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24/11/2022 | FRANCE | N°19/06621

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 24 novembre 2022, 19/06621


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 24/11/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/06621 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SX6R



Jugement (N° 16/02031)

rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Douai







APPELANTS



Madame [K] [H]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6] (Belgique)




Madame [P] [H]-[N]

née le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]



La société civile de portefeuille [N]

prise en la personne de son representant légal

ayant son siège social [Ad...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 24/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/06621 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SX6R

Jugement (N° 16/02031)

rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Douai

APPELANTS

Madame [K] [H]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6] (Belgique)

Madame [P] [H]-[N]

née le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

La société civile de portefeuille [N]

prise en la personne de son representant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 4]

représentées par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistées de Me Jérôme Wallaert, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

Monsieur [O] [V] [T] [H]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 8]

[Adresse 8]

représenté par Me Eric Laforce,avocat au barreau de Douai, avocat constitué

Assisté de Me Thomas Obajtek, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 7]

[Adresse 7]

représenté par Me Druesne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 22 septembre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 septembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

La société civile de portefeuille [N] (ci-après la SCP [N]) est une société familiale, au capital social de 1 295 816,60 euros, soit 850 parts réparties entre les membres de la famille [N]-[H] : Madame [P] [N]-[H], gérante, détient 10 parts en pleine propriété et 435 parts en usufruit, M. [O] [H], Madame [K] [H] et M. [U] [H], ses enfants, détiennent chacun 135 parts en pleine propriété et 145 parts en nue-propriété.

Sur saisine de M. [U] [H] et par jugement réputé contradictoire du 14 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Douai a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

-autorisé le retrait d'associé de M. [U] [H] de la SCP [N] ;

-dit que ce retrait porterait effet à compter du jugement ;

-dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de donner acte que le remboursement de la valeur des droits sociaux serait fixée par un accord amiable ou à défaut par la procédure d'expertise conformément à l'article 1843-4 du code civil ;

-débouté M. [U] [H] de sa demande en nullité des délibérations prises lors de l'assemblée générale ordinaire de la SCP [N], en date du 28 juin 2017. ;

-condamné solidairement la SCP [N], Mmes [P] [H]-[N], [K] [H] et M. [O] [H], à verser à M. [U] [H] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 16 décembre 2019, la SCP [N], Mmes [P] [N]-[H] et [K] [H] et M. [O] [H] ont interjeté appel partiel de ce jugement. Au terme de leurs dernières conclusions au fond remises le 16 mars 2020, ils demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il :

* a autorisé le retrait d'associé de M. [U] [H] de la SCP [N] ;

* a dit que le retrait de M. [U] [H] de la SCP [N] porterait effet à compter de la présente décision ;

* les a condamnés solidairement à verser à M. [U] [H] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance ;

* a ordonné l'exécution provisoire.

- le confirmer pour le surplus, notamment en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de donner acte à M. [U] [H] que le remboursement de la valeur de ses droits sociaux serait fixée par un accord amiable ou à défaut par la procédure d'expertise conformément à l'article 1843-4 du code civil et débouté M. [U] [H] de sa demande en nullité des délibérations prises lors de l'assemblée générale ordinaire de la SCP [N] en date du 28 juin 2017.

- et, statuant à nouveau :

* à titre principal, déclarer les demandes de M. [U] irrecevables pour défaut d'intérêt à agir ;

* subsidiairement, le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* en tout état de cause, le condamner à leur payer chacun la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Visant les articles 31 et 122 du code de procédure civile, les appelants soulèvent à titre principal le défaut d'intérêt à agir de M. [U] [H] dès lors qu'il ne détient plus de titre de la société [N].

Subsidiairement, au fond, sur le fondement des articles 1869 et 1134 (ancien) du code civil, ils opposent au retrait de M. [U] [H] l'absence de dispositions statutaires et de juste motif, la mésentente familiale ne caractérisant pas une disparition de l'affectio sociétatis dès lors qu'elle ne constitue pas un obstacle au bon fonctionnement de la société et que les règles de gestion sont respectées (opérations comptables, fonctionnement des assemblées générales, communication). Ils lui opposent, par ailleurs, l'inutilité de sa demande de retrait, ayant vocation, en tant qu'ayant droit de Mme [P] [N]-[H] sa mère, à réintégrer la société par héritage des titres détenus par cette dernière à son décès.

Par ordonnance d'incident du 20 avril 2021, les conclusions notifiées par M. [U] [H] le 2 octobre 2020 ont été déclarées irrecevables comme tardives.

Parallèlement, suivant le rapport d'expertise judiciaire rendu le 31 octobre 2021 en application d'un jugement rendu le 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Douai sur saisine de M. [U] [H], la valeur d'un titre de la SCP [N], arrêtée au 30 septembre 2021, est estimée à 22 699,01 euros.

