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03/11/2022 | FRANCE | N°21/00309

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 03 novembre 2022, 21/00309


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 03/11/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/00309 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMNY



Jugement (N° 20/00326)

rendu le 03 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras







APPELANT



Monsieur [Z] [L]

né le 08 juin 1975 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par

Me Fabrice Vinchant, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué





INTIMÉ



Monsieur [V] [X]

né le 06 janvier 1951 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Dou...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/00309 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMNY

Jugement (N° 20/00326)

rendu le 03 décembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANT

Monsieur [Z] [L]

né le 08 juin 1975 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Fabrice Vinchant, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [V] [X]

né le 06 janvier 1951 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Camille Desbouis, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseillère

Camille Colonna, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 juillet 2022

****

DONNÉES DU LITIGE

Un compromis de vente, portant sur un immeuble situé à [Adresse 5], a été conclu le 16 octobre 2017 entre M. [V]'[X], vendeur, et M.'[Z]'[L], acquéreur, au prix de 850 000 euros, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt par l'acquéreur.

La signature de l'acte authentique, prévue comme devant intervenir le 31 janvier 2018 au plus tard, n'a pas eu lieu.

Par jugement réputé contradictoire du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire d'Arras a condamné M. [Z] [L] à payer à M.'[V] [X] la somme de 85'000'euros au titre de la clause pénale insérée dans le compromis susvisé, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 25 avril 2019 et capitalisation des intérêts échus, outre 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement et, par ses dernières conclusions, remises au greffe le 11 octobre 2021, demande à la cour de l'infirmer et :

- à titre principal, de débouter M. [X] de toutes ses demandes,

- à titre subsidiaire :

* de réduire le montant de la clause pénale en considération d'une immobilisation de l'immeuble limitée à la période allant du 16 octobre 2017 au 18 janvier 2018,

* de condamner M. [X] à lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente au montant de la clause pénale susceptible d'être mise à sa charge et d'ordonner la compensation judiciaire entre les deux sommes,

- en tout état de cause, de condamner M. [X] à lui payer 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions remises le 8 juillet 2021, M. [X] demande pour sa part à la cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de ses prétentions et de condamner celui-ci à lui payer la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris le coût de la sommation de payer du 25 avril 2019, dont distraction au profit de son conseil, la SCP Lacroix-Desbouis.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le compromis conclu entre les parties le 16 octobre 2017 stipule notamment :

- que l'acquéreur paiera le prix de la vente à l'aide d'un prêt immobilier de 900'000 euros remboursable sur 15 ans au taux maximum de 2 % hors assurance, sollicité auprès du Crédit Agricole,

- que la vente est soumise à la condition suspensive de l'obtention de ce prêt avant le 2 décembre 2017,

- que pour pouvoir se prévaloir du défaut de réalisation de la condition suspensive, l'acquéreur s'engage à solliciter un autre établissement bancaire ou financier en cas de refus d'octroi de prêt par celui auquel il se sera adressé en premier lieu,

- qu'il s'oblige à notifier audit notaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé, au plus tard le 6 décembre 2017, les offres à lui faites ou le refus opposé à ses demandes de prêt,

- qu'il déclare être spécialement informé qu'en application de l'article 1304-3 du code civil, la condition suspensive sera réputée réalisée si le défaut d'obtention du ou des prêt(s) lui est imputable, notamment s'il a négligé d'en faire la demande ou de donner les justifications utiles.

Cet acte comporte en outre une clause pénale aux termes de laquelle, au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique et, ainsi, ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie à titre de pénalité, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil, la somme de 85'000 euros.

M. [L] soutient qu'il a justifié en temps voulu, par l'intermédiaire de son notaire, Me [M], de sa demande de prêt et du rejet de celle-ci par sa banque, de sorte que le compromis de vente est caduc.

Il produit certes, et exclusivement, une attestation de Me [M], notaire, datée du 22 mars 2021 par laquelle celui-ci déclare :

- avoir adressé le compromis de vente par mail le 17 octobre 2017 au banquier habituel de M.'[L],

- avoir contacté par téléphone le banquier fin novembre pour connaître l'avancée du dossier de prêt, lequel lui a indiqué le «'souhait'» de la banque de ne pas y donner de suite favorable,

- avoir informé aussitôt Me [O], chargé de la vente, de ce refus.

