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25/11/2022 | FRANCE | N°19/01986

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 1, 25 novembre 2022, 19/01986


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1845/22



N° RG 19/01986 - N° Portalis DBVT-V-B7D-ST5P



SHF/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

11 Septembre 2019

(RG F19/00079 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [Z] [I]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Camille PENEZ, avocat au barreau de BETHUNE,

assistée de Me Pauline BAZIRE, avocat au barreau de L...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1845/22

N° RG 19/01986 - N° Portalis DBVT-V-B7D-ST5P

SHF/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BETHUNE

en date du

11 Septembre 2019

(RG F19/00079 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [Z] [I]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Camille PENEZ, avocat au barreau de BETHUNE,

assistée de Me Pauline BAZIRE, avocat au barreau de LYON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/11208 du 15/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

Société CARROSSERIE G2R, venant aux droits de la SAS GARAGE [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie EROUART, avocat au barreau de BETHUNE

S.A.S.U. GARAGE [J]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nathalie EROUART, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 05/10/22

La SAS Garage [J], anciennement SARL Garage [J], qui a une activité de garage automobile est soumise à la convention collective des services de l'automobile; elle comprend moins de 11 salariés ; cette société a été dissoute le 12.01.2022 par transmission universelle du patrimoine à l'associé unique la SAS Carrosserie G2R.

La société SAS Carrosserie G2R a une activité de carrosserie, garage automobile ; elle a été immatriculée le 04.03.2021.

Mme [Z] [I], née en 1980, a été engagée par contrat à durée déterminée par l'EURL Garage Guibert en qualité de mécanicien le 01.09.2008 à temps partiel (5h par semaine).

Le 20.10.2008 un contrat d'insertion de revenu minimum d'activité a été signé entre l'ANPE et le Garage [J] à temps partiel (20h par semaine), puis un contrat d'insertion à durée indéterminée à temps partiel a été conclu entre l' EURL Garage [J] et la salariée à effet du 01.11.2008, Madame [Z] [I] étant embauchée en qualité de mécanicien.

En dernier lieu elle occupait le poste de mécanicien échelon 2 à temps complet.

La moyenne mensuelle des salaires de Mme [Z] [I] s'établit à 1.581,92 €.

Madame [Z] [I] a fait l'objet de deux avertissements pour des faits intervenus les 15.02 et 22.06.2018.

A compter du 23.08.2018, la salariée a été placée en arrêt maladie jusqu'au 08.01.2019.

Le 04.09.2018, l'appelante a déposé plainte pour atteinte à la vie privée devant le commissariat de police de [Localité 5] ; son conseil a saisi le Procureur de la République du TGI de Béthune le 10.10.2018 pour des faits de communication de SMS malveillants et harcèlement, ce qui a fait l'objet d'une convocation du prévenu en vue d'un rappel à la loi ou avertissement ; Madame [Z] [I] a complété cette dernière plainte le 26.12.2018 ; un classement sans suite a été décidé par le Ministère Public et confirmé le 31.12.2019.

Le 18.10.2018 le conseil des prud'hommes de Béthune a été saisi par Mme [Z] [I] en résiliation judiciaire de son contrat de travail, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

Cette juridiction a été saisie le même jour dans sa formation de référé par la salariée qui réclamait le paiement de ses salaires de juillet à octobre 2018, soit 6.327,68 € et la remise des fiches de paie sous astreinte ; dans une ordonnance de référé en date du 28.11.2018, le conseil des prud'hommes de Béthune a constaté que le règlement de ces salaires avait été effectué et a ordonné à la SASU Garage [J] de payer à Mme [I] la somme de 622,40 € au titre de l'article 37 de la loi du 1991.

Le 08.11.2018 une sommation interpellative a été adressée à Madame [Z] [I] à la requête de la SARL Garage [J] en vue du paiement d'une somme de 1640 € au titre d'une facture impayée du 21.06.2018 relative à l'achat d'un véhicule Peugeot 206.

La SAS [J] a mis en demeure Madame [Z] [I] par LRAR du 18.07.2019 renouvelée le 29.07.2019 de justifier de son absence depuis le 10.07.2019 date de la fin de son congé maternité.

Mme [Z] [I] a été convoquée par lettre du 02.08.2019 à un entretien préalable fixé le 13.08.2019, puis licenciée par la SAS Garage [J] le 19.08.2019 pour faute grave ; il lui était reproché une absence injustifiée depuis le 11.07.2019.

Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d'appel de Douai le 07.10.2019 par Mme [Z] [I] à l'encontre du jugement rendu le 11.09.2019 par le conseil de prud'hommes de Béthune section Commerce, qui a :

- annulé les avertissements des 15 févriers et 22 juin 2018

- débouté Madame [I] du surplus de ses demandes

- débouté la SAS Garage [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Vu l'ordonnance rendue le 01.07.2020 par le conseiller de la mise en état faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur ; une médiation a été mise en place cependant aucun accord n'ayant pu être trouvé, l'affaire a été reprise à la mise en état et plaidée le 05.10.2022 ;

Vu l'assignation en intervention forcée signifiée à la requête de Madame [Z] [I] le 28.04.2022 à l'encontre de la SAS Carrosserie G2R ;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 12.09.2022 par Mme [Z] [I] qui demande à la cour de :

JUGER recevable et bien fondé l'acte d'appel de Madame [Z] [I] du 07 octobre 2019 ;

JUGER recevable et bien fondé l'appel en intervention forcée formé par Madame [Z] [I] à l'égard de la société Carrosserie G2R ;

INFIRMER le jugement déféré, rendu le 11 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Béthune, Section commerce RG F 19/00079, en ce qu'il a :

- Débouté Madame [Z] [I] du surplus de ses demandes ;

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

CONFIRMER le jugement déféré, rendu le 11 septembre 2019 par le conseil de Prud'hommes de Béthune, Section commerce RG F 19/00079, en ce qu'il a :

- Annulé les avertissements des 15 février 2018 et du 22 juin 2018 ;

- Débouté la SAS GARAGE [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL,

JUGER que Madame [Z] [I] a été victime de faits de harcèlement moral de la part de son employeur ;

ORDONNER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [Z] [I] aux torts de l'employeur en raison des agissements de harcèlement moral ;

JUGER que la rupture du contrat de travail est nulle, en raison des agissements de harcèlement moral subis par Madame [Z] [I] de la part de son employeur;

CONDAMNER la société Carrosserie G2R à payer à Madame [Z] [I] les sommes suivantes :

' 3163,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 316,38 euros au titre des congés payés afférents

' 4594,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

' 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul

' 1581,92 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier

' 10.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral infligé au salarié ;

A TITRE SUBSIDAIRE,

JUGER que l'employeur a commis de graves manquements à l'encontre de Madame [Z] [I] ;

ORDONNER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [Z] [I] aux torts de l'employeur en raison des graves manquements commis ;

JUGER que la rupture du contrat de travail est nulle, en raison de l'état de grossesse de Madame [Z] [I] au moment de la saisine du Conseil de Prud'hommes CONDAMNER la société Carrosserie G2R à payer à Madame [Z] [I] les sommes suivantes :

' 3163,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 316,38 euros au titre des congés payés afférents

' 4594,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

' 30 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul

' 1581,92 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

JUGER que l'employeur a commis de graves manquements à l'encontre de Madame [Z] [I] ;

ORDONNER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [Z] [I] aux torts de l'employeur en raison des graves manquements commis ;

JUGER que la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la société Carrosserie G2R à payer à Madame [Z] [I] les sommes suivantes :

' 3163,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 316,38 euros au titre des congés payés afférents

' 4594,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

' 16 610,16 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 1581,92 euros au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier

EN TOUT ETAT DE CAUSE

JUGER mal fondé l'appel incident formé par la SAS [J] ;

JUGER mal fondé l'appel incident formé par la société Carrosserie G2R ;

Et en conséquence,

DEBOUTER la SAS [J] et la société Carrosserie G2R de leur demande de voir infirmé le jugement déféré, rendu le 11.09.2019 par le conseil de prud'hommes de Béthune, Section Commerce RG F 19.00079, en ce qu'il a :

- Annulé les avertissements des 15 février 2018 et 22 juin 2018 ;

- Débouté la SAS Garage [J] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

DEBOUTER la SAS [J] et la société Carrosserie G2R de leur demande de voir déboutée Madame [Z] [I] de l'ensemble de ses conclusions, demandes, fins et prétentions du chef des avertissements des 15 février 2018 et 22 juin 2018 ;

DEBOUTER la SAS [J] et la société Carrosserie G2R de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société Carrosserie G2R à remettre une attestation destinée à POLE EMPLOI, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour et par document à compter du 1er jour du mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

CONDAMNER la société Carrosserie G2R à payer à Madame [Z] [I] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société Carrosserie G2R aux entiers frais et dépens de l'instance DEBOUTER la SAS [J] de toutes ses demandes contraires aux présentes ;

DEBOUTER la société Carrosserie G2R de toutes ses demandes contraires aux présentes;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 03.10.2022 par l'EURL Garage Guibert qui demande de :

Constater que Madame [I] ne maintient pas son appel et ne formule plus de demandes en appel contre la SASU [J].

