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25/11/2022 | FRANCE | N°21/00521

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 25 novembre 2022, 21/00521


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1664/22



N° RG 21/00521 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRZE



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

23 Mars 2021

(RG F19/00363 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. AMBULANCES DE LA PISCINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me LAURET, avocat au barre...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1664/22

N° RG 21/00521 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TRZE

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

23 Mars 2021

(RG F19/00363 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. AMBULANCES DE LA PISCINE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me LAURET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean-Louis JALADY, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉ :

M. [N] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Cindy DENISSELLE-GNILKA, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 28 Septembre 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 Septembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

Après avoir cédé ses parts dans la société AMBULANCES DE LA PISCINE à la constitution de laquelle il avait participé, [N] [L] a été embauché par contrat de travail verbal à compter du 1er octobre 2007 en qualité d'ambulancier.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 2019, la société l'a mis en demeure de communiquer un certificat médical pouvant justifier son absence consécutive à son refus d'effectuer un transport à 18h35 d'[Localité 5] vers la commune de [Localité 6]. Elle l'a ensuite convoqué par lettre remise en main propre le 8 août 2019 à un entretien le 30 août 2019 en vue d'une mesure de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 septembre 2019.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous êtes, en votre qualité de salarié ambulancier diplômé d'Etat CCA, en lien avec différents acteurs du transporteur sanitaire, et notamment les services supports qui, dans le cadre de l'organisation, sont vos interlocuteurs naturels et habituels pour la réalisation de vos missions.

Monsieur, nous avons également été informés à plusieurs reprises de propos inappropriés de votre part à l'encontre du personnel féminin, et d'attitudes qui vous mettent en marge de vos obligations contractuelles et professionnelles, et qui emportent votre responsabilité.

Ainsi, et à plusieurs reprises, vous avez refusé de suivre les consignes qui vous ont été données par les secrétaires ou régulatrices. En effet, le 30 juillet 2019, vous avez eu une altercation avec Mme [E] [B], régulatrice, qui vous avait rappelé que vous deviez réaliser un transport, et vous a indiqué de vous mettre en route immédiatement pour éviter d'être en retard sur la prise en charge.

Vous lui avez alors indiquée avoir laissé votre PDA (outil d'information) dans l'ambulance contrairement aux pratiques en la matière et vous lui avez crié que : « Ce n'est pas une gamine qui allait vous donner des ordres »,

Votre attitude et vos propos ont conduit Mme [E] [B] a quitté son poste et à sortir des locaux.

De même, le 04 août 2019 alors que vous étiez de garde, vous avez refusé d'exécuter une mission que la secrétaire vous aviez attribuée. Vous avez précisé à la secrétaire que vous n'iriez pas faire ce transport, et vous avez quitté votre poste sans autre explication.

De surcroît, le 08 août 2019, alors que vous vous trouviez dans le bureau administratif [Adresse 7] là où se trouve l'ensemble des secrétaires, vous étiez en communication sur votre téléphone portable, et avez tenu des propos à mon égard, devant plusieurs salariés, en hurlant au téléphone :

«il pourra dire merci à ses petites secrétaires, parce que son entreprise va fermer, je vais aller aux Prudhommes, il peut aller se faire foutre ... ».

Vous hurliez au téléphone, de sorte que le personnel - et notamment les secrétaires ouvertement visées par vos propos- ont dû fermer les portes de leurs bureaux afin de pouvoir continuer à prendre les appels et poursuivre leurs missions.

Compte tenu de ce comportement, qui a désorganisé et perturbé le travail des salariées présentes, je vous ai notifié votre mise à pied conservatoire .et nous avons tenté de vous remettre une convocation à entretien préalable avec rappel de la mise à pied à titre conservatoire.

Vous avez refusé de vous conformer à mes directives, alors même qu'on vous avait indiqué verbalement votre mise à pied à titre conservatoire et vous avez utilisé du matériel professionnel malgré les instructions que je vous ai données.

