La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2022 | FRANCE | N°19/01769

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 1, 25 novembre 2022, 19/01769


ARRÊT DU

25 Novembre 2022







N° 1842/22



N° RG 19/01769 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SRCE



SHF/NB





































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

11 Juillet 2019

(RG 18/00182)




































>

GROSSE :



aux avocats



le 25 Novembre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/09784 du 0...

ARRÊT DU

25 Novembre 2022

N° 1842/22

N° RG 19/01769 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SRCE

SHF/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

11 Juillet 2019

(RG 18/00182)

GROSSE :

aux avocats

le 25 Novembre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Anne DURIEZ, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/19/09784 du 01/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.S.U. ADECCO FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier CAYET, avocat au barreau de CAMBRAI, substitué par Me Jean-Luc NISOL avocat au barreau de LYON

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Octobre 2022

Tenue par Soleine HUNTER-FALCK

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 janvier 2022

La SASU ADECCO France, qui a une activité d'entreprise de travail temporaire dans le domaine de l'hôtellerie événementiel, est soumise à la convention collective du travail temporaire.

M. [P] [W], né en 1981, a été engagé à compter du 03.01.2002 par la SASU ADECCO France par différents contrats de mission, et de manière très régulière depuis avril 2016 pour l'essentiel en qualité de serveur ; le dernier contrat était en date du 20.01.2017.

M. [P] [W] a été mis en arrêt de travail à compter du 24.07.2016 avec prolongations jusqu'au 21.09.2016.

Le 14.02.2018, le conseil des prud'hommes de Lille a été saisi par M. [P] [W] en requalification à compter du 19.04.2016 des contrats de mission en un contrat à de travail à durée indéterminée, indemnisation des préjudices subis et pour diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail.

M. [P] [W] a été à nouveau placé en arrêt de travail du 21.11.2018 jusqu'au 20.05.2018.

Un appel a été interjeté régulièrement devant la cour d'appel de Douai le 12.08.2019 par M. [P] [W] à l'encontre du jugement rendu le 27.06.2019 par le conseil de prud'hommes de Lille section Activités Diverses, notifié par courrier adressé le 11.07.2019, qui a :

PRONONCE la requalification de la relation contractuelle entre la SASU ADECCO France et Monsieur [W] [P] en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 19 avril 2016 ;

En conséquence,

CONDAMNE la SASU ADECCO France à lui verser les sommes suivantes :

- 6 305,97 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 19 avril 2016 au 28 février 2017,

- 630,60 euros à titre de congés payés y afférents,

- 1 500,00 euros sur le fondement du 2 ème alinéa de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Monsieur [W] de ses autres demandes,

RAPPELE que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal :

- A compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le Bureau de conciliation pour les autres sommes de nature salariale,

- A compter du prononcé de la présente décision pour les sommes de nature indemnitaire.

DEBOUTE la SASU ADECCO France de ses demandes reconventionnelles

DEBOUTE les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif

ORDONNE l'exécution provisoire du jugement selon les dispositions de l'article R.1454.28 du Code du travail et FIXE la moyenne des salaires des trois derniers mois à la somme de 1 466,65 euros

CONDAMNE la SASU ADECCO France aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions transmises par RPVA le 26.05.2021 par M. [P] [W] qui demande à la cour de :

- CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lille le 27 juin 2019 en ce qu'il a :

o Prononcé la requalification de la relation contractuelle entre la SASU ADECCO France et Monsieur [W] [P] en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 19 avril 2016

o Condamné la SASU ADECCO France à lui verser les sommes suivantes :

. 6.305,97 € bruts à titre de rappel de salaires pour la période du 19 avril 2016 au 28 février 2017

. 630,60 € bruts au titre des congés payés y afférents

. 1.500 € nets sur le fondement du 2 ème alinéa de l'article 700 du code de procédure civile

- INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lille le 27 juin 2019 pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- DIRE Monsieur [W] bien fondé en ses demandes

- FIXER la rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [W] à la somme de 1.480 € bruts - CONDAMNER la société ADECCO France au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour requalification des contrats précaires

- CONDAMNER la société ADECCO France au paiement des sommes suivantes :

o 247,78 € bruts à titre de rappel de salaire ;

o 24,78 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

o 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée du travail ;

o 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

o 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

- A titre principal, PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [W] aux torts exclusifs de l'employeur ;

- A titre subsidiaire, REQUALIFIER la rupture du contrat de travail intervenue le 28 février 2017 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- En conséquence, CONDAMNER la société ADECCO France au paiement des sommes suivantes :

o 2.960 € bruts au titre de l'indemnité de préavis

o 296 € bruts au titre des congés payés y afférents

o 1.942,50 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement

- DIRE ET JUGER que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 21 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la Convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable.

