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12/01/2023 | FRANCE | N°20/04322

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 12 janvier 2023, 20/04322


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 12/01/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/04322 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TICV



Jugement (N° 18/01125)

rendu le 09 juillet 2020 par le tribunal de grande instance de Cambrai







APPELANT



Monsieur [E] [I]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Jean-Claude Herbin, avocat au bar

reau de Cambrai, avocat constitué





INTIMÉE



Madame [P] [D]

née le 13 juin 1956 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Guy Delomez, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué





D...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 12/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04322 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TICV

Jugement (N° 18/01125)

rendu le 09 juillet 2020 par le tribunal de grande instance de Cambrai

APPELANT

Monsieur [E] [I]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Jean-Claude Herbin, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [P] [D]

née le 13 juin 1956 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Guy Delomez, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 29 août 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023 après prorogation du délibéré en date du 20 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller en remplacement de Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 07 juillet 2022

****

Mme [P] [D] et M. [E] [I] se sont mariés le 24 avril 2004 à [Localité 4], après conclusion d'un contrat de mariage reçu par Me [O], notaire à [Localité 5], par lequel ils ont adopté le régime de la séparation de biens.

Par ordonnance de non conciliation en date du 24 avril 2008, confirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai du 3 juillet 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de Cambrai a notamment attribué à l'époux la jouissance à titre onéreux du domicile conjugal, bien propre de Mme [D], ainsi que celle du véhicule Volvo.

Par jugement du 12 janvier 2012, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Cambrai a prononcé le divorce des époux aux torts de M. [I] et ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux.

Me [X], notaire, a établi un procès-verbal de difficultés en date du 16 mai 2018.

Par jugement en date du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Cambrai a :

- Dit que Mme [D] pouvait prétendre à créance dont elle a justifié pour un montant de 7 000 euros, au titre de l'encaissement par M. [I] du prix de vente de la moto ;

- Dit n'y avoir lieu à liquidation de la SCI dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial ;

- Débouté Mme [D] de ses prétentions relatives à la rémunération de son compte courant d'associée et au fonctionnement de la SCI ;

- Dit que M. [I] pouvait prétendre à créance contre l'indivision au titre de l'impôt 2009 sur les revenus de 2008 ;

- Dit que Mme [D] pouvait prétendre à une créance de 30 800 euros à l'encontre de M. [I] au titre des sommes versées sur le compte personnel de ce dernier pour le remboursement des prêts afférents au paiement de la prestation compensatoire due par M. [I] à son ex-épouse ;

- Débouté Mme [D] de ses demandes relatives au mobilier présent dans le domicile conjugal ;

- Dit que Me [X] devrait dresser l'acte de partage conformément au présent jugement ;

- Dit qu'en cas de refus par une partie de signer l'acte de partage établi conformément à l'état liquidatif rectifié et complété, toute partie pourrait saisir le juge aux fins d'homologation et que dans ce cas les frais de la procédure pourraient être mis à la charge de l'opposant ou du défaillant ;

- Débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage ;

- Rappelé que les modalités de cet emploi étaient incompatibles avec la distraction des dépens au profit du conseil de l'une ou l'autre des parties ;

- Dit que le jugement serait signifié par huissier de justice à l'initiative de la partie qui y a intérêt ou de la partie la plus diligente.

M. [I] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 février 2021, demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Mme [D] pouvait prétendre à créance à hauteur de 7 000 euros au titre de l'encaissement par lui-même du prix de vente de la moto et à hauteur de 30 800 euros au titre des sommes versées sur son compte personnel pour le remboursement des prêts afférents au paiement de la prestation compensatoire qu'il devait à son ex-épouse et, statuant à nouveau, dire au contraire n'y avoir lieu à créance tant au titre de la moto qu'au titre du règlement des échéances du prêt lié à la prestation compensatoire qu'il devait, confirmer le jugement entrepris pour le surplus et condamner Mme [D], outre les entiers dépens, à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 juin 2022, Mme [D] demande à la cour de confirmer la décision entreprise sur les points soumis aux contestations de M. [I] et, la recevant sur le surplus en son appel incident portant sur les dispositions du jugement ayant dit n'y avoir lieu à liquidation de la SCI dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, l'ayant déboutée de ses prétentions relatives à la rémunération de son compte courant d'associée et au fonctionnement de la SCI, de ses demandes relatives au mobilier présent dans le domicile conjugal, de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, infirmer ces dispositions et statuant à nouveau :

