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16/12/2022 | FRANCE | N°20/01434

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 16 décembre 2022, 20/01434


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2026/22



N° RG 20/01434 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCA6



GG/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

23 Juin 2020

(RG F18/00187 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [R], [I] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Nicolas THOMAS, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



Association GROUPEMENT DES ASSOCIATIONS PA...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2026/22

N° RG 20/01434 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCA6

GG/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

23 Juin 2020

(RG F18/00187 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [R], [I] [W]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Nicolas THOMAS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Association GROUPEMENT DES ASSOCIATIONS PARTENAIRES

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Bertrand WAMBEKE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Coralie LEE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 25 novembre 2022 au 16 décembre 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 04 octobre 2022

EXPOSE DU LITIGE

L'association groupement des associations partenaires (l'association GAP) venant aux droits de l'association le Gîte Métropole depuis le 01/07/2017, assure une activité d'accueil et d'encadrement de jeunes en difficultés. Elle applique la convention collective du 15/03/1966 des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

L'association le Gîte Métropole a engagé par contrat de travail à durée déterminée du 31/10/2011 au 07/11/2011 M. [R] [I] [W], né en 1985 en qualité de surveillant de nuit, le contrat ayant été prolongé à deux reprises.

La relation de travail s'est poursuivie pour une durée indéterminée, à temps partiel, à compter du 02/01/2012, aux mêmes fonctions. Suivant avenant du 01/07/2013, la durée du travail a été portée à 113,75 heures par mois soit en moyenne 26 heures 15 minutes par semaine.

A la suite d'un contrat de travail à durée indéterminée, se substituant au précédant, du 15/09/2014, M. [W], a été affecté en qualité de moniteur adjoint d'animation, à temps complet, et affecté au réseau d'hébergement collectif à [Localité 7] et à [Localité 8], coefficient 393.

Une altercation est survenue le 18/09/2017 à 21h15, au sein du foyer [5] sis à [Localité 9], entre une mineure accueillie et le salarié.

Par lettre du 21/09/2017 lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire, l'employeur a convoqué M. [W] à un entretien préalable à licenciement fixé au 29/09/2017, entretien reporté au 02/10/2017.

Le 22/09/2017 Mme [K], responsable de l'établissement le Gîte a signalé au procureur de la République les faits intervenus le 18/09/2017.

Par lettre du 18/10/2017, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour faute grave, aux motifs suivants :

«['] Les événements se sont déroulés le lundi 18 septembre 2017 à 21 h 25 au sein du foyer [5] de l'établissement Le Gîte. Votre horaire de travail était fixé de 14h à 21 h.

Ce soir-là, alors que la porte du bureau était ouverte, la jeune [O] [X] s'est autorisée à s'installer dans le bureau des éducateurs pour discuter. Vous avez indiqué à [O] qu'elle n'avait rien à faire dans le bureau et qu'elle n'était pas autorisée à y entrer de cette manière. La jeune s'est braquée et vous a manqué de respect. Vous avez répondu sur le même mode et avez témoigné de votre énervement en la faisant sortir de force du bureau.

Mme [M] [F], éducatrice qui a assisté à la scène est sortie du bureau pour gérer la situation avec [O] qui s'était assise sur les marches de l'escalier menant aux étages.

Vous entendez alors la jeune [O] marmonner des insultes à votre encontre et vous intervenez à nouveau sur un mode agressif. [O] répète ses propos insultants et vous l'insultez à votre tour. Vous empoignez la couverture qu'elle porte sur les épaules en tirant la jeune qui est propulsée contre Mme [F]. Mme [F] et la jeune [O] sont toutes les deux projetées contre le mur. La situation dégénère et des échanges de coups physiques ont lieu entre vous et la jeune [O]. L'éducatrice, Mme [F], tente de s'interposer et une autre jeune fille du foyer intervient également en essayant de vous raisonner. M. [Y] [J], éducateur également en poste, est appelé en renfort. L'intervention de M. [Y] vous stoppe et il accompagne la jeune [O] dans sa chambre et y reste avec elle jusqu'à ce qu'elle se calme.

