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21/10/2022 | FRANCE | N°21/00163

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 21 octobre 2022, 21/00163


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1574/22



N° RG 21/00163 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNXN



PL/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

11 Janvier 2021

(RG 19/00110 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [X] [WS]

[Adresse 1]

représentée par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S.U. RESIDE ETUDES SENIORS

[Adress...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1574/22

N° RG 21/00163 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TNXN

PL/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

11 Janvier 2021

(RG 19/00110 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [X] [WS]

[Adresse 1]

représentée par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. RESIDE ETUDES SENIORS

[Adresse 2]

représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI,

assistée de Me Bertrand CASTEX, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Août 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 30 mars 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[X] [WS] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2014 en qualité de responsable de résidence, catégorie cadre, coefficient 432, position III niveau 2 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée par la société La Girandière Services [Localité 4] devenue RESIDE ETUDES SENIORS.

 

Elle a été convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 juillet 2018 à un entretien préalable le 20 juillet 2018 avec mise à pied à titre conservatoire en raison de la gravité des agissements reprochés. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 juillet 2018.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Nous faisons suite à notre courrier du 10 juillet 2018 ainsi qu'à l'entretien préalable du 20 juillet 2018, auquel vous vous êtes présentée, accompagnée de Madame [IY] [MM], Représentante du personnel.

Nous vous signifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Les raisons qui motivent cette décision et qui vous ont été exposées à cette occasion sont, nous vous le rappelons, les suivantes.

Le 29 juin 2018, votre Assistante vous a adressé un courriel, mettant Monsieur [V], Directeur régional et Monsieur [TD], Directeur des Ressources Humaines en copie.

Ce courrier faisant état d'une souffrance au travail, ce dernier a décidé de diligenter une enquête auprès du CHSCT. Un membre du CHSCT et un représentant du Directeur des Ressources Humaines se sont donc déplacés le 5 juillet dernier pour mener cette enquête, laquelle a révélé une situation plutôt alarmante.

En effet, l'audition des salariés de la résidence de [Localité 4] nous a permis de nous apercevoir qu'il existait un niveau de stress et d'anxiété élevé, touchant les salariés de la résidence, celui-ci étant dû à vos pratiques managériales.

- Surcharge de travail des salariés

Il ressort des entretiens avec les collaborateurs que vous êtes omniprésente et ne tenez pas compte de leur charge de travail. En effet, vous chamboulez continuellement leur fiche missions quotidienne en leur ajoutant des tâches à réaliser.

Ainsi, l'une de vos collaboratrices nous a fait part du fait qu'elle redoutait sa journée de travail lorsqu'elle voyait votre voiture garée sur le parking de la résidence parce qu'elle savait que son téléphone ne cesserait de sonner et qu'elle ne pourrait mener à bien toutes ses missions. Vous n'hésitez pas à déranger l'agent hôtelier en plein service ou les auxiliaires de vie en pleine toilette pour leur demander d'effectuer sans délai des tâches non urgentes.

Votre comportement cause un stress et une surcharge de travail à vos collaborateurs mais est également pénalisant pour les résidents dans la mesure où les intervenants sont contraints d'écourter les prestations à domicile pour satisfaire vos nombreuses demandes.

- Remarques déplacées, désobligeantes et vexantes à l'égard du personnel

Par ailleurs, vous avez régulièrement des remarques déplacées, désobligeantes et blessantes à l'égard du personnel. A titre d'illustrations, vous n'hésitez pas à demander aux collaboratrices dont vous trouvez qu'elles ont pris du poids si elles ne seraient pas enceintes. Vous critiquez également les tenues vestimentaires en ces termes : « vous êtes en chiffonnade », « vous êtes négligée », « votre jupe est trop courte », « votre pull est trop gros », etc.

Ces faits sont d'autant plus graves que ces remarques sont faites, la plupart du temps, en présence d'autres collaborateurs. Par exemple, vous vous êtes permise de dire à une jeune stagiaire qu'elle était « fade et sans saveur » devant plusieurs collaborateurs.

De même, vous vous permettez de dire à une stagiaire que vous attendez plus d'elle que d'un « simple agent hôtelier », en présence de la salariée occupant ce poste, qui s'est donc légitimement sentie rabaissée par votre réflexion.

- Sollicitations des salariés pendant leur temps de repos

En outre, il a été porté à notre connaissance que vous contactiez les salariés, sur leur téléphone personnel, pendant leur temps de repos. Pire encore, vous n'hésitez pas à contacter le proche identifié par le salarié comme personne à prévenir en cas d'urgence lorsque vous ne parvenez pas à le joindre. Vous n'ignorez pourtant pas qu'il est strictement interdit de contacter un salarié pendant une période de congés ou de repos.

