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16/12/2022 | FRANCE | N°20/01039

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 16 décembre 2022, 20/01039


ARRÊT DU

16 Décembre 2022







N° 2097/22



N° RG 20/01039 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S5YH



GG/AA





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Roubaix

en date du

30 Janvier 2020

(RG F 18/00178 -section )



































GROSSE :



Aux avocats



le 16 Décembre 2022



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT E :



S.A.S. LA REDOUTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



M. [S] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté...

ARRÊT DU

16 Décembre 2022

N° 2097/22

N° RG 20/01039 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S5YH

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Roubaix

en date du

30 Janvier 2020

(RG F 18/00178 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 16 Décembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT E :

S.A.S. LA REDOUTE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Noémie DUPUIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [S] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Angelique AZZOLINI

DÉBATS : à l'audience publique du 28 Septembre 2022

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 25 novembre 2022 au 16 décembre 2022

pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 7/09/2022

EXPOSE DU LITIGE

La SAS LA REDOUTE a engagé M. [S] [K], né en 1972, par contrat à durée indéterminée à compter du 01/10/1999 avec reprise d'ancienneté au 28/06/1997. En dernier lieu, M. [K] exerce l'emploi de préparateur de commande, statut employé, de la convention collective de la vente à distance, au sein de l'entrepôt « quai 30 ».

L'employeur a infligé au salarié un avertissement le 18/10/2016 pour des faits d'insubordination, puis un second le 27/10/2016 pour un retard et une absence injustifiée.

L'employeur a adressé au salarié une lettre de rappel à l'ordre du 21/04/2017, pour avoir ignoré la demande d'explications de son manager.

Le 25/10/2017, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 06/11/2017. L'employeur a ensuite notifié au salarié par lettre du 27/11/2017 une mise à pied disciplinaire de 5 jours aux motifs suivants :

« [...]Le 23 octobre 2017, il vous a été demandé de terminer un ensemble de box avec d'autres membres de l'équipe de production à laquelle vous appartenez.

Prenant acte de la non réalisation des tâches qui vous étaient imparties, Monsieur [A] [M], Responsable d'équipe et votre responsable hiérarchique direct, vous en a demandé des explications.

Vous avez alors contesté l'organisation du travail par votre hiérarchie, haussant le ton et en présence d'autres collaborateurs de l'entreprise.

A cette occasion, vous avez tenus des propos particulièrement excessifs et inappropriés envers votre hiérarchie, allant jusqu'à menacer Monsieur [A] [M].

C'est dans ce contexte que nous avons envisagé une mesure disciplinaire à votre égard pouvant aller jusqu'au licenciement.

Lors de notre entretien du 6 novembre 2017, vous avez reconnu partiellement les faits repris ci-dessus, précisant que le comportement de votre responsable hiérarchique et ses demandes d'explications n'avaient pas été de nature à apaiser votre comportement.

Nous avons tenu à souligner la gravité des faits reprochés, et que les propos et menaces proférés le 23 octobre 2017 étaient inacceptables au sein de l'entreprise, en plus de constituer autant de manquements à vos obligations professionnelles.

Pour autant nous avons pris acte de votre engagement à ce qu'une telle situation ne se reproduise plus. Ainsi nous vous notifions par la présente une mise à pied discipinaire d'une durée de 5 jours, avec retenues sur salaire correspondant[...] ».

Par lettre du 14/12/2017, M. [K] a contesté la sanction, expliquant avoir terminé les tâches qui lui étaient imparties, et indiquant que c'est le responsable qui a haussé le ton, pendant un long moment avant de le faire craquer nerveusement, précisant ne l'avoir à aucun moment menacé, et expliquant que M. [M] avait eu une attitude humiliante à son égard, en lui faisant des reproches infondés et en haussant le ton devant des collègues, ce qui l'a profondément choqué.

La sanction a été maintenue par lettre du 05/01/2018.

Estimant la sanction injustifiée, M. [K] a saisi par requête reçue le 23/07/2018 le conseil de prud'hommes de Roubaix d'une demande d'annulation et de demandes indemnitaires.

