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16/12/2022 | FRANCE | N°20/01433

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 16 décembre 2022, 20/01433


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 1993/22



N° RG 20/01433 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCAX



GG / SL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

09 Juin 2020

(RG 18/00416 -section 4)






































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GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



Mme [M] [YN] ÉPOUSE [MD]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. [L] LOGISTIQUE NORD

[A...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 1993/22

N° RG 20/01433 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCAX

GG / SL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

09 Juin 2020

(RG 18/00416 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

Mme [M] [YN] ÉPOUSE [MD]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S. [L] LOGISTIQUE NORD

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Elodie STIERLEN avocat au barreau de RENNES

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de la décisions a été prorogé pour plus ample délibéré du 25 novembre 2022 au 16 décembre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Gilles GUTIERREZ conseiller et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société [L] Logistique Nord (la société GLN ci-après pour la commodité de l'exposé) assure une activité de transport frigorifique, emploie habituellement plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale du transport routier.

Le contrat de travail de Mme [M] [YN], née en 1970, initialement engagée par la société Transports Cardon le 02/07/1990 en qualité d'employée de bureau, a par la suite été transféré à la société GLN le 01/07/2003 par suite de la liquidation judiciaire du précédent employeur. Au dernier état de la relation de travail, Mme [YN] a occupé les fonctions de responsable administrative, statut cadre.

Il convient de préciser que l'époux de Mme [YN], M. [H] [MD], qui assurait des fonctions de directeur de filiale, est devenu directeur du site de [Localité 5], puis est devenu en 2013 directeur de région pour le Nord Est. Il a été remplacé à la direction du site de [Localité 5] par M. [K] [I] à compter du 28/11/2016.

Mme [YN] a été en arrêt de travail pour maladie du 6 au 11/03/2017, puis du 23/03/2017 jusqu'au 16/07/2018, par plusieurs arrêts de travail successifs.

A l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a constaté l'inaptitude de Mme [YN] à son emploi suivant avis du 17/07/2018, indiquant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Après avoir notifié à la salariée une impossibilité de reclassement par lettre du 09/08/2018, Mme [YN] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 20/08/2018 par lettre du 09/08/2018. Par lettre du 24/08/2018, Mme [YN] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Estimant son licenciement nul en raison de faits de harcèlement moral, ou à défaut sans cause réelle et sérieuse, Mme [YN] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens, suivant requête reçue le 28/12/2018, de diverses demandes indemnitaires relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 09/06/2020, le conseil de prud'hommes a :

-dit que Mme [M] [MD] née [YN] n'a pas été victime d'un harcèlement moral de la part de M. [K] [I],

-dit que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable à la société [L] Logistique Nord et que le licenciement de Mme [MD] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-en conséquence a débouté Mme [M] [MD] née [YN] de l'intégralité de ses demandes,

-débouté la SAS GAUTHIER LOGISTIQUE NORD de sa demande reconventionnelle de paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-laissé à chaque partie la charge de chacune des parties ses propres dépens.

Par déclaration du 07/07/2020, Mme [YN] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions d'appelante reçues le 31/12/2020, Mme [M] [YN] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et statuant à nouveau,

-A titre principal

-dire et juger que la salariée a été victime de harcèlement moral rendant nul son licenciement pour inaptitude médicale,

En conséquence,

-condamner la société requise au paiement des sommes suivantes :

-135.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,

-31.229,52 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement,

-15.000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral distinct subi par la salariée,

-10.000 € à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de prévention de l'employeur en matière de harcèlement moral,

-A titre subsidiaire,

-dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de toute recherche sérieuse de reclassement et pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

-condamner la société requise au paiement des sommes suivantes :

-93.000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-15.000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral distinct subi par la salariée,

-10.000 € à titre de dommages intérêts pour non respect de l'obligation d'information préalable de l'impossibilité de reclassement,

-En tout état de cause,

-condamner la société requise au paiement des sommes suivantes :

-14.294,01 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-1.429,40 € bruts à titre de congés payés afférents,

-3.359 € bruts à titre de rappel de salaire

-335,90 € bruts à titre de congés payés afférents,

-2.880,52 € à titre de contrepartie obligatoire en repos,

-condamner l'employeur à la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles issus de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

-ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Selon ses conclusions reçues le 31/12/2020, la SAS GAUTHIER LOGISTIQUE NORD demande à la cour de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et par conséquent :

-dire et juger que Mme [M] [YN] n'a pas été victime de harcèlement moral,

-dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [M] [YN] repose sur une cause réelle et sérieuse,

-dire et juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité et de prévention,

En conséquence, débouter Mme [M] [YN] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, de sa demande en rappel de prime sur objectifs, de sa demande en rappel d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos,

-dire et juger qu'elle a respecté la procédure de licenciement pour inaptitude et n'a pas occasionné un préjudice à Mme [M] [YN] et par conséquent,

-débouter Madame [M] [YN] de sa demande en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information sur l'impossibilité de reclassement. à hauteur 10.000 €.

