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17/11/2022 | FRANCE | N°20/04035

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 17 novembre 2022, 20/04035


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 17/11/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/04035 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THHS



Jugement (N° 19/04573)

rendu le 30 juin 2020 par le tribunal de grande instance de Lille







APPELANT



Monsieur [U] [W]

né le 01er mars 1973 à Eleskirt (Turquie)

de nationalité turque

demeurant [Adresse 1]

[Loc

alité 5]



bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/20/08454 du 06/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 2]



représenté par Me Emilie Dewaele, avocat au barreau de Lille, av...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 17/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/04035 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THHS

Jugement (N° 19/04573)

rendu le 30 juin 2020 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANT

Monsieur [U] [W]

né le 01er mars 1973 à Eleskirt (Turquie)

de nationalité turque

demeurant [Adresse 1]

[Localité 5]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/20/08454 du 06/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 2]

représenté par Me Emilie Dewaele, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur le procureur général

représenté par Monsieur Olivier Declerck, substitut général

DÉBATS à l'audience publique du 15 septembre 2022 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller en remplacement de Bruno Poupet, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 04 avril 2022

****

Le 5 septembre 2018, Monsieur [U] [W] s'est vu opposer par le Ministère de l'intérieur un refus d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française souscrite sur le fondement de l'article 21-2 du code civil.

Par acte d'huissier délivré le 7 février 2019, il a fait assigner Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir infirmer la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité, dire qu'il est français, ordonner la mention du jugement conformément à l'article 28 du code civil et lui délivrer un certificat de nationalité.

Par jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lille a débouté M. [U] [W] de ses demandes aux motifs que 'M. [U] [W] ne démontre pas que la communauté de vie affective et matérielle avec Mme [V] a été continue entre leur mariage et la déclaration souscrite le 30 janvier 2017 afin d'obtenir la nationalité française, outre que l'intéressé ne verse aucune pièce justifiant d'un état civil fiable.'

Monsieur [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mai 2021, Monsieur [W] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 30 juin 2020 ;

- Infirmer la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française au titre de l'article 21-2 du Code civil ;

- Ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française qu'il a souscrite le 30 janvier 2017 ;

- Dire qu'il est français ;

- Ordonner la mention du jugement à intervenir conformément à l'article 28 du code civil ;

- Condamner l'Etat aux entiers frais et dépens de l'instance.

Il soutient à cet effet en substance que les formalités prévues à l'article 1043 du code de procédure civile ont été accomplies dès lors qu'il justifie de l'envoi au Ministère de la Justice, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 5 janvier 2021, de la copie de la déclaration d'appel en date du 12 octobre 2020 délivrée à M. Le procureur de la république près la cour d'appel de Douai ; qu'en conséquence, sa déclaration d'appel n'encourt pas la caducité et ses conclusions d'appel sont recevables.

Il ajoute qu'en application de l'article 21-2 du code civil, il lui appartenait pour qu'il soit fait droit à sa demande d'acquisition de la nationalité française par déclaration après un délai de quatre ans à compter de son mariage avec son épouse, de démontrer la communauté de vie affective et matérielle entre son épouse et lui à la date de la déclaration de nationalité, le fait que sa conjointe ait conservé la nationalité française et une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. Il soutient que la communauté de vie entre lui et son épouse n'ayant pas cessé depuis leur mariage intervenu le 6 février 2010, il appartenait au ministère public qui en contestait la réalité de démontrer en quoi ce mariage serait frauduleux, ce qu'il ne fait pas, les éléments invoqués étant constitués d'appréciations purement subjectives. Il fait valoir que si, au début de leur mariage, il était amené à effectuer de nombreux déplacements en région parisienne dans le cadre de son activité professionnelle, il a acheté en 2019 une maison avec son épouse à [Localité 5] où ils vivent désormais tous les deux et pour laquelle ils ont souscrit un crédit immobilier commun auprès du crédit agricole. Il ajoute que l'absence d'élément intentionnel de la communauté de vie entre les époux ne peut se déduire de l'écart d'âge entre les époux et de l'absence d'enfants communs, cette question relevant de l'intimité du couple et sa contribution aux frais du ménage et l'existence d'un compte commun entre les époux témoignant de son intention de vivre durablement auprès de son épouse. Il précise que sa prétendue vie commune avec une compatriote turque, Mme [M], si tant est qu'elle ait existé, est terminée et que s'il a eu quatre enfants avec cette personne, c'est avant son mariage avec Mme [V], son dernier enfant ayant été conçu avant ce mariage, bien que né postérieurement. Il souligne qu'il est tout à fait compréhensible qu'il puisse maintenir des liens affectifs avec sa famille restée en Turquie, à savoir ses quatre enfants, sa mère et ses frères et soeurs, sans que cela l'empêche toutefois de créer une nouvelle cellule familiale en France et ajoute qu'il n'est en tout état de cause pas retourné en Turquie depuis 2017. Il ajoute que ses frères et soeurs résidant sur le sol français ont rencontré son épouse.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 avril 2021, M. le procureur général de la République près la cour d'appel demande à la cour de :

- Constater que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile n'ont pas été respectées et que le récépissé prévu par ce texte n'a donc pas été délivré ;

- Déclarer par conséquent caduque la déclaration d'appel et irrecevables les conclusions d'appel.

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement intermédiaire ;

- Constater l'extranéité de l'intéressé ;

- Ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Il fait valoir essentiellement que les formalités prévues à l'article 1043 du code de procédure civile n'ayant pas été respectées, aucun récépissé n'a été délivré par le Ministère de la Justice, de sorte qu'il y a lieu de constater la caducité de l'appel et l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante.