- Dire que l'état liquidatif sera modifié et prévoira et ou retiendra :

. Conformément aux statuts de la SCI et de l'article 1134 dans sa rédaction applicable à l'époque de leur signature, la rémunération du compte courant d'associée de Mme [D] au taux d'intérêts maximum fiscalement déductible à compter de chaque remise depuis son ouverture ;

. En application de l'article 815-13 du code civil, les factures acquittées par Mme [D] pour la remise en état des lieux et le coût des devis établis aux mêmes fins en raison des dégradations et défauts d'entretien commis par M. [I] durant ses 8 années d'occupation privative des lieux ;

. A la charge de M. [I] une indemnité d'occupation évaluée à 90 000 euros sur la période, laquelle sera liquidée dans les opérations de dissolution de la SCI ;

- Condamner M. [I] à lui payer une indemnité de 150 euros par mois en contrepartie de l'usage privatif de son mobilier propre d'avril 2008 jusqu'à la date de restitution, outre la tondeuse et le coupe bordures ;

- Le condamner également, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, à lui restituer à ses frais le mobilier complet dont elle est propriétaire, tel que décrit à l'annexe de leur contrat de mariage, et ceci pendant un délai de 3 mois passé lequel il sera de nouveau statué ;

- Dire qu'à défaut de restitution complète au terme dudit délai, l'indemnité d'utilisation et l'astreinte seront liquidées, il devra régler une somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts à Mme [D] en application de l'article 1240 du code civil ;

- Débouter M. [E] [I] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner sur ce même fondement à régler à Mme [P] [D] une indemnité de 5 000 euros ;

- Le condamner également personnellement aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 699 du même code, lesquels comprendront le coût des constats du 28 avril 2008, 18 janvier 2016 et 23 mars 2016.

Il sera référé, pour l'exposé détaillé de l'argumentation des parties, à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il sera observé que le jugement déféré n'est contesté qu'en ses dispositions relatives aux créances entre époux pour la vente de la moto et le remboursement des prêts souscrits par M. [I] pour le paiement de la prestation compensatoire de son ex-épouse, à la liquidation de la SCI, la rémunération du compte courant d'associée de Mme [D] et au fonctionnement de la SCI et enfin, au mobilier présent dans le domicile conjugal.

Les autres dispositions de la décision contestée, définitives, ne seront donc pas abordées.

Sur les créances entre époux

Aux termes de l'article 1478 du code civil, après le partage consommé, si l'un des deux époux est créancier personnel de l'autre, comme lorsque le prix de son bien a été employé à payer une dette personnelle de son conjoint, ou pour toute autre cause, il exerce sa créance sur la part qui est échue à celui-ci dans la communauté ou sur ses biens personnels.

L'article 1479 ajoute que les créances personnelles que les époux ont à exercer l'un contre l'autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation.

Et l'article 1480 que les donations que l'un des époux a pu faire à l'autre ne s'exécutent que sur la part du donateur dans la communauté et sur ses biens personnels.

* Au titre du prix de vente la moto Kawazaki ZZR 1200

M. [I] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a reconnu l'existence d'une créance de Mme [D] à son encontre, d'un montant de 7 000 euros, au titre de l'encaissement par lui-même du prix de vente de la moto Kawazaki ZZR 1200 dont il prétend qu'elle lui appartenait, s'agissant d'un cadeau que lui aurait fait Mme [D] avant leur mariage, étant précisé que celle-ci n'avait pas le permis de conduire et ne pouvait donc pas l'utiliser.

Mme [D], qui sollicite la confirmation de la décision contestée, prétend que le véhicule lui appartenait, l'ayant financé et acheté en son nom et la carte grise étant établie à son nom.