A titre subsidiaire,

-limiter les dommages et intérêts à 3 mois de salaire,

-limiter le rappel de salaire au titre de la prime sur objectifs à la somme de 655.75 € bruts,

En tout état de cause,

-débouter Mme [M] [YN] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [M] [YN] à verser à la société G.L.N la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 14/09/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

-Sur la prime d'objectifs

L'appelante sollicite le paiement de la prime d'objectif 2017, son entretien d'évaluation n'ayant pas été effectué fin 2016.

L'intimée explique que la campagne des entretiens de fin d'année a été lancée le 14/03/2017 peu de temps avant l'arrêt de travail de Mme [YN], qui n'a pu en conséquence être évaluée, que subsidiairement elle ne pourrait prétendre qu'à un prorata de la prime allouée au titre de l'exercice précédent.

Les parties ne contestent pas le principe du paiement d'une prime sur objectif annuel. L'appelante produit l'entretien d'évaluation pour l'année 2015 du 07/03/2016 réalisé par son époux M. [MD]. Son arrêt de travail pour maladie ne doit conduire à aucune diminution de traitement.

L'employeur n'apporte aucun élément sur les objectifs assignés pour l'année 2016, l'absence de Mme [YN] peu de temps après le lancement de la campagne d'évaluation 2017 ne le dispensant pas de produire les éléments d'évaluation de la réussite aux objectifs. La demande en paiement sera accueillie, à hauteur de la prime versée l'année précédente soit 2.623 €, outre 262,30 € de congés payés afférents, Mme [YN] n'expliquant pas le calcul qu'elle a effectué. Le jugement est infirmé et la société GLN sera condamnée au paiement de ces sommes.

-Sur la contrepartie obligatoire au repos

L'appelante explique que le contrat de travail prévoit une rémunération forfaitaire, sans précision du nombre d'heures supplémentaires prévues dans le forfait, de 186,33 heures par mois incluant 34,66 heures supplémentaires par mois.

L'intimée indique que la convention de forfait assuré la rémunération mensualisée de 43 heures, mais qu'il appartient à la salariée de démontrer que ces 43 heures ont été réellement effectuées, ce que ne démontrent pas les plannings fournis.

Sur ce, contrairement à ce que soutient l'intimée, la preuve du droit au repos incombe à l'employeur et est au nombre des exigences constitutionnelles. Au regard des plannings versés par la salariée, et de l'absence de tout élément ou décompte des heures effectués, des jours travaillés et jours de repos en 2016, il convient d'accueillir la demande en paiement d'une indemnité de 2.880,52 € au titre du repos compensateur.

-Sur le manquement à l'obligation de sécurité

L'appelante fait valoir un manquement à l'obligation de sécurité, expliquant que M. [L] a été prévenu par un appel téléphonique le 22/03/2017 à la suite de la seconde entrevue conflictuelle, que sa situation a été signalée sans que l'employeur ne réagisse, que son courrier du 24/01/2018 est resté sans réponse, qu'aucune enquête interne n'a été effectuée.

L'intimée expose que le projet de réorganisation a été stoppé, que M. [L] n'était pas dupe du contexte de dénigrement animé par M. [MD], que l'état de santé de la salariée a été fragilisé par le décès de sa mère, que Mme [YN] n'a pas alerté le CHSCT et ne s'est pas saisie des outils de signalement de risques psycho-sociaux existants dans l'entreprise.

L'employeur est tenu en vertu de l'article L4121-1 du code du travail de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, il ressort des éléments versés que le directeur général , M. [L], a été informé dès le 22/03/2017 qu'une difficulté se posait dans le projet de réorganisation en ce qui concerne Mme [YN], puisque la décision a été prise de ne pas le mettre en 'uvre dans l'immédiat. De plus, si Mme [YN] admet comme l'indique l'employeur avoir été reçue par M. [L], au regard du courriel de ce dernier du 29/03/2017 lui proposant un entretien pour le vendredi suivant, l'employeur n'a pas répondu à la correspondance de Mme [YN] lui faisant part, de façon détaillée, d'un différend avec M. [I]. La salariée explique dans cette correspondance ne plus se sentir à l'aise, ne pas savoir quoi faire, subir des reproches injustifiés, expliquant ne plus être capable de « travailler avec ce monsieur », et soulignant que « c'est une épreuve terrible que de reporter par écrit ce genre de propos ». Cette lettre est restée sans réponse.

De plus, Mme [YN] a entamé une démarche de « mobilisation » (lettre du 11/01/2018) pour envisager une reprise du travail, alors qu'elle était arrêtée pour maladie. Force est de constater que l'employeur n'a pas répondu à la lettre du 24/01/2018 dans laquelle Mme [YN] constate qu'aucune suite n'a été donnée après l'entrevue du 31/03/2017, et écrit « [...]Je suis consternée de constater que la souffrance que j'ai rencontrée au travail en raison des agissements de harcèlement moral de Monsieur [K] [I] n'a fait réagir personne, alors que je suis en arrêt depuis 10 mois maintenant, sans même percevoir une phase de rétablissement. Lorsque vous m'aviez assuré de votre écoute, je pensais sincèrement que des actions seraient menées au sein de la société, ce qui n'est pas le cas. Dans ces circonstances, comment pourrais-je seulement envisager un retour à mon poste de travail dans le cas où mon état de santé le permettrait ' Que comptez-vous faire' ['].

