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25/11/2022 | FRANCE | N°20/01089

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 25 novembre 2022, 20/01089


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1946/22



N° RG 20/01089 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6ZV



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Février 2020

(RG 18/266 -section 4)






































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [E] [JV]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DO...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1946/22

N° RG 20/01089 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6ZV

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

28 Février 2020

(RG 18/266 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [E] [JV]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Montaine GUESDON VENNERIE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Mutuelle MAIF

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Marie-laurence BOULANGER, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pierre LOPEZ, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 07 Septembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 21 Octobre 2022 au 25 Novembre 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Août 2022

EXPOSE DU LITIGE

La MAIF qui assure une activité d'assurance mutuelle, emploie habituellement plus de 10 salariés, et applique la convention collective nationale des sociétés d'assurance du 27/05/1992, a engagé M. [E] [JV], né en 1968, à compter du 26/07/2004 en qualité de téléconseiller, niveau 1, grade 3.2, indice 219.

Au dernier état de la relation de travail, M. [JV], qui était affecté au centre de contact en qualité de responsable d'équipe, classe 5, fourchette B, statut cadre, depuis le 1er janvier 2013, a été nommé au centre de contact sociétaire à la Madeleine aux mêmes fonctions selon avenant du 28/02/2017 (daté par erreur de 2018).

Par lettre du 07/11/2017 lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire, M. [JV] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 14/11/2017.

Il était par la suite convoqué devant le conseil de discipline de la MAIF par lettre du 23/11/2017, la réunion étant fixée au 28/11/2017.

L'employeur a notifié par lettre du 15/12/2017 son licenciement pour cause réelle et sérieuse aux motifs suivants :

« [...] Il vous est reproché d'avoir eu une attitude incompatible avec l'exercice de votre métier de manager.

En effet au cours du mois de septembre 2017, de nombreuses alertes émanant de la RRH, de Conseillers, du manager de soutien, du manager tuteur de la Responsable du site, et d'un syndicat, ont entraîné la mise en place d'un dispositif d'écoute individuelle de chaque conseiller avec des membres de la DRH.

Ce dispositif d'écoute a permis de mettre en exergue une aggravation du climat social du site et un sentiment de peur relevée à de nombreuses reprises, dont la responsabilité vous est imputée.

Ainsi, vous avez menacé à plusieurs reprises des collaborateurs de « finir à Pôle Emploi ».

De même, vous avez, sans raison, violemment pris à partie une de vos collaboratrices lors d'une réunion devant l'ensemble des salariés. Vous vous permettez également d'exprimer tout haut votre pensée, en indiquant à propos d'une salariée du site « elle va gicler cette connasse ».

Il vous est également reproché de vouloir créer des clans et diviser les équipes. Vous avez ainsi interdit aux nouveaux conseillers de se mélanger avec les anciens.

Vous êtes en outre à l'origine d'un conflit ouvert avec les Animateurs Commerciaux, que vous souhaitiez mettre à l'écart, les rabrouant vertement puisque vous étiez « cadre » et pas eux.

Le climat d'incompréhension, de menace, et de peur que vous instaurez est à l'opposé des valeurs prônées par la MAIF, et contribue à mettre en péril la santé des autres salariés du site.

Nous considérons que votre attitude est préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise et qu'elle est constitutive d'une faute rendant impossible votre maintien dans les effectifs.

Par la présente, nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Estimant le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. [JV] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille par requête du 06/03/2018 d'une demande en réintégration et à titre subsidiaire de diverses demandes indemnitaires concernant la rupture du contrat de travail.

Le bureau de conciliation et d'orientation par décision du 05/07/2018 a ordonné à la MAIF de fournir :

-les dénonciations écrites reçues par la MAIF relatives au comportement de M. [JV],

-les documents de consultation des instances représentatives du personnel portant sur les conditions de mise en 'uvre d'un dispositif individuel d'écoutes des salariés,

-les enregistrements et/ou retranscription des écoutes individuelles, le tout sous astreinte de 100 € par semaine à compter de la date de réponse prévue dans le calendrier de procédure soit le 13/09/2018.

Par jugement du 28/02/2020, le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et en conséquence a débouté Monsieur [E] [JV] de :

-sa demande de réintégration,

-sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-jugé que l'employeur n'a pas exécuté de façon déloyale et fautive le contrat de travail le liant au demandeur et a débouté Monsieur [E] [JV] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,

-dit et jugé que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat et a débouté Monsieur [E] [JV] de sa demande de condamnation à ce titre,

-débouté Monsieur [E] [JV] de sa demande d'ordonner sous astreinte la communication de 3 documents,

-débouté Monsieur [E] [JV] de sa demande de condamner l'employeur à rembourser la CPAM et Pôle Emploi,

-débouté Monsieur [E] [JV] de la demande de publication du dispositif du jugement dans la presse,