Votre comportement et vos propos, notamment à l'encontre de Mme [B] [E], sont autant de manquements graves et répétés à vos obligations professionnelles, et constituent un comportement intolérable et inadmissible qui ne peut perdurer.

Enfin, les propos que vous avez tenus à mon égard, ne me permettent pas non plus d'envisager la poursuite de votre contrat de travail, et ce y compris durant le temps limité d'un préavis.

La présente constitue ainsi la notification de votre licenciement pour faute grave qui prend effet à la date d'envoi de cette lettre.»

 

A la date de son licenciement, [N] [L] était assujetti à la convention collective des transports routiers et percevait, au cours de trois derniers mois précédant son licenciement, un salaire mensuel brut moyen de 3797,56 euros. L'entreprise employait de façon habituelle moins de onze salariés.

Par requête reçue le 18 octobre 2019, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lens afin d'obtenir des rappels de salaire, d'indemnité et de primes, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 23 mars 2021, le Conseil de Prud'hommes a dit que la lettre du 7 août 2019 constituait une sanction disciplinaire, l'a annulée, a dit que le licenciement de [N] [L] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à lui verser

- 1000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive

- 4219,42 euros bruts au titre de la mise à pied conservatoire

- 421,94 euros à titre de congés payés afférents

- 11389,68 euros bruts à titre d'indemnité de préavis

- 1138,96 euros bruts à titre de congés sur préavis

- 12024,68 euros nets à titre d'indemnité de licenciement

- 37975,60 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 181,63 euros bruts à titre de rappel de salaires

- 10,91 euros bruts à titre de rappel de prime d'ancienneté

- 19,25 euros bruts à titre de congés payés afférents

- 2876,77 euros bruts à titre de solde de congés payés

- 101,85 euros bruts à titre de prime de dimanche

- 10,18 euros bruts à titre de congés payés afférents

- 910,35 euros bruts à titre d'indemnité de repas

- 346,98 euros bruts à titre de jours fériés

- 502,53 euros bruts à titre de rappel de salaires

- 4105,15 euros bruts à titre d'heures supplémentaires à 25%

- 7788,13 euros bruts à titre d'heures supplémentaires à 50%

- 1274,27 euros bruts à titre de congés payés afférents sur les jours fériés, sur les heures normales et sur les heures supplémentaires de 25% et 50%

- 317,07 euros bruts à titre d'indemnité pour dépassement de l'amplitude journalière

- 2000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens.

Le 16 avril 2021, la société AMBULANCES DE LA PISCINE a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 20 septembre 2022 la procédure a été clôturée. L'audience des plaidoiries a été fixée au 28 septembre 2022.

