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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00914

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 01 décembre 2022, 21/00914


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 01/12/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/00914 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOEC



Jugement (N° 19/01722)

rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTS



Madame [J] [A]

née le 29 mai 1964 à [Localité 12]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]



Monsieur [Y

] [A]

né le 14 septembre 1962 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]



Monsieur [B] [A]

né le 08 août 1955 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 5]



représentés par Me Sophie Andries, avocat au barreau de...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 01/12/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/00914 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TOEC

Jugement (N° 19/01722)

rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTS

Madame [J] [A]

née le 29 mai 1964 à [Localité 12]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [Y] [A]

né le 14 septembre 1962 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [B] [A]

né le 08 août 1955 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 5]

représentés par Me Sophie Andries, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [N] [A]

né le 16 avril 1980 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [T] [X] veuve [A]

née le 28 mai 1957 à [Localité 15]

demeurant [Adresse 10]

[Localité 7]

représentés par Me Hervé Joly, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 15 septembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022 après prorogation du délibéré en date du 17 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 août 2022

****

[G] [A], né le 11 novembre 1931 à [Localité 14], est décédé le 14 novembre 2008 à [Localité 13], laissant pour lui succéder son épouse, [V] [U], et leurs enfants, MM. [S], [B] et [Y] [A], Mmes [J] et [C] [A].

[S] [A] est décédé le 9 avril 2014, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [T] [X] et son fils, M. [N] [A].

[C] [A] est décédée le 15 mars 2016, laissant pour lui succéder sa mère, Mme [V] [U] veuve [A] et ses frères et soeur.

[V] [U], née le 30 janvier 1933 à [Localité 12], est décédée le 22 octobre 2017 à [Localité 5], laissant pour lui succéder MM. [B] et [Y] [A], Mme [J] [A], ainsi que M. [N] [A] et Mme [T] [X] veuve [A] venant en représentation de [S] [A].

Par exploit d'huissier du 16 juillet 2019, M. [N] [A] et Mme [T] [X] veuve [A] ont fait assigner M. [B] [A], M. [Y] [A] et Mme [J] [A] devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins notamment d'obtenir l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de [G] [A] et de [V] [U] veuve [A] et de voir condamner Mme [J] [A] à rapporter à la succession des dons et avantages reçus en avancement d'hoirie et aux peines du recel pour tout ce qu'elle dissimulerait, ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation pour sa jouissance privative de l'immeuble indivis situé [Adresse 8] depuis le décès de sa mère survenu le 22 octobre 2017.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la communauté et des successions de [G] [A] et de [V] [U] veuve [A] ;

- Désigné, pour y procéder, Me [K] [L], notaire à [Localité 5], avec faculté de délégation ne pouvant s'exercer au profit de Maître [I] [D], notaire à [Localité 5] ou au profit de Maître [F], notaire à [Localité 11] ;

- Dit que le notaire commis procéderait pour les besoins de l'établissement de son état liquidatif à une évaluation de l`immeuble dépendant de la communauté et des successions de [G] [A] et de [V] [U] et situé [Adresse 8]) ;

(...)

- Précisé qu'il appartiendrait ainsi au notaire désigné de recueillir les dires de Mme [J] [A] quant à une éventuelle jouissance exclusive du bien, d`obtenir la communication des pièces afférentes, de préciser la valeur locative de l'immeuble afin de fixer la valeur de ces demandes, de recueillir les dires des parties sur ces éléments et plus généralement de recueillir tout élément permettant d'évaluer la valeur vénale du bien immobilier dépendant de la communauté et des successions de [G] [A] et de [V] [U] ;

- Dit que Mme [J] [A] devait rapporter aux successions :

* la somme de 6 097,96 euros issue du don manuel du 08 août 1993 ;

* la somme de 12 195,92 euros issue du don manuel pour le financement de la reconstruction de sa maison ;

* une somme à fixer au titre de l'avantage indirect tiré de l'occupation de la maison dépendant des successions depuis le 15 janvier 1996 ;

- Dit que Mme [J] [A] était redevable à l`indivision au titre de son occupation privative de l'immeuble situé [Adresse 8]) et dépendant des successions de [G] [A] et de [V] [U], d'une indemnité depuis le 22 octobre 2017 ;