Il s'ensuit que l'employeur, destinataire des arrêts de travail de Mme [YN], n'a pris strictement aucune mesure de prévention des risques professionnels dénoncés par Mme [YN], alors qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait Mme [YN]. Il en résulte un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité qui a causé un préjudice moral à la salariée qui sera réparé par une indemnité de 5.000 € à la charge de la SAS GLN. Le jugement est infirmé.

Sur la demande de nullité du licenciement

Au soutien de sa demande, Mme [YN] expose avoir subi des faits de harcèlement moral, à l'origine de son inaptitude.

-Sur le harcèlement moral

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral.

Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

Au préalable, Mme [YN] indique que durant l'année 2012, le groupe STG a procédé à une réorganisation en créant trois pôles d'activité (fonctions siège, activités développement, et opérations lequel était organisé en cinq zones avec à leur tête un directeur régional), que son époux M. [H] [MD] a assuré la direction du site de [Localité 5] et la direction régionale nord-est, un directeur adjoint étant nommé dans un premier temps sur le site de [Localité 5] (M. [YM]), puis M. [I] devenant directeur en 2016, que son arrivée a entraîné une dégradation de ses conditions de travail, que l'employeur lui imposé un déclassement professionnel, alors qu'elle occupait un poste d'adjointe de direction de filiale, elle est devenue en 2017 « responsable administrative », qu'elle ne conservait que ses attributions au sein du service clients (SRC) et du service maintenance/entretien du bâtiment, qu'elle ne validait plus les commandes ni les factures, ses tâches devenant subalternes et secondaires, qu'elle a été écartée de la connaissance du rapport d'audit du 21/02/2017 et de la gestion du client AGRAL, qu'elle n'était plus informée des projets en cours, que des injonctions contradictoires lui étaient données (gestion de Mme [GL] assistante de M. [I]), qu'en outre elle a subi des actes de pression et d'intimidation, qu'elle devait faire face au ton agressif de son supérieur, qu'elle a subi des « oublis » de la part de M. [I] (oubli de la comptabiliser dans les effectifs lors de l'audit, difficultés à trouver une place disponible lors d'une formation GTA, oubli des formalités pendant la prévoyance, oubli de l'entretien d'évaluation), que son état de santé s'est dégradé à la suite d'une réunion houleuse avec M. [I], qu'un syndrome anxio-dépressif a été constaté nécessitant la mise en place d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médical lourd.

Mme [YN] verse au soutien de son argumentation les éléments qui suivent :

-une attestation de son époux M. [H] [MD], qui indique avoir avisé M. [I] de la souffrance au travail de son épouse et d'un risque de « RPS », qu'un entretien a eu lieu le 22/03/2017 entre son épouse et M. [I] qui a tenu des propos outranciers (« vous croyez que c'est facile de travailler avec la femme du boss »), qu'enfin ce dernier lui a dit « [M] est incompétente au poste qu'elle occupe, j'y peux rien », que celle-ci a quitté l'entreprise le 23 mars dans un état de total effondrement ; complétée par une attestation du 02/12/2019 indiquant que son épouse l'a contactée le 22/03/2017 à la suite d'un entretien avec M. [I], raison pour laquelle il est passé par l'entreprise en fin de journée pour s'entretenir avec ce dernier ;

-une attestation de M. [F] [VS], indiquant avoir assisté au signalement fait par [H] [MD] concernant la situation de son épouse, alors en arrêt maladie, en présence de la direction générale en avril 2017, ce qui n'a provoqué aucune réaction ;

-une attestation de Mme [SV] [D], indiquant avoir pu apercevoir à plusieurs reprises, durant les mois de février et mars 2017, Mme [YN] après des entretiens dans le bureau de M. [I], en pleurs, perdant ses moyens et déstabilisée émotionnellement, qu'en outre M. [I] s'adressait à elle directement sans passer par Mme [YN] qui était sa supérieure hiérarchique ;

-une attestation de Mme [VR] [T] du 11/01/2018, indiquant avoir été témoin du comportement misogyne et de l'abus de pouvoir de M. [I] à l'égard de Mme [YN] au 1er trimestre 2017, en particulier au mois de février, et de l'avoir elle-même subi, évoquant un comportement narcissique, le fait qu'il « arrive à rabaisser les gens plus bas que terre à partir du moment où elles ne rentrent pas dans le cadre », des pressions à l'égard de Mme [YN] : «  en lui disant sans cesse que c'était une personne incompétente et une employée de bas étage (termes que Madame [M] [YN] m'a rapportés), et ce malgré ses 27 ans d'ancienneté. J'ai constaté qu'elle était très régulièrement convoquée dans son bureau et ressortait démolie et en pleurs. J'ai également constaté qu'il ne s'adressait plus à elle et passait outre sa hiérarchie en allant voir directement les personnes qui étaient sous les ordres de Madame [M] [YN] de manière à lui faire comprendre qu'elle ne servait à rien[...] », qu'elle a assisté à des brimades et moqueries de M. [I] lors de réunions hebdomadaires envers elle et Mme [YN], soulignant la compétence de celle-ci et l'acharnement de son supérieur hiérarchique, attestation complétée par une autre du 24/09/2019 selon laquelle Mme [T] indique avoir été contrainte de démissionner en septembre 2017, que M. [I] a reçu sa demande de préavis écourté avec un certain mépris, confirmant être allé voir régulièrement Mme [YN] en février et mars 2017 après sa fin de journée, qu'étant à l'étage elle descendait régulièrement au bureau qualité et qualité opérationnelle, à côté de celui de Mme [YN], bureaux vitrés et communiquants, qu'elle passait en outre dans le bureau d'accueil qui était le même que celui de Mme [YN],