Votre assistante, Madame [Z], nous a également indiqué qu'en décembre dernier, vous l'aviez contactée par SMS pour lui demander si elle s'était chargée d'organiser le remplacement d'une Assistante de vie de nuit. Celle-ci ne l'ayant pas fait puisque vous ne lui aviez pas demandé, vous a répondu par la négative. Vous lui avez alors demandé s'en occuper, alors même qu'elle se trouvait être en repos hebdomadaire, ce que vous ne pouviez pas ignorer. Votre assistante a donc passé une partie de son après-midi à tenter de joindre la salariée devant effectuer le remplacement, en vain, et à essayer de trouver une solution de remplacement au cas où la collaboratrice serait indisponible. Ce n'est qu'en fin d'après-midi que la collaboratrice a rappelé Madame [Z] pour lui indiquer que vous lui aviez déjà demandé la veille d'assurer le remplacement.

- Comportement harcelant à l'encontre d'une collaboratrice ayant conduit à son inaptitude

Le 10 avril dernier, l'hôtesse d'accueil de la résidence a été déclarée inapte, non pas à son poste de travail, mais site de [Localité 4]. Le médecin du travail précisait dans son avis « possibilité de travail sur un autre site ou une autre structure ».

Nous avons finalement appris lors de l'enquête menée le 5 juillet dernier que l'inaptitude de cette salariée était due à l'acharnement dont vous avez fait preuve à son égard, de la pression, des reproches et menaces de sanctions disciplinaires qu'elle subissait de votre part au quotidien, de surcroît en présence de ses collègues de travail.

La collaboratrice évoque en particulière sa dernière journée de travail, qu'elle a passé avec vous et au cours de laquelle vous lui avez mis une telle pression qu'elle a fini par craquer à la fin de la journée. Ces collègues se rappellent particulièrement bien cette fin de journée : « elle était ailleurs, figée devant son PC », « elle était hébétée, elle n'arrivait même plus à tenir un stylo », « je l'ai vue tétanisée à son poste, je l'ai vue en pleurs ».

La salariée elle-même décrit sa dernière journée de travail en ces termes : « ma dernière journée de travail avant mon arrêt maladie était insupportable, elle m'a tellement mise sous pression que je n'arrivais même plus à écrire en fin de journée et j'ai eu du mal à reprendre le volant ».

- Attitude vexatoire à l'encontre de votre assistante

Il a été porté à notre connaissance que depuis plusieurs mois, vos relations avec votre assistante se sont dégradées à un tel point que cette dernière a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant.

En effet, alors que vous n'aviez rien à lui reprocher jusque-là, vous n'avez eu de cesse de lui faire des reproches quotidiens sur son travail depuis quelques mois. De même, votre assistante nous a confié que vous lui aviez retiré bon nombre de tâches, de sorte qu'elle s'est sentie « mise au placard ».

Les collègues de cette salariée confirment qu'ils ont constaté une dégradation de l'ambiance et de l'état de santé de votre assistante. Ainsi, beaucoup ont eu l'occasion de trouver cette dernière en pleurs dans son bureau ces derniers mois.

La salariée s'adresse à vous pour décrire vos relations de travail en ces termes : « Je suis dans une réelle souffrance et dans une détresse psychologique qui me détruit petit à petit. ['] J'ai une boule au ventre dès que je franchis la porte sauf les jours où tu n'es pas là. ['] Je n'en peux plus de recevoir de ta part des réflexions très fréquentes. ['] J'en suis arrivée au point d'avoir peur de te dire un mot, de te rendre le travail demandé, d'avoir peur de toi tout simplement ». Malheureusement, nous avons pu constater que cette détresse et cette souffrance au travail était générale.

- Ordres et contre-ordres

Il vous arrive de donner des directives à vos collaborateurs puis de vous contredire ensuite. Pour exemple, l'Agent Technique de la résidence nous a indiqué que vous lui aviez déjà demandé d'effectuer des retouches de peinture au niveau des bas de portes. Alors qu'il s'était exécuté, vous lui avez reproché en le voyant faire, au motif que les clients ne regardent pas les bas des portes. Il indique également que lorsqu'on lui a installé une boîte mail, vous lui avez demandé de les consulter mais que lorsqu'il le faisait, vous lui reprochiez de ne pas se trouver à son poste, dans les étages de la résidence.

Ce type de comportement est générateur de stress vis-à-vis des salariés et donc de mal-être au travail.

- Remontrances perpétuelles et publiques

Il a été porté à notre connaissance que vous n'êtes que très rarement satisfaite du travail de vos collaborateurs. En effet, vous faites quasi systématiquement des remontrances et des critiques aux salariés, et le plus souvent en public, notamment à l'occasion de réunion du personnel.

Notamment, le 5 juillet 2018, nous avons appris que le 23 mai dernier, à l'occasion d'une réunion, vous vous étiez permise de dénigrer le travail de l'attaché commercial de la résidence en ces termes « bon, on a tous du travail, sauf les commerciaux et surtout [GK] ».

- Absence de réponse aux interrogations des salariés

Nous avons constaté un manque de communication avec vos salariés. En effet, ces derniers nous ont rapporté que vous ne répondiez quasiment jamais à leurs interrogations, pourtant simples pour la plupart.