- Sursis à statuer sur les demandes relatives :

* au rapport à la succession par Mme [J] [A] de son avantage indirect tiré de l'occupation du bien immobilier du 15 janvier 1996 jusqu'au 22 octobre 2017 ;

* à la fixation de l'indemnité d'occupation due par Mme [J] [A] à compter du 22 octobre 2017 ;

* à la licitation de l'immeuble d'habitation ;

dans l'attente de la fixation de la valeur vénale et locative du bien immobilier d'habitation situé [Adresse 8] ;

- Dit que le notaire commis procéderait à la fixation de la valeur vénale et locative du bien immobilier d'habitation situé [Adresse 8] ;

- Sursis à statuer sur les dépens ;

- Renvoyé sur ce point, l'affaire à la mise en état.

Mme [J] [A], M. [Y] [A] et M. [B] [A] ont formé appel de cette décision et, aux termes de leurs dernières conclusions écrites notifiées par la voie électronique le 25 août 2022, demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ses dispositions relatives aux rapports à succession, à l'indemnité d'occupation mises à la charge de Madame [J] [A] depuis le 22 octobre 2017, ainsi qu'en ses dispositions relatives au sursis à statuer, et statuant à nouveau, de :

- Débouter Mme [T] [X] veuve [A] et M. [N] [A] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions ;

- Les débouter de leurs demandes de rapport à succession ;

- Dire que l'occupation, non exclusive, par Mme [J] [A] de l'immeuble de ses parents de leur vivant n'est pas un avantage indirect rapportable à succession ;

- Dire que Mme [J] [A] n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation depuis le décès de sa mère ;

- Dire que Mme [J] [A] détient une créance sur la succession au titre de l'entretien, l'assurance et la taxe foncière notamment dont le notaire commis devra tenir compte;

- Fixer celle-ci à la somme de 11 429,34 euros a minima sous réserve d'autres justificatifs à produire par Mme [J] [A] ;

- Condamner M. [N] [A] et Mme [T] [X] veuve [A] à payer aux concluants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner également aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 août 2022, M. [N] [A] et Mme [T] [X] veuve [A] demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Dunkerque, de condamner les appelants aux entiers dépens et à leur payer la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé détaillé de l'argumentation des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il sera relevé que le jugement entrepris n'est contesté qu'en ses dispositions relatives aux rapports à la succession des donations et de l'avantage indirect dont aurait bénéficié Mme [J] [A], à l'indemnité d'occupation mise à la charge de celle-ci et au sursis à statuer.

Les dispositions du jugement relatives à l'ouverture des opération de compte, liquidation et partage et à la désignation de Me [K] [L], notaire à [Localité 5] n'ayant pas été frappées d'appel, il ne sera donc pas statué sur ces points.

Sur les demandes de rapport à la succession

Aux termes de l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

* Sur le rapport des donations

Les appelants sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné le rapport par Mme [J] [A] aux successions de [G] [A] et [V] [U] des sommes de 6 097,96 euros et de 12 195,92 euros issues de dons manuels reçus des défunts les 8 août 1993 et 1er janvier 1996.

Ils font valoir d'une part, que Mme [J] [A] a largement dépensé au profit de ses parents de leur vivant les sommes qu'ils lui avaient versées, pour le paiement de courses ou de factures, même si elle n'en a pas gardé les justificatifs et d'autre part, que si l'article 843 du code civil édicte une présomption de caractère rapportable des donations, cela n'exclut pas la possibilité d'apporter la preuve, par tout moyen, de la volonté du donateur de dispenser le gratifié du rapport, ce qui est le cas en l'espèce, ces dons étant intervenus dans le cadre d'une entraide familiale.

M. [N] [A] et Mme [T] [X], intimés, demandent la confirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci a jugé que les dons manuels de 6 097,96 euros et 12 195,92 euros reçus en 1993 et 1996 par Mme [J] [A] de la part de ses parents devaient être rapportés à la succession de M. [G] [A], décédé le 14 novembre 2008. Ils soutiennent à cet effet que Mme [J] [A] n'apporte pas la preuve de ce que ces dons aient été faits expressément hors part successorale.