Ceci étant exposé, aux termes de l'article 1538 du code civil, dans le régime de la séparation de biens, tant à l'égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l'égard des tiers aussi bien que dans les rapports entre époux, s'il n'en a été autrement convenu. La preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n'appartiennent pas à l'époux que la présomption désigne, ou même, s'ils lui appartiennent, qu'il les a acquis par une libéralité de l'autre époux. Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.

Il résulte des éléments du dossier que la moto de marque Kawazaki ZZR 1200 a été achetée en 2002 par Mme [D], en son nom personnel, la facture d'achat étant établie à son nom et le paiement du prix ayant été effectué depuis son compte personnel. La carte grise a également été établie à son nom.

La circonstance que Mme [D] n'ait pas eu le permis moto est sans incidence sur la preuve de la propriété de la moto alors que le décret portant sur l'obligation de posséder le permis de conduire pour l'achat d'une moto date du 9 août 2017.

Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge, considérant que si la carte grise d'un véhicule ne constitue certes pas un titre de propriété, elle peut néanmoins constituer une présomption de propriété du véhicule à l'égard de son titulaire et que l'usage du véhicule par M. [I] n'en démontrait pas la propriété alors qu'il ne rapportait pas la preuve de ce que Mme [D] le lui aurait offert en cadeau, a fait droit à la demande de celle-ci de créance à l'égard de M. [I] pour l'encaissement de la somme de 7 000 euros au titre du prix de vente de la moto, dont elle rapporte la preuve.

La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.

* Au titre du remboursement de l'emprunt relatif au paiement de la prestation compensatoire due par M. [I] à son ex-femme

M. [I] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a reconnu l'existence d'une créance d'un montant de 30 800 euros de Mme [D] à son encontre au titre des versements qu'elle a effectués sur un compte personnel de M. [I] qui servait à rembourser les emprunts souscrits par celui-ci pour le paiement de la prestation compensatoire qu'il devait à son ex-épouse d'un précédent mariage. Il prétend que les versements de Mme [D] constituent sa contribution aux charges du ménage et qu'ils ne s'élèvent pas à la hauteur du montant qu'elle avance.

Mme [D] demande la confirmation de la décision entreprise, exposant que les versements effectués sur le compte personnel de M. [I] excédaient largement sa contribution aux charges du mariage dès lors d'une part qu'elle finançait par ailleurs intégralement le logement familial, pour lequel elle avait fourni le terrain et remboursait seule l'emprunt immobilier commun afférent à la construction du logement, ce qui représentait 53 % de son salaire mensuel et d'autre part, qu'elle supportait en outre des sommes importantes, supérieures à ses ressources, au titre des charges du ménage, qu'elle finançait au moyen de ses fonds propres. Elle ajoute que M. [I] avait souscrit plusieurs prêts pour payer la prestation compensatoire de sa précédente épouse, dans un système de cavalerie financière, et qu'elle a dû lui faire des versements pour renflouer son compte alors qu'il remboursait ces emprunts non liés aux charges du ménage.

Ceci étant exposé, il résulte des dispositions des articles 214 et 1537 du code civil que dans les régimes de séparation de biens, les époux contribuent aux charges du mariage suivant les conventions contenues en leur contrat ; et, s'il n'en existe point à cet égard, à proportion de leurs facultés respectives.

Le remboursement par l'un des époux, d'une prestation compensatoire à un ex-conjoint, ne participe pas aux charges du mariage.

L'époux qui a contribué au delà de son obligation aux charges du mariage peut obtenir une indemnisation sur le fondement de l'enrichissement sans cause, à condition de prouver que cette contribution a entraîné un appauvrissement pour lui et pour son conjoint un enrichissement corrélatif.

En l'espèce, le tableau produit par M. [I] concernant les charges du mariage pendant la durée de la vie commune, purement déclaratif, n'est basé sur aucun élément de preuve, se contentant d'énoncer les charges globales du couple année par année et les versements de Mme [D] pour en déduire un pourcentage de prise en charge par celle-ci des charges du ménage.