-une attestation de M. [GK] [Z] (délégué syndical FNCR) du 11/01/2018 selon laquelle il a vu au 1er trimestre 2017 Mme [YN] sortir du bureau de M. [I] en pleurs, dépitée et très atteinte, qu'elle s'est un peu confiée à deux reprises sur la dureté des propos de ce dernier, qui mettaient en cause sa compétence et son utilité dans la société, précisant qu'elle n'avait plus le droit de regarder le courrier arrivé, ni de signer les factures, concluant que Mme [YN] « était clairement mise à l'écart », complétée par une attestation du 09/10/2019 indiquant que le compte-rendu de réunion du 22/06/2017 durant laquelle M. [L] a été alerté du mal être dans la société, a fait l'objet de demandes de corrections, car n'étant pas conforme aux propos tenus, un compte-rendu annoté étant joint à l'attestation, faisant état de l'inquiétude des IRP concernant la santé morale de certains salariés (« au moins 3 cas avérés »), demande restée sans réponse de l'employeur ;

-une attestation de Mme [P] [DP] du 17/05/2019 relatant le parcours professionnel de Mme [YN] depuis 1990, ses grandes compétences ayant permis son évolution dans la société, que la situation s'est dégradée fin 2016 avec l'arrivée de M. [I], que Mme [YN] est devenue morose et renfermée, est sortie plusieurs fois en pleurs du bureau du directeur, qu'elle n'a pas eu de contact avec Mme [YN] et n'a rien à reprocher au groupe STG mais qu'elle ne peut admettre la mise en doute des compétences de Mme [YN] ;

-une seconde attestation de Mme [P] [DP] du 29/03/2020, indiquant avoir vu le 23/03/2017 Mme [YN] sortir en larmes du bureau de M. [I], et avoir constaté qu'elle était à bout, en pleurs et nerveuse, et n'avoir pas été surprise de son absence l'après-midi, une attestation de Mme [MC] [J] du 07/09/2020 confirmant les faits relatés (« nous nous sommes retrouvés en même temps que Mr [YN] à la porte d'entrée qui partait les yeux rouges et toujours en larmes ») ;

-une attestation non datée de M. [X] [SS], faisant état de la pression exercée par M. [I] sur plusieurs personnes, en particulier Mme [YN], plusieurs collègues féminines étant sorties du bureau de M. [I] en pleurant ;

-une attestation de M. [U] [R] faisant état des compétences de Mme [YN], indiquant avoir bénéficié de son aide, que c'était une personne investie, toujours de bons conseils ; une attestation de M. [JF] [E] témoignant des compétences de Mme [YN], du fait qu'elle travaillait énormément, ne comptait pas ses heures et savait manager ses équipes, une attestation de M. [BK] attestant des mêmes compétences ; et une attestation de Mme [W], comptable indiquant avoir bénéficié au cours de sa carrière à plusieurs reprise de l'aide et de l'assistance de Mme [YN] ;

-une attestation de M. [F] [BL], responsable d'exploitation chez GLN, faisant état des qualités professionnelles de Mme [YN] lors de la création de la société GLN et ayant permis la réussite de son activité ; une attestation de M. [B] [S], formateur chez GLN, faisant également état des qualités professionnelles de Mme [YN]; -une attestation de M. [JG] [YM] du 07/02/2018, directeur adjoint de filiale, qui indique avoir travaillé avec Mme [YN] en étroite collaboration, décrivant ses fonctions, puis avoir constaté avec l'arrivée de M. [I] que son enjouement et sa santé au travail se sont ternies à l'arrivée de M. [I], le témoin ayant lui-même rencontré des difficultés relationnelles avec l'intéressé ;

-une attestation de M. [O] [PA] indiquant avoir vu Mme [M] [YN] « mi mars, deux jours après sa reprise de travail entrer dans le bureau de l'exploitation de chez GLN [Localité 5] en pleurs. A ce moment là, elle venait du quai et devait passer devant mon bureau, je l'ai saluée et lui ai demandé si elle allait bien et pourquoi ces pleurs[...], la salariée étant accompagnée de Mme [BM] et de M. [SW], et étant retombée malade peu de temps ensuite » ;