Ceci étant exposé, pour dispenser du rapport les dons manuels, le donateur n'a pas besoin de recourir à la déclaration expresse visée à l'article 843 précité ; mais il est nécessaire que cette dispense résulte de la volonté nettement établie du donateur, la preuve de cette volonté pouvant être rapportée par tous moyens et le juge pouvant s'appuyer pour la caractériser sur des circonstances extérieures à l'acte.

La cour relève tout d'abord que la matérialité des dons effectués au profit de Mme [J] [A] n'est pas contestée, le premier de ceux-ci ayant été fait sous la forme de trois virements de 20 000, 10 000 et 10 000 francs sur le compte de Mme [J] [A], pour l'aider au financement de l'achat d'un véhicule automobile en 1993 et le second ayant été fait sous la forme d'un virement de la somme de 80 000 francs sur le compte personnel de Mme [J] [A] le 1er janvier 1996, pour l'aider au financement de la reconstruction de sa maison.

Cependant, s'il résulte des nombreuses attestations versées aux débats de membres et proches de la famille que Mme [J] [A] s'est installée au domicile de ses parents avec son fils en 1996 dans le contexte de sa séparation et de son divorce et qu'elle s'est ensuite occupée avec un dévouement remarquable de sa grand-mère, de ses parents et de sa soeur [C], qui vivaient tous dans cette maison, avant leurs décès respectifs, aucune précision et aucun témoignage ne sont apportés quant aux donations manuelles dont l'ont gratifiée ses parents en 1993 et 1996 et quand à une éventuelle volonté de ceux-ci de la dispenser du rapport de ces donations.

Dans ces conditions, la preuve n'étant pas rapportée de ce que les donateurs aient eu l'intention de dispenser Mme [J] [A] du rapport des donations consenties, c'est à juste titre que le premier juge a décidé que lesdites donations devaient être rapportées aux successions de [G] [A] et de [V] [U], son épouse.

La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

* Sur l'avantage indirect

Les appelants sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a dit que Mme [J] [A] devait rapporter aux successions de ses parents une somme à fixer au titre de l'avantage indirect tiré de l'occupation à titre gratuit de la maison de ses parents, dépendant de la succession, depuis le 15 janvier 1996. Ils font valoir d'une part qu'une telle occupation n'a pas le caractère d'une libéralité consentie par les parents de Mme [A], dès lors que ceux-ci ont continué à vivre dans leur maison dont ils avaient donné la nue-propriété à leur fille [C] et qu'ils ne se sont pas appauvris, et d'autre part, que cette occupation n'était pas sans contrepartie puisque Mme [J] [A] s'est occupée avec constance et dévouement de sa grand-mère, de ses parents et de sa soeur [C] jusqu'à leurs décès respectifs survenus successivement en 2003, 2008, 2016 et 2017, en sacrifiant sa vie personnelle.

M. [N] [A] et Mme [T] [X] sollicitent la confirmation de la décision entreprise, arguant que Mme [J] [A] s'est installée dans le logement de ses parents à compter du 15 janvier 1996 avec son époux et son fils dans l'attente de la reconstruction de sa maison et qu'elle y est depuis demeurée, alors que la maison conjugale lui avait été attribuée dans le cadre de son divorce prononcé le 21 mai 1997, préférant louer sa maison pour pouvoir en toucher un loyer. Ils soutiennent que cette occupation gratuite a été consentie à Mme [J] [A] à titre purement libéral par ses parents et sans contrepartie aucune de sa part puisqu'elle continuait à travailler et que c'est sa soeur [C] qui s'occupait de leurs parents au quotidien jusqu'à son décès survenu en mars 2016. Ils font valoir que les attestations produites par les appelants sont de complaisance et concluent que l'avantage indirect résultant de l'hébergement à titre gratuit de Mme [J] [A] par ses parents dans une intention libérale doit être rapportée aux successions de ceux-ci, à hauteur de 650 euros par mois, soit 169 650 euros pour 261 mois d'occupation de janvier 1996 à octobre 2017, date du décès de [V] [U].

Ceci étant exposé, en application de l'article 843 précité, seule une libéralité qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier est rapportable à la succession. Si l'intention libérale n'est pas établie, il n'y a donc pas lieu à rapport de l'avantage indirect résultant de la jouissance gratuite d'un logement.