En conséquence,

Juger irrecevable et mal fondé l'appel de Madame [I] du 7 octobre 2019 ;

Confirmer le jugement déféré rendu le 11 septembre 2019 par le conseil des prud'hommes de

Béthune en ce qu'il a :

' débouté Madame [Z] [I] du surplus de ses demandes

' laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens

Infirmer le jugement déféré rendu le 11 septembre 2019 par le Conseil des prud'hommes de

Béthune en ce qu'il a :

' annulé les avertissements des 15 février et 22 juin 2018

' débouté la SAS Garage [J] de sa demande au tire de l'article 700 du code de

procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

Débouter Madame [I] de l'ensemble de ses conclusions, demandes, fins et prétentions du chefs des avertissements des 15 février et 22 juin 2022 ;

Condamner Madame [I] à verser à la SASU [J] la somme de 2 400, 00€ au titre de l'article 700 du C.P.C. ;

Condamner Madame [I] aux entiers frais et dépens d'appel et d'instance ;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 21.07.2022 par la SAS Carrosserie G2R qui demande à la cour de :

Déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société Carrosserie G2R.

Juger irrecevable et mal fondé l'appel de Madame [I] du 7 octobre 2019

Juger irrecevable et mal fondé l'appel en intervention forcée de la société Carrosserie G2R ;

Confirmer le jugement déféré rendu le 11 septembre 2019 par le conseil des prud'hommes de Béthune en ce qu'il a :

- débouté Madame [Z] [I] du surplus de ses demandes

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

En conséquence,

Débouter l'appelante de l'ensemble de ses conclusions, demandes, fins et prétentions ;

Infirmer le jugement déféré rendu le 11 septembre 2019 par le Conseil des prud'hommes de Béthune en ce qu'il a :

- annulé les avertissements des 15 février et 22 juin 2018

- débouté la SAS Garage [J] de sa demande au tire de l'article 700 du code de

procédure civile ;

Et statuant à nouveau :

Débouter Madame [I] de l'ensemble de ses conclusions, demandes, fins et prétentions du chefs des avertissements des 15 février et 22 juin 2022 ;

Condamner Madame [I] à verser à la société Carrosserie G2R la somme de

2 400, 00 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ;

Condamner Madame [I] aux entiers frais et dépens d'appel et d'instance ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 05.10.2022 prise au visa de l'article 907 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

EN LA FORME :

Sur la mise en cause de la SAS Garage [J] :

La SAS Garage [J] constate que Madame [Z] [I] ne forme plus aucune demande à son encontre après avoir mis en cause la SAS Carrosserie G2R dans la procédure, contre laquelle elle maintient ses demandes.

Il est constant que, dans ses dernières conclusions transmises sur RPVA le 12.09.2022, Madame [Z] [I] sollicite la recevabilité de l'appel en intervention forcé à l'encontre de la SAS Carrosserie G2R et qu'elle forme ses demandes uniquement à l'encontre de cette société.

Par suite, la SAS Garage [J] doit être mise hors de cause.

Sur la mise en cause de la SAS Carrosserie G2R :

La SAS Carrosserie G2R soulève l'irrecevabilité des demandes formées à son encontre en faisant observer qu'elle avait été constituée par création de fonds le 01.02.2021 alors que le licenciement de la salariée a été notifié le 19.08.2019, la rupture devant être appréciée à cette date ; elle constate que Madame [Z] [I] n'a pas fait opposition en sa qualité de créancier dans les délais légaux.

Madame [Z] [I] réplique en se fondant sur les dispositions de l'article 1844-5 du code civil, en rappelant que, du fait de transmission universelle du patrimoine qui s'est opérée de la SAS Garage [J] vers la SAS Carrosserie G2R, la société absorbante devient de plein droit partie aux procédures judiciaires engagées antérieurement à l'encontre de la SAS Garage [J]. Elle se prévaut également des articles 554 et 555 du code de procédure civile en constatant que la SAS Garage [J] a fait l'objet opportunément d'une radiation le 12.01.2022 seulement 7 jours avant la clôture de la procédure devant la cour. Il y a eu dissolution sans liquidation et donc transmission universelle du patrimoine d'une société à l'autre, le droit à réparation de la salariée qui a existé avant cette dissolution étant maintenu et l'opposition des créanciers restant facultative.

