La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2022 | FRANCE | N°20/01375

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 16 décembre 2022, 20/01375


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2025/22



N° RG 20/01375 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBJA



GG/CH











AJ





















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne sur mer

en date du

14 Mai 2020

(RG 18/00129 -section )




































<

br>





GROSSE :



aux avocats



le 16 Décembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [B] [W]

[Adresse 2]

représenté par Me André HADOUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2025/22

N° RG 20/01375 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TBJA

GG/CH

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne sur mer

en date du

14 Mai 2020

(RG 18/00129 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [B] [W]

[Adresse 2]

représenté par Me André HADOUX, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/04440 du 30/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

S.A.R.L. RAYANE, en liquidation judiciaire

Me [Y] [O], es-qualité de Mandataire Liquidateur de la Société LA CENTRALE DES MULTIPLES

[Adresse 3]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA D'[Localité 4]

[Adresse 1]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 25 novembre 2022 au 16 décembre 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SARL RAYANE exerçait une activité de commerce de détail de viandes et produits à base de viande en magasin spécialisé, et appliquait la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerce de volailles et gibiers du 12/12/1978. Elle a engagé suivant contrat de travail à durée déterminée du 06/04/2015, à temps partiel de 30 heures hebdomadaires, M. [B] [W], né en 1975, en qualité d'aide boucher. La relation de travail s'est poursuivie par la suite pour une durée déterminée.

Estimant que la relation de travail devait être requalifiée à temps complet, que sa classification était inexacte, et que des salaires étaient impayés, M. [W] a saisi le conseil de prud'homme de Boulogne sur Mer par requête reçue le 08/08/2018 d'une demande de résiliation judiciaire et de diverses prétentions indemnitaires relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 11/10/2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire à l'égard de la société RAYANE et désigné Me [Y] [O] en qualité de liquidateur.

Le liquidateur a convoqué M. [W] à un entretien préalable à licenciement fixé au 18/10/2018. Puis, M. [W] a été licencié pour motif économique par lettre du 22/10/2018.

Par jugement du 14/05/2020 le conseil de prud'hommes a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes, pris acte de l'intervention du CGEA AGS et condamné M. [W] aux entiers dépens.

Par déclaration du 24/06/2020, M. [W] a régulièrement interjeté appel du jugement précité.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 10/08/2022, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- A titre principal,

- juger qu'il doit être reclassé en tant que boucher préparateur vendeur qualifié niveau III échelon B à compter du 1er novembre 2017

- juger que le contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps complet à compter du 1er novembre 2017,

- juger que la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour défaut de paiement des salaires doit être prononcée,

- juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- si la cour le reclasse en tant que boucher préparateur vendeur qualifié niveau III échelon B et requalifie la relation de travail à temps complet à compter du 01 novembre 2017, fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la SARL RAYANE conduite par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur aux sommes suivantes :

- 7.466,45 € brut à titre de rappel de salaires et des congés payés y afférents du 01 novembre 2017 au 08 novembre 2018,

- 3.427,15 € à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires et congés payés y afférents du 01/11/2017 au 31/05/2018,

- 3.500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 444,65 € à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

- 4.072,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois et des congés payés y afférents,

- A titre subsidiaire,

- Si la cour ne le reclasse pas en tant que boucher préparateur vendeur qualifié, niveau III échelon B mais en revanche requalifie la relation de travail à temps complet à compter du 1er novembre 2017,

- fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la SARL RAYANE conduite par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur aux sommes suivantes :

- 3.427,15 € à titre de rappel de salaires et des congés payés y afférents du 01 novembre 2017 au 08 novembre 2018,

- 2.781,30 € à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires et congés payés y afférents du 01/11/2017 au 31/05/2018,

- 2.800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 131,62 € à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

- 3.296,63 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis de 2 mois et des congés payés y afférents,

- Dans les deux cas de figure,

- juger que les sommes allouées seront assorties des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête ;

- ordonner à Me [O] d'avoir à lui remettre des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir ;

- débouter Me [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Me [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL RAYANE au paiement d'une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens,

- déclarer le jugement opposable à l'AGS-CGEA.

