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27/01/2023 | FRANCE | N°20/00867

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 27 janvier 2023, 20/00867


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 159/23



N° RG 20/00867 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4CD



GG/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LILLE

en date du

13 Décembre 2019

(RG F 18/00894 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE:



SA ARCHIMED GROUP

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Alexandre STECLEBOUT, avocat au barre...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 159/23

N° RG 20/00867 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S4CD

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LILLE

en date du

13 Décembre 2019

(RG F 18/00894 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE:

SA ARCHIMED GROUP

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Nathalie LEROY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Alexandre STECLEBOUT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ:

M. [F] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphane JANICKI, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 02 Novembre 2022

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 16 Décembre 2022 au 27 Janvier 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12/10/2022

Exposé du litige

La société ARCHIMED qui emploie habituellement plus de 10 salariés a engagé M. [F] [H], née en 1972, à compter du 10/04/2012 en qualité de technicien, statut cadre, coefficient 100, position 1.2.

Le salarié a été arrêté pour maladie le 23/11/2015 jusqu'au 30/11/2015.

Après convocation à un entretien préalable par lettre du 30/11/2015, fixé au 10/12/2015, M. [H] a été licencié par lettre du 15/12/2015 pour cause réelle et sérieuse, aux motifs suivants :

«[...] Nous procédons à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse et ce pour les raisons suivantes, raisons que nous vous avons exposées lors de notre entretien :

A ce jour, nous sommes au regret de constater votre insuffisance professionnelle.

Le poste que vous occupez en tant que Technicien statut cadre est stratégique pour Archimed de par le contact client prépondérant à la fonction.

Nous vous avons rappelé lors de notre entretien les missions qui vous ont été confiées et sont indiquées dans votre contrat de travail :

Le technicien assure la mission suivante :

-Installation des environnements matériels, système et applicatifs

-Paramétrages techniques

-Diagnostic et préconisation techniques,

-Support technique et conseil auprès des clients

-Transfert de compétences aux clients sur la gestion technique

-Exploitation des infrastructures matérielles, système et logicielles internes ou d'hébergement

-Veille technologique

-Documentation technique

Les missions du technicien s'effectuent dans le cadre du contrat de maintenance passé avec le client. Les délais de traitement sont contractuels.

La satisfaction client est un des axes majeurs du travail au quotidien dans toutes les équipes, et surtout au niveau du support. Les délais de traitement s'ils ne sont pas respectés entraînent une insatisfaction préjudiciable pouvant aller jusqu'à la perte du contrat et du client.

Nous vous avions bien expliqué nos attentes et établi le constat de ce qui semblait poser problème en mars dernier et avions convenu d'une période probatoire à l'occasion de laquelle nous vous avons demandé de progresser sur deux axes :

-savoir être (comportement au sein de l'équipe)

-savoir-faire (amélioration du nombre de traitements incidents, meilleure communication client).

A l'issue de cette période serait fait un nouvel entretien d'évaluation pour vérifier la tenue des objectifs.

Nous vous avons laissé une période complémentaire compte tenu de difficultés rencontrées dans votre vie personnelle pour faire à nouveau le point.

Cet entretien a eu lieu le 19 novembre 2015.

Cet entretien n'a pas permis de relever d'améliorations à l'issue de la période.

-Nous avons constaté un manquement dans le respect des procédures du support et un manque flagrant de transparence dans votre travail. Le respect des procédures du support est primordial pour conserver le client et satisfaire les délais.

Des modes opératoires sont mis en place pour détailler les cycles de traitement d'incident et remonter l'information à la hiérarchie.

Il est de la mission du support de traiter les incidents. Or, un certain nombre de traitements nécessitent de multiples relances pour obtenir une réponse de votre part sur leur état de traitement. Des incidents ne sont par ailleurs pas fermés ce qui ne permet pas d'identifier ce qui a été traité ou est en attente.