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 12 juillet 2021, la société AMBULANCES DE LA PISCINE sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'intimé à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose que la lettre en date du 7 août 2019, adressée à l'intimé, n'avait ni pour objet de lui reprocher diverses erreurs ni de le mettre en demeure d'apporter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui étaient attribués, qu'elle avait pour finalité de recueillir ses explications sur son absence, et constituait une mise en demeure d'avoir à fournir les justificatifs de cette absence, qu'elle ne constitue qu'une mesure «d'instruction», ne pouvant s'analyser en une sanction, que le licenciement de l'intimé est justifié par des éléments constitutifs d'une faute grave, que le 4 août 2019 et alors qu'il était en poste, il a refusé d'effectuer une mission qui lui été confiée, à savoir un transport à 18h35, qu'il a quitté son poste de travail sans avertir son employeur et sans fournir la moindre explication ni le moindre justificatif, que cet abandon de poste par l'intimé, alors de garde le dimanche 4 août 2019, a indéniablement engendré une désorganisation importante au sein de la société et caractérise, au regard des circonstances, un acte d'insubordination, qu'il a entraîné un retard important dans la prise en charge du patient qui se trouvait au centre hospitalier d'[Localité 5], que la note de service en date du 1er juillet 2019 avait pour but de prévenir le personnel des principales modifications en raison de l'application de l'accord du 16 juin 2016, que si la société fait état de ses difficultés économiques au sein de cette lettre, elle ne fait nullement part de son intention de réduire sa masse salariale, que le 30 juillet 2019, l'intimé a eu une altercation avec [B] [E], régulatrice, alors que cette dernière lui avait simplement rappelé la mission qu'il devait effectuer, que face à l'agressivité de ce dernier, elle a été contrainte de quitter son poste et les locaux de la société eu égard à son état de stress, que le 8 août 2019, alors qu'il se trouvait dans le bureau administratif où travaille l'ensemble des secrétaires, à l'occasion d'une communication avec son épouse sur son téléphone portable, l'intimé a tenu des propos dénigrants à l'égard de son employeur en hurlant afin que sa conversation soit entendue par l'ensemble des salariés présents, que les attestations qu'il produit proviennent essentiellement de la patientèle ou d'accompagnants de cette dernière, qu'en revanche, la société verse aux débats des attestations de salariées ayant été personnellement et directement témoins et victimes du comportement fautif de ce dernier, que sur les demandes accessoires, l'intimé ne produit aucun élément de preuve pertinent à l'appui de ses prétentions portant sur des rappels de salaire, d'heures supplémentaires, de primes, d'indemnités de déplacement et de repas.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 2 février 2022, [N] [L], intimé, sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelante à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimé soutient que la lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 2019 lui imputant une faute commise dans l'exercice de ses missions constitue une sanction disciplinaire, qu'il lui est reproché dans la lettre de licenciement d'avoir tenu le 30 juillet 2019 des propos et adopté une attitude inappropriés à l'égard du personnel féminin, d'avoir refusé, le 4 août 2019 à 18 heures 35, d'effectuer un transport d'[Localité 5] à [Localité 6] d'avoir, le 8 août 2019, hurlé au téléphone des propos contre le gérant de la société, de ne pas avoir respecté la mise à pied conservatoire, que sont prescrits les deux premiers griefs, qu'en outre la lettre du 7 août s'analysant en une sanction disciplinaire, elle a eu pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de la société pour tous les faits antérieurs, qu'en toute hypothèse, les griefs allégués au soutien du licenciement ne constituent pas une faute grave, qu'en douze ans de présence dans l'entreprise, il n'a jamais eu le moindre antécédent disciplinaire, que son licenciement est dicté par la volonté du nouveau gérant de réaliser une économie sur la masse salariale en raison des difficultés financières rencontrées par la société, qu'une note transmise le 1er juillet 2019 aux membres du personnel, fait état d'une «baisse significative du chiffre d'affaires» et de «difficultés financières» de l'entreprise, que le 4 août 2019 à 18 heures 35, sa journée de travail était terminée, qu'il n'a commis aucun abandon de poste, qu'il produit aux débats de multiples attestations qui font état de son comportement exemplaire, que l'appelante ne démontre pas en quoi il n'aurait pas respecté la mise à pied conservatoire qui lui a été imposée ni même en quoi ce prétendu manquement constituerait une quelconque faute grave, que son licenciement est intervenu dans des conditions soudaines et vexatoires quelques mois à peine après le rachat de ses parts sociales, ce qui caractérise l'intention malveillante du repreneur à son égard, que le taux horaire de son salaire a été réduit de 23,93 euros à 23,57 euros à compter du mois de mai 2019 ce qui représente un manque à gagner de 181,63 euros, que ce manque à gagner a également eu une incidence sur le calcul de la prime d'ancienneté, qu'il verse aux débats les décomptes des différentes sommes qui lui sont dues par la société et qui lui ont été allouées par les premiers juges.

