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27/01/2023 | FRANCE | N°19/02250

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 27 janvier 2023, 19/02250


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 162/23



N° RG 19/02250 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWMJ



PN/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

10 Octobre 2019

(RG 18/00072 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [Y] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Guy DELOMEZ, avocat au barreau de CAMBRAI





INTIMÉE :



SAS CLOTURES [T] NORD.

[Adresse 1]

[Localité 4]...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 162/23

N° RG 19/02250 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWMJ

PN/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

10 Octobre 2019

(RG 18/00072 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [Y] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Guy DELOMEZ, avocat au barreau de CAMBRAI

INTIMÉE :

SAS CLOTURES [T] NORD.

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Cédric RUMEAUX, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 10 Novembre 2022

Tenue par Pierre NOUBEL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 16 Décembre 2022 au 27 Janvier 2023 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Octobre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

M. [Y] [H] a été engagé par la société CLOTURES [T] INDUSTRIE suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er juin 2011, en qualité de technico-commercial.

Au terme d'une convention tripartite datée du 1er mars 2012, M. [Y] [H] a fait l'objet d'un transfert au sein de la société GROUPE [T] ; un contrat de travail daté du même jour l'a promu aux fonctions de responsable du développement commercial catégorie ETAM qualification F.

Au terme d'une convention tripartie datée du 1er janvier 2014, le contrat de travail de M. [Y] [H] a été transféré à la société CLOTURES [T] NORD ; un nouveau contrat de travail daté du même jour a prévu que M. [Y] [H] occupait les fonctions de responsable du développement commercial, catégorie ETAM coefficient F.

La convention collective applicable est celle du Bâtiment.

Le 13 décembre 2016, M. [Y] [H] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 13 décembre.

L'entretien s'est déroulé le jour prévu.

Suivant courrier en date du 26 décembre 2016, M. [Y] [H] a été licencié pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'effectuer le préavis.

Le 29 juin 2018, M. [Y] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai afin de contester son licenciement et d'obtenir réparation des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 10 octobre 2019, lequel a :

- dit le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [Y] [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dit la convention de forfait non applicable à la relation de travail,

- débouté M. [Y] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société CLOTURES [T] NORD de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [Y] [H] aux dépens.

Vu l'appel formé par M. [Y] [H] le 20 novembre 2019,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de M. [Y] [H] transmises au greffe par voie électronique le 4 octobre 2022 et celles de la société CLOTURES [T] NORD transmises au greffe par voie électronique le 24 novembre 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 20 octobre 2022,

M. [Y] [H] demande d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

- de dire sans cause réelle ni sérieuse son licenciement,

- de dire que la relation de travail devait être conclue en forfait jour concernant la rémunération,

- de condamner la société CLOTURES [T] NORD à lui payer, avec intérêt au taux légal, en bruts et nettes de CSG et CRDS :

- 13 635,59 euros au titre du salaire reconstitué du 1er janvier 2015 au 26 mars 2017 en ce compris les congés payés,

- 4 346,10 euros au titre des RTT,

- 1 597,70 euros en complément d'indemnité de préavis, outre 159,77 euros au titre des congés payés sur ce complément,

- 1 070,36 euros en complément de l'indemnité de licenciement,

- 110 152,56 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif en application de l'article L1235-3 du Code du Travail nets de CSG et CRDS,

- 20 000 euros de dommages intérêts sur le fondement combiné des articles 1134 applicables aux conventions et L1221-1 du code du travail pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société CLOTURES [T] NORD à lui délivrer dans le mois de la décision à intervenir à peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois un certificat de travail rectifié de l'ancienneté et qualification et documents destinés à Pôle Emploi, en se réservant la liquidation de l'astreinte,

- de condamner la société CLOTURES [T] NORD en tous les frais et dépens,

- de déclarer la société CLOTURES [T] NORD mal fondée en son appel incident et la débouter de ses demandes à ce titre.