A titre d'exemple :

2014 :

Concernant 1'incident CAS 27780 D5R6X1, de novembre 2014, votre collègue [W] [A] a dû traiter l'incident qui vous était assigné le 03/11/2014 à votre place car le client n'avait pas de retour et aucune notification sur l'incident n'était indiquée sur notre outil de suivi interne OGGI. L'incident (sic)

Votre manager, [V] [G], vous a relancé le 07/11/2074, vous indiquant qu'il n'avait pas reçu d'action de traitement de l'incident et soulignant le fait que votre collègue [W] [A] vous avait relancé sur le sujet dans la semaine.

2015 :

Client [Localité 6]-Méditerranée : un manquement dans le délai de traitement de l'incident. Le client a fait une déclaration d'incident le 29 juin 2015 (ticket CAS-38872-R8L8S5) qui vous a été assigné. Le 3 juillet 2015 sans réponse, le client a relancé l'équipe projet en la personne de [X] [I], directeur projet. Mr [I] a transmis la demande au service support. Votre manager [V] [G], en l'absence de réaction de votre part, a attribué le traitement de l'incident à [W] [A] et vous a rappelé qu'un incident se traite rapidement.

Client CAMO (Communauté d'agglomération de Montpellier) : le chef de projet en liaison avec le client est relancé par celui-ci le 25/09 concernant un traitement d'incident dont il est sans nouvelles. Le chef de projet, [K] [C], a demandé au service support technique l'état du traitement de l'incident. Votre manager [V] [G] lui répond vous avoir relancé par email une première fois le 24/09/2015, soit la veille de la relance client. Il vous intègre en copie du mail qu'il envoie à [K] [C], le 25/09/2015 pour obtenir une réponse de votre part sur le traitement de cet incident. [K] [C] vous envoie également une relance ce même jour pour obtenir un signe de votre part sur cet incident.

Le 28/09/2015 [V] [G], votre manager, vous relance une nouvelle fois pour connaître l'état de traitement de cet incident car vous n'avez donné aucun détail sur cet incident et votre manager ne peut répondre ni au client, ni au chef de projet.

Le manque de visibilité sur votre travail, le non-respect des procédures et l'absence de réponse au client engendrent à la fois des incompréhensions au sein de l'équipe et un manque de visibilité pour le client qui, nous vous le rappelons, a établi un contrat de maintenance avec la société Archimed et dont le service support est le garant.

-Nous constatons une absence de communication ou des erreurs de communication vis-à-vis des clients.

Par exemple, pour le client Marne et [J] (CAMGO) vous avez créé un ticket d'incident le 23 septembre 2075 avec un descriptif «problème imprimante ticket» ce qui ne respecte pas la nécessité de la clarté dans le descriptif d'incident. Votre manager, [V] [G] vous rappelle dans un email du 23 septembre que « le ticket d'incident n'est pas un post-it à vocation interne mais un outil de communication avec nos clients ».

Concernant le client Hall de la chanson, vous avez utilisé le support de suivi des incidents clients comme une « note interne » directement visible par ce dernier le 29 juin 2015. Vous avez indiqué dans la note que le service administratif devait régulariser le contrat. Hors (sic), ceci est une information purement interne et ne doit pas transiter directement vers le client. [V] [G] vous a rappelé le 29 juin 2015 que les notes internes n'existent pas et que cela engendre des incompréhensions de la part du client.

-Votre insuffisance s'illustre également dans des erreurs de diagnostic :

Vous êtes expert certifié Cisco, certifications qui valident un niveau d'expertise et de compétence réseau loin du niveau débutant. Hors vous ne suivez pas le problème jusqu'à sa résolution, et vous ne procédez pas avec méthode ce qui génère du retard et mécontente le client.

Par exemple :

Dans le cadre du projet pour l'agglomération de Marne et [J], des 10 et 11 décembre 2014, vous avez manqué de méthode pour diagnostiquer le problème qui était un problème simple d'ouverture de port, ce qui a engendré un délai de traitement anormal de 2 jours.