D'ailleurs, le nombre de questions posées par vos collaborateurs à l'occasion des réunions des délégués du personnel en atteste.

Nous vous rappelons qu'en qualité de Directrice, vous êtes l'interlocuteur privilégié des salariés et devez faire le relais entre ces derniers et les services centraux du siège.

- Absence de mise en place de mesures de sécurité

Les Auxiliaires de vie travaillant la nuit vous ont fait part à plusieurs reprises qu'elles se sentaient en insécurité du fait que le parking en sous-sol est commun avec la résidence voisine et que certains clients se trompent souvent d'établissement.

Alors qu'il vous aurait suffi de faire installer un verrou à code sur la porte du sous-sol, vous n'avez pas réagi à ces alertes, laissant vos collaboratrices, seules à leur poste, en situation d'anxiété et de peur.

Conséquence de votre absence de réactivité, les deux Auxiliaires de vie ont donc concomitamment été déclarées inaptes au travail de nuit en juin et en juillet 2018.

De la même manière, vous n'avez pas jugé bon de prendre des mesures vis-à-vis d'un résident alors qu'il avait agressé l'une de vos collaboratrices, la poursuivant avec un couteau, et que vous aviez connaissance de comportements déviants de cette personne.

- Plaintes de clients

Des clients ou leurs familles se plaignent régulièrement de votre attitude et notamment de votre absence d'empathie et de compassion et de votre manque d'amabilité.

La dernière réclamation dont nous avons eu connaissance est un courrier daté du 7 juin 2018, par lequel la fille d'un client nous a indiqué que vous lui aviez refusé l'accès au logement de son père qui était alors hospitalisé. De ce fait, elle a été dans l'impossibilité de fournir des vêtements à son père et de communiquer son dossier médical au personnel soignant de l'hôpital.

Outre les obligations légales qui nous incombent, nous pensions que certaines situations revêtent un caractère exceptionnel et nécessitent de faire preuve de pédagogie et de compréhension. Vous auriez donc dû, en votre qualité de Directrice de l'établissement, expliquer les raisons de votre refus et tenter de trouver une solution arrangeante qui aurait permis à notre client d'être soigné dans les meilleures conditions.

Dans son courrier, la fille de ce client évoque également avoir souhaité faire appel à une association pour venir en aide à son père dont la vue se dégradait un peu plus chaque jour, intervention que vous avez refusée sans autre explication.

En outre, lorsque celle-ci a souhaité vous rencontrer suite au décès de son père, à l'occasion de l'état des lieux de sortie, vous avez refusé de la voir, lui demandant de prévoir un rendez-vous. Cette attitude est notamment inadmissible à l'égard d'un client, d'autant que vous saviez qu'elle habitait à plus de 100 kilomètres de la résidence.

Enfin, la fille de ce résident termine son courrier en vous qualifiant de Directrice «imbuvable ».

Ce n'est malheureusement pas la première fois que nous déplorons des commentaires négatifs vous concernant.

A toutes fins utiles, nous vous rappelons que l'employeur est tenu à une obligation de sécurité à l'égard de ses salariés. De ce fait, nous nous devons de protéger leur santé, tant physique que mentale. Par vos pratiques managériales et votre comportement, vous avez fait régner un climat de travail délétère et toxique, qui a eu un impact néfaste sur la santé de nos salariés et leurs conditions de travail, ce que nous ne pouvons pas tolérer.

Votre comportement a terni l'image de marque de notre société vis-à-vis de la clientèle.

Ces éléments ne permettant plus la poursuite de nos relations contractuelles, vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l'issue de votre préavis de trois mois, qui courra à compter de la première présentation de la présente lettre. Nous vous dispensons de l'effectuer mais celui-ci vous sera néanmoins payé. Votre licenciement n'étant pas prononcé pour faute grave, la période de mise à pied conservatoire du 11 juillet 2018 et ce jour vous sera intégralement rémunérée ».

A la date de son licenciement, la salariée était assujettie à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Par requête reçue le 27 mars 2019, [X] [WS] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Valenciennes afin d'obtenir un rappel d'astreintes, de primes et de congés payés, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 11 janvier 2021, le conseil de Prud'hommes a condamné la société à lui verser 12680 euros à titre de rappel de prime contractuelle, a ordonné à la rectification du solde de tout compte, a débouté la salariée du surplus de sa demande et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 9 février 2021, [X] [WS] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 30 mars 2022, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 30 août 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 7 mai 2021, [X] [WS] sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

85084 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

7000 euros au titre du licenciement vexatoire

128787,12 euros au titre de la mise à disposition en termes d'astreinte

12878,71 euros au titre des congés payés afférents à l'astreinte

19020 euros au titre du travail dissimulé

12680 euros à titre de rémunération de la prime contractuelle

1268 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire

3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la rectification du solde de tout compte sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

la rectification du certificat de travail sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

le remboursement des allocations chômage au profit de PÔLE EMPLOI dans la limite de six mois et la condamnation de l'employeur aux entiers dépens y compris le coût du procès-verbal de constat établi par Maître [T], huissier de justice, à hauteur de 490,01 euros.