L'ensemble de ces éléments ont été portés à la connaissance de Mme [T], directrice du Gîte et vous avez fait I'objet d'une mise à pied à titre conservatoire le 21 septembre 2017 à 13h30 (courrier remis en main propre par Mme [L] [K], Responsable du réseau Hébergement collectif lors de votre prise de poste le 21/09/17). Cette mesure visait à permettre d'éclaircir la situation et d'éviter de nouveaux débordements avec la jeune [O].

Mme [T] a reçu les témoignages écrits des deux éducateurs en poste le soir des faits ainsi que celui de la jeune [O] [X]. Le 20 septembre 2017, la jeune fille s'est rendue chez le médecin et a obtenu un certificat médical précisant la présence de coups entraînant une ITT de 3 jours.

La famille de la jeune [O] a été informée de la situation et son père Monsieur [B] [N] s'est rendu au commissariat de [Localité 6] le 25 septembre 2017 afin de déposer une plainte à votre encontre.

Le 02 octobre 2017, vous avez été reçu en entretien par Mme [S] [T], Directrice du Gîte en présence de Monsieur [Z] [H], salarié du Gîte, qui vous assistait dans cette procédure.

Lors de cet entretien avec Mme [T], vous expliquez être resté sur le service ce soir-là pour discuter avec Monsieur [Y] des réunions institutionnelles de l'établissement.

Monsieur [Y] se trouvait dehors et vous discutiez avec lui du bureau éducatif dont la porte était ouverte.

Vous reconnaissez que des échanges d'insultes ont eu lieu avec la jeune [O] suite à son irruption dans le bureau des éducateurs. Vous indiquez avoir demandé à Monsieur [Y] de sanctionner immédiatement la jeune mais qu'il ne l'a pas fait (vous avez précisé à Mme [T] ne pas avoir compris sa position).

Vous indiquez ensuite avoir suivie la jeune [O] que vous décrivez comme «hystérique» et que vous l'avez saisie parle bras. Vous précisez avoir également reçu des coups sur le torse.

Vous reconnaissez au cours de cet entretien les insultes, échanges de coups et empoignade en précisant que «peut-être la force employée était trop importante» mais «que vous n'aviez pas l'intention d'être violent».

Vous avez ajouté ne pas avoir voulu agir de la sorte, que l'acte est violent et que vous vous en excusiez.

Vous avez également évoqué des difficultés plus générales au sein de la structure en citant le fonctionnement en vigueur dans l'accompagnement des jeunes filles. Vous jugez que l'équipe est trop laxiste et vous avez le sentiment de ne pas être soutenu et écouté dans vos décisions de sanctions et vos tentatives de rappeler la règle.

Monsieur [Z] [H], qui vous assistait, a ajouté que si l'acte violent existe, il lui semblait nécessaire de prendre également en compte le fonctionnement de ce service. Interrogé par Mme [T] qui lui a demandé des précisions, Monsieur [H] a refusé de donner des éléments complémentaires.

Au regard des informations recueillies auprès des cadres du réseau et des salariés présents, du témoignage écrit de la jeune concernée, du dépôt de plainte effectué par la famille et du certificat médical actant une ITT de 3 jours, je ne peux accepter votre attitude injurieuse et violente envers la jeune qui nous a été confiée dans le cadre de la protection de l'enfance.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, et devant vos explications fournies lors de l'entretien du 02 octobre 2017, je prends la décision de vous licencier pour faute grave, votre maintien au sein de l'Etablissement le Gîte s'avérant impossible[...]».

Par lettre du 04/12/2017, M. [W] a contesté le licenciement, indiquant avoir toujours contesté les faits reprochés, contrairement à ce qu'indique la lettre de rupture, une seconde lettre étant adressée à l'employeur le 26/04/2018 par le truchement de son conseil en vue de la recherche d'une solution amiable.