Pour le client de la Ville D'[Localité 5], le chef de projet [S] [Z] souligne le fait, par un email adressé à votre manager et au directeur projet du 21 janvier 2015, qu'il reprend la résolution de problèmes techniques qui vous ont été assignés car vous n'avez pas réussi à les résoudre. Votre manager Monsieur [G] confirme le fait en réponse à cet email le même jour, que vous deviez traiter cet incident mais que vous n'avez pas communiqué sur l'avancement du projet et qu'il ne disposait donc en l'occurrence d'aucune visibilité. [S] [Z], sans formation spécifique, a terminé dans ce cadre votre travail.

Pour le Conseil Général de 1'Aisne en date du 10 février vous indiquez à votre manager en réponse à un mail de sa part du 9 février et dans lequel il vous demande une mise à jour de l'intervention, que vous avez installé le serveur demandé mais qu'il vous faut vérifier le proxy du client. Or, pour ce type d'installation vous n'avez pas suivi la procédure et vous avez eu des difficultés à installer et pris du temps supplémentaire.

Pour le client de la Ville de [Localité 7] pour lequel vous étiez en installation sur place en juillet 2015, le client a remonté un problème lié à votre intervention en septembre 2015 suite à des tests effectués chez eux au directeur projet qui a transmis la demande au support pour vérification. Votre manager a dû se déplacer pour résoudre l'insatisfaction le 16 octobre, ce qui a engendré un temps de trajet supplémentaire pour 2 minutes d'intervention sur place.

-Nous tenons à vous faire remarquer la faible performance dans l'occupation de votre poste.

Votre performance de résolution d'incidents est moindre que celle d'un junior dans l'équipe arrivé plus récemment et avec moins d'expérience et sans certification :

Chiffres comparatifs avec [W] [A] (ETAM, arrivé 3 mois après vous, avec une expérience professionnelle moindre)

Performance de résolution d'incidents :

2014 : 2,80 incidents résolus par jour pour [F] [H] / 4,95 incidents résolus par jour pour [W] [A]

2013 : 1,38 incidents résolus par jour pour [F] [H] / 2,85 incidents résolus par jour pour [W] [A]

Dans le cadre du support, vous manquez d'autonomie sur le diagnostic des incidents et vous ne capitalisez pas les notions qui vous sont transmises régulièrement, ce qui a pour effet de ralentir votre cadence de traitement d'incidents. Vous résolvez en moyenne un incident de moins que vos collègues chaque jour.

-Nous vous reprochons également votre savoir-être

Votre comportement négatif nous vaut des remontées de collègues de différentes équipes qui s'étonnent de votre attitude, qu'elle soit au sein de l'équipe ou pendant que d'autres collègues sont au téléphone. L'emportement dont vous faites preuve régulièrement n'est pas en phase avec une dynamique d'équipe constructive et positive et plus globalement avec un savoir être dans une communauté de travail.

Nous vous avons averti lors de vos entretiens annuels ainsi que pendant la période probatoire que nous vous avons laissée depuis le mois de mars 2015 que les résultats étaient en deçà des attendus.

Nous avons constaté que vous ne parvenez pas à remplir vos fonctions conformément à ce que l'on peut attendre d'un technicien avec de l'expérience.

Nous estimons que les tâches qui vous ont été confiées étaient en relation avec votre expérience et que nous avons mis tous les moyens internes pour que vous les meniez à bien, mais vous n'avez pas su améliorer votre travail, qui de ce fait, n'est pas exécuté de manière satisfaisante, ce qui pose problème en terme de réactivité, de professionnalisme et d'image auprès de nos clients et perturbe le fonctionnement du service[...] ».

Estimant le licenciement infondé, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille par requête reçue le 08/04/2016, de diverses demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 13 décembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

-dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-condamné la société ARCHIMED au paiement à M. [F] [H] de la somme de 14.279 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la société ARCHIMED au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariales, à compter du prononcé de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire,

-débouté M. [H] de l'ensemble de ses autres demandes,

-condamné la société ARCHIMED aux éventuels dépens.