-débouté Monsieur [E] [JV] de la demande d'exécution provisoire,

-condamné le salarié aux dépens et à payer à l'employeur la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue le 17/03/2020 M. [JV] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 26/07/2022, M. [E] [JV] demande à la cour :

-Avant dire droit,

-déclarer la MAIF irrecevable et mal fondée en son appel du jugement avant dire droit rendu par le

bureau de conciliation et d'orientation du 5 juillet 2018,

-Confirmer le jugement du bureau de conciliation et d'orientation du 5 juillet 2018 en ce qu'il a ordonné à la MAIF sous astreinte de 100 € par semaine à compter de la date de réponse prévue dans le calendrier soit le 13 septembre 2018 de fournir :

-les dénonciations écrites reçues par la MAIF relatives au comportement de Monsieur [JV] ;

-les documents de consultation des instances représentatives du personnel portant sur les conditions de mise en 'uvre d'un dispositif individuel d'écoutes des salariés ;

-les enregistrements et/ou retranscriptions des écoutes individuelles ;

-Sur le fond

-Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lille le 28 février 2020 en toutes ses

dispositions,

Statuant à nouveau,

-dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

-constater l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail par la MAIF à son préjudice,

En conséquence,

-A titre principal

-ordonner sa réintégration au sein de la MAIF - délégation de Saint Brieuc, avec maintien des avantages acquis,

A titre subsidiaire

-condamner la MAIF à lui verser la somme de 47.046 € nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

En tout état de cause

Condamner la MAIF à lui verser la somme de 25.000 € nets en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail,

-dire et juger que la MAIF a manqué à son obligation de sécurité de résultat à son égard, et condamner la MAIF à lui verser la somme de 24.547,80 € nets en réparation des préjudices subis,

-condamner la MAIF à lui verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-constater qu'en dépit de la décision du bureau de conciliation et d'orientation du 5 juillet 2018, la MAIF n'a pas communiqué :

-les dénonciations écrites reçues par LA MAIF relatives au comportement de M. [E] [JV] ;

-les documents de consultation des instances représentatives du personnel portant sur les conditions de mise en 'uvre d'un dispositif individuel d'écoutes des salariés ;

-les enregistrements et/ou retranscriptions des écoutes individuelles ;

-dire et juger que faute de production, par la MAIF, des documents précités, sous astreinte de 100€ par semaine à compter de la date de réponse prévue dans le calendrier de procédure, soit le 13 septembre 2018, il est fondé à demander le maintien de cette mesure, à charge pour lui de faire liquider l'astreinte par le juge de l'exécution,

-condamner la MAIF aux intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts,

-condamner la MAIF à rembourser à la CPAM les indemnités journalières versées du fait de ses arrêts maladie intervenus depuis la notification de la mesure de licenciement, -condamner la MAIF à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage qui lui ont été versées du jour de son licenciement à la date du prononcé du jugement du 28 février 2020, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, conformément à l'article L.1235-4 du code du travail,

-condamner la MAIF aux entiers dépens.

Selon ses conclusions reçues le 06/05/2021, la MAIF demande à la cour de :

« I-AU TITRE DE L'APPEL INCIDENT de la MAIF contre la décision avant dire droit prononcée par le conseil de prud'hommes de Lille le 5 juillet 2018,

-DECLARER RECEVABLE ET FONDE l'appel incident formé par la MAIF à l'encontre de la décision avant dire droit du 5 juillet 2018 du bureau de conciliation et d'orientation du Conseil

de prud'hommes de Lille ;

-INFIRMER le jugement avant dire droit rendu par le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes de Lille le 5 juillet 2018 en ce qu'il a fait droit à la demande d'injonction de communiquer du salarié et prononcé une astreinte de 100 € par semaine à compter du 13 septembre 2018,

En conséquence,

-DEBOUTER Monsieur [JV] de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

II-AU TITRE DE L'APPEL PRINCIPAL effectué par Monsieur [JV] contre le jugement rendu le 28 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Lille

'A TITRE PRINCIPAL

-CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Lille le 28 février 2020 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

-DIRE et JUGER bien fondé le licenciement de Monsieur [JV],

-CONSTATER l'absence de préjudice distinct,

-DEBOUTER Monsieur [JV] de l'ensemble de ses demandes,

A TITRE SUBSIDIAIRE

-CONSTATER que Monsieur [JV] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant l'octroi

d'une indemnité maximum par rapport au Barème MACRON au titre de son licenciement,

-LIMITER l'indemnité sollicitée par Monsieur [JV] au regard de son préjudice,

-DIRE ET JUGER que ces sommes s'entendent comme brutes de CSG et de CRDS

'A TITRE RECONVENTIONNEL

-Confirmer le jugement au fond du conseil de prud'hommes de Lille du 28 février 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [JV] de sa demande d'ordonner sous astreinte la communication des 3 documents ;

En conséquence,

-DEBOUTER Monsieur [JV] de sa demande au titre de production de pièces par la MAIF sous astreinte ;