L'appelante expose que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, que, sur la surcharge de travail des salariés, ce grief n'est pas daté, circonstancié ou explicité par l'employeur, qu'il n'est fait état d'aucune récrimination collective de salariés antérieurement au licenciement ni d'aucune saisine de la médecine du travail sur une situation de surcharge de travail, que les entretiens annuels d'évaluation n'évoquent l'existence d'aucune récrimination de 2014 à 2018 sur un tel grief, que, sur les remarques déplacées, désobligeantes et vexantes à l'égard du personnel, les témoignages qu'elle produit viennent contredire les propos de la lettre de licenciement, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un avertissement ou d'une lettre de recadrage à cette fin, que, sur les sollicitations de salariés pendant leur temps de repos, la résidence La Girandière est tenue de manière absolue à une obligation de continuité de services impliquant un service 24 heures sur 24, qu'un système d'astreinte n'existant pas, l'employeur ne peut donc lui reprocher de venir appeler les salariés, les contacter en dehors de leur temps de travail pour assurer les engagements contractés par la société, qu'au sein du procès-verbal de constat établi par Maitre [T], l'appelante ne sollicite en aucun cas [A] [Z] lors des jours de repos de cette dernière, que, sur le comportement harcelant à l'encontre d'une collaboratrice qui a conduit à son inaptitude, elle n'a jamais reçu la moindre sanction de la part de la direction et ni n'a été sanctionnée par l'employeur pour avoir exercé un comportement harcelant contraire aux dispositions du code du travail, que le mail du 25 janvier 2018, versé aux débats, témoigne de ses bonnes qualités relationnelles, que la salariée, [IY] [W], n'a saisi ni le médecin du travail de souffrances au travail ni la DIRECCTE d'un mauvais comportement de l'employeur, qu'elle n'a pas été déclarée inapte suite au comportement de l'appelante, que, sur l'attitude vexatoire adoptée à l'encontre de son assistante, ce grief est totalement infondé, comme en témoigne une correspondance électronique du 13 avril 2018, qu'elle verse aux débats le constat d'huissier établi le 27 juillet 20918 par Maitre [P] faisant apparaitre des échanges de SMS sur plusieurs mois avec [A] [WS] qui sont totalement dépourvus de la moindre animosité et font apparaitre des relations extrêmement cordiales avec cette dernière, que, sur les ordres et contre-ordres, il ne s'agit ici que de l'exécution du contrat de travail de l'appelante qui avait l'agent technique en résidence sous son autorité, que, sur les remontrances perpétuelles et publiques, ce grief est dépourvu de fondement, que, sur l'absence de réponse aux interrogations des salariés, les entretiens annuels d'évaluation font apparaître des bonnes capacités d'écoute et de dialogue de l'appelante, que les mails versés aux débats démontrent que les allégations de l'employeur sont purement et simplement fantaisistes, que, sur l'absence de mise en place de mesures de sécurité, il n'était pas possible de faire installer un verrou à code dans la porte du sous-sol puisque cela aurait contrevenu aux dispositions réglementaires sur l'accès à l'immeuble, qu'à la suite de la prétendue agression d'une collaboratrice par un résident avec un couteau, aucune plainte pénale n'a été déposée à cette fin, que, sur les plaintes de clients, une correspondance a été adressée par la résidence Les Girandières à [FJ] [IK], la cliente visée dans la lettre de licenciement, que cette lettre très circonstanciée fait état d'une absence de faute quelconque imputable à l'appelante, qu'elle verse aux débats des attestations de clients de la résidence parfaitement satisfaits de son travail, qu'elle a subi un grave préjudice par suite de la perte de son emploi, qu'elle justifie d'une ancienneté acquise de quatre années au moment du licenciement, qu'elle percevait une rémunération mensuelle une moyenne brute de 4254,20 euros bruts, qu'elle vit seule et doit supporter les charges de la vie courante, qu'elle a retrouvé un emploi en [Localité 3], à 1000 kilomètres de son ancien domicile aller-retour, que la mise en place de la résidence alternée de sa fille âgée de treize ans n'est plus envisageable compte tenu de la distance géographique, que son licenciement était vexatoire, qu'elle est fondée à solliciter le paiement d'une prime contractuelle insérée dans le contrat de travail à hauteur de quatre mois de salaire, qu'aucun document d'objectifs n'a été signé, que l'employeur n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail conformément à l'article L 1222-1 du code du travail, que faute pour l'employeur d'avoir précisé les objectifs à réaliser et en l'absence de période de référence et de toute signature d'un objectif, la rémunération doit être payée intégralement, qu'en tant que directeur de résidence, elle était d'astreinte de nuit et de week-end au titre des personnes travailleurs isolés ou de nuit, que les directeurs étaient interrompus dans leur vie familiale à tout moment pour des événements se déroulant au sein de la résidence, que l'employeur a dissimulé la rémunération d'astreinte impliquant le non-versement de cotisations à l'URSSAF, constituant un cas de travail dissimulé.