Par déclaration du 23 février 2022, M. [O] [H] a constitué dans la présente procédure un avocat distinct de celui des autres parties appelantes (la société, sa mère et sa s'ur) et au terme de ses dernières conclusions remises le 3 mars 2022, il demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Douai du 14 novembre 2019 ;

statuant par dispositions nouvelles,

- autoriser son retrait de la société à compter de la décision à intervenir ;

- débouter Mmes [P] [N] et [K] [H] et la société [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, il fait valoir qu'à la suite de l'estimation par voie d'expert de la valeur des parts, ce qui constitue un fait nouveau autorisant la formulation de prétentions nouvelles, il se heurte à l'opposition de la SCP [N] et de Mmes [P] [N]-[H] et [K] [H] quant à sa propre demande de quitter la société.

M. [U] [H] a remis le 9 mars 2022 des conclusions qui ont été déclarées irrecevables.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens développés par chacune des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité de l'action

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la société civile de portefeuille [N], Mmes [P] [N]-[H] et [K] [H] se prévalent d'une acceptation par cette dernière le 9 mars 2020 d'une promesse de cession de ses parts émise par M. [U] [H] le 7 juin 2000. Cette acceptation étant postérieure à la date du jugement entrepris, ce moyen est inopérant concernant la recevabilité de l'action de M. [U] [H].

En tout état de cause, l'écrit produit par les appelants, qu'ils qualifient de promesse de cession des parts, ne vise que les 135 parts détenues en pleine propriété, de sorte que l'intérêt de M. [U] [H] à agir existe, à tout le moins concernant les parts qu'il détient en nue-propriété.

La fin de non-recevoir doit donc être rejetée.

Sur le fond

L'article 1869 alinéa 1 du code civil dispose que sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.

En l'espèce, le tribunal a relevé que les rapports entre les associés étaient affectés par un litige successoral générant une mésentente familiale grave et durable s'exprimant notamment par le biais de diverses procédures intéressant les parties depuis 2015 ; que la demande de retrait de la société [N] émise par M. [U] [H] depuis le 30 mai 2015 témoignait de la disparition de l'affectio sociétatis et de la situation de blocage dès lors que lui est opposé un refus persistant de la part de la gérante, Mme [P] [N]-[H], détenant la majorité des voix aux assemblées générales ordinaires et extraordinaires.

Le juge de première instance, dont les appelants ne critiquent pas utilement le raisonnement, a donc justement apprécié l'existence d'un juste motif de retrait au sens de l'article 1869 du code civil.

Postérieurement au jugement de première instance, M. [O] [N] a, à son tour, formellement sollicité la convocation de l'assemblée générale extraordinaire aux fins d'acter le retrait de sa participation. L'absence de réponse de la société [N] a motivé la désignation pour y procéder d'un mandataire ad hoc de la société [N] par ordonnance du 21 février 2022 du président du tribunal judiciaire de Douai.

Cette procédure corrobore les éléments de faits précités et atteste le dysfonctionnement de la société.

Enfin, la société [N] et Mmes [P] [N]-[H] et [K] [H] font valoir dans leurs écritures que les parts de M. [U] [H] auraient été rachetées par Mme [K] [H] par acceptation le 9 mars 2020 d'une promesse de cession du 7 juin 2000. Il se déduit de cette argumentation une reconnaissance par les appelantes du droit de retrait de ce dernier.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il autorise le retrait d'associé de M. [U] [H] de la société [N].

Par ailleurs, la société [N] et Mmes [P] [N]-[H] et [K] [H] n'opposent aucune contradiction à la demande de M. [O] [H] tendant à ce qu'il soit jugé que l'évaluation par voie d'expertise de la valeur des parts de la SCP [N] caractérise un élément autorisant à déroger à la prohibition de la formulation de prétentions nouvelles en cause d'appel posée par l'article 564 du code de procédure civile, ni à sa demande de retrait.

Il y a donc lieu d'y faire droit, compte tenu de la démonstration faite à l'égard de la demande formulée par M. [U] [H] et de l'absence d'opposition de ses contradicteurs.

Le jugement entrepris étant confirmé, il appartient aux appelants, dont M. [O] [N], de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Les circonstances procédurales de l'espèce justifient que chaque partie soit condamnée à supporter les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour

rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [U] [H],

confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

autorise le retrait de M. [O] [H] de la société civile de portefeuille [N],

condamne in solidum la société civile de portefeuille [N], Mme [P] [N]-[H], Mme [K] [H] et M. [O] [H] aux dépens,

les déboute de leur demande d'indemnité pour frais irrépétibles.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/06621
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;19.06621 ?
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