La société CLOTURES [T] NORD demande :

- de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter M. [Y] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [Y] [H] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 3 000 euros sur le même fondement pour la procédure d'appel,

- de condamner M. [Y] [H] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Sur les demande de rappel de salaire à hauteur de 13 635,59 euros et les congés payés y afférents

Attendu que l'article L.3121-55 du code du travail prévoit que l'existence d'un forfait de la durée du travail doit faire l'objet d'une convention individuelle de forfait par écrit ;

Que l'existence d'une convention de forfait ne saurait se déduire de la seule mention sur le bulletin de paie d'une rémunération forfaitaire d'heures supplémentaires ;

Attendu que M. [Y] [H] réclame un rappel de salaire de 13635,59 euros sur une base de salaires dits « reconstitués » ;

Qu'aux termes de ses écritures, peu explicites à cet égard, le salarié fait valoir exclusivement :

- qu'il n'a pas été soumis à un horaire de travail défini, alors qu'il disposait la plus complète autonomie et de son emploi du temps,

- qu'il en déduit qu'il pouvait bénéficier d'une rémunération au forfait ;

Attendu que les fiches de paie de M. [Y] [H] portent mention d'un salaire de base de 151,367 heures et d'heures supplémentaires de 17,33 heures, correspondant à un salaire basé sur 169 heures mensuelles ;

Que toutefois, ce constat ne suffit pas en soi à en conclure qu'une convention de forfait aurait dû être conclue entre les parties, alors que le choix de rémunération sur la base d'un forfait suppose l'existence d'un accord écrit individuel conformément aux articles 3121-58 et suivants du code du travail ;

Que si le salarié est alors fondé à réclamer une complément d'heures supplémentaires, les développements relatifs à ce qu'il qualifie de restitution de rappel de salaire ne suffisent rien à justifier les fondements légaux de la demande, pas plus qu'il ne démontre en quoi les modalités de versement de son salaire auraient nécessairement dû correspondre à l'application d'une hypothétique convention de forfait, individuelle, pour laquelle il n'est démontré non seulement l'existence d'un contrat écrit mais aussi d'un accord des parties sur le principe de la mise en 'uvre d'un forfait jour;

Que dans ces conditions, la réclamation formée à ce titre sera purement et simplement rejetées ;

Sur les compléments d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement

Attendu que les demandes formées à cet égard sont la conséquence de modalités de calcul de salaires « reconstitués » que la cour ne retient pas ;

Que dans ces conditions, M. [Y] [H] en sera débouté ;

Sur le préjudice tenant à l'absence de rémunération variable

Attendu que M. [Y] [H] expose qu'il n'a jamais perçu la rémunération variable prévue à l'article 3 du contrat de travail du 1er janvier 2014 ;

Qu'il soutient que la formulation de cette clause rendait son application incontrôlable et discriminatoire ;

Qu'en réplique, la société CLOTURES [T] NORD fait valoir :

- que les conditions d'octroi de cette rémunération variable étaient bien contractuellement prévues et définies,

-qu'elle était assise sur le carnet de commandes, le listing de nouveaux contact, les nouveaux clients, la résolution de problème et le suivi des impayés, -que M. [Y] [H] n'a pas perçu de rémunération en raison du caractère désastreux de ses réalisations, alors que la quasi-intégralité de son chiffre d'affaires correspondait à des clients historiques de la société ;

Attendu que l'article 3 du contrat de travail applicable au 1er janvier 2014 stipule :

« En contrepartie de l'exercice effectif de sa fonction, M. [Y] [H] percevra une rémunération brute mensuelle de 3550 euros.

En plus de cette rémunération, il pourra bénéficier d'un bonus, payable mensuellement qui sera fixé selon le Chiffre d'Affaires mensuel facturé correspondant à 0,3 % plafonné à 500€ brut maxi ou après analyse du Rapport Mensuel d'activité présenté par M. [Y] [H] qui reprendra : carnet de commandes, listing des nouveaux contacts, nouveaux clients, résolution de problème, suivi des impayés ».

Qu'il s'en déduit que le paiement d'une rémunération variable qui est fonction : soit du chiffre d'affaires mensuel, soit de l'analyse de rapports mensuels d'activité remis par le salarié ;

Que pour justifier l'absence de paiement d'une rémunération variable, la société CLOTURES [T] NORD se borne à soutenir le caractère « désastreux » des réalisations du salarié, sans pour autant produire les rapports mensuels d'activité qui auraient dû être présentés par M. [Y] [H], pas plus que l'analyse qui en aurait été faite, ni même soutenir

Qu'il n'est pas soutenu ni établi que le salarié n'a pas remis ces rapports;

Que faute de plus amples éléments de la part de l'employeur, il convient de se référer au chiffre d'affaires mensuel facturé sans avoir lieu de distinguer les clients « historiques » de l'entreprise des clients prospectés par le salarié, faute de distinction formulée à ce titre dans les dispositions contractuelles susvisées ;

