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25/11/2022 | FRANCE | N°20/01171

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 25 novembre 2022, 20/01171


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1973/22



N° RG 20/01171 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7RW



GG/SST

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

12 Mars 2020

(RG 18/00008 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [N] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.R.L. ENTREPRISE B [Y]

[Adresse 2]

[Locali...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1973/22

N° RG 20/01171 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7RW

GG/SST

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

12 Mars 2020

(RG 18/00008 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [N] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Stéphane DUCROCQ, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.R.L. ENTREPRISE B [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Laurence GUEY-BALGAIRIES, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 14 Septembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 24 août 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SARL ENTREPRISE B. [Y] a engagé M. [N] [X], né en 1986, suivant contrat à durée déterminée du 28/08/2012 en qualité de maçon carreleur, niveau III, coefficient 230, de la convention collective des ouvriers du bâtiment. La relation de travail s'est ensuite poursuivie pour une durée indéterminée.

L'employeur a procédé à une déclaration d'accident du travail le 22/12/2017, pour un fait du 19/12/2017. Le salarié a ensuite été placé en arrêt de travail.

Suivant requête reçue le 22/01/2018, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Douai d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, et de diverses demandes indemnitaires relatives à l'exécution et à la rupture de la relation de travail.

Le médecin du travail a constaté le 24/04/2018 l'inaptitude en un seul examen de M. [X] au poste de maçon carreleur, indiquant que tout maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Par lettre du 18/05/2018, l'employeur a notifié le licenciement en raison de l'inaptitude du salarié et de l'impossibilité de le reclasser.

Par jugement du 12/03/2020, le conseil de prud'hommes a :

-dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [N] [X] aux torts de l'employeur ;

-condamné la SARL B. [Y] à payer à Monsieur [N] [X] la somme de 900 euros à titre de rappel de salaires ;

-débouté Monsieur [N] [X] du surplus de ses demandes ;

-débouté la SARL B. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exercice d'une activité concurrente ;

-dit que conformément à l'article 1231-7 du code civil, la condamnation prononcée emportera intérêts au taux légal à compter du 1er février 2018, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la SARL B. [Y] pour toutes les sommes de nature salariale, et à compter du jour du jugement pour toutes les autres sommes et ce, jusqu'à paiement complet ;

-ordonné la capitalisation des intérêts ;

-rappelé qu'en application des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail la présente décision est exécutoire par provision de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire pour les sommes visées à l'article R.1454-14 du code du travail calculés sur la base du salaire moyen des trois derniers mois ;

-fixé la moyenne des salaires des trois derniers mois à la somme de 2.281,25 euros bruts ;

-débouté les parties de leurs demandes aux frais irrépétibles ;

-laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Suivant déclarations des 20 et 22 mai 2020, M. [X] a régulièrement interjeté appel du jugement précité.

Par décision du 02/09/2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de la procédure inscrite sous le numéro RG 20/1191 avec celle inscrite sous le numéro 20/1171.

Selon ses conclusions reçues le 29/04/2021, M. [N] [X] demande à la cour de :

-réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire et de sa demande de dommages et intérêts pour sanction pécuniaire illicite ;

-condamner la SARL B. [Y] au paiement de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

-condamner la SARL B. [Y] au paiement de 3.065,43 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

-condamner la SARLB. [Y] au paiement de 4.562,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 456,25 € de congés payés y afférents ;

-condamner la SARL B. [Y] au paiement de 13.687,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-A titre subsidiaire, condamner la SARL B. [Y] au paiement de :

-3.340,67 € à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

-4.562,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-456,25 € à titre de congés payés y afférents.

-débouter la SARL B. [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner la SARL B. [Y] au paiement de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon ses conclusions d'intimée reçues le 16/03/2021, la société Entreprise B. [Y] demande à la cour de :

-Sur la rupture du contrat de travail :

-confirmer le jugement déféré du 12 Mars 2020 en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de résiliation judiciaire et des demandes indemnitaires subséquentes ainsi que de sa demande subsidiaire au titre de l'indemnité de licenciement pour inaptitude ;

-confirmer que la société ENTREPRISE B. [Y] n'a pas manqué à ses obligations vis-à-vis de M. [X] ;

-en conséquence,

-dire qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [X] aux torts de l'employeur ;

-débouter M. [X] de ses demandes financières correspondantes (indemnités de préavis, de congés payés y afférents, légale de licenciement, dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) ;

-constater que Monsieur [X] a perçu une indemnité légale de licenciement de 3.340,67 € ;

-débouter M. [X] de ses demandes subsidiaires au titre de son licenciement pour inaptitude, cette dernière ne trouvant pas son origine dans l'accident de travail,