- DIRE en tout état de cause que le barème prévu par l'article L 1235-3 du code du travail porte une atteinte disproportionnée aux droits de la salariée concernée de sorte qu'il y a lieu d'écarter son application.

- CONDAMNER la société ADECCO France au paiement de la somme de 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

o A titre subsidiaire, CONDAMNER la société ADECCO France au paiement de la somme de 8.880 € nets à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail.

- CONDAMNER la société ADECCO FRANCE à verser à Monsieur [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ainsi qu'en tous les frais et dépens avec droit de recouvrement au profit de Maître Anne DURIEZ conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- ORDONNER le remboursement par la société ADECCO France des indemnités de chômage versées à Monsieur [P] [W] dans la limite de 6 mois d'indemnités conformément à l'article L1235-4 du code du travail ;

Vu les conclusions transmises par RPVA le 22.02.2021 par la SASU ADECCO France qui demande de :

Déclarer les prétentions en appel de Monsieur [W] non fondées

Confirmer le jugement entrepris par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- Débouté Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 euros au titre de la requalification de ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ;

- Débouté Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 euros pour non-respect de la durée du travail ;

- Débouté Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 3 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité ;

- Débouté Monsieur [W] de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 5 000 euros pour manquement à l'obligation de loyauté ;

- Débouté Monsieur [W] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ADECCO France ;

Faire droit à l'appel incident de la société ADECCO France,

Infirmer le jugement entrepris par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- Condamné la société ADECCO France au paiement des sommes suivantes :

o 6 305,97 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 19 avril 2016 au 28 février 2017,

o 630,60 euros à titre de congés payés y afférent,

o 1 500 euros sur le fondement du 2ème alinéa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Debouté la société ADECCO France de ses demandes reconventionnelles ;

- Condamné la société ADECCO aux entiers frais et dépens.

En conséquence, Débouter Monsieur [W] de l'intégralité de sa demande.

Condamner Monsieur [W] à payer à la société ADECCO la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12.01.2022 prise au visa de l'article 907 du code de procédure civile ;

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

A l'issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

a) Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein :

M. [P] [W] invoque la nullité des contrats de mission en faisant valoir l'absence de contrats de mission si ce n'est par l'envoi, par un courrier en date du 11.05.2017, de contrats relatifs à des missions exécutées à compter du 19.04.2016 ; il observe que cet envoi correspond à un affranchissement pour un courrier en lettre verte de 250 grammes alors que l'ensemble de ces contrats pèse 200 grammes. Il n'est pas justifié par ailleurs que la société ait adressé ces contrats de mission dans les délais légaux ; le simple tableau Excel produit par la société en appel ne constitue pas une preuve d'envoi des contrats de mission et on constate que soit certains contrats de mission n'y figurent pas soit ils auraient été adressés au delà du délai de 2 jours prévu légalement, enfin certains sont manifestement antidatés.

Pour sa part, la SASU ADECCO France relève que le salarié ne justifie pas du contenu de la lettre qui lui a été adressée par la SASU ADECCO France le 11.05.2017 ; elle affirme avoir toujours adressé les contrats de mission dans le délai légal et elle verse aux débats un récapitulatif d'envoi ; il appartenait au salarié de signer ces contrats et de les renvoyer en constatant qu'il en a bien accepté les termes contractuels. Elle déclare que, compte tenu de la poursuite des relations contractuelles entre les parties depuis l'année 2002 et de l'absence de toute réclamation, M. [P] [W] ne démontre pas qu'il ne recevait pas ses contrats de mission régulièrement ; il recevait chaque mois un bulletin de paie correspondant à ses prestations ; elle oppose l'intention frauduleuse du salarié ; au surplus la méconnaissance de l'obligation de transmission n'entraîne plus depuis les ordonnances du 22.09.2017 la requalification du contrat de mission et ça n'est pas le cas du dépassement du délai de 48 heures.

Le contrat de travail du travailleur temporaire ou contrat de mission doit être établi par écrit aux termes de l'article L. 1251-16 du code du travail ; il doit en outre être transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition conformément à l'article L 1251-17.

