ARRÊT DU
25 Novembre 2022
N° 1943/22
N° RG 19/01006 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SKD2
PN/VM
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE
en date du
04 Avril 2019
(RG F 18/00206 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 25 Novembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTS :
SAS TIM en liquidation judiciaire
Ayant pour avocat Me Anne-Emmanuelle THIEFFRY, avocat au barreau de LILLE qui a indiqué ne plus intervenir dans le dossier et dégager sa responsabilité.
SELARL WRA es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS TIM
[Adresse 1]
[Localité 6]
n'ayant pas constitué avocat - assigné le 13 décembre 2019 à personne habilitée.
SELAS MJS PARTNERS es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS TIM
[Adresse 8]
[Localité 5]
n'ayant pas constitué avocat - assigné le 30 décembre 2019 à personne habilitée
INTIMÉS :
M. [H] [X]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE
UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD
DÉBATS : à l'audience publique du 22 Septembre 2022
ARRÊT : Réputée contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Janvier 2022
EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
M. [H] [X] a été engagé par la Société TIM le 11 septembre 2975 en qualité de soudeur.
Il occupait un poste d'ouvrier soudeur niveau2 échelon 3 de la convention collective de la métallurgie dunkerquoise et environs, outre une prime conventionnelle d'ancienneté.
Il était investi de fonctions syndicales au sein de l'entreprise, et disposait de mandats représentatifs tant au niveau de l'entreprise que, dans le cas de son activité syndicale au sein de la région. Il va en outre occuper des mandats représentatifs tant sur le plan national qu'à l'échelle européenne.
Le 23 juillet 2013, le salarié a été placé en arrêt maladie. Courant juillet 2016, la caisse primaire d'assurance-maladie l'a placée en invalidité deuxième catégorie.
Le 7 mars 2017, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de soudeur cariste et apte à des tâches administratives sur un poste accessible aux personnes à mobilité réduite.
La Société TIM a repris le paiement de son salaire l'issue du délai légal d'un mois.
Entre-temps, le 30 janvier 2017, a fait l'objet d'une procédure collective avec placement en redressement judiciaire, la cessation des paiements ayant été fixé le 25 janvier 2017.
Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 23 août 2017.
Toutefois, à l'exception de 24 cadres d'entreprise ayant fait l'objet d'un plan social pôle emploi, pour les autres salariés ont été repris dans une nouvelle structure qui a adopté la même dénomination sociale que l'entreprise liquidée.
Cette nouvelle Société TIM a placé le salarié en congés sans solde sans son accord au mois d'août 2017, ainsi que durant le mois de septembre 2017.
Le 27 avril 2018, M. [H] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et d'obtenir paiement des conséquences financières de la rupture de son contrat de travail, ainsi qu'un dédommagement pour discrimination.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Dunkerque en date du 4 avril 2019 lequel a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] [X] aux torts de l'employeur,
- condamné la Société TIM à lui payer :
- 34 093,12 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 12 236,10 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
La société TIM a interjeté appel de la décision le 2 mai 2019, en dit que M. [H] [X] en informer appel le 3 mai 2019.
Me Anne-Emmanuelle THIEFFRY, qui s'était constitué originellement pour le compte de la Société TIM, arguant du fait que le 27 novembre 2019, la Société TIM a fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 27 novembre 2019, a, par courrier électronique du 26 octobre 2020 fait savoir la cour qu'elle n'intervenait plus au soutien de la Société TIM, de sorte qu'elle dégageait sa responsabilité.
Par exploit du 24 décembre 2009, le salarié a assigné la SELARL WRA, mandataire liquidateur de la Société TIM et la SELAS MJS PARTNERS ainsi que l'AGS (CGEA de [Localité 4]), avec notification de ses conclusions.
En dehors de l'AGS, celles-ci n'ont pas constitué.