-DEBOUTER Monsieur [JV] de sa demande de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNER Monsieur [JV] à verser à la MAIF la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNER le même aux entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 17/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la décision du bureau de conciliation et d'orientation

Au titre de son appel incident, la MAIF fait valoir que l'énumération des pouvoirs du bureau de conciliation et d'orientation est limitative, que ne peut être ordonnée que la communication de pièces que l'employeur est légalement tenu de délivrer, que les mesures d'instruction ne peuvent pas être ordonnées pour suppléer la carence d'une partie, que la « cellule d'écoute individuelle » n'est pas un dispositif d'enregistrement ni de retranscription des salariés, que les documents dont la production a été ordonnée n'existent pas.

En réponse M. [JV] explique que la MAIF n'a jamais déféré à la communication de pièces, que le bureau de conciliation et d'orientation n'a pas outrepassé ses pouvoirs, que le licenciement se fonde sur ce dispositif d'écoute, que le juge peut inviter les parties à fournir les explications de fait et de droit qu'il estime nécessaires à la solution du litige, que Mme [VS], DRH prétendait avoir un enregistrement, détenu par Mme [SW], déléguée du personnel, d'une prétendue insulte qu'il aurait été proférée, que la MAIF a nécessairement une trace des retranscriptions, sauf à en tirer immédiatement la conclusion que les faits allégués sont invérifiables, que le licenciement est fondé exclusivement sur de prétendues alertes de salariés ayant été entendus au cours d'entretiens par la direction de la MAIF, la production de ces pièces était utile à la solution du litige.

Sur ce, selon l'article R1454-14 du code du travail, le bureau de conciliation et d'orientation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne comparaît pas, ordonner :

1° la délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer ; [...] 3° Toutes mesures d'instruction, même d'office ;

4° Toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux[...].

Contrairement aux affirmations de l'employeur, l'article R 1454-14 du code du travail donne pouvoir au bureau de conciliation et d'orientation d'ordonner toute mesure d'instruction même d'office ainsi que la remise par l'employeur de tout document autre que ceux qu'il est légalement tenu de remettre au salarié. Dans la mesure où il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur a mis en place «un dispositif d'écoute individuelle de chaque conseiller avec des membres de la DRH », ce qui a permis de recueillir les doléances des salariés, le bureau de conciliation et d'orientation n'a pas commis d'excès de pouvoir en ordonnant la communication des dénonciations écrites reçues par la MAIF relatives au comportement de M. [JV], des documents de consultation des instances représentatives du personnel portant sur les conditions de mise en 'uvre d'un dispositif individuel d'écoutes des salariés, des enregistrements et/ou retranscription des écoutes individuelles.

En vertu de l'article 11 alinéa 2 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

Toutefois, les pouvoirs tirés par le juge de l'article 11 du code précité ne pouvaient conduire le bureau de conciliation et d'orientation à ordonner la transmission sous astreinte de documents dont l'existence n'est pas avérée, l'employeur indiquant précisément qu'aucun dispositif d'enregistrement n'a été mis en place et qu'aucune retranscription des déclarations des salariés n'a été effectuée. Dès lors, il convient d'infirmer les dispositions de l'ordonnance litigieuse.

Sur la procédure devant le conseil de discipline

L'appelant explique que le compte-rendu du conseil de discipline lui a été notifié le 20/12/2017, après la notification du licenciement, que les dispositions de l'article 90 de la convention collective n'ont pas été respectées, que le procès-verbal n'ayant pas été signé le jour de la réunion, le conseil de discipline n'a pas régulièrement donné son avis, l'inobservation des exigences décrites dans la convention collective relativement à la procédure disciplinaire préalable au licenciement, constituant une garantie de fond, ayant pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'intimée expose que selon les dispositions de l'article L1235-2 du code du travail, l'irrégularité de la procédure de licenciement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais constitue une simple irrégularité, que le compte-rendu a été signé et notifié au salarié, que la convention collective ne prévoit pas une remise avant la lettre de notification du licenciement, qu'il n'est pas justifié d'un grief.

Sur ce, il ressort des stipulations de l'article 90 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992 que :

« [...]a) Licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle. Lorsqu'un membre du personnel ayant plus d'un an de présence dans l'entreprise est, conformément aux dispositions légales, convoqué par l'employeur et informé que le licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle est envisagé à son égard, il a la faculté de demander la réunion d'un conseil constitué de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel de l'établissement (délégués du personnel, membres du comité d'entreprise, délégués syndicaux ou représentants syndicaux au comité d'entreprise ou d'établissement).

La lettre de convocation à l'entretien préalable doit mentionner expressément cette faculté, le délai dans lequel elle peut être exercée (cf. alinéa suivant), ainsi que celle de se faire assister pour cet entretien conformément aux dispositions légales.