La fusion se définit aux termes de l'article L236-1 du code de commerce comme la transmission par une ou plusieurs sociétés de leur patrimoine à une société existante ou à une société nouvelle qu'elles constituent. Elle emporte la dissolution sans liquidation de la société absorbée, la transmission universelle de son patrimoine à la société nouvelle (fusion-création) ou absorbante (fusion-absorption) qui augmente corrélativement son capital social, dans l'état où il se trouve au jour de la réalisation définitive de l'opération, ainsi que l'échange des droits sociaux des associés de la société dissoute par des titres émis par la société bénéficiaire de la transmission universelle du patrimoine. Il en résulte que la société bénéficiaire des apports se substitue activement et passivement, dans tous les droits et obligations, contractuels et délictuels, des sociétés fusionnées sans que cela entraîne novation ou déchéance du terme et que par suite, la société absorbante doit répondre de l'intégralité des dettes souscrites par la société absorbée sans égard pour le fait générateur de celles-ci dès lors qu'il est antérieur à la fusion.

La SAS Carrosserie G2R en sa qualité de société bénéficaire des apports doit donc intervenir dans la procédure aux lieu et place de la SAS Garage [J] qu'elle substitue en application des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile. Les demandes formées par Madame [Z] [I] à son encontre sont recevables.

AU FOND :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Madame [Z] [I] fait valoir un harcèlement moral à l'encontre de son employeur.

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient au juge de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral. Le juge ne doit pas seulement examiner chaque fait invoqué par le salarié de façon isolée mais également les analyser dans leur ensemble, c'est-à-dire les apprécier dans leur globalité, puisque des éléments, qui isolément paraissent insignifiants, peuvent une fois réunis, constituer une situation de harcèlement.

Si la preuve est libre en matière prud'homale, le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral est tenu d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants qu'il présente au soutien de ses allégations afin de mettre en mesure la partie défenderesse de s'expliquer sur les agissements qui lui sont reprochés.

A l'appui de sa demande Madame [Z] [I] relève que :

- son employeur lui a adressé de nombreux SMS malveillants ou à tout le moins inappropriés, ce qui a donné lieu à une plainte pénale avec convocation par le Ministère public en vue par d'un rappel à la loi, ces faits étant néanmoins réitérés postérieurement; sur ce point, la salariée transmet des pages de SMS qui y sont reproduits montrant une intrusion réitérée dans sa vie privée ; son conseil en a saisi le Procureur de la République du TGI de Béthune le 10.10.2018 ce qui a donné lieu à une convocation de M. [J] le 21.01.2019 en vue d'un rappel à la loi ; il s'agit de messages ayant certes des contenus personnels mais adressés par un employeur à une salariée qui conteste toute relation intime avec son employeur, ce dernier ne pouvant pas sans son accord s'autoriser à la poursuivre de ses assiduités dans le cadre de sa vie privée ;

- ces messages contenaient des menaces précises et réitérées ce qui a nécessité une nouvelle plainte déposée au commissariat de [Localité 5] le 26.12.2018 ;

- la SAS Garage [J] lui a adressé deux avertissements pour des faits situés le 15.02 et 22.06.2018 mais qui ne sont pas datés et qui comme tels ne peuvent pas faire courir le délai de deux mois de l'article L1332-4 du code du travail ; en outre, la société ne produit pas le règlement intérieur auquel elle se réfère, et la société n'a pas respecté la procédure prévue par l'article L 1332-2 ; raisons pour lesquelles le premier juge a annulé ces sanctions ;

- la SAS Garage [J] a payé les sommes dues avec retard et après saisine par la salariée de la juridiction des référés les salaires qui restaient dus, l'ordonnance de référé du 28.112018 mettant à la charge de la société les frais exposés et non compris dans les dépens ;

- Madame [Z] [I] justifie des insultes à caractère racial proférées par son employeur à l'encontre de son concubin au moyen des SMS litigieux, ce qui a donné lieu à une plainte spécifique de ce dernier;

- elle verse aux débats les nombreux courriers échangés avec un huissier de justice qui avait été chargé par la SAS Garage [J] de récupérer deux créances dont il n'est pas justifié ;

- enfin le propre fils de Madame [Z] [I] né en 1998 atteste du comportement agressif et insultant de M. [J] à l'égard de sa mère.

En complément, Madame [Z] [I] transmets les arrêts de travail renouvelés qui lui ont été délivrés à partir du 23.08.2018 qui justifient de la dégradation conséquente de son état de santé à la suite de ces agissements répétés.

Ces éléments précis et concordants sont matériellement établis et laissent présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'un harcèlement moral.

En réplique, la SAS Garage [J] conteste tous les faits qui lui sont reprochés en déclarant que la salariée se borne à des affirmations sans fondement. M. [J] se prévaut d'une relation amoureuse et sexuelle contrariée, qui eût elle existé, ne lui permettait pas de se comporter de la sorte et d'envahir la sphère privée de la salariée de manière malveillante et renouvelée ; la souffrance et la jalousie dont il fait état non plus.