Vu les conclusions de M. [H] [X] déposées par RPVA au secrétariat greffe de la cour le 29 janvier 2020 et celles de l'AGS (CGEA de [Localité 4]) déposées au secrétariat greffe de la cour par voie de RPVA déposées le 23 mars 2020,
Vu l'ordonnance de clôture du 13 janvier 2022,
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
M. [H] [X] demande :
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la Société TIM,
- condamné la Société TIM à lui payer 34 093,12 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
L'infirmer pour le surplus,
Par conséquent :
- de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la Société TIM aux sommes suivantes :
- 34.093,12 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 30.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 300 euros au titre des congés payés y afférents,
- 40.787 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison de la discrimination,
- 330.576,80 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice matériel subi en raison de la discrimination,
- 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'AGS (CGEA de [Localité 4]) demande :
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] [X],
- débouté la Société TIM de sa demande reconventionnelle et condamné l'employeur dépens,
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté le salarié de ses plus amples demandes,
- Statuant à nouveau,
- de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire, de limiter à 12 136,22 € le montant des ventes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de démonstration d'un préjudice spécifique résultant de la rupture du contrat de travail du salarié,
- à titre infiniment subsidiaire, de limiter à 40 787,40 euros le montant d'éventuels dommages intérêts alloués tous poste de préjudices confondus,
- en tout état de cause,
- de débouter M. [H] [X] :
- de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de son obligation de reclassement,
- de sa demande de dommages-intérêts pour entrave à la liberté syndicale,
- de ses demandes de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral en raison de la discrimination,
- en toute hypothèse,
- de dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale et des plafonds prévus par la loi,
- de dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
SUR CE, LA COUR
Sur la demande de résiliation du contrat de travail de M. [H] [X]
Attendu que le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;
Qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la Société TIM n'a payé pas la rémunération du salarié, le contraignant a saisir le conseil de prud'hommes de Dunkerque ;
Que c'est ainsi que dans le cadre d'une procédure de référé, l'employeur a été condamné au paiement de 14 275,59 euros à titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2017 mars 2018 ;
Que pour obtenir paiement de don dû, M. [H] [X] a été contraint de procéder par voie d'huissier de justice ;
Que par la suite, il s'est vu à nouveau privé de rémunération et ce jusqu'à la saisine du bureau de jugement du conseil de prud'hommes ;
Attendu que malgré la reconnaissance du salarié en invalidité de deuxième catégorie et le constat la médecine du travail de son inaptitude, M. [H] [X] n'a jamais fait l'objet d'un licenciement ;
Qu'en tout état de cause il appartenait à l'employeur donc à rémunérer son salarié ;
Que le versement des salaires de M. [H] [X] est intervenu particulièrement tardivement et sous la menace de voies d'exécution ;
Que ces manquements manifestes à ses obligations, visant en tout premier lieu à assurer le paiement du salarié en temps et en heure sont d'une gravité telle qu'ils justifient la demande de résiliation du contrat de travail de M. [H] [X] aux torts exclusifs de la Société TIM ;
Que c'est donc par une exacte appréciation que les premiers juges ont accueilli la demande formée par l'appelant à cet égard ;
Attendu que compte tenu de l'ancienneté du salarié, du montant de son salaire et du décompte produit en pièce 13 de son dossier, il est dû à M. [H] [X] une indemnité de licenciement de 31 567,72 euros ;
Que dans la mesure où la résiliation de son contrat de travail équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui est dû une indemnité de préavis, dont le montant doit être fixé à hauteur de 3000 euros, conformément à son ancienneté et à la demande du salarié ;
Attendu que la cour a les éléments suffisants compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2.039, 37 euros par mois outre une prime d'ancienneté, de son âge (pour être né en 1958), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l'entreprise (pour avoir été engagé en septembre 1975) et de l'effectif de celle-ci (plus de 11 salariés), pour fixer le préjudice à 30.000 euros, en application des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail tel qu'applicable au jour du prononcé du jugement entrepris;
Sur la discrimination
Attendu que conformément aux dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, «Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte « telle que définie à l'article 1er de la loi numéro 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap» ;
Attendu qu'en l'espèce, M. [H] [X] soutient que son employeur n'a pas respecté l'adage « à travail égal salaire égal » lors même qu'il a été victime de discrimination syndicale ;
Qu'il justifie en l'espèce que certains collègues, employé à des postes comparables au sien, bénéficiaient d'une rémunération supérieure à la sienne, alors que certains avaient une ancienneté bien moindre que celle du salarié ;
Qu'il soutient n'avoir jamais bénéficier d'une formation susceptible de lui permettre de conserver des connaissances adéquates à son poste ;
Que ces éléments sont constitutifs d'indices laissant présumer l'existence d'une discrimination au préjudice de M. [H] [X] ;
Qu'il se déduit qu'en l'absence de tout justificatifs de motifs susceptibles de démontrer que les situations évoquées sont extérieures à toute discrimination, le salarié a bien fait l'objet d'une situation contraire aux dispositions légales susvisées ;
Attendu toutefois que pour justifier de sa perte de salaire, M. [H] [X] produit aux débats un tableau dénommé « liste des pertes de revenus en cas de licenciement » portant mention d'un préjudice matériel subi à hauteur de plus de 330 000 euros ;
Que toutefois, le décompte produit, basé sur une assiette de salaire fixe d'un montant constant et notamment de prime d'ancienneté et des vacances ne suffit pas, en l'absence de plus amples et plus précises informations, à caractériser de façon circonstanciée la réalité du préjudice allégué ;
Que la demande formée au titre du préjudice matériel sera rejetée ;
Attendu qu'en revanche, le fait d'avoir dû subir pendant plusieurs années une situation différente de celle de ses collègues, alors qu'il était amené à exercer des mandats et activités syndicales destinées à défendre sa profession, a causé un préjudice moral particulier à M. [H] [X] qui sera réparé par l'allocation de 12.000 euros ;
Sur la garantie de l'AGS (CGEA de [Localité 4])
Attendu que la présente décision est opposable à l'AGS, tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi ;
Sur la demande formée par M. [H] [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'à cet égard, la demande sera rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt réputé contradictoire,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
-prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] [X] aux torts de l'employeur,
RAPPELLE que la résiliation prend effet au jour de la décision déférée,
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau,
FIXE les créances de M. [H] [X] au passif de la liquidation judiciaire de la Société TIM SAS comme suit :
-3.000 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-300 euros au titre des congés payés y afférents,
-31.567,72 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-12.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral né de la discrimination syndicale subie,
DIT le présent arrêt opposable à l'AGS 5CGEA de [Localité 4]), tenue à garantie dans les limites et plafonds prévus par la loi,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,
CONDAMNE le mandataire liquidateur de la Société TIM SAS aux dépens.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
LE PRÉSIDENT
Pierre NOUBEL