La demande de réunion doit être formulée par écrit et communiquée à la direction au plus tard deux jours francs après l'entretien prévu par le code du travail. A défaut, le salarié est considéré comme renonçant à la procédure du conseil.

Toutefois, le conseil est obligatoirement réuni à l'initiative de l'employeur lorsque celui-ci envisage, à l'issue de l'entretien préalable, un licenciement pour faute. L'entreprise doit alors en informer l'intéressé par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre décharge. La réunion du conseil est cependant annulée si l'intéressé le demande par écrit dans les quarante-huit heures de la réception de la lettre.

Les représentants du personnel siégeant au conseil sont choisis par l'intéressé parmi l'ensemble des élus du personnel titulaires ou suppléants du même collège électoral que lui, ou à défaut, d'un autre collège, et parmi les délégués syndicaux ou représentants syndicaux appartenant à ce même collège, ou à défaut, à un autre collège.

L'employeur convoque le conseil au moins quarante-huit heures à l'avance et informe le salarié qu'il peut être entendu, s'il le souhaite, par le conseil. Les éléments du dossier sont obligatoirement tenus quarante-huit heures à l'avance, à la disposition du conseil et de l'intéressé.

Si le salarié est entendu, sur sa demande, pendant la réunion du conseil, son responsable hiérarchique doit l'être également.

L'un des représentants de l'employeur préside le conseil. Il établit à l'issue de la réunion un procès-verbal qui relate notamment les faits reprochés au salarié et consigne l'avis de chacun des membres du conseil auxquels ce procès-verbal est remis, ainsi qu'au salarié concerné.

L'employeur ne prend sa décision qu'après avoir pris connaissance des avis exprimés au conseil et communique celle-ci à ses membres en même temps qu'au salarié[...] ».

Contrairement à ce qu'indique l'intimée dans ses dernières conclusions, le procès-verbal de réunion du conseil de discipline (pièce 6) du 28/11/2017 remis à la cour, n'est pas la copie signée par les représentants des cadres et ceux de l'employeur. Toutefois, l'appelant admet que c'est bien la copie signée qui lui a été communiquée. Il est constant que le procès-verbal n'a été notifié au salarié qu'après le licenciement, en contrariété des stipulations conventionnelles, qui prévoient que l'un des représentant de l'employeur préside le conseil, et qu'il établit à l'issue de la réunion un procès-verbal qui relate notamment les faits reprochés au salarié et consigne l'avis de chacun des membres du conseil auxquels ce procès-verbal est remis, ainsi qu'au salarié concerné, cette communication intervenant nécessairement avant la notification de la décision de l'employeur (« L'employeur ne prend sa décision qu'après avoir pris connaissance des avis exprimés au conseil et communique celle-ci à ses membres en même temps qu'au salarié[...] »). M. [JV] est donc bien fondé à se prévaloir d'une irrégularité de procédure.

Si l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d'une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu'elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu'elle est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur, tel n'est pas le cas en l'espèce. M. [JV] a bien assisté à la réunion du conseil de discipline. Il a bien été assisté par ses représentants choisi (Mme [Z], Mme [PZ]). Il s'ensuit que l'irrégularité commise n'a pas privé le salarié des droits de sa défense. Le licenciement n'est donc pas de ce fait, privé de cause réelle et sérieuse.

Sur la contestation du licenciement

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur reproche au salarié :

-une attitude incompatible avec l'exercice du métier de manager, en lien avec une aggravation du climat social du site et un sentiment de peur relevé chez les salariés : menaces de « finir à Pôle Emploi », la prise à partie violente d'une collaboratrice lors d'une réunion devant l'ensemble des salariés et le fait d'avoir dit « elle va gicler cette connasse »,

-le fait de vouloir créer de conflit ouvert avec les animateurs commerciaux.

L'appelant conteste les griefs imputés, les six attestations produites par l'employeur étant inopérantes, les témoins n'étant pas directs mais rapportant des propos de personnes dont l'identité est inconnue, et fait valoir que l'employeur ne se fonde que sur le seul procès-verbal de la réunion du conseil de discipline, que les griefs sont invérifiables en l'absence de date, qu'aucune enquête n'a été menée via le CHSCT, que les griefs sont inexistants, que le climat était dégradé au sein du centre d'appel de [Localité 5], que l'attestation de sa collègue Mme [J] n'est corroborée par aucune pièce, que la rupture de la période d'essai de M. [B] était envisagée avant son arrivée, qu'il existe tout au plus de simples désaccords au sujet de méthodes de travail, qu'on ignore quels sont les salariés qui se seraient plaints de lui, qu'il n'a jamais cherché à diviser les équipes, que Mme [V] ne travaillait pas avec lui, qu'il n'a pas tenu de propos agressifs, les griefs étant prescrits s'il s'agit de la réunion du 30/06/2017, qu'il n'a jamais été alerté par sa hiérarchie et au contraire a été bien évalué.