 

Selon ses écritures récapitulatives reçues au greffe de la cour le 20 juillet 2021, la société RESIDE ETUDES SENIORS intimée sollicite de la cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des condamnations prononcées à de plus justes proportions et en tout état de cause, à la condamnation de l'appelante à lui payer 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient que l'appelante a été licenciée pour un management déficient pouvant mettre en cause à terme la santé et la sécurité des subordonnés placés sous sa responsabilité, qu'elle les surchargeait de travail et les sollicitait pendant leurs jours de congés de manière inadaptée, comme le fait apparaitre l'enquête réalisée le 5 juillet 2018 par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu'elle provoquait une tension inutile par son manque de priorisation, que le samedi 2 décembre 2017, alors qu'[A] [Z] était en repos, celle-ci a reçu près de huit SMS de l'appelante entre 10h12 et 16h39 dont trois messages lui demandant de l'appeler «dès que possible», que la salariée occupant des fonctions de secrétaire, sa présence un weekend pour établir des factures ou échanger sur un dossier n'était absolument pas requise et n'avait rien à voir avec une prétendue obligation de continuité du service, que l'appelante avait une attitude déplacée à l'égard de ses subordonnés, qu'elle tenait des propos humiliants en public, que comportement n'a pas été sans effet sur la santé des salariés qui ont été déclarés inaptes ou aptes dans une autre société, que l'appelante a infligé à [A] [Z] un traitement tout à fait inadapté de la part d'un manager, que la société a diligenté une enquête en collaboration avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, révélant que l'appelante avait organisé «deux clans» dans la résidence et un traitement différencié, tout à fait déplacé pour un manager, qu'elle a conduit [WE] [W] à être placée en situation d'inaptitude et son contrat a dû être rompu, que la clientèle de la résidence dont l'appelante avait la responsabilité a multiplié les plaintes concernant sa gestion, que son management et ses compétences relationnelles étaient insuffisants d'autant que son activité concernait des personnes âgées et donc vulnérables, qu'elle s'est signalée également par l'absence de mise en place de certaines mesures de sécurité, que les auxiliaires de vie lui ont fait part à plusieurs reprises de l'absence de verrou à code sur la porte du sous-sol, ce qui permettait des intrusions malveillantes, que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le licenciement était devenu inévitable, que le contrat de travail prévoyait que des objectifs déterminant la rémunération variable annuelle étaient définies par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, que les primes étaient calculées sur la base des résultats économiques de l'établissement de [Localité 4], des résultats de la société et de critères qualitatifs tenant à la qualité de service de l'établissement, que ces critères avaient été communiqués verbalement à l'appelante qui n'a jamais contesté sa rémunération variable, que les primes versées n'ouvrent pas droit à des congés payés, que la situation décrite par l'appelante ne constitue pas un système d'astreinte ouvrant droit à indemnisation, qu'elle n'était pas tenue d'être à la disposition de la société et d'intervenir pour un travail puisque le responsable de site n'était contacté que si le personnel sur place n'était pas joignable, que si le responsable de site ne l'était pas, le directeur régional, puis le responsable achat étaient alors contactés, et enfin, sans retour de ces personnes, les services de secours, que ce type de situation n'est pas assimilable à une astreinte, qu'en outre des assistantes de vie étaient spécialement dédiées aux périodes de nuit, que les tâches de l'appelante étant essentiellement administratives, sa présence ou une veille la nuit de sa part était parfaitement inutile, qu'en tout état de cause, le montant des demandes est disproportionné et mal fondé, que l'appelante ne peut solliciter de sommes antérieures au 26 octobre 2015, que seule la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants est applicable à l'espèce, que l'appelante devrait normalement distinguer les temps d'astreinte des temps d'intervention, ce qu'elle ne fait pas, qu'elle ne démontre pas le caractère volontaire de la dissimulation de travail alléguée, qu'à titre subsidiaire, elle ne peut pas solliciter plus de cinq mois de salaires, soit 19670,40 euros conformément à l'article L1235-3 du code du travail, que la barème fixé par cet article est conforme aux conventions internationales, que les procès-verbaux de constat des huissiers ne sont pas pris en charge au titre des dépens, qu'ils n'ont pas à être remboursés par la partie éventuellement condamnée à moins que le constat ait été ordonné préalablement par décision de justice.