-un courriel du 28/03/2017 de la salariée adressée à M. [L] indiquant qu'une réunion a été annulée alors qu'elle l'avait préparée, et souhaitant s'entretenir avec lui « sans croiser le regard de M. [I] avant notre entretien », précisant se sentir oppressée du fait de l'annulation de la réunion prévue ;

-une lettre adressée le 24/01/2018 à M. [L] par la salariée, faisant état d'une réunion avec « la direction » le mardi à son retour de congés, précisant « il s'énerve un peu me dit qu'il n'a pas besoin de passe-plat et qu'il gérera en direct mes services qualité HSE et formation, qu'il faut arrêter mon assistanat de confort...que dans une société il faut savoir changer de poste...Je suis proprement éberluée par ce mode de communication qui ne correspond pas aux valeurs de l'entreprise...Ce monsieur ne connaît même pas mon parcours professionnel et se permet après l'accueil que je lui ai réservé de me considérer comme une personne inutile, rigide dans son poste...[...] », « [...]il s'est mis en colère et m'a dit : « je prends la direction d'une société qui a un DE qui n'est pas apprécié et en plus ma N-1 est la femme du patron! » Choquée je n'ai plus su quoi répondre [...] » ; elle indique dans la suite de sa correspondance que trois personnes de ses services lors de son retour de congés payés en février, l'ont interpelée sur le fait « qu'il » ne s'adresse plus à elle directement, qu'elle ne se sent plus à l'aise et ne sait plus ce qui est à faire ou non, qu'il lui reproche des choses futiles, que rien ne changeait dans son périmètre puisqu'il y avait un « blocus de la direction régionale » (son mari), qu'elle n'a plus le droit de signer les factures ni de voir le courrier, de faire la GTA et d'apporter de l'aide aux RH pour la paie cadres, concluant : «[...] Voilà, il n'a pas besoin de passe-plat et je suis la femme du patron. Je pensais avoir trouvé ma place dans cette nouvelle organisation, et avoir prouvé ma détermination. Je ne me permettrais pas de mettre en doute les compétences de la direction mais il y a des priorités à traiter et ne jamais avancer ne me convient pas. Je ne peux plus travailler avec ce monsieur, pour qui tout sera de toute façon toujours de ma faute. Je n'en suis plus capable[...] » ;

-des échanges de courriel avec le service paie afférents au paiement de la prévoyance du mois de septembre 2017, du mois de janvier 2018 indiquant que l'employeur ne transmet plus depuis le mois de novembre les décomptes à la prévoyance, du mois de juillet 2018 avec la mutuelle, deux lettres des 24/01/2018 faisant état de problèmes de paiement de salaire, et indiquant : « [...] Par ailleurs, je suis dans l'obligation de constater qu'il n'y a eu aucune suite apportée à notre rencontre du 31 mars 2017, durant laquelle je vous ai remis le courrier ci-joint. Je suis consternée de constater que la souffrance que j'ai rencontrée au travail en raison des agissements de harcèlement moral de Monsieur [K] [I] n'a fait réagir personne, alors que je suis en arrêt depuis 10 mois maintenant, sans même percevoir une phase de rétablissement[... », et demander à l'employeur ce qu'il compte faire ; une lettre du 16/07/2018 relative à l'absence de prise en charge de notes de frais,

-la fiche de poste du 02/10/2012 d'adjointe directeur de filiale en lien avec la direction de filiale, les services RH et HSE (« Sous l'autorité directe du Directeur de filiale, elle garantit l'assistanat administratif et ressources humaines, par la gestion de moyens humains, l'organisation de l'ensemble des activités du site, dans le respect des obligations légales et de sécurité physique et sanitaire des biens et des personnes, dans une démarche de gestionnaire de centre de coûts et de profits »), ainsi que l'organigramme de l'entreprise avant l'arrivée de M. [I] la faisant apparaître comme « assistante de direction » rattachée au directeur (M. [MD]) ;

-plusieurs avis d'arrêts de travail (06/03/2017 au 11/03/2017 ; 24/03/2017 au 07/04/2017 et ses renouvellements jusqu'au 16/07/2018), l'avis d'arrêt de travail du 01/07/2017 indiquant « syndrome anxiodépressif suite à un harcèlement professionnel », cette pathologie étant indiquée sur plusieurs avis de prolongation ; une fiche du service santé au travail relevant lors de la consultation du 23/02/2018 la persistance de nombreux cauchemars,deux courriers envoyés à la direction et au service de paie le 25/01/2018, « sans réponse à ce jour », le Dr [OZ] retrouvant lors de l'examen du 04/04/2017 des angoisses, des troubles du sommeil, des perturbations cognitives intéressant la concentration et la mémoire, et une labilité émotionnelle avec pleurs ;

-les documents d'autorisation de réalisation d'une formation en cours d'arrêts de travail (« demande d'autorisation de remobilisation précoce en cours d'arrêt de travail »), du 11/01/2018 ;

-une note n°18.058 de M. [I] indiquant qu'une analyse de risque psycho-sociaux va être mise en place dans l'entreprise.