Selon ses conclusions reçues le 18/12/2020, la SELARL [Y] [O] ET ASSOCIES demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement déféré, en toutes ses dispositions, et de débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

- débouter M. [W] de ses demandes de rappel de salaire et indemnités erronés,

- réduire la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'indemnité minimale prévue par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail (3 mois de salaires),

- En toute hypothèse :

- condamner Monsieur [W] à lui verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuer ce que de droit quant aux dépens.

L'Unedic délégation AGS, CGEA d'[Localité 4] selon ses conclusions reçues le 18/12/2020 demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- débouter M. [W] de ses demandes de rappel de salaire et indemnités erronés,

- réduire la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'indemnité minimale prévue par les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail (3 mois de salaires),

En toute hypothèse :

- Donner acte à l'organisme concluant qu'il a procédé aux avances au profit de Monsieur [B] [W] d'un montant de 16.897,95 €,

- dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte-tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail, et statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 14/09/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

- Sur la classification

L'appelant indique pouvoir bénéficier soit de la classification de boucher préparateur qualifié

niveau III échelon A, soit de boucher préparateur vendeur qualifié niveau III échelon B à compter du 01/11/2017, que l'emploi d'aide boucher n'existe pas dans la convention collective, qu'il n'y avait aucun autre boucher dans le magasin, qu'il est détenteur d'un CAP de boucher, que depuis le 01/11/2017 il gérait seul le magasin l'employeur ne venant que pour chercher la recette.

Le liquidateur explique que les bulletins de paie font état de l'emploi d'aide boucher et d'un niveau I échelon I, que le salarié ne peut pas prétendre à un emploi de boucher préparateur vendeur qualifié au regard des stipulations de l'avenant n° 27 du 31/05/2011, que l'appelant ne démontre pas avoir exercé les tâches lui permettant de se prévaloir de cette classification, qu'il ne bénéficie pas du certificat de qualification professionnelle.

L'Unedic s'associe à cette argumentation.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Au préalable, en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Si M. [W] évoque dans

le corps de ses conclusions le fait d'être classé soit à la qualification de boucher préparateur qualifié niveau III échelon A ou boucher préparateur vendeur qualifié, niveau III échelon B, à compter du 1er novembre 2017, le dispositif de ses conclusions ne porte que sur cette dernière classification.

Les stipulations de l'avenant n° 27 du 31 mai 2011 étendu par arrêté du 02/12/2011 classifient comme suivent les emplois en litige :

- niveau II échelon B : boucher préparateur («le boucher préparateur assure toutes les tâches d'exécution courantes nécessaires à la transformation des carcasses de leur état initial de gros morceaux de coupe jusqu'à leur présentation en morceaux de détail en vue de la mise en vente») ;

- niveau III, échelon A : boucher préparateur qualifié («le boucher préparateur qualifié assure toutes les tâches d'exécution courante nécessaires à la transformation des carcasses de leur état initial de gros morceaux de coupe jusqu'à leur présentation en morceaux de détail en vue de la mise en vente.

Il est titulaire soit du CAP de boucher, soit du CQP de technicien boucher, soit, par équivalence, du CTM de préparateur vendeur option boucherie»,

- niveau III, échelon B : boucher préparateur vendeur qualifié («le boucher préparateur vendeur qualifié effectue toutes les tâches du boucher préparateur qualifié (niveau III, échelon A). Il est titulaire du CQP «Boucher préparateur vendeur, vendeuse qualifié(e)» ou possède les connaissances technologiques et pratiques équivalentes»).

L'appelant est bien fondé à faire valoir que l'emploi d'aide boucher, niveau, échelon 1, ne figure dans la liste des emplois conventionnels.

Cependant, les éléments produits par M. [W] à savoir :

- deux attestations, de M. [T] et Mme [U], sommairement rédigées, qui indiquent qu'il était seul présent dans la boucherie,

- divers échanges de courriels montrant que ce dernier reçoit des commandes (exemple le 28/06/2018 demande «d'agneau boyau», le 26/06/2018 «salam reçu 4 cartons de cuisse de poulet (ça fait beaucoup)», et enfin le 18/07/2018 «pas de marchandise pourtant j'en demande après tu vas me réclamer la recette [...]»,

- un certificat d'aptitude professionnelle de préparateur en produits carnés option boucher, sont insuffisants à établir qu'il exerce de façon permanente l'emploi de boucher préparateur qualifié, niveau III, échelon B.