Par jugement du 30/01/2020, le conseil de prud'hommes a :

-dit que la sanction disciplinaire est nulle,

-condamné la SAS LA REDOUTE à payer à M. [S] [K] les sommes de 238,94€ de rappel de salaire correspondant à l'exécution de la sanction outre 23,89 € de congés payés afférents, 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes,

-précisé que les condamnations prononcées emportent intérêt au taux légal :

-à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale,

-à compter de la présente décision pour toute autre somme,

-rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à1'article R. 1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois,

-dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par déclaration reçue le 03/03/2020 la SAS LA REDOUTE a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions d'appelante reçues le 01/07/2020, la SAS LA REDOUTE demande à la cour de réformer le jugement déféré, et statuant à nouveau, de:

-juger que la mise à pied disciplinaire de 5 jours notifiée le 27 novembre 2017 est parfaitement fondée ;

En conséquence,

-débouter Monsieur [S] [K] de sa demande de rappel de salaire correspondant à l'exécution de la sanction, soir la somme de 238,94, outre les congés payés afférents;

-débouter Monsieur [S] [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner Monsieur [S] [K] à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

-confirmer pour le surplus le jugement déféré.

En tout état de cause :

-juger que Monsieur [S] [K] ne fait l'objet d'aucune dégradation de ses conditions de travail du fait du caractère injustifié d'une quelconque sanction disciplinaire ;

-débouter Monsieur [S] [K] de sa demande indemnitaire à ce titre à hauteur de 1.000 €.

Selon ses conclusions reçues le 23/07/2020, M. [S] [K] demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la sanction de mise à pied de 5 jours infligée le 27 novembre 2017 et a condamné la société LA REDOUTE à lui payer la somme de 238,94 € à titre de rappel de salaire outre les congés payés s'y rapportant pour un montant de 23,89 €,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a lui a alloué la somme de 1.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,

-condamner la société LA REDOUTE à lui payer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

-condamner la société LA REDOUTE à lui payer la somme complémentaire en cause d'appel de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Une ordonnance du 14/07/2021 du conseiller de la mise en état faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur est restée infructueuse.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 07/09/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la mise à pied disciplinaire.

L'appelante expose que le conseil de prud'hommes a visé des articles erronés du code du travail, que les faits n'ont pas été examinés, que le salarié était affecté à l'équipe de l'après-midi, qu'il a été demandé le 23/10/2017 par M. [M] à l'équipe de l'atelier « retours » de traiter en priorité les déménagements de La Martinoire, avec pour objectif que les 15 box reçus le même jour soient terminés, qu'à 21h20 le box de Mme [N] n 'était pas terminé et ce sans la moindre information préalable ni explication, que des explications ont été demandées le lendemain, qu'un délégué syndical présent, M. [T] [Z] a indiqué que M. [K] aurait dû prévenir sa hiérarchie afin que le travail soit terminé à temps, que M. [K] s'est emporté en tenant les propos qui suivent : « Tu me casses les couilles », et « on peut aller s'expliquer en dehors de l'entreprise », que M. [K] est ensuite parti à l'infirmerie, que M. [K] a fait preuve d'insubordination, et d'un comportement outrageant à l'égard de son supérieur hiérarchique, que le salarié s'inscrit dans un comportement contestataire, qu'il tente toujours d'expliquer a posteriori par des arguments inopérants.

L'intimé fait valoir des cadences de travail faisant l'objet d'un contrôle rigoureux générant beaucoup de stress, des relations difficiles avec M. [M] en raison du caractère emporté de celui-ci, que le 23/10/2017 après avoir achevé son box il a proposé d'aider sa collègue, que le lendemain devant l'ensemble du personnel sans qu'il ne puisse s'expliquer, M. [M] a haussé le ton et s'est mis en colère, qu'il a contesté les faits dès réception de la sanction, qu'il n'est pas habituel de prévenir qu'un travail n'a pas été achevé à la fin de son poste, le travail étant repris dans les mêmes conditions par l'équipe suivante, que la faute n'est pas établie, qu'il n'avait jamais fait l'objet de remontrances, ni de sanctions, mais qu'il a le sentiment d'être depuis 18 mois, la cible d'attaques aussi régulières qu'injustifiées, qu'il a contesté tous les avertissements infligés, et a demandé à être affecté à une autre équipe ce qui a été refusé.

Sur ce, en vertu de l'article L1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L1333-2du même code dispose que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Au préalable, bien qu'ayant visé des articles erronés, le premier juge a bien fait application de dispositions précitées.