Examinés dans leur ensemble, ces éléments permettent de présumer de faits de harcèlement moral. Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'intimée réplique que M. [MD] a usé de son influence auprès des témoins, que plusieurs attestations ne sont pas circonstanciées, que Mme [D] n'a pas de vue sur le bureau de M. [I], que l'attestation de M. [YM] n'est pas sincère, M. [MD] lui ayant remis une attestation concernant l'assurance de son ancien véhicule, que l'écriture de ce dernier apparaît sur l'attestation de M. [BL], que M. [MD] a souhaité nuire à M. [I], que l'intitulé du poste de Mme [YN] a été modifié avant l'arrivée de M. [I], que son périmètre d'action n'a cependant pas été modifié, que Mme [YN] a continué à exercer ses activités au sein des services HSE, qualité et formation comme le montrent les courriels versés, qu'elle a continué à viser des factures et qu'elle a réalisé des commandes fournisseurs, que la paie a été centralisée au niveau du groupe, en particulier pour les cadres à la demande de M. [MD], que le pilotage de l'actualisation du fichier clients n'est pas une tâche subalterne, que Mme [YN] n'a pas été écartée du résultat des audits, ni de la gestion du client Agral, que M. [I] conteste l'intégralité des propos qui lui sont prêtés lors de l'entretien du 22/03/2017 que Mme [YN] a travesti, qu'il était encore en période d'essai en mars 2017, que M. [MD] n'a pu avoir aucun échange avec M. [I] le 22/03/2017 à 19h30 puisqu'il se trouvait à deux heures des locaux de la société à la barrière de péage de [Localité 4] à 19h57, que M. [OX] indique n'avoir jamais constaté de moqueries, que M. [I] n'a pas volontairement oublié la formation GTA.

Sur ce, s'agissant des faits de déclassement allégué, il ressort du propre organigramme versé par l'appelante qu'avant l'arrivée de M. [I] son poste était intitulé « assistante de direction », au lieu d'adjointe de direction. En outre, il ressort du compte-rendu de réunion mensuelle du 28/10/2016, à laquelle n'a pas siégé M. [I], mais à laquelle était présente M. [MD] qui en a assuré l'introduction, qu'a été envisagé dans le cadre de la nouvelle organisation un poste de « responsable administratif opérationnel par [M](SRC, HSE, Entretien, Adm, Comm, Formation, Qualité »). Il s'ensuit que les fonctions de Mme [YN] n'ont pas été modifiées, ce que confirme Mme [YN] dans sa lettre adressée à M. [L], bien que l'intitulé de son poste a été modifié. Il ressort de plus du courriel de Mme [G] du 24/11/2016 que le groupe a mis en place un référentiel d'emplois, passant de 500 titres de fonctions à 190. De plus, il ressort des courriels versés par l'employeur (exemple : 22/02/2017, 13/03/2017 adressé à « qualité GLN ») que Mme [YN] n'a pas été privée de ses attributions au service qualité, les nombreux courriels versés par l'intimée démontrant qu'elle a également poursuivi ses activités au sein des services accueil, HSE (courriels des 16/03/2017 à titre d'exemple), recrutement (courriel du 24/02/2017, recrutement de M. [JH] [PB]) et maintenance (exemple : courriel du 20/03/2017). L'employeur verse en outre des comptes-rendus de réunions hebdomadaires établis par Mme [YN] envoyés aux services « service-client GLN, Qualité GLN, Hse-qualité GLN », le directeur ne s'étant donc pas substitué à elle dans la conduite de ses équipes. De nombreuse messages (exemple : 21/03/2017) établissent que Mme [YN] est en charge de questions afférentes à des devis et factures. L'employeur verse des courriels (exemple: 03/03/2017 « préparation réunion cr audit »), montrant que Mme [YN] n'a pas été écartée de l'analyse du résultat de l'audit, sauf à observer que le plan d'action a été communiqué le 31/03/2017, alors que Mme [YN] était en arrêt de travail. Plusieurs courriels (notamment du 03/02/2017 adressé par Mme [C]) montrent que Mme [YN] a été tenue informée du « dossier Agral ». Enfin, il ressort d'un courriel de M. [MD] du 30/12/2016 que ce dernier souhaite que « la paie des cadres soit également reprise par le siège de transfertle 1/02/2016 à [V] [MF]. Cela permettra de tester. Merci donc [M] d'intervenir en ce sens auprès de [DN] [Y] », ce fait n'étant donc pas imputable à M. [I].

L'employeur démontre en conséquence que Mme [YN] n'a pas a été privée de ses attributions dans le cadre d'un projet de réorganisation qui n'a pas été mise en 'uvre avant son arrêt de travail.

S'agissant des actes de pression et d'humiliation allégués, l'employeur verse l'attestation de M. [YO] [OX], examinée avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, qui indique ne pas avoir témoin direct ou indirect d'attitude violente ou dénigrante de M. [I] à l'égard d'un tiers ou d'un groupe, ce qui contredit pour partie l'attestation de Mme [T], évoquant des brimades et moqueries de l'intéressé lors de réunions hebdomadaires.