Que si ce chiffre d'affaires est bien en deçà des attentes de l'employeur, il n'en demeure pas moins qu'il aurait dû donner lieu, compte tenu des données d'activité fournies par les parties, à une rémunération mensuelle variable au plafond, soit 500 euros,

Attend que M. [Y] [H] ne forme à ce titre aucune demande de commissions ;

Qu'il se contente de réclamer des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, constituée en l'espèce par la mauvaise volonté de l'employeur a exécuté une clause contractuelle pourtant claire ;

Que le préjudice subi sera réparé par l'allocation de 1.500 euros;

Sur le bien-fondé du licenciement

Attendu que M. [Y] [H] soutient que ses objectifs commerciaux étaient irréalisables ; que les missions qui lui étaient confiées excédaient le travail d'un responsable de développement commercial et l'empêchaient de mener à bien ses objectifs de démarchage ; que l'insuffisance professionnelle qui lui est fait grief n'est pas cohérente avec son évolution professionnelle au sein du groupe ; que la difficulté du contexte économique en 2016 avait par ailleurs été reconnue par l'employeur et qu'au demeurant, il avait été placé en arrêt de travail en avril et en mai ; qu'aucun chargé d'affaires n'avait atteint ses objectifs ; que l'existence de griefs de clients tenant à la qualité de son travail n'est pas démontré et qu'au contraire, plusieurs clients avaient manifestés leur pleine et entière satisfaction ;

Qu'en réplique, la société CLOTURES [T] NORD fait valoir que les objectifs commerciaux de M. [Y] [H] sur les exercices 2014, 2015 et 2016 n'ont pas été atteints ; qu'ils avaient pourtant été aménagés pour tenir compte de l'arrivée du salarié dans ses fonctions en janvier 2014 ; que comparativement à l'ensemble de ses collègues de travail et sauf situations particulières pour lesquelles une justification existe, les résultats de M. [Y] [H] étaient les plus mauvais, de sorte que les éléments contextuels dont il se prévaut manquent de portée ; qu'il n'a jamais nié que ces objectifs étaient parfaitement réalisables avant d'introduire la présente action en justice ; que les instructions et préconisations qui lui ont été faites en juillet 2016 n'ont pas été suivies d'effet ; que les griefs formulés à propos de la qualité de son suivi, dont la réalité ne saurait être remise en question, s'inscrivent dans la continuité de plusieurs réclamations et insatisfaction de clients vis-à-vis des réalisations de chantiers qu'il supervisait depuis plusieurs mois ;

Attendu que l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable mais non fautive d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification ; qu'elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi ; qu'en revanche, lorsque l'insuffisance d'activité procède d'une abstention volontaire ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié, elle est constitutive d'une faute disciplinaire ;

Que si les fautes et manquement commis dans le cadre de l'exécution d'un contrat de travail ne constituent pas en elles-mêmes un signe d'insuffisance professionnelle, il n'en demeure pas moins que leur teneur est susceptible de participer au constat de l'inaptitude du salarié à mener sa mission a bien ;

Attendu que la lettre de licenciement datée du 23 décembre 2016 est libellée comme suit :

« Nous vous rappelons que vous avez réintégré le groupe [T] à compter de l'année 2011.

Vous y avez occupé divers postes et avez évolué au sein du groupe à votre demande.

En dernier lieu, vous étiez depuis le 1er janvier 2014 salarié de la société [T] NORD, en qualité de Responsable Développement Commercial.

Dans le courant de l'année 2016, nous avons vu la qualité de vos réalisations professionnelles ainsi que les résultats dépendant de votre activité se dégrader fortement.

Après plusieurs interpellations en vue de vous aider à redresser la situation, nous avons décidé de vous recevoir de manière formelle le 20 juin dernier et vous avons adressé un courrier par la suite le 4 juillet.

Ce courrier mettait l'accent sur les problématiques liées à vos réalisations professionnelles ainsi qu'également à l'aspect qualitatif de ces réalisations.

Dans ce courrier, il était mis, par ailleurs, en place un certain nombre de process afin de vous accompagner et de vous aider.

Or, force est de constater que 6 mois plus tard, la situation en est toujours au même point, vos objectifs ne sont pas atteints.

Nous relevons, en effet, au 30-11-2016 des écarts sur objectifs de : - 46 % sur vos prises de commandes et ' 19 % sur le chiffre d'affaires moyen.