Le préjudice subi par Madame [Z] [I] résulte de ce débordement prolongé auquel il n'a pas été possible de poser des limites, et il se situe tant au niveau moral que financier, la salariée ayant été en définitive licenciée pour n'avoir pas été en mesure de reprendre son travail dans les mêmes conditions.

La SAS Carrosserie G2R venant aux droits de la SAS Garage [J] sera condamnée au paiement de la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi. En conséquence le jugement rendu sera infirmé.

Le jugement sera confirmé en revanche pour avoir prononcé l'annulation des deux sanctions contestée.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

La demande de résiliation judiciaire étant antérieure au licenciement, son bien fondé doit être vérifié dans un premier temps et, seulement si elle s'avère infondée, le licenciement sera examiné.

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement des articles 1224 à 1230 nouveaux (article 1184 ancien du code civil).

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. Le contrat de travail n'étant pas résilié, son exécution se poursuivra.

La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

A l'appui de sa demande, Madame [Z] [I] fait valoir plusieurs manquements à l'encontre de son employeur justifiant à son sens la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci et tout particulièrement le harcèlement moral qu'elle a subi, qui en résulte, et qui est démontré.

Les manquements de l'employeur sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La date de la résiliation judiciaire ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu à cette date et que le salarié se trouve toujours au service de son employeur. Le licenciement étant intervenu le le 19.08.2019, la résiliation judiciaire sera fixée à cette date.

Elle ouvre droit à toutes les indemnités de rupture : indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle, même lorsque la convention collective n'en prévoit l'octroi que dans des cas limités, outre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculée en application soit de l'article L 1235-3 soit de l'article L 1235-5 C.Trav ; l'indemnité prévue en cas de non respect de la procédure n'est pas due. Ces diverses indemnités doivent être calculées sur la base de la rémunération qu'aurait dû percevoir le salarié et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur.

En conséquence, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de Mme [Z] [I], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, mais également compte tenu des nouvelles dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail qui cependant doit être écarté en application des dispositions de l'article L1235-3-1, la SAS Carrosserie G2R sera condamnée à verser au salarié à titre de dommages intérêts la somme de 16.000 € ; cette somme à caractère indemnitaire est nette de tous prélèvements sociaux ; ce, outre les indemnités de rupture ainsi qu'il est précisé au dispositif.

Dans les cas de nullité du licenciement prévus aux articles L. 1132-4 (discrimination), L. 1134-4 (action du salarié fondée sur les dispositions du principe de non discrimination), L. 1144-3 (égalité professionnelle hommes/femmes), L. 1152-3 (hacèlement moral), L. 1153-4 (harèlement sexuel), et lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il est fait droit à la demande de remise des documents sociaux sans que l'astreinte soit nécessaire.

Il serait inéquitable que Mme [Z] [I] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que l'EURL Garage Guibert qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Ordonne la mise hors de cause de la SAS Garage [J] et déclare les demandes de Madame [Z] [I] à l'égard de la SAS Carrosserie G2R recevables ;

Confirme le jugement rendu le 11.09.2019 par le conseil de prud'hommes de Béthune section Commerce en ce qu'il a prononcé l'annulation des avertissements notifiés pour des faits du 15.02.2018 et du 22.06.2018 ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que Madame [Z] [I] a subi un harcèlement moral de la part de la SAS Garage [J] ;

Dit en conséquence que la résiliation judiciaire sera prononcée aux torts et griefs de la SAS Carrosserie G2R venant aux droits de la SAS Garage [J] et produira les effets d'un licenciement nul à la date du 19.08.2019 ;

Condamne en conséquence la SAS Carrosserie G2R à payer à Mme [Z] [I] les sommes de :

' 3 163,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 316,38 euros au titre des congés payés afférents

' 4594,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

' 16 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul

' 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Dit que la SAS Carrosserie G2R devra transmettre à Mme [Z] [I] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Assedic/Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

Rejette les autres demandes ;

Ordonne, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS Carrosserie G2R à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Mme [Z] [I] à concurrence de trois mois de salaire ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Carrosserie G2R à payer à Mme [Z] [I] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Ou à payer au conseil de la salariée la somme de 2.000 € sous réserve qu'il renonce en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de l'aide juridictionnelle s'il parvient à recouver cette somme dans les 12 mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission ;

Condamne la SAS Carrosserie G2R aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 1
Numéro d'arrêt : 19/01986
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;19.01986 ?
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