Par ailleurs, s'il ressort des relevés du compte courant de M. [I] d'avril 2004 à avril 2008 produits aux débats que ce compte, qui était alimenté tous les mois par un virement du trésor public constituant vraisemblablement son salaire et plus irrégulièrement par des virements de Mme [D], servait manifestement à prendre en charge certaines dépenses communes du ménage, telles que les impôts, le téléphone, EDF-GDF, la mutuelle et des achats de carte bancaire, il était également prélevé tous les mois de la somme de 631,83 euros à compter de mars 2004 puis de 831,83 euros à compter de septembre 2006 pour le remboursement d'un prêt personnel de 32 000 euros souscrit le 23 février 2004 auprès du crédit du Nord, ainsi que de mensualités variables de remboursement d'un crédit Revillon et d'un crédit Etoile Avance et de mensualités de 205,33 euros pour un prêt Finaref à partir de décembre 2006.

Or M. [I] ne s'explique pas sur les motifs de ces prêts alors qu'il n'est pas contesté qu'il a été condamné en 2003 à verser à son épouse précédente une somme de 38 000 euros à titre de prestation compensatoire et qu'il ne soutient pas avoir réglé cette somme au moyen de fonds propres dont il aurait disposé par ailleurs.

Il résulte des pièces versées par Mme [D] que celle-ci établit avoir versé sur le compte de M. [I] la somme de 30 800 euros par virements sur la période du 31 juillet 2004 au 31 décembre 2007, qu'elle démontre par ailleurs avoir pris en charge le financement intégral du logement familial en apportant à la SCI le Paradis des vaches, propriétaire de l'immeuble, une parcelle de terrain à bâtir, en finançant la totalité des dépenses relatives à la construction de l'immeuble et à son aménagement et en apportant à la SCI l'intégralité des fonds destinés à couvrir les échéances du prêt souscrit par celle-ci, outre des dépenses importantes relevant des charges du ménage, telles que des frais d'abonnement de téléphone, de Canal +, des dépenses par chèques et cartes bancaires et ce, de manière excédant ses facultés contributives puisqu'elle établit avoir dû prélever des sommes sur ses fonds propres, alors que ses ressources s'élèvent à environ 3 040 euros par mois et celles de M. [I] à 2 319 euros par mois.

Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les fonds versés par Mme [D] à son époux pendant la période considérée alors qu'il remboursait une dette personnelle extérieure aux charges du ménage ne pouvaient s'analyser en une contribution de l'épouse aux charges du mariage, la cour y ajoutant que le versement de ces fonds a été à l'origine d'un appauvrissement du patrimoine de Mme [D] et de l'enrichissement de celui de son époux qui a ainsi pu rembourser sa dette personnelle.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a dit que Mme [D] pouvait prétendre à une créance de 30 800 euros à l'encontre de M. [E] [I].

Sur le mobilier propre de Mme [D] meublant le domicile conjugal

Mme [D] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l'a déboutée de ses demandes relatives au mobilier présent dans le domicile conjugal et la condamnation de M. [I] à lui payer une indemnité de 150 euros par mois en contrepartie de l'usage privatif de son mobilier propre, outre la tondeuse et le coupe-bordures, d'avril 2008 jusqu'à la date de la restitution, ainsi que sa condamnation à lui restituer le mobilier complet dont elle est propriétaire tel que décrit à l'annexe de leur contrat de mariage, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir.

Elle fait valoir que M. [I] n'a pas contesté ni formé de dires contre l'indemnité de 9 000 euros prévue dans le projet d'état liquidatif au titre de son usage privé du mobilier resté dans le domicile conjugal dont il avait obtenu la jouissance, ce qui démontre qu'il est bien resté en possession dudit mobilier ; que la consistance de celui-ci est attestée par le contrat de mariage dont la liste paraphée par l'époux est annexée au projet, complétée par le constat du 18 avril 2018 ; que M. [I] a laissé les lieux entièrement vides lorsqu'il a quitté l'ancien domicile conjugal en octobre 2015 ; qu'elle a fait constater par huissier la présence d'une grande partie de ce mobilier au domicile de M. [I] le 11 juin 2019. Elle soutient qu'aucune disposition n'interdit au juge saisi de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux d'ordonner la restitution de biens propres dont l'accaparement constitue une voie de fait.