MOTIFS DE L'ARRET

 

Attendu en application de l'article L1235-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés justifiant le licenciement de l'appelante sont une surcharge de travail des salariés, des remarques déplacées, désobligeantes et vexantes à l'égard du personnel, des sollicitations de salariés pendant leur temps de repos, un comportement harcelant à l'encontre d'une collaboratrice ayant conduit à son inaptitude, une attitude vexatoire à l'encontre de son assistante, [A] [Z], l'émission d'ordres et contre-ordres, des remontrances perpétuelles et publiques, une absence de réponse aux interrogations des salariés, une absence de mise en place de mesures de sécurité, une absence d'empathie et de compassion et un manque d'amabilité ayant entrainé des plaintes de clients ;

Attendu que pour caractériser ces multiples motifs, la société intimée produit un long courriel d'[A] [N] épouse [Z], secrétaire assistante de direction de l'appelante, adressé le 29 juin 2018 à cette dernière ainsi qu'à [YU] [V], directeur régional, et à [C] [TD], directeur des ressources humaines, intitulé « Souffrance appel au secours » ; que dans ce message, après avoir décrit les souffrances physiques qu'elle endurait conduisant à son arrêt de travail, elle accusait l'appelante d'en être la cause en raison des agissements de harcèlement auxquels elle était exposée, consistant en des altercations trouvant leur origine dans le comportement de sa supérieure envers les résidents et leurs familles, des actes de dénigrement générant une perte de confiance en elle-même et de la peur et une pratique managériale qualifiée de perverse ; que l'intimée produit également des échanges de SMS avec l'appelante les samedi 2 décembre 2017, vendredi 8 décembre 2017, samedi 5 mai 2018 et vendredi 25 mai 2018 ; que les demandes de l'appelante adressées alors qu'[A] [Z] se trouvait de repos, portaient sur une question de prise en charge des résidents ou les horaires de nuit d'une salariée, [FX] [VR] dont le caractère urgent n'apparait nullement ; qu'est communiqué le compte-rendu en date du 5 juillet 2018 de l'enquête diligentée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à la demande de [C] [TD], à la suite de la réception du courriel du 29 juin 2018 ayant conduit à l'audition d'[A] [Z], de ses collègues de travail et de l'appelante ; que le rapport retranscrit les propos d'[A] [Z] qui décrit les rebuffades, les reproches de l'appelante sur son manque d'implication, les diminutions de responsabilités, les mises en cause de la qualité de son travail ; qu'[A] [Z] fait aussi état des menaces exercées par l'appelante sur la personne de [IY] [W] et des réprimandes publiques adressées à celle-ci ; qu'ont également été entendus différents salariés occupant les emplois d'auxiliaire de vie, de coordinatrice, de second de cuisine, d'agent technique, d'agent hôtelier, d'animatrice, de chargée d'accueil ou d'attaché commercial ; que [JL] [U], auxiliaire de vie depuis juin 2012, émet à l'égard de l'appelante de graves critiques sur le mode de management de celle-ci dépourvu de toute humanité, sur son comportement sans ménagement envers les résidents, et rapporte ses remarques désobligeantes ou ses demandes incessantes entrainant une diminution de la disponibilité des auxiliaires de vie envers les pensionnaires de l'établissement ; que [L] [EI], second de cuisine depuis mai 2016, assure que l'ambiance de travail s'était dégradée, soulignant la multiplication des arrêts de travail et les difficultés relationnelles entretenues par l'appelante avec son supérieur hiérarchique ; que [S] [H], agent technique depuis mai 2014, relate les difficultés rencontrées pour satisfaire l'appelante par suite des multiples demandes de sa part ; qu'il souligne le caractère lunatique de cette dernière et rapporte les agissements de celle-ci envers [IY] [W], qu'il assimile à du harcèlement ; qu'[I] [OO], agent hôtelier depuis décembre 2013, décrit les pressions exercées par l'appelante sur son travail, les remontrances injustifiées, les promesses non tenues, les divisions entretenues entre les salariés, et la dégradation des conditions de travail ; qu'[K] [EW], animatrice depuis juin 2012, témoigne également des effets du comportement de l'appelante sur la santé de certaines salariées et du stress qu'elle provoquait en particulier sur la personne de [IY] [W] ; que le témoignage de [GK] [CH], attaché commercial depuis janvier 2018, est particulièrement accablant ; qu'en effet il tient à préciser, que bien qu'ayant travaillé précédemment dans six entreprises, il n'avait jamais rencontré une directrice de la sorte ajoutant que pas un seul des cent-vingt-deux résidents ne dirait du bien d'elle et que les avis diffusés sur internet étaient affligeants ; qu'il souligne par ailleurs la pression exercée sur le personnel par l'appelante, qu'il qualifie de «perverse narcissique», qui serait responsable du « burn out » dont a été victime [IY] [W] ; que sont également versées aux débats les attestations d'[A] [Z], d'[I] [OO], de [XF] [R] et de [GK] [CH], auditionnés par le comité, développant leurs précédentes accusations à l'encontre de l'appelante, [GK] [CH] qualifiant en outre d'inhumain le traitement infligé à [A] [Z] par l'appelante ; que s'y ajoutent celles de [NN] [E], agent hôtelier, d'[K] [EW] épouse [XT], animatrice, de [JL] [U], auxiliaire de vie sociale, de [FX] [G], responsable de secteur d'aide à domicile et de [AN] [M], conseillère commerciale ; que les témoins confirment les reproches adressés à l'appelante portant sur ses remarques humiliantes, son comportement envers [A] [Z] et [IY] [W], ses appels téléphoniques durant les jours de repos, ses pressions quotidiennes exercées sur les salariés ayant entrainé des démissions ; que sont produits les avis d'inaptitude définitive de [YG] [J], ancienne commerciale, et de [IY] [W], ancienne hôtesse d'accueil, délivrés respectivement les 3 avril 2017 et 10 avril 2018, par le médecin du travail ; que pour la première celui-ci souligne que tout maintien de la salariée dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et préconise un travail dans une autre société ; que pour la seconde, après étude de poste, le praticien ajoute que la salariée pourrait travailler sur un autre site ou une autre structure ; que par courriel adressé à la société, [IY] [W] a expliqué les motifs de son inaptitude, reposant exclusivement sur le comportement de l'appelante et le niveau de stress et d'anxiété atteint du fait de cette dernière et devenu insupportable ; que ces multiples accusations sont reprises dans une attestation dans laquelle le témoin souligne les critiques publiques injustifiées émises par l'appelante à son égard, la charge de travail excessive imposée tant à elle-même qu'à [A] [Z], les fréquents différends entre l'appelante et les salariés mais aussi les résidents et leurs familles et le mal être dont souffraient les salariés du fait du management de cette dernière ;