Suivant déclaration reçue le 29/01/2020, la société ARCHIMED a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 21/12/2021, la société ARCHIMED demande à la cour de dire son appel recevable et bien fondé, de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et :

-juger le licenciement intervenu le 15 Décembre 2015 fondé sur une cause réelle et sérieuse,

-débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner M. [H] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions d'intimé reçues le 26/04/2022, M. [F] [H] demande à la cour de :

« dire bien jugé, mal appelé »,

En conséquence,

-fixer le salaire brut moyen mensuel à la somme de 2.379,15 €,

-juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse, et confirmer le jugement sur ce point,

-condamner en conséquence la société ARCHIMED à lui verser les sommes suivantes:

-25.000.00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, et réformer le jugement sur ce point,

-4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de confirmer la condamnation au paiement de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

-ordonner la délivrance de fiches de paie rectifiées sous astreinte de 150 € par jour de retard et par document,

-constater que le requérant demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,

-dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts du moment qu'ils sont dus pour une année entière,

- « paiement des intérêts en application de l'article L313- du Code Monétaire et financier »,

-frais et dépens à la charge exclusive de la partie défenderesse.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 12/10/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et soutenues oralement dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible la continuation du contrat de travail.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

L'insuffisance de résultat ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et doit constituer la conséquence, soit d'une faute, soit d'une insuffisance professionnelle

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, les griefs, pour pouvoir justifier le licenciement, doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci. Par ailleurs, l'employeur ne peut reprocher au salarié une insuffisance de résultats si les objectifs qu'il lui reproche de ne pas avoir atteints n'étaient pas réalistes.

Pour infirmation, la société ARCHIMED explique que l'insuffisance professionnelle du salarié résulte de manquements dans le respect des procédures du support et dans la transparence du travail, de l'absence de communication ou d'erreurs de communication vis à vis des clients, d'erreurs de diagnostic, d'une faible performance dans l'occupation du poste et de difficultés de savoir-être dans l'environnement professionnel, que M. [H] était affecté à la résolution des incidents de niveau d'expertise SN1 et SN2, le niveau SN3 devant être transféré aux développeurs, M. [H] restant alors l'interlocuteur du client, que les griefs sont tous justifiés, que le salarié avait des relations cordiales avec M. [V] [G].

L'intimé indique que les objectifs fixés n'étaient pas réalistes, qu'il a assuré des fonctions de technicien support et itinérant, qu'il n'a bénéficié d'aucune formation, qu'il a rencontré des difficultés relationnelles avec M. [V] [G], responsable de l'équipe de production, qu'il est impossible de comparer les résultats des techniciens, chaque incident étant singulier dans son temps de traitement en raison de sa complexité, que les moyens mis à disposition des techniciens ne sont pas fiables, que les carences qui lui sont imputées ne sont pas établies.

Il convient de revenir sur les griefs tels qu'évoqués dans la lettre de licenciement.

S'agissant du premier grief afférent aux manquements dans le respect des procédures du support et de transparence dans le travail, l'employeur évoque des « incidents » ayant fait l'objet de relances, certains n'étant pas fermés.

Des pièces produites il ressort :

-concernant l'incident CAS 27780 D5R6X1, de novembre 2014, « ville d'[Localité 8] », que la médiathèque de cette ville a demandé la correction du nom d'un traducteur le 25/07/2014, cette demande d'intervention, ou « ticket », étant attribuée le 25/07/2014 à M. [H] ; la correction a été effectuée par M. [W] [A] le 07/11/2014, les messages montrant deux relances (13/10/2014 et 20/10/2014) auprès du responsable produit ; toutefois M. [H] produit son courriel adressé à M. [R] [P] signalant un « ISV en attente, et une demande d'expertise sur l'incident signalé par la médiathèque », sans réponse du destinataire, ce qui démontre que M. [H] n'est pas resté inactif, le traitement de l'incident relevant en outre du niveau SN3 ;

