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03/11/2022 | FRANCE | N°20/05250

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 03 novembre 2022, 20/05250


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 03/11/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/05250 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TK5M



Jugement (N° 19/00525)

rendu le 19 Novembre 2020 par le tribunal de grande instance de Cambrai







APPELANT



Monsieur [P] [I]

né le 03 avril 1969 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]
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représenté par Me Adrien Carel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉS



Monsieur [E] [Z]

né le 19 avril 1948 à Cambrai (59400)

Madame [D] [V] épouse [Z]

née le 25 octobre 1949 à [Localité 3] ([Locali...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 03/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/05250 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TK5M

Jugement (N° 19/00525)

rendu le 19 Novembre 2020 par le tribunal de grande instance de Cambrai

APPELANT

Monsieur [P] [I]

né le 03 avril 1969 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Adrien Carel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [E] [Z]

né le 19 avril 1948 à Cambrai (59400)

Madame [D] [V] épouse [Z]

née le 25 octobre 1949 à [Localité 3] ([Localité 3])

demeurant ensemble [Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Guy Delomez, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 08 septembre 2022 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseillère

Camille Colonna, conseillère

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 novembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 août 2022

****

M. [P] [I] a acquis de M. [E] [Z] et de Mme [D] [V], son épouse, un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1] (Nord) suivant acte authentique du 18 novembre 2016.

Par jugement du 19 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Cambrai l'a débouté de demandes d'indemnisation formées contre les vendeurs sur le fondement de la garantie des vices cachés et condamné à payer à ces derniers la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Ayant relevé appel de ce jugement, il demande à la cour, par conclusions remises au greffe le 26 août 2022, de l'infirmer et de condamner M. et Mme [Z] à lui payer les sommes de :

- 4'906,02 euros au titre de la réfection des parois verticales de la véranda et 1'150 euros au titre de la réfection des gouttières carrées en zinc,

- 17'375,31 euros au titre des travaux de réfection de la toiture,

- 8'160 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir, en réparation de son préjudice de jouissance depuis novembre 2016,

- 7'000 euros en réparation de son préjudice moral,

- 575,74 euros en réparation de son préjudice matériel,

- 6'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions remises le 29 août 2022, les intimés demandent pour leur part à la cour, abstraction faite d'un certain nombre de demandes de « dire et juger'» qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais le rappel de leurs moyens, de :

- déclarer caduc l'appel de M. [I],

- subsidiairement, déclarer ce dernier « irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes'»,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- sur appel incident, condamner l'appelant à leur payer 5'000 euros pour procédure abusive,

- le condamner en outre aux dépens et à leur payer 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre infiniment subsidiaire sur le préjudice :

* dire que le coût de la réparation de la toiture ne pourra excéder l'évaluation du devis [O] dont à déduire les sommes de 155 euros et 472,92 euros et à l'exclusion des puits de lumière non dégradés, démontables et réinstallables,

* « dire M. [I] mal fondé en ses demandes de condamnation au titre d'un préjudice de jouissance, sauf à le limiter à 50 euros par mois durant la durée des travaux, d'un préjudice moral et d'un préjudice matériel,

* dire que les sommes « réparant la toiture et les préjudices matériels'» seront affectés d'un coefficient de vétusté de 80 %.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à voir déclarer l'appel caduc

Invitées à présenter, par une note en délibéré, leurs observations sur la recevabilité de cette demande au regard de l'article 914 du code de procédure civile, l'appelant a seulement répondu sur la caducité qu'il estime n'être pas encourue, ce qui n'était pas la question posée, et les intimés n'ont pas présenté d'observations dans le délai qui leur était imparti pour ce faire.

Ledit article dispose que les parties doivent soumettre au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant, notamment, à voir prononcer la caducité de l'appel et ne sont plus recevables à invoquer cette caducité devant la cour d'appel après la clôture de l'instruction.