L'intimée explique que les collaborateurs ont témoigné dans le cadre du dispositif d'écoute individuelle mis en place de manière confidentielle, que plusieurs témoignages l'ont mis en cause, que le salarié a admis « Monsieur [JV] reconnaissait lui-même à cette époque « ne pas être tout blanc » et « que seuls trois ou quatre des conseillers ont pu dire des choses », que l'attestation de Mme [FC] est contestable, que le but du dispositif d'écoute était d'entendre les salariés en raison de l'aggravation du climat social et non du management de M. [JV], que plusieurs membres de l'encadrement ont constaté les manquements du salarié.

Sur le premier grief, concernant une attitude incompatible avec l'exercice du métier de manager, en lien avec une aggravation du climat social du site et un sentiment de peur relevé chez les salariés : menaces de « finir à Pôle Emploi », la prise à partie violente d'une collaboratrice lors d'une réunion devant l'ensemble des salariés et le fait d'avoir dit « elle va gicler cette connasse», l'employeur verse les pièces suivantes :

-le procès-verbal de réunion du conseil de discipline de la MAIF du 28/11/2017 ;

-une attestation de Mme [X] [J] du 28/11/2017 dont il ressort en substance qu'elle a travaillé pendant 6 mois avec M. [JV] sur le site de [Localité 5], que « sa façon de manager m'a interpellé à plusieurs reprises car elle ne correspond nullement aux attentes de la MAIF » ; « [E] [JV] ne supporte pas d'être contredit dans ses décisions. Si une personne le fait, elle se trouve immédiatement dans une liste noire », le témoin évoquant ensuite les situations de plusieurs salariés :

-M. [K] [B], en période d'essai qui n'a pas voulu changer de place, M. [JV] ayant alors indiqué qu'il ne le recruterait pas,

-l'animateur commercial, M. [N] [XO], qui après avoir contesté une réponse de M. [JV], s'est vu opposer un refus de travailler et une interdiction de travailler avec son équipe,

-Mme [U] [P], qui lors d'une réunion a interrogé M. [JV], qui a réagi violemment et lui a parlé de façon très agressive ; puis indiquant «parfois, il pouvait réagir de façon agressive et non contrôlée », et expliquant qu'il a refusé de repositionner une salariée Mme [KH] [V], qui reprenait après un long arrêt de travail ;

-l'attestation, peu lisible, de [E] [HY], qui indique avoir dû alerter son encadrement, à la suite d'une visite sur le site de [Localité 5] ;

-un courriel du 18/09/2017 de Mme [D] [G] ès qualités de « révélatrice des richesses humaines », adressé à Mme [H] [VS] selon lequel : « la CAT est sur le site du CCS de [Localité 5]. Ils ont reçu plusieurs conseillers qui leur ont fait part de plusieurs choses concernant le comportement de [E] [JV] » et indiquant que les conseillers ont peur de lui, que les nouveaux sont encore en période d'essai et ont peur de déplaire, qu'ils sont obligés d'aller à un «afterwork» même s'ils n'en ont pas envie, ne pas se mélanger au reste de l'équipe, les deux élus indiquant que la situation n'est pas acceptable, que [W] [HY] lui dit que « le site est au bord de l'explosion », que « [S] est dans le déni », que l'élue DP du site lui rapporte la même situation que les élus ['], Mme [G] indiquant qu'elle va rencontrer M. [JV] vendredi ;

-une attestation de Mme [ME] [SW], déléguée du personnel, qui indique que M. [JV] à son arrivée a eu la responsabilité des nouveaux collègues qui étaient à la fin de leur période d'essai, qu'elle a été interpellée par plusieurs collègues qui l'ont alertée sur le comportement de M. [JV] vis-à-vis des collègues dont il avait la responsabilité « harcèlement, intimidation ' », que le contact a été compliqué car M. [JV] leur avait interdit de lui parler, qu'elle a compris qu'il harcelait les collègues en les obligeant à participer à des « afterworks » sauf à remettre en cause leur CDI, en les obligeant à ne pas parler aux plus anciens, « et nous discréditant en nous qualifiant de mauvais éléments, allant jusqu'à leur montrer nos résultats commercial (sic), et leur dire qu'il allait s'occupait de nous faire virer », qu'elle a alerté la RRH qui a organisé un groupe de parole, ce qui a permis de constater l'ampleur de la pression psychologique exercée par M. [JV], certains collègues s'étant littéralement effondrés (tremblements, pleurs) ;

-une attestation dactylographiée de M. [L] [CT], délégué syndical, qui indique avoir été alerté lors d'une visite sur le site par de nombreux salariés, s'inquiétant de la pression qui leur était imposée, expliquant avoir organisé avec la RRH des réunions de groupe, dont il ressort que M. [JV] imposait la souscription de contrats « PRAXIS », et confirmant que plusieurs salariés se sont effondrés,