MOTIFS DE L'ARRÊT

 

Attendu qu'aux termes de l'article L1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ;

Attendu que la lettre du 7 août 2019 constitue une simple mise en demeure adressée par la société à l'intimé de communiquer dans les vingt-quatre heures un certificat médical pour justifier son absence le dimanche 4 août 2019 conformément à l'article 15 de la convention collective applicable ; que la communication de cette pièce était susceptible de conditionner la régularité de l'absence déplorée par l'employeur ; que n'étant qu'une simple mesure d'instruction, cette mise en demeure ne saurait donc être assimilée à une sanction, telle que prévue par les dispositions légales précitées ;

Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les griefs y énoncés sont, le 30 juillet 2019, une altercation avec [B] [E], régulatrice, le 4 août 2019, un refus d'effectuer un transport d'[Localité 5] à [Localité 6], le 8 août 2019, des propos déplacés envers le gérant de la société, et enfin le non-respect de la mise à pied conservatoire ;

Attendu sur le grief relatif au refus d'effectuer un transport, que la lettre de mise en demeure du 7 août 2019 visant ce refus ne constituant pas une sanction, le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'était pas épuisé ; que l'appelante produit un compte-rendu rédigé le 26 août 2019 par [I] [C], de garde téléphonique, qui rapporte que le dimanche 4 août 2019 à 18 h 25, alors qu'elle avait contacté l'intimé en vue d'effectuer un transport à partir du centre hospitalier d'[Localité 5], celui-ci avait refusé d'accomplir ce travail au motif qu'il avait fini sa journée à 18 heures et qu'il devait rentrer à son domicile où l'attendaient des invités ; qu'elle ajoutait qu'elle avait dû avertir l'hôpital du retard occasionné par cette situation et que ce transport a été réalisé par une autre entreprise, Axial ambulance ; que pour justifier son refus, l'appelant communique un certificat médical non daté délivré par le docteur [S] [H], constatant que l'état de santé de son patient ne lui avait pas permis d'effectuer une garde commerciale le 4 août 2019 à 18h 35 ; que ce certificat ne saurait être pris en considération, dans la mesure où l'intimé n'explique pas pourquoi son état de santé n'avait connu des défaillances qu'à compter de cette heure alors qu'il avait pu jusque-là assurer sans difficulté son service ; qu'en revanche, il n'est communiqué par l'appelante aucune pièce de nature à démontrer que ce service se poursuivait au-delà de 18 heures le dimanche 4 août 2019, alors que l'intimé a justifié également son refus par la fin de son service, soulignant dans son courrier en réponse du 8 août 2019 que celui-ci était habituellement prévu de 10 heures à 18 heures et reprenant cette justification durant l'entretien préalable, comme le fait apparaître le compte-rendu rédigé par [Z] [M], conseiller du salarié ; que la société n'aborde d'ailleurs pas dans ses écritures cet argument opposé par l'intimé ; que ce premier grief n'est donc pas caractérisé ;

Attendu, sur les propos déplacés à l'encontre du gérant, tenus devant le personnel et le non-respect de la mise à pied conservatoire, que l'appelante ne produit aucune pièce de nature à démontrer les propos reprochés alors qu'ils étaient censés avoir été tenus devant des salariés qui pouvaient en attester la teneur ; qu'il en est de même de l'utilisation du matériel de l'entreprise durant la période de mise à pied conservatoire, dont l'appelante ne précise ni la nature ni l'usage qui en avait été fait au mépris de cette mesure ;