La demande en ce sens présentée à la cour par les intimés par leurs conclusions de fond est donc irrecevable.

Sur le fond

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

L'article 1643 précise qu'il est tenu des vices cachés quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie.

L'article 1644 ajoute que dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Aux termes de l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

Il est néanmoins constant que, dans tous les cas, l'acheteur peut également garder la chose et solliciter simplement réparation du préjudice résultant des vices.

Il n'est pas discuté que l'acte de vente comporte une clause de non garantie des vices cachés que l'appelant rappelle lui-même en page 9 de ses conclusions bien qu'il ait produit une copie de l'acte authentique amputée de la page 5 et surtout de la page 16 qui devait contenir cette clause.

Il appartient donc à ce dernier d'établir la preuve non seulement des vices dont il allègue l'existence, et de leur caractère caché, mais aussi de ce que les vendeurs en avaient connaissance.

Les vices incriminés consistent en des défauts d'étanchéité ayant entraîné des infiltrations dans la pièce appelée véranda, laquelle est en réalité une extension en dur postérieure à la construction de la maison mais éclairée par une grande porte-vitrée et deux puits de lumière percés dans le plafond que couvrent des «'skydomes'», et une détérioration importante des éléments situés entre la couverture et le plafond de cette pièce.

M. [I] fait valoir que l'expertise amiable diligentée à la requête de son assureur et l'expertise judiciaire ordonnée à sa demande par le juge des référés du tribunal de grande instance de Cambrai ont mis en évidence une détérioration importante de la couverture de la véranda, liée à des infiltrations anciennes résultant de malfaçons ayant affecté la pose des skydomes et ayant occasionné l'apparition d'un champignon, mais aussi la présence, à l'extérieur, de réparations antérieures à la vente (joints de silicone), insuffisantes pour résoudre le problème, et, à l'intérieur, de reprises de peinture récentes au niveau des désordres extérieurs, ce dont il résulterait que les vendeurs avaient nécessairement connaissance des défauts dénoncés et ont tenté de les dissimuler.

A la lecture des rapports d'expertise, l'existence d'infiltrations anciennes, dont la dépose du plafond a permis de mesurer les conséquences, à savoir le pourrissement de la structure en bois située sous le toit-terrasse et le développement d'un champignon, est établie et résulte, d'une part, d'une pose des skydomes non conforme aux règles de l'art au niveau de la jointure avec le toit, d'autre part, de la détérioration de la membrane couvrant ce toit, âgée de 30 ans, à la jointure des lés qui la composent.

L'expert judiciaire note que des réparations, révélées par des joints sur d'autres joints, ont été faites depuis la construction de l'extension, à une période qu'il situe entre 5 et 10 ans avant la vente, ce qui permet de penser que des fuites avaient existé. On ne peut en déduire ni qu'elles avaient entraîné des dégradations importantes ni qu'elles aient perduré après les réparations. Or, il expose que de l'extérieur, l'extension n'attire pas l'attention, que la toiture n'est pas alarmante, qu'il y a bien des petits flashs qui retiennent un peu d'eau mais que ces flashs sont tolérés par la norme et sont très fréquents sur ce type de toiture, qu'en montant sur la toiture, il n'était pas possible pour un profane, ni même pour un professionnel, de se rendre compte des infiltrations, qu'il n'est pas surprenant que M. [G], professionnel mandaté par les vendeurs pour vérifier l'état de la toiture avant la vente et qui a réalisé quelques réparations efficaces, n'ait pas vu les infiltrations autour des dômes et en rives, lesquelles ne pouvaient être suspectées, tout comme la dégradation de la structure en bois qui en est la conséquence, sans que le plafond soit retiré, ce qui n'a été fait que postérieurement par M. [I]. Il en résulte qu'il s'agit bien de vices cachés mais aussi que M. et Mme [Z] pouvaient, au vu de la toiture de l'extérieur, ignorer les infiltrations litigieuses au moment de la vente, et ce d'autant plus qu'ils avaient fait réviser ladite toiture par un professionnel, M. [G], qui n'avait rien suspecté et que, ainsi que M. [I] lui-même l'évoque dans une lettre aux vendeurs du 16 septembre 2016, le diagnostic technique réalisé par la société Ex'im mentionne, sur la terrasse de la véranda, un revêtement bitumineux non dégradé.