Estimant le licenciement infondé, M. [W] a saisi par requête reçue le 03/08/2018 le conseil de prud'hommes de Roubaix de diverses demandes indemnitaires afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 23/06/2020, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que licenciement de M. [W] repose sur une faute grave,

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamné M. [W] à payer à l'association Groupement des associations partenaires venant aux droits de l'association le Gîte Métropole une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chacune partie supporte ses dépens, et débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration reçue le 08/07/2020 M. [W] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions d'appelant reçues le 07/07/2022, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de :

- juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner le GROUPEMENT DES ASSOCIATIONS PARTENAIRES au paiement des sommes suivantes :

- 1.628,48 € au titre du rappel de salaire suite à la mise à pied injustifiée, et 162,84 € au titre des congés payés y afférents,

- 5.234,31 euros au titre de rappel de l'indemnité compensatrice de préavis, et 523,43 € au titre des congés payés y afférents,

- 20.937,24 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit 12 mois de salaire),

A titre principal, 5.051,11 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- A titre subsidiaire, 2.525,55 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- En tout cas, 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens.

Selon ses conclusions reçues le 13/09/2022, l'association Groupement des Associations Partenaires, demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et à titre incident de condamner M. [W] à payer à l'association le Gîte la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, outre les frais et dépens de la présente instance.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 14/09/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

L'appelant conteste tout comportement violent, indique que son intervention s'est limitée à faire sortir la jeune fille du bureau en la prenant par le bras, puis de la retenir et de l'immobiliser lorsqu'elle a tenté de lui porter des coups, que l'employeur n'a pas répondu à sa lettre de contestation du 04/12/2017, que l'attestation de M. [Y]

corrobore sa version des faits, qu'il n'a jamais été sanctionné auparavant, qu'il travaille désormais en centre éducatif fermé pour la protection judiciaire de la jeunesse, que la suppression de son poste avait été envisagée dans un contexte de restructuration économique, que l'attestation de Mme [F] qui n'était pas présente est incohérente, tout comme celui de M. [Y], qui atteste en parlant de lui à la troisième personne, que le courrier d'[O] doit être traité avec précaution, que la date du certificat médical a été raturée.

L'intimée expose que M. [W] a physiquement sorti la jeune [O] du bureau qui était venue dans le bureau des éducateurs en raison de son mal-être et d'angoisses lorsque la nuit tombe, que cette dernière s'est réfugiée sur les marches de l'escalier, M. [W] la rejoignant et, dans un contexte d'insultes, a empoigné la couverture dans laquelle [O] s'était enroulée, éjectant celle-ci contre Mme [M] [F] se retrouvant toutes deux projetées contre le mur, que des coups ont été échangés entre les protagonistes, que Mme [F] a dû intervenir jusqu'à l'arrivée de M. [Y], qu'une autre jeune de l'établissement est intervenue, qu'examinée par un médecin après les faits, la jeune [O] présentait des contusions au niveau des jambes, des bras et des épaules, entraînant une ITT de 3 jours, que l'attestation de M. [Y] n'est pas contraire à son rapport, que la date du certificat médical est certaine, que le comportement du salarié est contraire aux valeurs de l'établissement s'agissant de protection de l'enfance.

Sur ce, l'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir réagi sur le même mode que la pensionnaire, d'avoir montré son énervement en la faisant sortir de force du bureau, qu'après avoir entendu [O] qui s'était assise sur les marches de l'escalier menant aux étages marmonner des insultes, d'être intervenu sur un mode agressif, d'avoir empoigner la couverture qu'elle portait sur les épaules en tirant la jeune qui a été propulsée contre Mme [F], les deux étant projetées contre le mur, des échanges de coups ayant lieu entre le salarié et la jeune [O].