Pour justifier de la sanction, la société la Redoute verse une feuille de constat d'incident, non signée, paraissant avoir été renseignée par M. [A] [M], rappelant qu'en dépit des consignes données il avait trouvé le box de Mme [N] non terminé, que le lendemain il a demandé à Mme [V] [N] et M. [S] [K] dans l'atelier de « packing » pourquoi il n'avait pas été prévenu, que M. [K] est devenu agressif et irrespectueux à son égard.

Elle verse en outre un document intitulé « recueil des faits » du 26/10/2017 renseigné par la responsable des ressources humaines Mme [B] [G], retraçant l'incident et les propos tenus, M. [K] s'étant emporté et étant devenu agressif.

Il ressort de la lettre de contestation de la mise à pied disciplinaire du 14/12/2017, que M. [K] indique avoir terminé son travail et avoir aidé sa collègue ensuite. Il ajoute que c'est son responsable qui a haussé le ton « avant que je ne finisse par craquer nerveusement », et contestant avoir menacé M. [A] [M]. Il suit de cette lettre que si M. [K] conteste les menaces, le fait d'admettre d'avoir « craqué nerveusement » peut caractériser la reconnaissance partielle du fait d'avoir tenu des propos excessifs. En outre, l'attestation de Mme [V] [N] n'indique pas que M. [K] n'a pas tenu de propos agressifs et irrespectueux. Il en est de même de l'attestation de M. [Z]. Le grief est établi.

Cependant, il ressort de l'attestation de Mme [N] que : « [...]Mr [A] [M] est venu me chercher à mon poste d'emballage le 24 octobre 2017 vers 14h30.

Ensuite il est allé chercher [S], à ce moment-là Mr [A] [M] nous a dit pourquoi ne pas avoir fini le box la veille au retour ' [A] [M] a monté la voix et s'est mis très en colère sur [S] et moi. Il s'est emporté, il était vraiment très énervé, il avait de la sueur au front.

Nous sommes restés calmes le plus longtemps possible en lui expliquant que le box carton qui n'a pas été fini la veille était le mien et non celui de [S] qui avait terminé le sien.

Suite à cette discussion un secouriste a emmener [S] à l'infirmerie et j'ai dû aussi me rendre à l'infirmerie[...]».

Pour sa part, M. [Z] indique qu'il n'est pas d'usage de prévenir lorsque le travail est terminé, contrairement à ce que soutient l'employeur.

Enfin, Mme [P] [H], qui n'a pas assisté aux faits, atteste que M. [M] fait régulièrement preuve d'agressivité. M. [A] [F] indique pour sa part, pour des faits postérieurs (08/03/2018), avoir été choqué par la façon dont M. [M] avait interpellé M. [K] pour lui « reprocher de ne pas l'avoir prévenu être allé aux toilettes », ajoutant avoir pu constater que M. [M] fait preuve d'une certaine animosité envers M. [K].

Il s'ensuit que la cour prend en compte les circonstances au cours des quelles M. [K] a commis un écart de langage, M. [M] l'ayant questionné en s'emportant, ce que ce dernier ne mentionne pas dans son rapport et ce qui est à l'origine des propos sanctionnés, le tout en présence de ses collègues, pour considérer la sanction disproportionnée, étant ajouté que M. [K] a contesté chacune des précédentes sanctions qui lui ont été infligées sur une brève période (un an), aucune autre sanction n'ayant été infligée auparavant.

La sanction est donc annulée. Le jugement est confirmé en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire et alloué un rappel de salaire pour la période concernée de 238,94 € outre 23,89 € de congés payés afférents.

Le préjudice moral subi par M. [K] du fait de la sanction infligée sera réparé par une somme qui ne saurait excéder 100 €, au paiement de laquelle la SA LA REDOUTE sera tenue.

Sur les autres demandes.

Les dispositions de première instance étant infirmées, la SAS LA REDOUTE supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [K] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions de première instance étant confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant la demande de dommages-intérêts de M. [S] [K] et les dépens,

Infirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS LA REDOUTE à payer à M. [S] [K] la somme de 100 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne la SAS LA REDOUTE à payer M. [S] [K] une indemnité de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS LA REDOUTE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Gaetan DELETTREZ

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01039
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.01039 ?
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