-une attestation peu lisible de M. [ZY] [PZ], dont il ressort qu'il a vu un membre de l'équipe de M. [JV] en souffrance (pleurs) en salle de pause, celui-ci indiquant se sentir harcelé, un autre indiquant avoir été menacé de licenciement s'il ne participait pas aux « afterworks », qu'il a vu M. [JV] prendre verbalement à partie une collègue de manière violente (propos insultants lors d'une réunion plénière) ;

-une attestation de Mme [H] [VS], qui indique : « Après alertes de différentes sources de l'entreprise (managers, RRH, syndicat), j'ai été sollicitée avec une de mes collaboratrices Mme [PA] pour mettre en place un dispositif d'écoute sur le centre d'appel de [Localité 5]. Nous avons reçu individuellement les collaborateurs sur 3 dates : 23, 24 octobre puis 2 novembre. Chacun a pu s'exprimer librement sur ses ressentis quant à la dégradation du climat social du site.

Plusieurs entretiens ont fait apparaître les éléments confirmant les alertes, faisant état de la part de [E] [JV] de postures managériales inadaptées. Il m'a été rapporté des :

-propos agressifs et menaçants à l'égard de certains conseillers,

-«Il nous glace » ; « je viens travailler la peur au ventre» ;

-« Il nous menace de nous renvoyer vers le Pôle Emploi si on ne suit pas ses décisions » ; -Il dit « je suis cadre, pas vous donc si cela ne vous va pas, je vous envoie une lettre recommandée en 3 exemplaires » ;

-[E] s'emporte, il nous rentre dedans, il nous fait peur ;

-[E] peut ne pas respecter les consignes d'entreprise pour nous faire souscrire des contrats,

-il crée des clivages et nous ordonne de ne pas s'installer auprès des « anciens »,

-[E] peut partir sur des propos colériques en réunions ou devant un autre conseiller en disant « elle va gicler cette connasse », « on n'a pu (sic) confiance en lui ».

Au préalable, force est de constater, comme le souligne M. [JV], que le compte-rendu de réunion du conseil de discipline évoque plusieurs verbatims, qui ne sont toutefois pas produits aux débats. En outre, au regard des témoignages produits, l'employeur ne précise pas qui sont les salariés ayant formulés les griefs reprochés au salariés. Dans cette mesure, l'appelant est fondé à se prévaloir d'une atteinte aux droits de la défense, le conseil de discipline se prévalant de témoignages anonymes, qui à eux seuls ne peuvent justifier la sanction prononcée, la cour ne pouvant se fonder de manière déterminante, sur des déclarations anonymes.

S'agissant de l'aggravation du climat social du site, M. [JV] a indiqué lors du conseil de discipline que « les disputes au sein de l'équipe d'encadrement avaient lieu avant sa propre arrivée », tout en expliquant qu'aucune dispute n'est intervenue sur le plateau, et qu'il n'a jamais insulté de conseiller. A cet égard, M. [JV] justifie par la production de plusieurs courriels d'une situation déjà difficile sur le site de [Localité 5], antérieure à son arrivée (exemple : 19/01/2016, « un des collaborateurs a proféré des menaces physiques envers une personne qu'il n'a pas nommée ; cependant force est de constater que les managers présents n'ont eu aucune réaction », « plusieurs collaborateurs sont écoutés à distance par l'encadrement » ; 24/03/2016 « plusieurs collaborateurs ['] se sont plaints du fait de se sentir stressés par les relances journalières concernant les chiffres attendus[...] Cette tournure focalisée sur les chiffres met certains collaborateurs mal à l'aise et sous pression, c'est pourquoi nous aimerions que cela s'atténue » ; courriel de [M] [F] à [R] [O] du 26/10/2016 évoquant des reproches injustifiés, une mise en scène pour la mettre en cause, et les agissements d'un groupe de personne pour la faire craquer).

Ces éléments démontrent qu'à son arrivée sur le site le 18/04/2017, M. [JV] a été confronté à la prise en charge d'un service connaissant de nombreuses difficultés d'organisation. L'employeur n'allègue ni ne justifie avoir informé le responsable de site de ces difficultés, ni avoir envisagé une stratégie à mettre en 'uvre pour pacifier les relations. Les éléments produits par l'employeur apparaissent donc insuffisants à imputer au seul comportement de M. [JV] la dégradation invoquée, étant observé que M. [HY] s'est rendu ponctuellement sur le site de [Localité 5], et que M. [CT] n'y travaillait pas, ce qui prive de pertinence les attestations de ces derniers.

S'agissant du sentiment de peur sur le site, l'employeur se fonde sur le courriel de Mme [G], qui relate les propos émanant de la CAT et de la déléguée du personnel. Mme [G] indique vouloir rencontrer M. [JV]. Il n'est cependant pas justifié des suites données à ce souhait, alors que cette rencontre pouvait permettre de clarifier la situation.