Attendu que pour justifier son comportement et rejeter les griefs émis à son encontre l'appelante s'appuie sur la production de vingt cinq attestations de témoins, des échanges de courriels avec [A] [Z] entre le 17 juillet 2017 et le 1er juin 2018, retranscrits dans le constat dressé le 27 juillet 2018 et reproduit dans ses conclusions, différentes lettres, des comptes-rendus d'entretiens professionnels de différents salariés, des grilles d'évaluation ainsi que ses primes de résultat pour l'année 2017 ; que toutefois le fait que les échanges de courriels avec [A] [Z] soient dépourvus d'animosité ne démontre pas pour autant que le comportement quotidien de l'appelante ne correspondait pas aux constatations contenues dans les témoignages recueillis et dans les multiples attestations produites par la société intimée ; qu'étaient également cordiaux les échanges de courriels entre elle et [GK] [CH] alors que ce témoin, au cours de son témoignage et dans son attestation, brosse un portrait accablant de [X] [WS] ; qu'en outre, si [A] [Z] travaillait, comme le soutient l'appelante dans une ambiance saine, sous la direction bienveillante de cette dernière, celle-ci n'explique pas les raisons du courriel adressé en premier lieu à elle-même le 29 juin 2018, dans lequel la salariée fait état d'un profond mal-être depuis le départ de [IY] [W] dont elle impute la responsabilité à [X] [WS], lui reprochant en outre de reproduire à son égard le comportement qu'elle avait adopté envers [IY] [W] ; que les nombreuses attestations communiquées par l'appelante ne sont pas de nature à emporter une conviction du fait qu'elles émanent quasi exclusivement de personnes extérieures à l'établissement ; que seuls quatre pensionnaires ont témoigné alors que la résidence accueille plus d'une centaine de retraités ; que les lauriers qu'ils tressent à l'appelante sont flétris par le courrier manuscrit rédigé par [JZ] [BV], un autre résident, se plaignant de ce que la porte de sa chambre était fermée à clef, d'avoir la sensation de vivre emprisonné et reprochant à l'appelante son attitude envers certains résidents du troisième étage ; que l'absence d'observations négatives dans les comptes-rendus d'entretiens professionnels conduits par l'appelante n'est pas incompatible avec les critiques concordantes émises sur son mode de management ; qu'au demeurant, certains d'entre eux laissent néanmoins transpirer le mal-être qui lui est imputé ; qu'ainsi, dans le compte rendu d'entretien du 12 juin 2018 d'[O] [Y], auxiliaire de vie de nuit depuis juin 2012, celle-ci, qui souhaite quitter l'entreprise, se félicite «d'avoir mis certaines choses au clair» lui permettant ainsi de travailler dans le respect des consignes, de ses collègues et des résidents ; que la production de la prime de résultat pour l'année 2017 communiquée le 27 mars 2018 est dépourvue de tout intérêt puisqu'il apparait que l'appelante n'a perçu qu'une prime qualité calculée sur la base de la grille d'évaluation de l'année 2017 ; qu'il en est de même de la production de cette grille établie avant que la société n'ait eu connaissance des agissements de la salariée à la suite de la réception du courriel d'[A] [Z] le 29 juin 2018 ; qu'au demeurant, les critères retenus pour l'établissement de ce document ne sont pas exclusivement fondés sur le management interne suivi par l'appelante ; qu'en outre, il résulte de cette grille que les qualités de celle-ci dans ce secteur n'étaient pas particulièrement reconnues puisque pour la rubrique «management-relationnel» elle n'obtenait que la note de 13/24 alors qu'il lui était attribué celle de 33/48 en matière de gestion et d'exploitation ;