-concernant le ticket CAS-38872-R8L8S5 effectué le 29/06/2015 et attribué au salarié, pour une montée de charge anormale sur le serveur Ermes, il apparaît que M. [H] a questionné le client le jour même, en demandant si un changement d'opérateur ou d'adresse IP était intervenue, à la suite de quoi l'incident a été résolu par M. [A] le 03/07/2015 qui a relevé un problème d'indexation. M. [H] n'est certes plus intervenu après cette démarche, toutefois la relance adressée par le client a été attribuée à M. [A], qui n'a pas plus résolu le problème comme le soutient l'appelante, dans la mesure où le 06/07/2015 un autre informaticien est intervenu, le site n'étant plus opérationnel, le problème de lenteur étant en réalité la conséquence d'un virus. S'il est regrettable que M. [H] n'ait pas poursuivi ses démarches pour résoudre le problème, il ressort toutefois de la fiche de suivi de l'outil « syracuse » qu'en pratique, le client a effectué au moins deux relances, mobilisant en tout trois informaticiens, ce qui démontre l'intervention de plusieurs techniciens pour la résolution du même incident qui n'était donc pas anodin ;

-s'agissant du ticket CAS-41350-T0B7X1 « communauté d'agglomération de Montpellier » du 23/09/2015, concernant un problème d'agenda, il ressort des échanges de courriel que le salarié a été relancé le 24/09/2015 par M. [V] [G], puis par M. [K] [C] le 25/09/2015 à 17h47 ; toutefois le salarié produit les copies d'écran faisant apparaître une note de M. Gilles [L] du 24/09/2015 à 18h44, ce qui montre l'intervention d'un autre technicien que M. [H], et indiquant au client que le problème de modification sur le serveur n'a pu être reproduit et demandant « pouvez-vous nous contacter à partir de lundi pour que nous puissions reproduire ensemble le problème » (sic), ce qui a été fait le 28/09/2015 par le salarié.

Au regard de ces éléments, le grief n'est pas fondé.

S'agissant du second grief, l'employeur reproche au salarié une absence de communication ou des erreurs de communication vis-à-vis des clients.

-S'agissant du ticket CAS 41340J71H0N6 du client « Marne et [J] (CAMGO) », du 23/09/2015, il est reproché au salarié d'avoir indiqué comme description de l'incident « problème imprimante ticket », ce qui ne serait pas assez précis. Toutefois, l'appelante fait valoir à tort que cet intitulé n'est pas clair pour le client, lequel est le premier informé du problème qu'il a signalé. D'autre part le salarié justifie d'avoir apporté le même jour à 17h46 des précisions sur le ticket, expliquant que le client travaille sur plusieurs sites, et que la personne contactée n'avait pas pu lui donner d'indications, jusqu'à ce qu'il puisse contacter la personne idoine. Le grief allégué par l'employeur n'est pas établi.

-Concernant le client « Hall de la chanson », il est reproché au salarié d'avoir utilisé le support de suivi des incidents clients comme une « note interne » directement visible par le client, en indiquant le 29/06/2015 « en attente du service administratif pour la régularisation contrats », cette information ne devant pas être communiquée. Force est de constater que la note a été modifiée en indiquant que la Société ARCHIMED était en attente « de la régularisation de l'hébergement de votre site depuis le mois de janvier 2015 », une suspension de l'hébergement du site étant envisagée. Il s'agit donc bien d'une question administrative ne relevant pas de la compétence du salarié, et dont il n'est pas établi qu'elle soit incompréhensible pour le client. Par ailleurs, dans la mesure où l'outil de suivi des incidents ne permet pas de saisir des « notes internes » qui ne soient pas vues du client, il ne peut être reproché au salarié d'avoir utilisé cet outil informatique pour assurer un suivi, ayant vocation au contraire à transmettre l'information au sein des différents services de la société ARCHIMED.