S'agissant de l'attestation de Mme [J], aucune pièce n'est produite par l'employeur concernant M. [B], corroborant la déclaration du témoin. C'est au contraire l'appelant qui produit la lettre de rupture de période d'essai de M. [B], dont rien ne permet de démontrer qu'elle lui soit imputable, étant observé qu'il produit également un courriel de Mme [FC] du 28/03/2017 faisant état du souhait de l'équipe managériale de rompre la période d'essai de l'intéressé.

S'agissant des rapports avec M. [XO], l'animateur commercial, l'appelant verse des échanges de courriels du 29/05/2017 (« ça me paraît impeccable comme organisation... ») démontrant de bonnes relations. De plus, il ressort du courriel de Mme [FC] du 27/10/2017 que cette dernière fixe les missions des animateurs commerciaux, et précise que « [R] et [E] vous informeront des besoins complémentaires si nécessaire », ce qui démontre que M. [JV] n'avait pas principalement la responsabilité de la fixation des missions de M. [XO]. Mme [FC] atteste en outre que le salarié a confié son équipe à M. [XO] pour une formation sur un nouveau contrat courant juin.

Pour le surplus, aucune indication n'est donnée concernant l'altercation avec Mme [P], et la date de réunion ou encore la teneur des propos du salarié. S'agissant de la situation de Mme [KH] [V], elle ne figure pas dans la liste des salariés relevant du service de M. [JV], ce dernier produisant un courriel de consignes données par Mme [J] à la salariée. Il n'est donc pas possible de considérer comme établi que M. [JV] a refusé de « repositionner » cette dernière, d'autant que Mme [FC] atteste que le salarié avait en charge l'accompagnement et le management de 7 nouveaux conseillers.

S'agissant des attestations de Mme [ME] [SW], et de Mme [H] [VS], l'employeur ne précise pas qui sont les salariés ayant tenus les propos incriminés, ce qui ne permet pas à M. [JV] de les contester dans le cadre d'un débat contradictoire. La même observation peut être faite s'agissant de la phrase « elle va gicler cette connasse ». Elle résulte de la seule attestation de Mme [VS]. M. [JV] contestant avoir tenu ses propos, l'attestation ne précise pas à l'égard de qui la phrase a été tenue ni dans quelles circonstances. S'agissant de la prise à partie violente d'une collaboratrice, l'attestation de M. [PZ] n'est pas circonstanciée, le nom de la collaboratrice n'est pas précisé. En définitive, l'employeur ne précise pas quels salariés étaient en période d'essai et hormis M. [B], si certains ont vu leur période d'essai rompue. Au contraire M. [JV] produit un courriel du 26/07/2017 de Mme [I] [T] « pour célébrer notre embauche à la MAIF » signé « [I], [C], [A] et [Y] ». Cette dernière en réponse à une sommation interpellative du 13/07/2021 indique que : « M. [JV], selon moi est un manager dynamique, il sait motiver et animer son équipe », et « Harcèlement ' Pas du tout. Certaines personnes ont l'art d'envenimer les choses. M. [JV] était un manager donnant des conseils de qualité tant pour l'entreprise que pour les clients ». Mme [T] atteste en outre que M. [JV] était très impliqué dans son travail, qu'il sait motiver les salariés, précisant que : « c'est un manager qui transmet ses compétences avec énergie. M. [JV] était nouveau sur le site, les salariés les plus anciens dans l'entreprise n'ont pas apprécié ces nouvelles méthodes de travail ; plus participatifs, plus dynamiques. Leurs objectifs a donc été de tout mettre en 'uvre afin que M. [JV] disparaisse du site. M. [JV] n'a jamais insulté, ni obligé qui que ce soit à aller boire un verre ; je n'ai assisté à aucune menaces. » Enfin, s'agissant de l'obligation de participer à des pots après le travail, M. [JV] produit la photographie adressée par un collaborateur, ainsi que plusieurs échanges de mini messages avec son équipe qui ne permettent pas de retenir que ces derniers ont fait l'objet d'une contrainte.

En définitive, le fait que M. [JV] ait indiqué lors de la réunion du conseil de discipline « ne pas être tout blanc », et que « seuls trois ou quatre conseillers ont pu dire des choses, les autres ayant suivi », ne peut être une reconnaissance certaine des faits reprochés, qui sont au contraire contestés tout au long de la réunion. Cette phrase doit être restituée dans son contexte : « [E][JV] précise que tout le monde discutait après les témoignages et estime qu'il est plus facile aux collaborateurs d'aller dans le sens du négatif ». La cour retient également que le procès-verbal de réunion du conseil de discipline fait état de déclarations de M. [JV], relativement à la question des « anciens » selon lesquelles : «le simple fait pour M. [JV] de dire bonjour le matin à ses collègues a été transformé en « il est homosexuel ou il est cancéreux », sans aucune explication, alors que ces déclarations reposent manifestement sur les verbatims qui ont convaincu l'employeur.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le premier grief n'est pas établi.