Attendu en conséquence qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les griefs reprochés consistant en une attitude vexatoire à l'encontre d'[A] [Z], des remarques déplacées et désobligeantes à l'égard du personnel, des remontrances perpétuelles et publiques envers des salariés, un management inapproprié envers [IY] [W] ayant conduit à son inaptitude, sont caractérisés ; qu'à eux seuls, ils légitiment le licenciement de l'appelante fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu sur le rappel de prime en application de l'article L1221-1 du code du travail qu'il résulte des écritures de l'appelante que celle-ci sollicite pour la dernière année la condamnation de son employeur à lui verser la somme de quatre mois de salaire, soit 12680 euros en exécution des dispositions de l'article 8 du contrat de travail prévoyant une prime sur objectifs d'un montant maximum de quatre mois de salaire brut ; que selon les pièces versées aux débats, cette prime sur objectif ou sur résultat était l'addition d'une prime de maintien de marge, d'une prime de dépassement d'objectif et d'une prime qualité, à laquelle était ajoutée éventuellement de façon exceptionnelle une prime de rattrapage comme en 2017 ; que n'était précisé aucun pourcentage maximum de chacune d'elles dans le calcul du montant total de la prime de résultat ; que si la prime qualité était elle-même calculée sur la base d'une grille d'évaluation effectuée annuellement, en revanche la société ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'elle avait fixé à la salariée des objectifs dont le dépassement conduisait au versement d'une somme entrant dans la composition de la prime de résultat ; qu'en conséquence la société est bien redevable envers l'appelante d'une telle prime ; que toutefois, aux termes de l'article 8 précité, le montant de cette prime était calculé en fonction du temps de présence de la salariée dans l'entreprise ; que celle-ci la sollicitant au titre de la dernière année, soit l'année 2018 durant laquelle elle n'est restée dans l'entreprise que jusqu'au 27 juillet 2018, il convient d'évaluer la somme due à ce titre à 7226 euros ; que la partie variable de la rémunération étant acquise à la salariée tout au long de l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, elle n'entre pas dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés ;

Attendu sur le rappel de salaire au titre de l'astreinte en application de l'article L3121-9 du code du travail qu'il suppose pour être dû que l'appelante ait été tenue à une permanence téléphonique à son domicile ou à proximité de celui-ci ; qu'il résulte du courriel produit par l'appelante en date du 30 novembre 2017 rédigé par [B] [OB], que la société appliquait un protocole dit de rappel en cascade sur la résidence ; que selon ce document, le personnel en poste devait répondre dans les deux minutes aux sollicitations du centre de surveillance ; que sans réponse de la résidence, le protocole mentionnait les différentes personnes à contacter successivement, à savoir le responsable du site et donc l'appelante, à défaut de réponse de cette dernière, le directeur régional puis en cas d'absence de contact, le responsable d'achats ; que selon ce document, le personnel d'astreinte de nuit était composé des gardiens logés sur place et des assistantes de vie de nuit ; qu'il résulte donc de ce document que l'appelante n'était pas soumise à une astreinte puisqu'elle n'était pas tenue de rester disponible en permanence afin de répondre à d'éventuels appels ; que les quelques courriels qu'elle produit ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une véritable astreinte ; qu'ils ne sont que l'illustration de l'organisation de travail mise en place par l'appelante qui souhaitait être immédiatement destinataire d'informations provenant du personnel de garde mais qui ne nécessitaient pas son intervention exclusive ; qu'il en est ainsi notamment du courriel du 19 novembre 2016 transmis à 22h 14 par [SP] [F], responsable du département sécurité, adressé à l'appelante et à [PP] [D] dans lequel il confirme l'avis de ce dernier de faire intervenir au plus vite un électricien en vue du contrôle de l'installation électrique ; que de même les transmissions de courriels en date du 20 septembre 2017 consécutifs à une panne de téléphonie font apparaitre qu'est intervenu sur le site un technicien d'astreinte sans que l'appelante ait eu besoin de l'appeler personnellement ; qu'en conséquence aucun rappel de salaire n'est dû ;

Attendu que le travail dissimulé allégué, reposant sur le défaut de paiement du salaire dû au titre de l'astreinte, n'est pas caractérisé ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Attendu que les différents dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution sont mentionnés à l'article 695 du code de procédure civile ; que le constat d'huissier dont l'appelante sollicite le remboursement n'y figurant pas et n'ayant pas été ordonné préalablement par une décision de justice, il n'a pas lieu de faire droit à la demande de cette dernière ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

CONDAMNE la société RESIDE ETUDES SENIORS à verser à [X] [WS] 7226 euros à titre de rappel de prime d'objectif,

DEBOUTE [X] [WS] du surplus de sa demande,

 

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

CONDAMNE la société RESIDE ETUDES SENIORS aux dépens.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 21/00163
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;21.00163 ?
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