Il s'ensuit que le grief n'est aucunement établi.

S'agissant du troisième grief, l'employeur reproche au salarié des erreurs de diagnostic, en ne suivant pas le problème jusqu'à sa résolution et sans procéder avec méthode.

-L'employeur reproche au salarié d'avoir manqué de méthode les 10 et 11/12/2014 pour diagnostiquer le problème rencontré par l'agglomération de Marne et [J]. L'employeur verse une pièce 19 concernant un ticket ouvert le 23/09/2015 qui ne permet pas de justifier du grief reproché. De plus, le salarié verse des échanges de courriels du 11/12/2014 démontrant qu'il a été nécessaire de prendre attache avec le prestataire du client (M. [U]), lequel assurait la sécurité informatique, ce qui n'est pas sérieusement contesté. Le grief n'est pas établi.

-pour le client « ville d'[Localité 5] », l'employeur indique que le chef de projet, M. [S] [Z], a dû 21/01/2015 reprendre la résolution de problèmes techniques assignés au salarié qui n'est pas parvenu à les résoudre. L'appelante verse un courriel du 21/01/2015 de M. [Z], adressé à M. [V] [G] et M. [X] [I], faisant part de son mécontentement à devoir paramétrer un « firewall » lui même, cette tâche appartenant au technicien.

Toutefois, ce courriel doit être situé dans son contexte et les échanges de courriel précédents des 20/01/2015 et 21/01/2015, dont il ressort que M. [H] a rencontré une difficulté technique, dont la résolution a requis la participation non seulement de M. [Z] (« je rejoins cet aprem [F] à [Localité 5] et nous sommes en effet confrontés à un problème bloquant pour une mise en production demain »[...]), mais également de Mme [B] [M], puis de M. [V] [G], ce qui démontre que la difficulté rencontrée par le salarié était complexe et a nécessité une synergie au sein de l'entreprise pour la résoudre. Le grief n'est pas fondé.

-L'employeur reproche au salarié, s'agissant du client Conseil Général de 1'Aisne, d'avoir indiqué à son manager en réponse à une demande « d'updater », qu'il était nécessaire de contacter le client pour « leur proxy ». Pour preuve du grief, l'employeur verse des échanges de courriel du 10/02/2015, ainsi que « la procédure d'installation sur serveur client », dont il ressort que le serveur « infodoc est hébergé chez nous ». Il n'est toutefois pas répondu à l'argumentation de M. [H], le salarié expliquant qu'il est nécessaire de vérifier le « proxy », c'est à dire le serveur intermédiaire, nonobstant l'hébergement du serveur chez ARCHIMED. Il n'est donc pas démontré que le salarié n'a pas respecté la procédure d'installation.

-Enfin, l'employeur invoque un problème lié à une intervention en juillet 2015 à [Localité 7]. L'employeur admet une erreur matérielle dans la lettre de licenciement, les faits se déroulant en juillet 2014. Il ressort des pièces et explications des parties, qui débattent sur le fait de savoir si la bibliothèque était dotée ou pas d'un « client léger », que l'installation est intervenue le 15/07/2014, les échanges de courriels ultérieurs datant du 13 au 16/10/2014. La fiche d'intervention du 15/07/2014 comporte comme remarque « problème accès TSE avec platine », ce dont l'employeur a nécessairement connaissance, l'intimé étant bien fondé à faire valoir que M. [G] a attendu le mois d'octobre 2014 pour intervenir, alors qu'aucune relance ni remarques ne lui ont été faites après son intervention. Il s'ensuit que le grief n'est pas fondé, d'autant qu'il n'est pas justifié de la durée de l'intervention complémentaire de M. [G].