Sur les rappels de salaires :

-réformer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société B. [Y] au paiement de la somme de 900 € à titre de rappel de salaires ;

-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;

-débouter M. [X] de ses demandes de paiement de rappels de salaires ;

-débouter M. [X] de sa demande de paiement d'indemnité de congés payés y afférents ;

-débouter M. [X] de l'indemnité de dommages-intérêts ;

En tout état de cause :

-réformer le jugement en ce qu'il a débouté la société B. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour exercice d'une activité concurrente ;

-condamner à titre reconventionnel M. [X] à 10.000 € de dommages et intérêts pour violation de son interdiction d'exercer une activité concurrente pendant le cours du contrat ;

-condamner M. [X] à payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner M. [X] aux entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 24/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande de rappel de salaire

L'appelant explique qu'il était contraint de porter une tenue imposée par son employeur, lequel retenait 25 € par mois sur son salaire pour des frais de nettoyage, qu'en raison d'allergies il nettoyait lui même sa tenue mais que l'employeur a continué à déduire la somme mensuelle de 25 €, qu'il s'agit d'une sanction pécuniaire illicite, que les documents versés par l'employeur sont postérieurs à l'instance.

L'intimée réplique qu'aucune tenue vestimentaire n'est imposée, que les salariés ont cependant la possibilité de bénéficier du contrat ELIS comprenant un pantalon et une veste marquée au nom de la société, auquel ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R4321-4 et R4323-95 du code du travail, que ces vêtements sont portés sur la base du volontariat, que cette mise à disposition comprend la location des tenues et leur nettoyage.

Il est de principe, en vertu des articles L1221-1 du code du travail et 1194 du code civil modifié, que les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.

Les bulletins de paie versés par l'appelant font apparaître la déduction mensuelle de la somme de 25 € à titre de frais nettoyage pour les années 2015, 2016 et 2017.

C'est par une argumentation pertinente que la cour fait sienne que le premier juge a estimé que le port d'une tenue de travail était imposé par l'employeur. La cour ajoute que l'employeur a eu recours aux services de l'entreprise de nettoyage Elis, qui a assuré le nettoyage des équipements individuels de protection mais également des pantalons du salarié, à 6 reprises pour l'année 2016. Ce contrat, résilié par lettre du 28/12/2017, portait sur un « abonnement habillement service mensuel » et un « abonnement sanitaire service mensuel ». Le prélèvement mensuel systématique de la somme de 25 € démontre que le port d'une tenue a été imposé par l'employeur. C'est donc vainement que celui-ci produit les attestations de plusieurs salariés, dont le contenu doit être examiné avec circonspection compte tenu du lien de subordination. Enfin, le document du 05/09/2018 signé par plusieurs salariés par lequel ces derniers confirment leur « volonté de bénéficier des EPI en ce qui concerne la location des vêtements (pantalons et vestes) ainsi que leur entretien par l'établissement ELIS » et précisant in fine être conscients de leur « droit à mettre un terme à tout moment au contrat par demande écrite » montre que tel n'était pas le cas durant l'exécution de la relation de travail. L'appelant est donc fondé en sa demande de rappel de salaire de la somme de 900 €. Le jugement est confirmé.

Cette somme n'ouvre pas droit à congés payés, comme l'a relevé le premier juge, étant déduite du salaire net du salarié. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour sanction pécuniaire illicite

L'appelant fonde sa demande sur les dispositions de l'article L1331-2 du code du travail. L'intimée réplique que la retenue correspond à des frais de nettoyage, et qu'il n'est pas justifié d'un préjudice.

En vertu de l'article L1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite.

Force est de constater que la retenue correspondant à des frais de nettoyage, ne constitue pas une sanction pécuniaire, aucun élément ne démontrant que par ce moyen, l'employeur a souhaité sanctionner le salarié. La demande est rejetée et le jugement est confirmé.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

L'appelant expose avoir travaillé à plusieurs reprises sur des chantiers contenant de l'amiante, et a été conduit en particulier à désamianter des chantiers et à broyer des tôles contenant de l'amiante avant de les enfouir dans le sol, qu'il n'est pas démontré que la société n'intervenait que sur des chantiers désamiantés, que le rapport du cabinet Adexim sur un chantier à [Localité 6] fait état de la présence d'amiante, qu'il est intervenu sur ce chantier pour procéder au remplacement des tuiles en fibrociment, que M. [K] atteste que l'employeur leur a fait manipuler de l'amiante pendant plusieurs années, que les attestations versées par l'employeur manquent d'objectivité comme émanant de salariés et de la cousine de M. [Y], qu'il verse des photographies d'autres sites, enfin que le démontage de l'amiante peut figurer sur une autre facture voire de façon non déclarée.