L'appelant se prévaut certes également de reprises de peinture au plafond, révélatrices selon lui d'une intention de dissimuler les infiltrations, dont l'expert mandaté par sa compagnie d'assurance, venu sur place le 21 mars 2017, fait lui-même état. Les intimés contestent l'existence de ces traces de reprise et l'agent immobilier qui a servi d'intermédiaire également. Or, l'acquéreur ne produit aucune pièce démontrant l'état exact de la maison, et donc du plafond, lors de son entrée dans les lieux, pas même un constat d'huissier alors que, dans une autre lettre, du 19 décembre 2016, aux époux [Z], il déclare en avoir fait réaliser deux «'pour faire constater l'insalubrité de cette maison, bien camouflée». Les vendeurs relèvent de manière pertinente que, alors que M. [I] a visité de nombreuses fois l'immeuble avant la vente (11 fois selon eux, non contredits sur ce point), seul ou avec des techniciens, ce qui a donné lieu à des réunions dans la véranda, et qu'il a multiplié les critiques et réclamations comme l'attestent les différentes pièces produites par les intimés, ce qui a d'ailleurs conduit à la prise en charge de travaux par les vendeurs et à la réduction du prix de 130'000 à 119'000 euros, il n'a jamais mentionné ces traces ni la suspicion qu'il en aurait nourrie. L'expert judiciaire mentionne qu'il ne peut rien constater, le plafond ayant été démonté par M. [I]. Le premier juge a donc relevé à juste titre qu'à supposer que les reprises en question aient existé lors de l'expertise non judiciaire, leur antériorité à la vente n'était pas démontrée.

L'appelant n'apporte donc nullement la preuve d'une connaissance par les vendeurs des désordres constitués par les infiltrations susvisées et leurs conséquences, ni a fortiori de manoeuvres de ceux-ci pour les dissimuler, de sorte que la clause de non garantie des vices cachés doit s'appliquer.

La demande de dommages et intérêts liée au coût de réfection de la couverture de la véranda et des parois verticales de celle-ci est donc mal fondée, et ce d'autant plus en ce qui concerne ces dernières qu'aucune preuve de leur détérioration n'est apportée.

Par ailleurs, s'il ressort du rapport de l'expert de la compagnie d'assurance que les gouttières ont été « rafistolées» et d'un courrier de la société [O] qu'elles ont été réparées par une résine qui les a en réalité dégradées davantage, l'expert judiciaire n'a pu se prononcer sur ces éléments, les gouttières ayant été remplacées avant ses opérations, et rien n'établit la preuve de ce que les vendeurs avaient connaissance du caractère insuffisant ou inadapté de la réparation à laquelle ils avaient fait procéder, de sorte que, là encore, la clause de non garantie doit jouer.

Le caractère abusif de la procédure engagée par l'appelant ne saurait résulter du seul rejet de ses prétentions et n'est pas autrement démontré, c'est donc a bon droit que le tribunal a débouté les époux [Z] de leur demande de dommages et intérêts à ce titre.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement.

Il appartient à l'appelant, partie perdante, de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Il est en outre équitable qu'il indemnise les intimés, en application de l'article 700 du même code, des autres frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour assurer la défense de leurs intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

confirme le jugement entrepris,

condamne M. [P] [I] à payer à M. et Mme [Z] une indemnité de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamne aux dépens.

Le greffier, Le président,

Delphine Verhaeghe. Bruno Poupet.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/05250
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.05250 ?
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