Pour preuve de la faute grave, l'association GAP verse les éléments qui suivent :

- le rapport d'observation rédigé par [J] [Y], selon lequel «[I] lui fait savoir qu'elle n'a rien à faire dans le bureau et lui demande de sortir. [O] refuse. [I] l'a fait sortir physiquement du bureau ce qu'[O] n'accepte pas. Elle l'insultera (PD, fils de pute'). Quelques secondes après [I] la rejoint alors qu'elle était assise sur les marches des escaliers au rez-de-chaussée. Ils s'insultent mutuellement puis [I] a empoigné la couverture qu'elle avait sur elle en tirant dessus faisant «éjecter» la jeune

par la même occasion (qui a atterri sur [M]). [O] est alors hors d'elle et [M] doit s'interposer entre [I] et la jeune [L] mais aussi de s'interposer devant [I] jusqu'à l'arrivée de [J]. [J] a immédiatement monté [O] dans sa chambre pour la calmer. [O] tremblait de tout son corps mais s'est vite calmée avec la présence des adultes. Nous avons repris l'incident avec [I] en lui expliquant qu'il n'y avait pas nécessité d'en arriver là et aussi sur l'importance de passer le relais aux collègues en cas de conflit. Durant l'altercation la porte coupe-feu du couloir (près du bureau d'Houria) s'est déboitée»

- une attestation de M. [Y] du 05/09/2019, le témoin ayant repris les termes de sa note,

- une note de Mme [A] [F] qui indique notamment que vers 21h25, [O] est venue dans le bureau avec une couverture, qu'elle était très calme, que «[I] reproche à [O] qu'elle n'a rien à faire là, et qu'elle n'a pas à rentrer comme ça dans le bureau. [O] se braque, et se manque de respecter mutuellement. [O] ne se laisse pas faire face aux propos d'[I], [I] commence à s'énerver, se levé et prend de force [O] pour la faire partir du bureau. Voyant la situation tendue je me lève et me dirigeant vers le salon et je demande à [O] de me suivre. Elle s'assoit sur les trois premières marches des escaliers et commence à ruminer, et insulter à voix basse [I]. Celui-ci revient à la charge et l'agressant, disant de lui dire en face les choses et les insultes, ce que [O] fera. [I] s'insulte à son tour, le ton monte. [I] empoigne la couverture d'[O] et la tire fortement, cella ci atterrit violemment contre moi ce qui nous propulse dans le mur. [O] monte en pression ne voulant pas se laisser faire, [I] continue également, la situation dégénère. J'écarte [O] vers le petit couloir d'entrer, je m'interpose rapidement entre les deux, les insultes et les gestes physiques fusent. [I] avait bloqué la porte, je pense pour se retrouver que seul avec [O]. [L] une jeune essaie même de «raisonner» [I] en lui disant qu'il est éducateur qu'il n'a pas à se comporter de cette façon. Voyant que la situation peut vite s'envenimer je demande à [L] d'aller chercher rapidement [J]. [J] arrive et [I] arrête. [J] prend soin de monter avec [O] dans sa chambre pour se calmer. [I] reste en bas. [J] rassure [O] puis je la rassure à mon tour. Elle est toute tremblante. La tension redescend[...]»,

- une attestation de Mme [F] du 06/09/2019 par laquelle le témoin confirme les termes de son rapport,

- une lettre de la jeune [O], dont il ressort que l'animateur l'a tirée et poussée pour sortir du bureau, et qu'ensuite assise dans les escaliers il l'a tirée par ses affaires «d'une violence pas possible», qu'elle a «volé des escaliers», qu'il l'a «claquée» contre la porte et que [M] est intervenue pour les séparer, qu'ensuite il l'a attrapée, lui a donné des coups de pied, qu'elle a fait de même,

- un certificat du Dr [U] du 20/09/2017 relevant qu'[O] présente des contusions au niveau des jambes, des bras et des épaules, ce qui entraîne une ITT de trois jours,

- une note de signalement du 22/09/2017 adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille.