L'employeur verse en outre un courriel de M. [MD] adressé à M. [YM] le 08/09/2017, auquel est joint un document intitulé « attestation [JG] [M].docx » et indiquant « je te transmets le texte que tu pourrais intégrer à une attestation[...] », cette démarche privant de pertinence l'attestation de M. [YM].

Il en est de même pour l'attestation de M. [F] [BL] : l'employeur verse un courriel du 07/09/2017 de M. [MD] lui retournant son attestation et indiquant « je l'ai modifié un peu ».

En outre, l'employeur verse l'attestation de M. [SU] [A], examinée avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, indiquant qu'une salariée, Mme [C], l'a informé que M. [MD] lui avait demandé d'établir une attestation pour son épouse précisant « qu'elle pleurait toujours quand elle sortait du bureau de M. [I] », indiquant « qu'ils ont déposé une plainte pour harcèlement et veulent faire tomber M. [I] », qu'en outre il souhait obtenir les coordonnées téléphoniques de Mme [SV] [D] qui avait été licenciée, Mme [C] faisant état, selon le témoin, d'un ton menaçant à son égard. Le témoin évoque en outre avoir rencontré Mme [CD] [BM], qui lui a dit que M. [MD] souhaitait une attestation disant que M. [I] menaçait [M], et qu'elle pleurait à chaque fois qu'elle avait un rendez-vous, M. [MD] lui demandant de lui « rendre l'ascenseur », et indiquant « tu sais [CD] j'ai encore de nombreux contacts dans le groupe et des relation sur le marché ». Cette attestation, corrélée aux éléments précédents, démontre un comportement d'influence de M. [MD], auprès des témoins, ce qui tend à priver de pertinence les attestations versées, étant ajouté que M. [I] corrobore les déclarations de M. [A], et que l'employeur a été contraint par le truchement de son conseil et par lettre du 03/07/2018 de demander à M. [MD] de cesser ses agissements.

Il convient d'ajouter à cet égard que l'employeur verse une attestation de Mme [T] du 06/01/2018, qui n'évoque pas Mme [YN], mais stigmatise le comportement de M. [I], ce document ayant été trouvé dans le bac des impressions par une assistante, Mme [MB]. Cela montre que Mme [T] a par la suite modifié son attestation pour y inclure des faits concernant Mme [YN], qui n'y étaient initialement pas mentionnés. L'employeur verse en outre la synthèse des indicateurs commerciaux de Mme [T] faisant apparaître 63 visites en décembre, 58 en janvier, et 7 en février, l'employeur indiquant que la salariée a été une semaine en vacances ce mois, ce qui n'est pas démenti. Les attestations de Mme [T] manquent dès lors de précision s'agissant des faits décrits, d'autant que son bureau se trouve à l'étage, et celui de Mme [YN] au rez-de-chaussée.

L'employeur verse en outre un plan des espaces de travail et des photographies dont il ressort que la porte du bureau de M. [I] n'est pas visible depuis d'autres espaces de travail. Il justifie que le bureau de M. [Z] se trouvait dans un autre bâtiment, son attestation manquant dès lors de précision quant aux pleurs à la suite d'entretiens avec M. [I].

L'employeur verse la lettre de licenciement pour faute grave de Mme [D] du 30/11/2017, ce qui peut priver d'objectivité son témoignage.

L'attestation de M. [MD] est directement contredite par celle, très circonstanciée de M. [I], examinée avec circonspection, dont il ressort qu'il a présenté à Mme [M] [YN] le projet de réorganisation que lui avait demandé de mettre en 'uvre M. [L] (directeur général du groupe STG), que cette dernière n'étant pas « réceptive » au projet, il en a parlé à M. [MD], qui lui a indiqué qu'en tant que directeur régional, il ne pouvait qu'être d'accord avec le projet, le témoin précisant sentir un problème relevant de l'organisation privée, qu'il a été le lendemain convoqué par M. [MD] qui lui a dit d'un ton menaçant et sec de cesser le projet d'organisation, qu'il doit cesser de s'adresser « aux collaborateurs d'[M] », M. [I] expliquant qu'il parle à tout le monde et tient Mme [YN] informée des sujets, le témoin indiquant : « ['] je ne comprends pas du tout ce changement de ton et ce revirement brutal alors qu'hier il m'annonçait qu'il ne pouvait qu'être d'accord en tant que directeur régional. Je lui indique donc qu'il a changé de ton entre hier soir et aujourd'hui alors que rien n'a changé dans le projet, que je n'apprécie pas le ton qu'il emploie et que je n'apprécie pas les menaces qu'il me fait concernant un prétendu harcèlement sur [M][...]. Il ressort de plus de cette attestation que M. [I] est encore à cette date en période d'essai, que M. [MD] était son supérieur, qu'ils ont appelé ensemble M. [L], à la suite de quoi le projet de réorganisation a été arrêté, le témoin indiquant ensuite« ['] courant mars, j'ai compris que [H] [MD] mettait tout en 'uvre pour me nuire, son souhait étant que je quitte la société pour reprendre en main l'organisation[...] ». Ce comportement est avéré notamment par le courriel de M. [MD] du 27/09/2017, transmettant un message de M. [I] avec ce commentaire «[...] je ne veux pas faire ma langue de pute...quoi que!!![...] ».