Cette situation s'est d'ailleurs empirée ce dernier mois, votre prise de commande n'a été que de 27 K€ pour un objectif mensuel de 125 K€.

De plus, en dehors des clients SNCF et CGN qui sont des marchés à bons de commandes obtenus par moi-même, vous n'avez pris que 448 K€ au titre de 2016 soit ' 70 % de votre objectif annuel en termes de développement commercial.

Par ailleurs, nous venons de recevoir, le même jour : le 30-11 ; deux interpellations extrêmement vives de deux clients, la société PORTALP et Monsieur [E] [J].

Monsieur [J] a envoyé un SMS sur le portable de Monsieur [T] afin de lui faire part de son mécontentement compte tenu de l'absence totale de sérieux dans le suivi du chantier de [Localité 5].

Les termes employés sont très durs :

" Bonjour Monsieur, Est-ce que vous pouvez bouger Mr [H] pour finir les queues de chantier de [Localité 5]'"

Quant à la société PORTALP, elle a très peu apprécié la manière dont vous avez géré son chantier, notamment en outrepassant certaines prérogatives qui étaient les vôtres et en oubliant que, sur ce chantier, notre client n'est pas le maître d'ouvrage.

Nous sommes, en effet, sous-traitant de la société PORTALP.

Là encore, les mails de Monsieur [S], de la société PORTALP, sont très parlants sur ce point, notamment quant au ton employé.

Dans ces conditions, l'ensemble de ces éléments caractérise à notre sens la cause réelle et sérieuse de votre licenciement.

Nous vous informons donc que ce dernier prendra effet à compter de la date de première présentation de la présente qui marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de 3 mois.

Nous vous informons que nous avons pris la décision de vous dispenser de l'exécution de ce préavis à compter de la présentation de la présente. »

Que le courrier de licenciement fait apparaître deux types d'éléments susceptible d'être qualifiés d'insuffisance professionnelle :

- le premier tenant à une insuffisance professionnelle ainsi que le soutient la société CLOTURES [T] NORD, à laquelle peut se rattacher un défaut de sérieux dans le suivi du chantier de [Localité 5],

-le second tenant à la commission d'une faute dans les relations commerciales entretenues avec le client PORTALP ;

Attendu que pour étayer le grief tenant à l'insuffisance professionnelle, la société CLOTURES [T] NORD produit :

- le contrat de travail signé par les parties à effet du 1er janvier 2014 indiquant en son article 2 : « M. [Y] [H] aura pour mission principale de développer un portefeuille clients avec un objectif de 2 millions d'euros annuel » ;

- le chiffre d'affaires par chargé d'affaires pour l'exercice 2014 aux termes duquel il est indiqué que M. [Y] [H] a réalisé 181 025 euros annuel de chiffre d'affaires, soit 1 018 975 euros de moins que l'objectif qui lui était assigné de 1 200 000 euros ;

- les commandes par chargés d'affaires réalisées sur l'exercice 2015 indiquant que M. [Y] [H] a réalisé 1 244 657 euros de commandes sur l'année, soit 1 155 343 euros de moins que l'objectif attendu fixé à 2 400 000 euros ;

- le chiffre d'affaires facturé par chargés d'affaires réalisé sur l'exercice 2016 indiquant que M. [Y] [H] a réalisé 1 175 797 euros de chiffre d'affaires annuel, soit 342 203 euros de moins que l'objectif attendu fixé à 1 500 000 euros ;

- les commandes par chargés d'affaires réalisées sur l'exercice 2016 indiquant que M. [Y] [H] a réalisé 771 911 euros de commandes sur l'année, soit 728 089 euros de moins que l'objectif attendu fixé à 1 500 000 euros ;

Qu'il ressort de ces données chiffrées, non contestées par le salarié, que ce dernier n'a jamais atteint les objectifs attendus par son employeur depuis son embauche ;

Que néanmoins, il apparaît, au regard des explications des parties, que seuls MM. [R], [D] et [I] ont une situation similaire à ceux de M. [Y] [H] en termes d'objectifs commerciaux ;

Que sur l'exercice 2016, aucun de ces chargés d'affaires n'a atteint ses objectifs de chiffre d'affaires ni ses objectifs de commandes, ce qui corrobore l'existence de tensions existantes sur le segment de marchés dans lequel ils opèrent ;