La cour relève tout d'abord que par acte notarié en date du 18 octobre 1994, les défunts [G] [A] et [V] [U] avaient fait donation à leur fille [C] [A] de la nue-propriété de l'immeuble à usage d'habitation sis n° [Adresse 8], constituant leur résidence principale, en s'en réservant l'usufruit, avec une clause de retour pour le cas où la donataire viendrait à décéder avant eux, de sorte que l'immeuble en question est sorti de leur patrimoine entre le 18 octobre 1994 et le décès d'[C] [A], survenu le 15 mars 2016, avant celui de sa mère le 22 octobre 2017.

En application de la réserve d'usufruit stipulée à leur profit, [G] [A] et [V] [U] ont continué à habiter l'immeuble dont il s'agit jusqu'à leurs décès respectifs et y ont par ailleurs hébergé [P] [U], mère de [V] [U], jusqu'à son décès survenu en 2003, ainsi que leurs deux filles [C] et [J] [A].

Il résulte des multiples attestations versées aux débats par les appelants, que ce soit de membres de la famille, d'amis ou de proches, ainsi que de l'aide à domicile et du kinésithérapeute intervenant dans la famille que pendant la période où elle a résidé chez ses parents, Mme [J] [A] s'est occupée, d'abord avec sa soeur [C] puis toute seule à compter du décès de celle-ci, de leur grand-mère et de leurs parents jusqu'à leurs décès respectifs, en entretenant le logement, veillant à leur confort, assurant l'intendance du foyer, en les assistant les soirs et les nuits en relais des aides de jour et en les accompagnant dans la maladie et la dépendance et ce, au détriment de sa vie personnelle.

Il s'ensuit que [G] [A] et [V] [U] ne se sont pas appauvris en accueillant leur fille [J] à titre gratuit dans leur domicile qu'ils continuaient d'occuper par ailleurs, cet accueil procédant d'une entraide familiale et étant compensé par l'aide apportée au quotidien par leur fille.

Dans ces conditions, la preuve du caractère libéral de cet hébergement à titre gratuit n'étant pas établie, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a retenu que Mme [J] [A] devait rapporter à la succession de ses parents l'avantage indirect tiré de son occupation à titre gratuit de leur logement entre 1996 et octobre 2017.

Sur la demande d'indemnité d'occupation

Les appelants sollicitent l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a dit que Mme [J] [A] était redevable à l'indivision d'une indemnité au titre de son occupation privative de l'immeuble situé [Adresse 8] et dépendant des successions de [G] [A] et [V] [U]. Ils font valoir que [B], [Y] et [J] [A], représentant à eux tous plus des deux tiers des droits indivis, ont convenu que Mme [J] [A] serait dispensée d'une telle indemnité jusqu'à la vente de l'immeuble, celle-ci s'occupant de vider la maison et de l'occuper pour éviter qu'elle ne soit vandalisée dans l'attente de sa vente.

M. [N] [A] et Mme [T] [X] sollicitent la confirmation de la décision entreprise.

Ceci étant exposé, aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Par ailleurs, l'article 815-3 dudit code dispose que le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration; 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

L'acte par lequel les coindivisaires acceptent de dispenser l'un d'entre eux de l'indemnité due pour l'usage ou la jouissance privative de la chose indivise s'analyse en une convention de prêt à usage, laquelle ne fait pas partie des actes pouvant être autorisés par un ou des indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis, ne pouvant s'analyser en un simple acte d'administration ou en un bail et s'agissant d'un acte de nature à entraîner un manque à gagner pour l'indivision.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [J] [A] a occupé l'immeuble indivis dépendant de la succession de [V] [U], depuis le décès de celle-ci le 22 octobre 2017 jusqu'à la vente de l'immeuble.

S'il résulte des écrits des 25 août et 15 septembre 2018 de MM. [B] et [Y] [A] que ceux-ci ont consenti à l'occupation de l'immeuble indivis par leur soeur [J] sans aucune contrepartie, tel n'est pas le cas de [N] [A] et [T] [X].