Aux termes de l'article L 1251-40 dans sa version applicable jusqu'au 24.09.2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En outre la jurisprudence a décidé que dans ce contexte l'absence de contrat écrit imposait la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.

En l'espèce, le salarié fait valoir le fait qu'il n'a reçu les contrats de mission qu'il produit pour des missions allant du 19.04.2016 au 20.01.2017 que par un envoi postal qui lui a été adressé le 11.05.2017 soit postérieurement à son dernier contrat ; il produit l'enveloppe envoyée par ADECCO [Localité 5] Evènementiel, portant une flamme faisant apparaître le prix de 2,84 € ce qui correspond à un envoi de 250 grammes, soit selon lui l'équivalent de l'ensemble de ces contrats.

La société, qui ne communique pas les contrats de mission, produit de son côté en cause d'appel un tableau informatique Excel qui recense les différents contrats édités pour des missions allant du 13.09.2013 au 22.05.2016 précisant les numéros de contrats correspondants, les dates de début et de fin de missions, la date de remise en poste, le nom du client, celui de l'intérimaire.

Outre le fait que l'on de sait pas si ce tableau fait référence à l'envoi par la poste des contrats au client ou à l'intérimaire, il convient de constater que n'est pas justifié l'envoi d'un contrat passé avec NOVOTEL [Localité 5] le 27.04.2016 ; par ailleurs la société ne démontre pas l'envoi des contrats de mission au delà du mois de juillet 2016 et enfin elle n'a de son côté jamais réclamé le retour des contrats de mission signés à son salarié.

Le salarié relève en outre que non seulement un certain nombre de contrats au vu du document produit par la SASU ADECCO France auraient été adressés plus de deux jours après le début de la mission, sans respecter l'article L 1251-17 du code du travail, mais également qu'un certain nombre ont été édités et postés après le début de la mission ce qui implique que le salarié n'avait pas été en mesure de les recevoir en temps utile.

Ces éléments ont pour incidence la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 19.04.2016.

L'intérimaire ne peut dans ces conditions obtenir de l'entreprise de travail temporaire le paiement de l'indemnité de requalification.

M. [P] [W] fait valoir des préjudices qu'il estime distincts en raison du non respect par la SASU ADECCO France de ses obligations ; il estime qu'il a pu craindre pour l'exécution et la poursuite des relations contractuelles alors que manifestement il a bénéficié de nombreux contrats de mission qui se sont succédés. Cette demande sera rejetée.

b) Sur le rappel de salaire du 19.04.2016 au 28.02.2017 :

M. [P] [W] sollicite un rappel de salaire en application de l'article L 3123-14 du code du travail en faisant valoir que, s'agissant d'un travail à temps partiel, il y aurait dû y avoir un contrat de travail écrit mentionnant la durée hebdomadaire ou le cas échéant la durée mensuelle ainsi que la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; l'emploi est ainsi présumé à temps complet et il s'est tenu à disposition de la SASU ADECCO France en permanence.

La SASU ADECCO France oppose qu'il s'agit d'une présomption simple et que le salarié ne justifie pas de s'être tenu à disposition permanente de l'entreprise.

En effet, M. [P] [W] ne donne aucun élément sur ses revenus pendant la période considérée qui auraient permis de démontrer qu'il se serait tenu à disposition exclusive de la SASU ADECCO France.

Cependant il ressort du tableau des heures réalisées pour le compte de la société (pièce 4) mais également des contrats de mission produits corellés aux bulletins de paie, qu'il a effectué un travail très régulier et suivi pour ADECCO, quasi quotidiennement, et qu'il se tenait de ce fait à disposition de son employeur à compter du 19.04.2016.

La société ne contestant pas le calcul proposé par le salarié, il convient de confirmer la décision prise par le conseil des prud'hommes sur ce point.

c) Sur le non paiement des majorations :

A ce titre, M. [P] [W] reprend l'ensemble des bulletins de paie communiqués qui font état d'un nombre d'heures réalisées qu'il confronte au tableau manuscrit (pièce 4) dans lequel il a inscrit le nombre d'heures qu'il affirme avoir effectivement assurées et qui donneraient droit à majorations.

Cependant, ce seul élément, produit tardivement, non corroboré par ailleurs ne permet pas de faire droit à cette demande en l'absence de toute réclamation antérieure.