A titre subsidiaire sur le fond, il soutient que M. [W] sur qui repose la charge de la preuve, ne démontre pas l'existence d'une communauté de vie non seulement matérielle (cohabitation) mais aussi affective et continue entre les époux depuis le mariage jusqu'au jour de la déclaration au moins. Il soutient que le fait que le couple réside dans le même logement depuis 2015 n'établit au mieux qu'une communauté de vie purement matérielle entre eux ; que les quelques photographies produites ne permettant pas d'identifier de manière certaine les intéressés et n'ayant pas date certaine, n'ont pas de valeur probante ; que le fait que l'épouse de M. [W] soit son aînée de 19 ans et qu'ils n'aient pas d'enfants communs est un élément révélateur d'une absence de communauté de vie affective entre eux, qu'il ressort de la visite inopinée réalisée le 24 mai 2018 à 10 heures par les services de police de [Localité 4] au domicile conjugal à [Localité 3] que Mme [V] était seule, son mari étant parti depuis une dizaine de jours à [Localité 6], qu'elle a répondu de manière floue aux questions posées et ignore visiblement tout des activités de son mari, qu'elle ne connaît pas la famille de son mari, n'est jamais allée en Turquie et ne semble pas émue par le fait que celui-ci ait eu des enfants avec une compatriote turque alors qu'il était déjà marié avec elle, que l'examen de l'habitation du couple ne révèle pas l'existence d'une réelle vie commune ; que selon la lettre de transmission du préfet du Nord du 14 novembre 2017, l'intéressé a fait preuve de mauvaise foi lors de l'entretien en déclarant ne pas connaître les dates de naissance de ses quatre enfants et ne plus avoir de contact avec leur mère pour cacher qu'il entretenait une relation régulière avec une compatriote turque alors qu'il prétendait vivre en concubinage avec Mme [V] en 2009 et cacher que son dernier enfant était né alors qu'il était déjà marié avec son épouse française; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'intéressé a obtenu de Mme [V] qu'elle participe à un mariage blanc, celle-ci y trouvant son intérêt en soldant ses dettes et lui-même ayant pour objectif d'acquérir la nationalité française et de faire venir en France ses enfants turcs.

Il ajoute en tout état de cause que l'intéressé a produit à l'appui de la souscription de sa déclaration un extrait d'acte de naissance délivré le 4 juillet 2018 par le consul de Turquie à Paris, lequel n'est pas compétent pour délivrer des extraits d'acte de naissance puisqu'il n'est pas titulaire du registre où est enregistré l'acte original, lequel se trouve comme l'indique l'extrait à Agri-Eleskirt-Oklavali (Turquie); qu'il s'ensuit que l'acte de naissance n'étant pas probant au sens de l'article 47 du code civil, l'intéressé ne justifie pas d'un état civil fiable et ne saurait acquérir la nationalité française ; que l'intéressé ne produisant aucune pièce nouvelle en cause d'appel, il ne justifie toujours pas d'un état civil probant et d'une communauté de vie avec son épouse française.

Par arrêt du 30 juin 2022, la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 15 septembre 2022 aux fins de recueillir les observations des parties sur l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel.

Par courrier reçu par la voie électronique le 17 août 2022, M. [W] soutient par l'intermédiaire de son conseil que sa déclaration d'appel portant sur la méconnaissance des articles 21-2 et suivants et 30 et suivants du code civil, elle fait expressément mention des chefs de jugement critiqués. Il ajoute par ailleurs que ses conclusions transmises dans le délai requis reprenant les chefs de jugement critiqués et tendant à l'annulation du jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 30 juin 2020, elles ont régularisé l'acte d'appel de sorte que l'effet dévolutif de celui-ci ne peut qu'être constaté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure

Aux termes de l'article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation ou, le cas échéant, une copie des conclusions soulevant la contestation sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé. Le dépôt des pièces peut être remplacé par l'envoi de ces pièces par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) Les dispositions du présent article sont applicables aux voies de recours.

M. [U] [W] justifie de l'envoi au ministère de la justice, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 janvier 2021 reçue le 5 janvier 2021, de la copie de sa déclaration d'appel enregistrée le 12 octobre 2020.

Aux termes de l'article 901 4° du code de procédure civile dans sa version applicable à la procédure en cours, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

L'article 562 dudit code dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Aussi, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

Enfin, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

En l'espèce, la déclaration d'appel formalisée par M. [U] [W] le 9 octobre 2020 et enregistrée au greffe le 12 octobre 2020 mentionne : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. L'appel porte sur la violation des articles 21-2 et suivants, et articles 30 et suivants du code civil. Des éléments complémentaires doivent être soumis à l'appréciation de la Cour'.

Cette déclaration d'appel, qui ne comporte ni la mention des chefs de jugement critiqués ni une annexe contenant cette mention, n'a pas été régularisée par une nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure.

Dès lors, la déclaration d'appel ne pouvant être regardée comme emportant la critique de certains chefs du jugement ni être régularisée par les conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement, la cour constate l'absence d'effet dévolutif de l'acte d'appel.

M. [U] [W] sera condamné aux entiers dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Constate que la déclaration d'appel de M. [U] [W] en date du 9 octobre 2020 n'a pas opéré effet dévolutif ;

Condamne M. [U] [W] aux entiers dépens de la procédure.

Le greffier, Pour le président,

Delphine Verhaeghe. [X] [N].


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/04035
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;20.04035 ?
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