S'agissant du quatrième grief, l'employeur fait valoir la faible performance du salarié en comparant le salarié à M. [A]. L'employeur verse les justificatifs de la comparaison des deux salariés, faisant apparaître un ratio d'incident moindre pour M. [H]. Toutefois l'intimé est bien fondé à faire valoir que ce décompte est critiquable dans la mesure où la résolution d'un incident peut mobiliser plusieurs techniciens, alors que le logiciel comptabilise un incident par personne. Enfin, le tableau récapitulatif produit en pièce 24 fait apparaître en 2015 que le ratio de M. [H] est en progression de 4% alors que celui-ci de M. [A] est en diminution de -11 %, ce qui contredit l'argumentation de la « montée en puissance » de ce dernier, M. [H] faisant partie des rares salariés ayant augmenté leur ratio cette année là.

Ce critère doit donc être pris en compte, tout comme celui du nombre d'intervention, qui apparaît en effet être moindre que celui de ses collègues, pour apprécier l'éventuelle insuffisance du salarié. De même, il convient d'observer que le ratio de 2,80 incidents par jours en 2014 est passé à 3,04 en 2015 (39,83 par mois en 2014 et 43,83 en 2015 ce qui démontre une progression du salarié. Enfin, les entretiens d'évaluation ne sont signés ni de l'évaluateur ni du salarié, et ne sont donc pas exploitables. Dans cette mesure, l'insuffisance professionnelle du salarié n'est pas suffisamment démontrée. Le grief n'est pas établi.

S'agissant du cinquième grief, l'employeur reproche un comportement négatif du salarié. L'attestation de M. Gilles [L] apparaît insuffisamment circonstanciée, ce dernier indiquant que le salarié pouvait s'emporter face aux difficultés inhérentes à ses tâches, les propos déplacés évoqués n'étant pas cités, aucun autre élément probant ne corroborant ses déclaration. En outre, l'intimé verse une attestation circonstanciée de M. [D] [T], certes également en litige avec l'appelante, mais qui fait valoir le professionnalisme de l'intimé, et fait état de pressions psychologiques subies chez Archimed. M. [H] verse plusieurs documents médicaux démontrant qu'il a subi syndrome dépressif durant l'exécution du contrat de travail.

Au regard de ces éléments le grief n'est pas fondé.

C'est donc par une argumentation pertinente que le premier juge a estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2.379,15 €), de son âge( 44 ans), de son ancienneté (3 ans et 9 mois, compte-tenu du préavis), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme qui doit être plus exactement fixée à 19.000 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera émendé en ce sens.

Cette créance indemnitaire produit intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts échus sera ordonnée en vertu de l'article 1343-2 du code civil pourvu qu'il s'agisse d'intérêts échus pour une année entière.

Bien que l'intimé évoque les dispositions de l'article L313... du code monétaire et financier sans précision, il convient de comprendre que c'est l'article L313-3 de ce code qui est visé selon lequel : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ». Il convient de faire application de ces dispositions.

Il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail et d'enjoindre à l'employeur de rembourser au Pôle emploi les indemnité de chômage versées au salarié à hauteur de trois mois de salarié.

Sur les autres demandes

Il sera enjoint à la société ARCHIMED de remettre à M. [H] un bulletin de paie récapitulatif, une astreinte n'étant pas nécessaire.

La société ARCHIMED succombe et supporte les dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [H] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toute ses dispositions, sauf à porter à la somme de 19.000 € le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dus à M. [F] [H] en réparation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi,

Y ajoutant,

Dit que la créance produit intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Ordonne la majoration du taux de l'intérêt légal dans les conditions de l'article 313-3 du code monétaire et financier,

Ordonne la capitalisation des intérêts par annuités échues,

Enjoint à la société ARCHIMED de payer au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] à hauteur de trois mois,

Enjoint à la société ARCHIMED de remettre à M. [F] [H] un bulletin de paie récapitulatif,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Condamne la société ARCHIMED à payer à M. [F] [H] une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ARCHIMED aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/00867
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;20.00867 ?
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