Le jugement sera confirmé.

d) Sur le non respect de la durée du travail :

M. [P] [W] observe qu'il a pu travailler plus de 6 jours d'affilée, ou dépasser les durées hebdomadaires et journalières maximum de travail, ou n'a pas bénéficié d'un temps de repos conforme aux dispositions légales.

Il donne ainsi des exemples dont certains ne sont pas contestés par la SASU ADECCO France. Ainsi, il ressort de la synthèse des emplois réalisés pour le compte de ADECCO par M. [P] [W] que ce dernier a en effet travaillé d'affilée du 21.04 au 01.05.2016, du 19 au 28.05.2016, du 01 au 17.06.2016 soit plus de 10 jours sans repos ; l'absence de réclamation du salarié ne permet pas de valider ces périodes de travail, peu important qu'elles aient été réalisées pour des sociétés utilisatrices différentes. En revanche, le tableau manuscrit (pièce n°4) n'est pas suffisant pour démontrer l'absence de respect du repos quotidien ou de la durée maximale de travail alors que sont produits les bulletins de paie, les contrats de mission la synthèse ADDECO dont il ne ressort pas ce manquement.

Par suite le préjudice subi par M. [P] [W] est limité et la SASU ADECCO France sera condamnée au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé.

e) Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

M. [P] [W] se prévaut des manquements constatés de son employeur mais également de la dégradation de son état de santé puisqu'il a été placé en arrêt de travail pour asthénie du 25.07.2016 jusqu'au 21.09.2016.

La SASU ADECCO France conteste une demande formée pour les besoins de la cause.

L'employeur prend, en application de l'article L 4121-1 du code du travail, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : des actions de prévention des risques professionnels ; des actions d'information et de formation ; la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En conséquence la responsabilité de l'employeur est engagée sauf à prouver : la faute exclusive de la victime ou l'existence de circonstances relevant de la force majeure, imprévisibles, irrésistibles et extérieures. Il suffit que l'employeur manque à l'une de ses obligations en matière de sécurité pour qu'il engage sa responsabilité civile même s'il n'en est résulté ni accident du travail ni maladie professionnelle. Pour satisfaire à son obligation de résultat l'employeur doit vérifier : les risques présentés par l'environnement de travail, les contraintes et dangers liés aux postes de travail, les effets de l'organisation du travail, la santé des salariés, les relations du travail.

La simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur. Mais encore faut-il que la victime apporte la preuve de l'existence de deux éléments : la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir l'employeur (ou son préposé substitué) auquel il exposait ses salariés ; l'absence de mesures de prévention et de protection.

Il est fait droit mais seulement partiellement aux demandes du salarié relatives aux manquements de l'employeur quant à l'exécution de son contrat de travail ; de ce fait, il n'est pas démontré que la SASU ADECCO France ait manqué à son obligation de sécurité d'autant que le salarié justifie d'une fatigue physique qui a nécessité son arrêt maladie sans que cela soit nécessairement en lien avec l'exécution de son contrat de travail.

La demande sera rejetée et le jugement confirmé.

f) Sur le manquement à l'obligation de loyauté :

M. [P] [W] se fonde sur l'incertitude dans laquelle il a été contrait de travailler sans transmission des contrats de mission, mais également sur un versement incomplet de ses salaires, ce qui a eu des conséquences dans la gestion de son budget ; aucun contrat ne lui a plus été proposé au delà de son arrêt maladie.

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il est exact que les contrats de mission ont été transmis de manière aléatoire ; il est justifié de ce que les bulletins de paie ne correspondent pas intégralement aux versements effectués par ADECCO à M. [P] [W] notamment celui de 850 € du 24.06.2016 ou celui de 600 € du 17.06.2016 ; enfin aucun contrat n'a été proposé au salarié au delà du 20.01.2017.

Les manquements de l'employeurs sont établis ; le préjudice du salarié sera justement réparé par l'octroi de la somme de 1.000 € au paiement de laquelle la société sera condamnée ; le jugement sera infirmé.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

En cas d'inexécution de ses obligations contractuelles par l'employeur, le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur sur le fondement des articles 1224 à 1230 nouveaux (article 1184 ancien du code civil).

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsqu'en revanche, les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, le juge doit purement et simplement débouter le salarié de sa demande. Le contrat de travail n'étant pas résilié, son exécution se poursuivra.

La résiliation judiciaire produit effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

A l'appui de sa demande, M. [P] [W] fait valoir plusieurs manquements à l'encontre de son employeur justifiant à son sens la résiliation de son contrat de travail aux torts de celui ci ; ces manquements ont été démontrés en ce qui concerne le manquement à l'obligation de bonne foi, le non respect des dispositions légales concernant les contrats de mission, le non respect de la durée du travail.