Que les développements de la société CLOTURES [T] NORD sur ses clients historiques attribués au portefeuille d'affaires de M. [Y] [H] ne sont pas suffisamment étayés ;

Que le courrier de mise en garde daté du 4 juillet 2016 indique dans une première partie l'existence d'un écart entre d'une part les objectifs de prises de commandes et de chiffres d'affaires mensuels, et d'autre part les objectifs attendus ; que dans une seconde partie, il attire l'attention de M. [Y] [H] sur la dégradation financière de plusieurs affaires dont il a la charge entre la phase étude de prix et la phase exécution, et lui rappelle ses obligations en la matière ; que contrairement à ce que soutient la société CLOTURES [T] NORD, il ne résulte pas de cet élément que l'employeur a fourni des instructions ou des préconisations précises à son salarié, de sorte qu'il ne saurait lui en faire le reproche de ne pas les avoir suivies ; qu'au demeurant, M. [Y] [H] n'a fait l'objet d'aucune sanction pour d'éventuelles faiblesses fautives de ses résultats durant trois exercices budgétaires annuels ;

Qu'en dehors du courrier de mise en garde transmis au salarié en milieu d'année, rien n'indique que M. [Y] [H] s'était vu assigner des objectifs clairs en début d'exercice, la totalité des éléments produits ne faisant que le bilan de l'année écoulée ;

Que l'ensemble de ces éléments et observations ne permettent pas d'établir que M. [Y] [H] s'est vu assigner des objectifs réalisables clairement définis;

Que le seul message envoyé par M. [J], si désagréable puisse t-il être, ne permet pas d'apprécier le contexte dans lequel il a été envoyé, en particulier le cahier des charges et les contraintes afférentes à ce chantier, ainsi que la réalité et la qualité du suivi opéré par M. [Y] [H] ; qu'au demeurant, les différents mails et courriers de clients mécontent du travail du salarié sur l'année 2016 produits par l'employeur doivent être mis en balance avec les remerciements émanant de clients satisfaits produits par le salarié sur la même période ;

Que par conséquent, l'insuffisance professionnelle alléguée n'est insuffisamment caractérisée ;

Que sur tenant à la commission d'une faute dans les relations commerciales entretenues avec le client PORTALP ne saurait constituer à lui seul un motif réel et sérieux de licenciement, d'autant l'imputabilité au salarié et l'ampleur ainsi que teneur exacte des manquements envers la clientèle ne sont pas clairement établis;

Qu'en tout état de cause, le doute doit profiter au salarié conformément à l'article 1235-1 du code du travail ;

Que le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Attendu que la cour a les éléments suffisants compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (3 550 euros en salaire de base outre 17,33 heures supplémentaires perçues systématiquement) compte tenu de ce qui précède, de son âge (pour être né en 1966), de sa capacité à trouver un nouvel emploi similaire eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise (reprise à compter du 1er juin 2011) et de l'effectif de celle-ci (n'étant pas démontré que l'employeur employait moins de 11 salariés) pour fixer le préjudice à 26.000 euros;

Attendu qu'il convient de faire application de l'article L.1235-4 du code du travail et de condamner l'employeur à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités de chômage qu'il a versées au salarié dans la limite de 3 mois ;

Sur les autres demandes

Attendu qu'il convient d'ordonner à la société CLOTURES [T] NORD de remettre à M. [Y] [H] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt sans qu'il n'y ait lieu à fixer une astreinte ;

Attendu que la société CLOTURES [T] NORD sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il convient de condamner la société CLOTURES [T] NORD à payer à M. [Y] [H] 2 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens engagés en première instance et en appel, l'employeur étant débouté de sa propre demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris hormis en ce qu'il a débouté M. [Y] [H] de ses demandes de rappel de salaire, de RTT, de complément d'indemnité de préavis et de complément d'indemnité de licenciement formulé en application d'une rémunération au forfait jour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [Y] [H]  sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société CLOTURES [T] NORD à payer à M. [Y] [H] :

- 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de rémunération variable,

- 26.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société CLOTURES [T] NORD à rembourser au POLE EMPLOI les indemnités de chômage versées à M. [Y] [H] dans la limite de 3 mois ;

ORDONNE à la société CLOTURES [T] NORD de remettre à M. [Y] [H] des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la société CLOTURES [T] NORD aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 1
Numéro d'arrêt : 19/02250
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.02250 ?
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