Il suit de ces pièces qu'une altercation a opposé la jeune [O] et M. [W]. Si les attestations versées par l'employeur doivent être prises avec précaution, compte-tenu du lien de subordination, ces dernières sont toutefois suffisamment précises pour démontrer le comportement inadapté de M. [W]. Ainsi, le fait que Mme [F] indique se trouver dans le bureau au début de la scène, l'appelant indiquant qu'elle ne s'y trouvait pas, n'est pas de nature à jeter un doute sur ses déclarations. Mme [F] est intervenue pour séparer [O] et M. [W], et relate très précisément le comportement du salarié qui répond aux insultes de la pensionnaire sur le même mode,

pour ensuite s'emparer de la couverture et projeter la jeune contre le mur avec Mme [F]. Cette relation est en cohérence avec celle d'[O], bien que celle-ci évoque en début de sa lettre le prénom «[J]» alors qu'il s'agit manifestement d'[I]. Il n'est pas douteux que le certificat médical du Dr [U] en dépit d'une rature, est daté du 20/09/2017, ce dernier ayant confirmé la date par une mention manuscrite postérieure («attestation de ma main en date du 20 9 2017»). Ce certificat relève des contusions au niveau des jambes, ce qui là encore est cohérent avec les déclarations d'[O] qui évoque des coups de pieds réciproques.

Enfin, M. [J] [Y] a attesté en faveur de l'appelant le 04/12/2017, avant d'établir son attestation en faveur de l'employeur. Ce dernier se borne à indiquer n'avoir pas assisté à un comportement violent en sa présence de M. [W], indiquant qu'il a pris [O] par le bras pour qu'elle quitte le bureau ce qu'elle a fait en l'insultant. Le surplus de l'attestation ne contredit pas pour autant la seconde partie de la scène de violence, M. [Y] étant intervenu pour apaiser [O].

Les éléments produits par le salarié sont inopérants à faire naître un quelconque doute en sa faveur. Ils démontrent un parcours par la suite au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, les attestations montrant que c'est un collègue apprécié et professionnel. L'attestation de Mme [V] est inopérante, sauf à établir de bons états de service de l'appelant : elle n'a pas assisté aux faits. Si elle indique que des suppressions de postes ont été évoquées dans le cadre de restrictions budgétaires et qu'une rupture conventionnelle a été proposée à M. [W], ce dernier n'en fait pas état. Ce contexte budgétaire n'est pas incompatible avec la commission d'une faute personnelle du salarié.

Il suit de l'ensemble de ces éléments que le grief est établi.

Les faits sont survenus alors que M. [W] avait terminé son service à 21 heures. Il ne lui appartenait donc plus d'intervenir. De plus son comportement «miroir» en réagissant aux insultes d'[O] démontre un manque de contrôle et de prise de recul. Enfin, c'est M. [W] qui a pris la responsabilité d'intervenir lorsqu'[O] était assise sur les escaliers, commettant un geste de violence en tirant la couverture autour de ses épaules et en la projetant contre la cloison. Ce geste caractérise un fait de violence, dans le contexte certes difficile d'un comportement irrespectueux d'une adolescente fragile. Toutefois, la réaction de M. [W] est contraire aux règles élémentaires de l'éducation et aux dispositions du règlement intérieur, ce dernier représentant les adultes et l'autorité, face à des jeunes fragilisés devant être protégés. Il s'ensuit que la faute commise a rendu impossible la poursuite du contrat de travail même pendant le temps du préavis. La faute grave est établie. La contestation de M. [W] est rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur les autres demandes.

Les dispositions de première instance étant infirmées, M. [W] supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant les frais irrépétibles et les dépens,

Infirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [R] [I] [W] aux dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01434
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.01434 ?
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