Il en ressort toutefois, en premier lieu, que M. [L] n'a respecté ni son engagement de solliciter un second établissement bancaire ou financier, ni son obligation de notifier à Me'[O] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé, au plus tard le 6 décembre 2017, les offres à lui faites ou le refus opposé à ses demandes de prêt.

En second lieu, l'attestation versée aux débats, censée émaner d'un notaire rompu au formalisme, est dépourvue de force probante dès lors, d'une part, qu'elle ne répond pas aux exigences posées par l'article 202 du code civil faute d'être accompagnée de la copie d'une pièce quelconque justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature, d'autre part, qu'elle est en contradiction avec la mise en demeure de régulariser l'acte authentique de vente que Me'[O] a adressée à M. [L] par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018 en considérant la condition suspensive comme réalisée faute pour ce dernier d'avoir justifié du refus d'un ou plusieurs prêts, lettre à la suite de laquelle il n'apparaît pas que l'appelant ait fait intervenir son notaire pour une résolution à l'amiable du litige.

Par conséquent, M. [L] ne démontre ni avoir présenté une ou plusieurs demandes de prêt dans les conditions prévues par le compromis de vente et essuyé des refus, ni, a fortiori, avoir justifié de ces refus en temps voulu auprès du notaire chargé de la vente.

Or, l'article 1304-3 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement, de sorte qu'elle doit être considérée comme accomplie en l'espèce.

C'est dès lors à bon droit que le vendeur s'est prévalu de la clause pénale précitée, faute pour M. [L] d'avoir régularisé l'acte authentique de vente après avoir été mis en demeure de le signer.

Au regard des considérations qui précèdent, M. [L] ne peut valablement soutenir, pour s'opposer à l'application de la clause pénale et solliciter la condamnation de M.'[X] à lui verser des dommages et intérêts, que ce dernier est de mauvaise foi et lui a causé un préjudice en lui laissant croire qu'il était délié de tout engagement et en s'abstenant pendant plus de six mois de le relancer en vue de la réitération de la vente alors qu'il était informé de ce rejet dès le mois de novembre 2017.

Enfin, aux termes de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre ; néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

L'appelant fait valoir que le quantum prévu par la clause pénale est excessif dès lors que M. [X] a continué à percevoir les loyers de l'immeuble et que celui-ci n'a été immobilisé que de la date du compromis à la date prévue pour la signature de l'acte authentique de vente.

L'intimé rétorque que ce quantum n'est pas excessif au regard de l'incertitude ayant résulté du silence prolongé de l'appelant, de la violation par ce dernier de son obligation d'exécuter loyalement le contrat, enfin de l'immobilisation de l'immeuble qui n'est toujours pas vendu et pour lequel il est difficile de trouver un acquéreur s'agissant d'un bien à usage mixte nécessitant la gestion de plusieurs baux.

L'immeuble a été immobilisé au moins neuf mois, jusqu'à la date à laquelle M.'[L] a fait savoir qu'il ne signerait pas l'acte authentique de vente après avoir été mis en demeure de le faire. Par ailleurs, si l'intimé ne nie pas avoir continué à percevoir des loyers, il a été privé durablement, puisqu'il affirmait sans être contredit que l'immeuble n'était toujours pas vendu à la date de ses conclusions du 8 juillet 2021, du prix de vente sur lequel il pensait pouvoir compter dès le début de l'année 2018. Le montant de la clause pénale, dans ces conditions, ne s'avère pas excessif.

Il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement.

Il appartient à l'appelant, partie perdante, de supporter la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Il est en outre équitable, vu l'article 700 du même code, qu'il indemnise l'intimé des autres frais que ce dernier a été contraint d'exposer pour assurer la défense de ses intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

confirme le jugement entrepris,

déboute M. [Z] [L] de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles,

le condamne aux dépens et au paiement à M. [V] [X] d'une indemnité de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/00309
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;21.00309 ?
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