Dès lors, en l'absence d'accord unanime des indivisaires pour une occupation à titre gratuit par Mme [J] [A] de l'immeuble indivis dépendant de la succession de [V] [U], il convient de dire qu'elle sera redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 22 octobre 2017 jusqu'à la date de la vente de l'immeuble, laquelle sera fixée par le notaire en référence à la valeur de l'immeuble telle qu'elle résulte de la vente de celui-ci.

Sur le sursis à statuer

L'immeuble indivis ayant été vendu, ainsi qu'il résulte des conclusions de MM. [B] et [Y] [A] et de Mme [J] [A], le sursis à statuer dans l'attente de l'évaluation de l'immeuble n'apparaît plus justifié.

La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce que le tribunal a sursis à statuer sur les demandes relatives au rapport à la succession par Mme [J] [A] de son avantage indirect tiré de l'occupation du bien immobilier du 15 janvier 1996 jusqu'au 22 octobre 2017, à la fixation de l'indemnité d'occupation due par Mme [J] [A] à compter du 22 octobre 2017 et à la licitation de l'immeuble d'habitation dans l'attente de la fixation de la valeur vénale et locative du bien immobilier d'habitation situé [Adresse 8] (59 240).

Sur la demande de créance sur la succession

Aux termes de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

MM. [B] et [Y] [A] et Mme [J] [A] demandent la fixation au profit de Mme [J] [A] d'une créance sur la succession d'un montant de 11 429,34 euros au titre de l'entretien, l'assurance et la taxe foncière de l'immeuble indivis dont elle s'est acquittée depuis le décès de [V] [U].

M. [N] [A] et Mme [T] [X] indiquent ne pas s'opposer à une telle fixation de créance, sous réserve de vérification.

Il résulte des pièces n°12 à 27 des appelants que Mme [J] [A] justifie s'être acquittée, pour le compte de l'indivision successorale, des sommes suivantes :

- 72,94 euros au titre de frais funéraires pour [V] [U] (facture [H]),

- 182,50 euros au titre de frais funéraires (facture la serre fleurie du 23 octobre 2017),

Elle ne justifie en revanche pas du paiement des diverses autres factures qu'elle produit au débat.

Dans ces conditions, il convient de fixer en l'état sa créance sur la succession à la somme de 255,44 euros, étant précisé que pour toute autre fixation de créance, il lui appartiendra d'en apporter les justificatifs de paiement au notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage de la succession.

Sur les autres demandes

Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Par ailleurs, compte tenu de la nature et de l'issue du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Dit que Mme [J] [A] devait rapporter aux successions de [G] [A] et [V] [U] veuve [A] :

* la somme de 6 097,96 euros issue du don manuel du 08 août 1993 ;

* la somme de 12 195,92 euros issue du don manuel du 1er janvier 1996 pour le financement de la reconstruction de sa maison ;

- Dit que Mme [J] [A] était redevable à l`indivision, au titre de son occupation privative de l'immeuble situé [Adresse 8]) et dépendant des successions de [G] [A] et de [V] [U], d'une indemnité depuis le 22 octobre 2017 ;

L'infirme en ce qu'elle a :

- Dit que Mme [J] [A] devait rapporter aux successions de ses parents une somme à fixer au titre de l'avantage indirect tiré de l'occupation de la maison dépendant des successions depuis le 15 janvier 1996 ;

- Sursis à statuer sur les demandes relatives :

* au rapport à la succession par Mme [J] [A] de son avantage indirect tiré de l'occupation du bien immobilier du 15 janvier 1996 jusqu'au 22 octobre 2017 ;

* la fixation de l'indemnité d'occupation par Mme [J] [A] à compter du 22 octobre 2017 ;

* la licitation de l'immeuble d'habitation ;

dans l'attente de la fixation de la valeur vénale et locative du bien immobilier d'habitation situé [Adresse 8] ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

- Déboute M. [N] [A] et Mme [T] [X] de leur demande de rapport formée à l'encontre de Mme [J] [A] au titre de l'avantage indirect tiré de l'occupation de la maison dépendant des successions de [G] [A] et [V] [U] depuis le 15 janvier 1996 ;

- Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

Y ajoutant,

- Fixe en l'état la créance de Mme [J] [A] sur la succession de [V] [U] à la somme de 255,44 euros au titre de frais funéraires ;

- Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,

- Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/00914
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00914 ?
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