L'intimée explique faire systématiquement appel à des sociétés agréées pour le désamiantage, que le salarié ne démontre pas avoir été exposé à l'amiante, que s'agissant du dossier de Mme [A] aucun désamiantage n'a été facturé, le client ayant procédé au démontage par ses propres moyens, que l'appelant n'est pas présent sur les photographies produites, qu'au surplus les plaques actuelles présentent le même aspect que les anciennes plaques avec fibro-ciment, que le témoin M. [K] est le compagnon de la s'ur du salarié, que l'appelant ne démontre aucunement avoir procédé à l'enfouissement illégal de plaques d'amiante.

Sur ce, en application des articles 1224 du code civil et L.1231-1 du code du travail, le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l'employeur en rendant la poursuite impossible.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

Pour preuve des griefs allégués, l'appelant verse les éléments qui suivent :

-un dossier de diagnostic technique du 29/10/2015 pour un immeuble sis [Adresse 5], faisant état de produits et matériaux contenant de l'amiante, en particulier des tôles en fibrociment en état dégradé contenant de l'amiante notamment sur la totalité des murs extérieurs,

-les plans dits « projet de conception générale » pour la rénovation d'un immeuble appartenant à Mme [Z] [A],

-diverses photographies non datées montrant la manipulation de plaques et de travaux en couverture,

-des photographies d'un terrain avec la mention manuscrite « tôles broyées »,

-une attestation de M. [G] [K] indiquant avoir travaillé pour M. [Y] du 14/06/2015 au 15/10/2019, que ce dernier « nous a fait démonter régulièrement et pendant plusieurs années de l'amiante sans protection et sans formation et même que notre collègue M. [X] [N] étant qualifié comme maçon carreleur était obligé de venir avec nous pour démonter l'amiante ».

En dépit de ces pièces, et ainsi que l'a retenu le premier juge, l'appelant qui réitère son argumentation de première instance n'établit pas le grief allégué.

Ainsi la production d'un diagnostic technique amiante ne suffit pas à établir que M. [X] est intervenu ensuite sur ce chantier à [Localité 6], [Adresse 5], pour ôter et remplacer les plaques en fibrociment. S'agissant du chantier de Mme [A], la facture du 22/09/2017 ne fait pas apparaître de prestation de désamiantage. Sur ce point, la cour ne peut pas se contenter d'allégations non démontrées sur le fait que la facturation aurait été faite à part, voire « au black ». En outre, l'employeur verse des attestations de salariés, examinées avec circonspection compte-tenu du lien de subordination (M. [I], M. [C]) attestant que M. [X] n'est pas intervenu sur le chantier de Mme [Z] [A], cette dernière attestant « avoir débarrassé par nos propres moyens la tôle ethernit et l'ancienne toiture », ce que confirme Mlle [T] [A], ces attestations étant examinées avec circonspection compte-tenu du lien économique les liant à l'employeur. S'agissant des photographies versées par le salarié, les tôles en couverture paraissent être de fibrociment. Toutefois, ces photographies ne sont pas datées, les lieux des chantiers ne sont pas précisés, et aucune certitude ne permet d'en attribuer la réalisation à la société B. [Y]. Au demeurant, celle-ci verse un courriel du 19/02/2018 de M. [W] expert d'assurance faisant part de sa surprise quant aux interrogations relatives « à vos interventions sur la reconstruction après sinistre qui peut vous être confié par des assurés », expliquant, qu'un diagnostic amiante est effectué, puis qu'une société de désamiantage agréée intervient ensuite. Les photographies de déchets en campagne ne sont pas plus exploitables. Enfin, l'attestation de M. [K] est insuffisamment circonstanciée pour établir de façon catégorique les faits relatés, faute de précision quant aux lieux et dates de réalisation des chantiers effectuées. Il n'est donc pas possible au regard de ces éléments d'aller au delà d'une interrogation quant à la pratique professionnelle de l'entreprise B. [Y]. Les griefs ne sont pas établis. La demande de résiliation judiciaire est rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur la contestation du licenciement

L'appelant indique avoir été placé en arrêt maladie à la suite d'un accident du travail, qu'il n'a jamais repris son emploi, que par conséquent l'inaptitude est d'origine professionnelle, qu'il n'a pas perçu les indemnités prévues à l'article L1226-14 du code du travail, qu'il a dénoncé son reçu pour solde de tout compte, que rien ne démontre que l'inaptitude serait en lien avec des problèmes psychologiques.

