure, ni d'un préjudice distinct de celui de la perte de l'emploi, sa demande devant être rejetée.

Sur les autres demandes

Il convient par infirmation de la décision déférée de condamner la SAS SKF AEROENGINE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer, par dispositions infirmatives, à Mme [J] une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct, et pour absence de visite médicale d'embauche,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS SKF AEROENGINE FRANCE à payer à Mme [O] [J] la somme 12.521,30 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS SKF AEROENGINE FRANCE à payer à Mme [O] [J] une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS SKF AEROENGINE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01199
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;20.01199 ?
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