En effet, les intimés sont bien fondés à faire valoir que le salarié ne justifie pas du certificat de qualification professionnelle, requis par la convention collective, les éléments produits étant par ailleurs insuffisants à démontrer que M. [W] possède des connaissances techniques et pratiques équivalentes, l'appelant n'apportant aucun élément suffisamment concret sur le fonctionnement de la boucherie, et les tâches nécessaires à la transformation des carcasses jusqu'à leur présentation en morceaux de détail en vue de la mise en vente. La demande est donc rejetée. Le jugement est confirmé.

- Sur la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet

L'appelant fait valoir que le contrat de travail ne comporte pas de répartition d'horaires, que la durée du travail a été portée à un niveau supérieur à la durée légale hebdomadaire, que l'employeur ne justifie pas de la remise du volet d'identification, qu'un contrat a été signé lors de l'embauche.

Le liquidateur et l'Unedic font valoir que l'employeur qui utilise le titre emploi service entreprise est réputé satisfaire à la formalité de l'établissement d'un contrat de travail écrit et de ses mentions obligatoires, et qu'en l'espèce, le contrat de travail et les fiches de paie sont suffisamment précises sur les heures effectuées par le salarié.

En vertu des dispositions de l'article L3123-14 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 14 juin 2013, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

L'article L1273-5 du code du travail dans sa version applicable dispose que l'employeur qui utilise le «Titre Emploi-Service Entreprise" est réputé satisfaire, par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinés, aux formalités suivantes : ['] 5° L'établissement d'un contrat de travail écrit et l'inscription des mentions obligatoires, prévus à l'article L. 3123-14, pour les contrats de travail à temps partiel.

Il ressort des bulletins de paie versés par le salarié que l'employeur a eu recours au titre emploi-service entreprise précité. Toutefois, il n'est pas justifié de la remise au salarié de la copie du volet d'identification prévue par l'article D1273-4 du code du travail comportant les mentions prévues par l'article D1273-3.

Si, lors de l'embauche, un contrat de travail a été signé dans les formes prévues aux articles L.1221-1 à L.1221-5 ainsi qu'aux articles L.1242-12 et L.1242-1 3,s'il s'agit d'un contrat de travail à durée déterminée, ou L.3123-14 à L.3123-16, s'il s'agit d'un contrat de travail à temps partiel, les clauses contenues dans ce contrat s'appliquent en lieu et place des mentions du volet d'identification du salarié.

Or, le salarié verse un contrat à durée déterminée du 06/04/2015, et un contrat de travail à durée indéterminée du 08/04/2015, étant précisé que la date est manuscritement modifiée, le mot «octobre» étant biffé, et remplacé par le mot «avril», sans explications des parties sur ce point. En toute hypothèse, un contrat de travail ayant été signé lors de l'embauche, ces stipulations, s'appliquent par préférence à celle du volet d'identification qui n'est pas produit.

Il en résulte que faute de répartition des horaires, le contrat est présumé à temps complet. L'employeur peut renverser cette présomption en rapportant la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d'autre part de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Faute d'argumentation autre que celle relative aux mentions figurant au contrat de travail et bulletins de paie, l'employeur ne renverse pas la présomption. La demande de requalification de la relation de travail à temps complet doit être accueillie. Il convient d'infirmer le jugement entrepris.

Le salarié se fonde sur le taux horaire du SMIC pour asseoir sa demande de rappel de salaire, pour la période de novembre à décembre 2017 (9,76 €), puis de janvier au 08/11/2018 (9,88 €). Déduction faite des salaires versés (5.106,64 €), des sommes payées par l'Unedic (12.264,47 €, hors indemnité de licenciement), le rappel de salaire s'établit à la somme de 2.808,20 € outre 280,82 € de congés payés afférents soit 3.089,02 €.

- Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments

de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, l'appelant fait valoir la réalisation des heures supplémentaires pour la période de novembre 2017 à juillet 2018. Il produit un décompte manuel pour la période concernée, récapitulant ses horaires quotidiens, ainsi qu'un décompte de sa créance dans ses conclusions. Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Force est de constater que les intimés se bornent à contester les éléments produits par le salarié sans produire aucun élément justificatif des horaires réalisés.

En conséquence, au regard des argumentations respectives des parties, la cour se convainc de la réalité d'heures supplémentaires non rémunérées, qui seront indemnisées par la somme de 2.781,30 € outre 278,13 € de congés payés afférents.

Ces sommes seront inscrites à l'état du passif des créances salariales de la liquidation judiciaire de la SARL RAYANE.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

L'appelant explique que depuis février 2018 les salaires ont été payés tardivement ou de manière incomplète, qu'il n'a plus perçu de salaire depuis mai 2018, ni ses bulletins de paie de mars à juillet 2018, ce qui l'a conduit à solliciter le RSA en juillet 2018, et a entraîné des difficultés financières, les manquements de l'employeur justifiant la résiliation du contrat de travail.

Le liquidateur et l'Unedic estiment que le retard du paiement des salaires ne constituait pas un manquement suffisamment grave justifiant la prise d'acte de la rupture dès lors que le retard était justifié par des difficultés financières de l'entreprise et que le grief avait été régularisé par le paiement des salaires.

Sur ce, en application des articles 1224 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

Il ressort des échanges de courriels versés par le salarié que les salaires n'ont plus été payés depuis le mois de mai 2018, la fiche de renseignement de l'Unedic mentionnant le paiement de salaires depuis le 01/04/2018, et divers arriérés de salaire antérieur aux six dernier mois. Or, alors que les difficultés économiques étaient connues de l'employeur, ce dernier n'a pas effectué en temps utile les démarches nécessaires soit pour assurer la pérennité du travail et le règlement des salaires, soit pour licencier le salarié pour motif économique, ou pour se déclarer en état de cessation des paiements.

Les difficultés économiques ne peuvent en effet justifier le manquement à l'obligation de payer les salaires. Il en résulte un manquement grave et persistant de l'employeur qui a rendu impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail, en dépit d'un paiement a posteriori des salaires, qui justifie la résiliation judiciaire à la date du licenciement, soit le 22/10/2018. La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il convient d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

Sur les conséquences indemnitaires

L'indemnité légale de licenciement, compte-tenu du rappel de salaire alloué, s'établit à 1.335,74 €, conformément à la demande du salarié, dont doit être déduite la somme de 1.204,12 €, soit un solde de 131,62 €.

L'appelant est fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, qui s'établit à la somme de 3.296,63 € et 329,66 € de congés payés afférents.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté de 3 ans et 9 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22/09/2017, une somme de 2.800 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SARL RAYANE.

Sur les autres demandes

Il sera enjoint au liquidateur de remettre à M. [W] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Il convient de rappeler que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts.

Il est équitable d'allouer à M. [W] une indemnité de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme étant exclue de la garantie légale de l'Unedic.

Le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] qui sera tenue à garantie dans les conditions et limites prévues par les articles L3253-6 et D3253-5 du code du travail.

Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire, les dispositions de première instance étant infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [W] de sa demande de classification en qualité de boucher préparateur vendeur qualifié niveau III échelon B et de ses prétentions afférentes,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du 01/11/2017,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [B] [W] aux torts de l'employeur, au 22/10/2018,

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe les créances de M. [B] [W] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL RAYANE aux sommes suivantes :

- 2.808,20 € de rappel de salaire au titre de la requalification à temps complet, outre 280,82 € de congés payés afférents,

- 2.781,30 € de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 278,13 € de congés payés afférents,

- 131,62 € de solde d'indemnité légale de licenciement,

- 3.296,63 € d'indemnité compensatrice de préavis, et 329,66 € de congés payés afférents.

- 2.800 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'ouverture de la procédure collective interrompt le cours des intérêts.

Enjoint à la SELARL [Y] [O] ET ASSOCIÉS de remettre à M. [B] [W] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit le présent arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS-CGEA d'[Localité 4] qui sera tenue à garantie dans les conditions et limites prévues par les articles L3253-6 et D3253-5 du code du travail,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais liquidation judiciaire,

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01375
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.01375 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award