L'intimée explique que le salarié n'a pas dénoncé le reçu pour solde de tout compte, que l'inaptitude n'est pas en lien avec l'accident du travail à savoir une blessure au dos, que le courriel du médecin du travail est postérieur à la visite du 12/04/2018.

En vertu de l'article L1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, M. [X] a signé après la saisine de la juridiction un reçu pour solde tout compte le 18/05/2018 pour la somme de 3.340,67 € correspondant aux salaires, accessoires de salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature au titre de l'exécution et de la cessation du contrat du travail figurant sur le bulletin de paie du mois 2018, « ci-annexé ».

Il appartient à celui qui se prévaut de l'effet libératoire de produire les pièces utiles à cet effet, or le bulletin de paie de mai 2018 n'est pas versé aux débats. En outre, le conseil de prud'hommes était à cette date déjà saisi de prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail. Enfin, M. [X] a dénoncé le reçu pour solde de tout compte par lettre du 16/11/2018, distribuée le 20/11/2018, mais ayant nécessairement été adressée avant cette date. L'employeur ne peut donc pas se prévaloir de l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L'employeur verse la déclaration d'accident du travail du 22/12/2017. Bien que l'appelant ne produise ni avis d'arrêts de travail, ni attestation de paiement des indemnités journalières, les parties s'accordent sur le fait que ce dernier a été arrêté du 20/12/2017 au 24/04/2018, l'employeur indiquant qu'un arrêt de travail initial a été prolongé à 5 reprises.

L'avis d'inaptitude ne comporte aucune mention afférente à une reprise après un accident de travail. Le Dr [O] a indiqué par courriel du 18/04/2018 qu'a priori « l'inaptitude prévisible n'est pas d'origine professionnelle ».

Toutefois, le caractère ininterrompu et continu des arrêts de travail après l'accident du travail du 19/12/2017, dont l'employeur avait connaissance puisqu'il a établi la déclaration, sans aucune reprise du travail, permet de déduire que l'inaptitude a au moins partiellement pour origine l'accident du travail précité. En outre, le salarié a bien été arrêté pour un lumbago, et son emploi de maçon carreleur sollicite le dos. Comme le fait remarquer l'appelant, aucune pièce ne fait état de difficultés psychologiques fondant l'inaptitude. M. [X] est donc bien fondé à invoquer le caractère professionnel de l'inaptitude. Le jugement est infirmé.

En vertu de l'article L1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.

Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.

Il convient d'accueillir la demande en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement à hauteur d'un reliquat de 3.340.67 €, compte-tenu de l'indemnité déjà perçue par le salarié.

L'appelant est en outre bien fondé à demander le paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, soit 4.562.50 €. Comme le relève exactement l'intimée, cette somme n'a pas la nature d'un préavis et n'ouvre pas droit à congés payés. La demande est rejetée.

La SARL Entreprise B. [Y] sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur la demande reconventionnelle

La SARL ENTREPRISE B. [Y] sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 10.000 € pour exercice d'une activité concurrente par le salarié durant son arrêt de travail. Elle se prévaut d'un rapport de mission d'un détective privé du 28/05/2018.

L'appelant expose que l'employeur ne prouve pas l'exercice d'une activité concurrente, les photographies le montrant dans la rue.

C'est par une argumentation pertinente que la cour fait sienne que le premier juge a estimé que l'exercice d'une activité concurrente n'était pas démontrée. La cour ajoute que le contrat de travail stipule que le salarié 's'engage à ne pas avoir d'activité professionnelle susceptible de concurrencer celle de son employeur ou contraire aux dispositions de l'article L324-2 (sic) du code du travail (durée maximale du travail)'. Toutefois, le rapport d'investigation démontre au mieux que M. [X] a été vu en chargeant et déchargeant du matériel, sans qu'il ne puisse être établi avec certitude qu'il a exercé une activité concurrente et dissimulée. La demande est rejetée et le jugement est confirmé.

Sur les autres demandes

Les dispositions de première instance étant infirmées, la SARL ENTREPRISE B. [Y] qui succombe supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [X] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. La SARL ENTREPRISE B. [Y] est déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré du conseil de prud'hommes de Douai du 12/03/2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [X] de ses demandes au titre de la contestation du licenciement pour inaptitude, et des dépens,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que l'inaptitude est d'origine professionnelle,

Condamne la SARL ENTREPRISE B. [Y] à payer à M. [N] [X] les sommes qui suivent :

-3.340.67 €, à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement,

-4.562.50 € d'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5,

Condamne la SARL ENTREPRISE B. [Y] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute la SARL ENTREPRISE B. [Y] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL ENTREPRISE B. [Y] à payer à M. [N] [X] une indemnité de 2.000 en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01171
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.01171 ?
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