Attendu sur le grief relatif à l'altercation avec [B] [E], que celui-ci repose sur une lettre datée du 30 juillet 2019 adressé par la salariée à [Y] [C], gérant de la société, et sur un courriel du 27 août 2019 transmis par [G] [T] ; que l'attitude reprochée se limite à un emportement de l'intimé à la suite d'une réflexion de [B] [E] l'invitant à partir au plus tôt avec son ambulance pour éviter d'être en retard pour effectuer le transport assigné ; que cet emportement a consisté, selon le témoin, à lui objecter en hurlant que «ce n'était pas une gamine qui allait lui donner des ordres» ; que l'intimé aurait tenu d'autres propos désobligeants que le témoin ne rapporte pas ; que cet incident ne semblait pas revêtir une importance particulière aux yeux d'[G] [T] puisqu'elle ne l'a rapporté par courriel à son employeur que le 27 août 2019, soit près d'un mois après sa survenance mais trois jours avant l'entretien préalable ; que l'intimé, qui nie avoir tenu les propos qui lui sont reprochés, produit par ailleurs des attestations de [X] [J], d'[K] [A], anciens collègues de travail et de patients qui assurent tous n'avoir jamais constaté la tenue par ce dernier de propos déplacés envers le personnel de la société ; qu'au demeurant les faits reprochés, qui ne sont que la manifestation d'un certain agacement face à des recommandations pressantes qui ne paraissaient pas justifiées, ne sont pas suffisants à eux seuls pour légitimer un licenciement ;

Attendu en conséquence que le licenciement de l'intimé est bien dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu sur les rappels de salaire qu'il résulte de la comparaison entre les différents bulletins de paye versés aux débats que le taux horaire de l'intimé, jusque-là de 23,934 euros, a été ramené à 23,570 euros à compter du mois de mai 2019 ; que l'appelante ne fournit dans ses écritures aucune explication à cette diminution, entraînant une réduction du salaire de 181,63 euros bruts ; que par ailleurs l'intimé produit un récapitulatif de chaque chef de demande comprenant un calcul précis des différents rappels dus au titre de la majoration pour ancienneté, du reliquat d'indemnité de congés payés en septembre 2019, de la prime pour cinq dimanches travaillés, des indemnités de repas, et d'un reliquat au titre d'un jour férié ; que l'appelante se borne à les rejeter sans opposer d'argument précis ;

Attendu en application de l'article L3174-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Attendu que l'intimé ne fournit aucun élément suffisamment précis tant sur les heures de travail non rémunérées que sur les heures supplémentaires devant être rémunérées à 25 % et à 50 % ; qu'il les évalue dans son décompte, sans autre explication, respectivement à 21 heures, 137,25 et 217 heures ; que l'appelante n'est donc pas en mesure de répondre utilement à sa demande ; qu'il en est de même de l'indemnité sollicitée au titre du dépassement de l'amplitude horaire, évalué à 13,25 heures ; qu'il convient en conséquence de débouter l'intimé de sa demande au titre des heures de travail normal, des heures supplémentaires et du dépassement de l'amplitude journalière ;

Attendu qu'il n'existe pas de contestation sur le montant des différentes sommes allouées par les premiers juges au titre du rappel de salaire, par suite de la mise à pied conservatoire devenue sans objet, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement, la société, qui considérait que la faute grave était caractérisée, n'en discutant que le principe ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail qu'à la date de son licenciement l'intimé était âgé de 43 ans et jouissait d'une ancienneté de près de douze années au sein de l'entreprise ; qu'il ne produit aucune pièce justifiant d'éventuelles recherches d'emploi après la rupture de son contrat de travail et la perception d'allocations de chômage ; que toutefois, il a été privé soudainement de toute rémunération à la suite de la mise en 'uvre d'une mise à pied conservatoire dépourvue de toute justification et de l'engagement d'une procédure pour une faute grave non caractérisée ; que l'intimé a bien subi un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 22785 euros ;

 

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société AMBULANCES DE LA PISCINE à verser à [N] [L] 22785 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE [N] [L] de sa demande au titre d'une sanction abusive, des heures de travail normal, des heures supplémentaires, des congés payés y afférents et du dépassement de l'amplitude journalière,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris,

 

CONDAMNE la société AMBULANCES DE LA PISCINE à verser à [N] [L] 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00521
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;21.00521 ?
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