Par suite ces manquements étant établis et, pris dans leur ensemble, d'une gravité suffisante, la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera infirmé.

La date de la résiliation judiciaire ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu à cette date et que le salarié se trouve toujours au service de son employeur ; elle sera donc fixée au 20.02.2017 eu égard à la date de la dernière mission, le conseil des prud'hommes ayant constaté qu'à partir de fin février 2017, la relation de travail s'était terminée et le salarié ne justifiant pas d'être resté à disposition.

La résiliation judiciaire ouvre droit à toutes les indemnités de rupture : indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle, même lorsque la convention collective n'en prévoit l'octroi que dans des cas limités, outre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse calculée en application soit de l'article L 1235-3 soit de l'article L 1235-5 C.Trav ; l'indemnité prévue en cas de non respect de la procédure n'est pas due. Ces diverses indemnités doivent être calculées sur la base de la rémunération qu'aurait dû percevoir le salarié et non sur celle de la rémunération qu'il a effectivement perçue du fait des manquements de l'employeur.

Ce dernier ne conteste pas le calcul des indemnités de rupture par le salarié, qui sera donc confirmé.

En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement abusif, les nouvelles dispositions de l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable dispose que :

'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.'

S'agissant de la compatibilité de ce texte avec l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes de la partie II de ce texte et de l'article 24 qui vise, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée, il convient de dire que les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En revanche, l'article 10 de la Convention n°158 sur le licenciement de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) est d'application directe en droit interne.

La Convention n°158 de l'OIT sur le licenciement stipule dans son article 10 que, si les tribunaux arrivent à la conclusion qu'un licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Le juge judiciaire exerce un contrôle de conventionnalité de nature à permettre de s'assurer que les lois françaises sont bien conformes aux conventions et traités internationaux signés par la France et au droit de l'Union Européenne, qui ont une valeur supérieure à la loi. Ces textes internationaux comprennent notamment la Convention n°158 de l'OIT dont le texte a été déclaré d'application directe.

Le principe d'égalité des citoyens devant la loi, qui est garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ne s'oppose pas au principe d'individualisation des décisions de justice qui ressort de l'office du juge et de la fonction correctrice de la jurisprudence qui se détermine au cas par cas.

Il est des cas restant exceptionnels dans lesquels l'indemnisation légalement prévue apparaît insuffisante et inadéquate.

Cependant encore faut il que le salarié apporte des éléments de nature à permettre au juge d'une part d'apprécier l'écart entre le préjudice subi et le préjudice indemnisable, et d'autre part de déterminer si des circonstances particulières expliquent cet écart et justifient de prendre en compte la situation personnelle du salarié pour éviter une atteinte disproportionnée à la protection contre le licenciement injustifié.

En l'espèce, le salarié ne fait valoir aucun élément particulier.

En conséquence, et en application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, la SASU ADECCO France sera condamnée au versement de la somme de 1.466,65 €.

Il serait inéquitable que M. [P] [W] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SASU ADECCO France qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 27.06.2019 par le conseil de prud'hommes de Lille section Activités Diverses en ce qu'il a requalifié la succession de contrats de mission conclus entre M. [P] [W] et la SASU ADECCO France à compter du 19.04.2016 en contrat à durée indéterminée, a condamné la société à un rappel de salaire d'un montant de 6.305,97 € outre les congés payés ainsi que 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de dommages intérêts pour requalification, de majorations sur heures travaillées, de manquement à l'obligation de sécurité ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 20.02.2017 ;

Condamne en conséquence la SASU ADECCO France à payer à M. [P] [W] les sommes de :

- 1.000 € à titre de dommages intérêts pour non respect de la durée du travail ;

- 1.000 € à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté ;

- 2.960 € au titre de l'indemnité de préavis ;

- 296 € au titre des congés payés y afférents ;

- 1.942,50 € au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 1.466,65 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif ;

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Rejette les autres demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SASU ADECCO France à payer au conseil de M. [P] [W] la somme de 2.000 € sous réserve qu'il renonce en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de l'aide juridictionnelle s'il parvient à recouver cette somme dans les 12 mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission ;

Condamne la SASU ADECCO France aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 1
Numéro d'arrêt : 19/01769
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;19.01769 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award