Enfin, il ressort de l'attestation de M. [GJ] [SW], examinées avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, que durant le mois de mars 2017, M. [MD] donnait des instructions contraires à celle de M. [I], alors qu'il n'était plus directeur du site, et que par ailleurs pendant les réunions mensuelles, il n'a pas constaté de remarques anormales ou de tensions particulière entre M. [I] et Mme [YN], leurs rapports étant « du même acabit qu'avec les autres collaborateurs du site ».

L'attestation non datée de M. [SS] est insuffisamment circonstanciée s'agissant de la « pression » imposée par le directeur du site sur Mme [YN] ou les employées. Enfin, Mme [DP] évoque dans une seconde attestation du 29/08/2020 une rencontre le 23/03/2017 avec Mme [YN], ce fait n'étant pas relaté dans sa première attestation de quatre pages du 17/05/2019, l'employeur expliquant en outre que sa pause déjeuner est à 13h alors que M. [MD] indique que sa femme a quitté l'entreprise le 23/03/2017 à 12h, ce qui prive de cohérence les attestation de Mme [DP] et de Mme [J].

Il ressort des éléments médicaux produits que Mme [YN] a souffert d'un syndrome anxio-dépressif, et d'une souffrance au travail, qui n'est pas discutable, les avis d'arrêt de travail ne pouvant établir que l'état de santé, mais non leur cause.

Au regard de ces éléments, l'employeur démontre qu'il n'est pas matériellement établi que Mme [YN] a subi des actes de pression ou d'humiliation de la part de M. [I].

Enfin, il apparaît que Mme [YN] a été destinataire de la convocation pour la formation « GTA » (courriel du 15/03/2017), l'employeur indiquant que cette formation était organisée par le siège et non par M. [I]. S'agissant de l'entretien d'évaluation de l'année 2017, il ressort du courriel du 14/03/2017 de Mme [DO] [N] que la campagne d'évaluation a bien été communiquée à Mme [YN], celle-ci ayant ensuite été arrêtée pour maladie. S'agissant du paiement des indemnités de prévoyance, il ressort des échanges de courriel du 06/09/2017 que la gestionnaire de paie n'était pas informée des éléments de maintien de salaire, que par courriel du 03/01/2018 elle a indiqué adresser à la salariée prochainement le détail des indemnités de prévoyance, les éléments produits ne permettant pas d'imputer comme le fait Mme [YN] un manquement à M. [I] s'agissant du paiement des indemnités de prévoyance.

Par conséquent, il en résulte que les éléments apportés par Mme [YN] pour établir le harcèlement dont elle se dit victime ne constituent pas un harcèlement moral au vu des propres éléments contraires opposés par l'employeur. L'employeur rapporte des éléments objectifs qui prouvent que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et ressortant de son pouvoir de direction. En conséquence, les démandes afférentes au harcèlement moral sont rejetées. Le jugement est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelante indique que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, qu'aucune recherche sérieuse de reclassement n'a été effectué, que l'employeur ne lui a pas notifié son impossibilité de reclassement ce qui lui a causé un préjudice distinct.

L'intimée expose ne pas être restée inactive, qu'aucun emploi ne pouvait être proposé à la salariée compte-tenu de l'avis d'inaptitude, que l'employeur n'a pas manqué à son obligation d'information sur les motifs s'opposant au reclassement, aucun préjudice n'étant démontré.

Il a été retenu un manquement à l'obligation de sécurité. Ce manquement est en lien avec l'inaptitude de la salariée qui a présenté un syndrome anxieux dépressif.

Par conséquent, elle est imputable à l'employeur de telle sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le moyen tiré d'un manquement à l'obligation de reclassement. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

La moyenne des salaires s'établit à 4.546,08 €.

La demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de trois mois sera accueillie, soit les sommes de 13.638,24 € outre 1.363,82 €.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [YN], de son âge (58 ans), de son ancienneté (28 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22/09/2017 une somme de 82.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, Mme [YN] produit elle-même la lettre du 09/08/2018 de l'employeur portant comme objet « impossibilité de reclassement ». Sa demande de dommages-intérêts pour défaut d'information de l'impossibilité de reclassement ne peut qu'être rejetée.

Sur les autres demandes

La SAS GLN succombant supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à Mme [YN] une indemnité de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [M] [YN] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS [L] LOGISTIQUE NORD à payer à Mme [M] [YN] les sommes suivantes :

-2.623 € de rappel de salaire au titre de la prime d'objectif 2016, outre 262,30 € de congés payés afférents,

-2.880,52 € nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

-5.000 € de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité,

-13.638,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.363,82 € de congés payés afférents,

-82.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les indemnité allouées produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires,

Déboute Mme [M] [YN] de sa demande au titre du défaut d'information de l'impossibilité de reclassement,

Condamne la SAS [L] LOGISTIQUE NORD à payer à Mme [M] [YN] une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS [L] LOGISTIQUE NORD aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

pour le président empêché

Gilles GUTIERREZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01433
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.01433 ?
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