M. [I] n'a pas conclu sur ce point.

Aux termes de l'article 1373 du code de procédure civile, en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif. Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat. Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation. Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants. Il est, le cas échéant, juge de la mise en état.

L'article 1374 dudit code ajoute que toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis.

C'est à juste titre que le premier juge, ayant constaté à la lecture du procès-verbal de difficultés, qu'aucune des parties n'avait effectivement formulé de dire au sujet des meubles propres de Mme [D] et qu'il ressortait par ailleurs du projet d'état liquidatif dressé par Me [X] qu'il était prévu le versement d'une indemnité de 9 000 euros par M. [I] à Mme [D] à titre d'indemnité d'occupation relative au mobilier de cette dernière de sorte qu'en l'absence de dire sur ce point, il convenait de s'y référer dans le cadre des opérations liquidatives.

En revanche, au contraire de l'appréciation du premier juge, la cour statuant en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des ex-époux s'estime compétente pour ordonner à M. [I] de restituer à Mme [D], sous astreinte, ses meubles propres tels qu'énumérés dans la liste annexée au contrat de mariage et décrits dans le procès-verbal de constat de Me [G] en date du 11 juin 2019 comme se trouvant au domicile de M. [I], la demande apparaissant par ailleurs bien fondée au vu des pièces versées aux débats et de l'absence d'observations de M. [I] sur ce point, de sorte qu'il y sera fait droit.

Sur la SCI le Paradis des vaches

Mme [D] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a dit n'y avoir lieu à liquidation de la SCI le Paradis des vaches dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial et en ce qu'elle l'a déboutée de ses prétentions relatives à la rémunération de son compte courant d'associée et au fonctionnement de la SCI. Elle demande l'intégration dans l'état liquidatif du régime matrimonial de la rémunération de son compte courant d'associée, des factures qu'elle a acquittées pour le compte de la SCI et la fixation à la charge de M. [I] d'une indemnité d'occupation de l'immeuble de la SCI, laquelle sera liquidée dans le cadre des opérations de dissolution de cette société.

M. [I] n'a pas conclu sur ce point et est donc réputé solliciter la confirmation du jugement de première instance et s'approprier les motifs de celui-ci, conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 6 du code de procédure civile.

Il résulte de l'article L213-3 du code de l'organisation judiciaire que le juge aux affaires familiales connaît notamment de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux.

C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge ayant rappelé que la société civile immobilière était une personne morale formant une entité juridique distincte de celle de ses associés et qu'en raison de l'interposition de la société, les mouvements de valeur entre celle-ci et le patrimoine personnel des époux ne pouvaient intégrer les comptes d'indivision et les créances entre époux, a énoncé que, si la valeur nette de la société doit intégrer la liquidation de l'indivision entre les ex-époux, il n'appartenait pas au juge aux affaires familiales saisi de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux de procéder à la liquidation de cette société, d'autant que la SCI le Paradis des vaches avait été créée avant le mariage et avec une tierce personne.

La cour y ajoute que Mme [D] n'a pas qualité pour solliciter la fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de M. [I] pour l'occupation de l'immeuble de la SCI, seule cette dernière ayant qualité pour ce faire.

La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives à la SCI.

Sur les autres demandes

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

Il convient par ailleurs de débouter les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté Mme [P] [D] de sa demande en restitution de son mobilier propre ;

Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé,

Condamne M. [E] [I] à restituer à ses frais à Mme [P] [D] l'intégralité de son mobilier propre tel que décrit dans l'annexe de leur contrat de mariage et constaté dans le procès-verbal de Me [G] en date du 11 juin 2019, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 10 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois passé lequel il sera de nouveau statué,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Pour la présidente

Céline Miller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04322
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.04322 ?
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