S'agissant du deuxième grief relatif au fait de créer des clans, l'employeur se fonde sur l'attestation précitée de Mme [SW], selon laquelle M. [JV] obligeait les nouveaux conseillers à ne pas parler aux anciens. Cette attestation est insuffisamment circonstanciée. De plus, M. [JV] précise qu'avant son arrivée, les conseillers en période d'essai étaient différenciés des conseillers confirmés en contrat à durée indéterminée, afin qu'ils ne subissent pas de stress et travaillent à leur rythme. L'employeur ne produit aucun organigramme ou élément relatif à l'organisation du travail pour démentir cette organisation. Au contraire, l'exemplaire de l'entretien d'évaluation de M. [JV] du 17/10/2017 évoque des actions en cours pour les « anciens » (« [E] a prévu un premier BM pour un questionnement sur leurs attentes ») et précise que le « soutien technique se déroule bien avec tous les conseillers du plateau ». Enfin, M. [JV] explique durant le conseil de discipline n'avoir pas travaillé avec « les anciens », ce qui n'est pas démenti. Le grief n'est en conséquence pas établi.

Enfin, s'agissant du grief relatif à l'origine d'un conflit ouvert avec les animateurs commerciaux, il a été vu que M. [JV] ne fixait pas les mission de l'animateur commercial, M. [N] [XO]. Le grief n'est pas établi.

En conséquence, au regard des pièces produites de part et d'autres, les griefs ne sont pas établis, et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement

L'employeur refuse de réintégrer M. [JV], de telle sorte que la réintégration ne peut pas être ordonnée. Cette demande est rejetée.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [JV] de 4.091,30 €, de son âge, comme étant né en 1968, de son ancienneté de 13 ans et 8 mois, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, le salarié justifiant d'une situation de chômage au 02/01/2022, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail issu de l'ordonnance du 22/09/2017, une somme de 47.046 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La MAIF sera condamnée au paiement de cette somme, étant précisé que la cour ne peut déroger à la législation fiscale et sociale en vigueur, la somme étant réclamée en net.

Cette somme produit intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, s'agissant d'une créance indemnitaire. La capitalisation des intérêts échus par annuités sera ordonnée.

Il convient de faire application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, comme précisé au dispositif.

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice subi du fait de l'exécution déloyale et fautive du contrat de travail

L'appelant sollicite dans le dispositif de ses conclusions des dommages-intérêts pour « exécution déloyale et fautive du contrat de travail » mais argumente dans le corps de ses conclusions sur un préjudice en lien avec une rupture brutale et vexatoire du contrat de travail. Outre que la demande principale afférente à l'exécution fautive du contrat de travail n'est pas argumentée, M. [JV] ne justifie pas plus de circonstances vexatoires, l'employeur ayant respecté de surcroît pour l'essentiel la procédure disciplinaire. Le jugement qui a rejeté cette demande est confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

L'appelant fait valoir que la MAIF a manqué à son obligation de sécurité en étant à l'origine de la dégradation de son état de santé, expliquant avoir été à la suite du licenciement hospitalisé en psychiatrie du 28/03/2018 au 04/06/2018, puis avoir été en maladie jusqu'au 07/02/2022, et expliquant que la procédure de licenciement a été mise en 'uvre sur la base de faits mensongers.

L'intimée explique que l'engagement d'une procédure disciplinaire conduisant à la notification du licenciement du salarié ne constitue pas un manquement à la réglementation entourant la santé et la sécurité des travailleurs puisqu'il s'agit d'un dispositif légal permettant la rupture du contrat de travail.

En vertu de l'article L4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il a été vu que le licenciement n'est pas causé. Toutefois, l'engagement de la procédure de licenciement, ne peut caractériser une atteinte à l'obligation de sécurité de l'employeur, qui en l'espèce a respecté ainsi que cela été vu la procédure disciplinaire conventionnelle et légale. La demande est rejetée, et le jugement confirmé.

Sur les autres demandes

L'appelant n'est pas fondé à réclamer pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie, qui n'est pas partie au litige, le remboursement des indemnités journalières qui lui ont été versées. La demande est rejetée. Le jugement est confirmé.

Les dispositions de première instance étant infirmées, la MAIF supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [JV] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme la décision du 5 juillet 2018 du bureau de conciliation et d'orientation,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions déboutant M. [E] [JV] de ses demandes de réintégration, de dommages-intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail, pour manquement à l'obligation de sécurité, et de sa demande en remboursement des indemnités journalières,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la MAIF à payer à M. [E] [JV] la somme de la somme de 47.046 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts par annuités échues,

Enjoint à la MAIF de rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [E] [JV], du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Dit qu'une expédition du présent arrêt sera adressé par le Greffe au Directeur du Pôle emploi compétent,

Condamne la MAIF à payer à M. [E] [JV] une indemnité de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la MAIF aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01089
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.01089 ?
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