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21/10/2022 | FRANCE | N°20/01460

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 21 octobre 2022, 20/01460


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1795/22



N° RG 20/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCJ3



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DUNKERQUE

en date du

13 Mai 2020

(RG F17/00545 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.E.L.A.R.L. WRA Liquidateur judiciaire de Mr [W] [P] et de Madame [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Caroline BELVAL, avocat au barreau de DU...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1795/22

N° RG 20/01460 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCJ3

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de DUNKERQUE

en date du

13 Mai 2020

(RG F17/00545 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. WRA Liquidateur judiciaire de Mr [W] [P] et de Madame [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Caroline BELVAL, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉS :

M. [E] [U]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

Association L'UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 14 Septembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 31 Août 2022

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat d'apprentissage du 14/06/2016, M. [W] [P] qui exploitait un débit de boissons, tabac, presse, a engagé M. [E] [U], jusqu'au 30/06/2018.

Par jugement du 26/09/2017 le tribunal de commerce de Dunkerque a prononcé la résolution du plan de redressement précédemment arrêté et ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. [W] [P], étendue à Mme [Z] [P] née [K]. Le tribunal a fixé la date de cessation des paiements au 26/03/2016. et désigné la SELARL WRA, prise en la personne de Me [B] [X] en qualité de liquidateur.

Au préalable, le tribunal avait arrêté un plan de redressement le 04/02/2014 prévoyant la poursuite de l'activité et l'apurement du passif. La SELARL WRA a saisi le tribunal par requête du 23/09/2016 afin de solliciter la résolution du plan en raison du défaut de paiement du premier dividende échu, plusieurs reports ayant été accordés au débiteur pour procéder au règlement du dividence échu le 04/02/2015.

Me [X] a notifié à M. [E] [U] son licenciement pour motif économique par lettre du 13/10/2017, en raison de la cessation d'activité de M. et Mme [P].

Sollicitant le paiement de de dommages-intérêts au titre de la rupture du contrat, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque par requête du 08/12/2017.

Selon jugement de départage du 13/05/2020, le conseil de prud'hommes a:

-fixé la créance de M. [E] [U] dans la procédure collective ouverte à l'encontre de M. [W] [P] et Mme [Z] [P] à la somme de 7.675€ au titre des dommages et intérêts pour les salaires jusqu'à la fin du contrat d'apprentissage,

-dit que cette somme sera inscrite sur le relevé des créances établi par Me [S] [X] agissant en qualité de liquidateur de M. [W] [P] et de Mme [Z] [P] ;

-rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la rupture du contrat d'apprentissage formulée par M. [E] [U],

-mis les dépens à la charge Me [S] [X] es qualité de qualité de liquidateur judiciaire de M. [W] [P] et de Mme [Z] [P] ;

-dit le présent jugement opposable à CGEA de Lille ;

-prononcé l'exécution provisoire du présent jugement ;

-rejeté toutes les autres demandes des parties plus amples ou contraires ;

-dit le présent jugement opposable au CGEA de Lille représentant l'AGS ;

-dit que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail.

L'Unedic, délégation AGS CGEA de Lille a interjeté appel de la décision précitée par déclaration du 06/07/2020 enrôlée sous le numéro RG n°20/01441.

Puis, la SELARL WRA a régulièrement interjeté appel par déclaration du 09/07/2020 enrôlé sous le numéro RG 20/01460.

Le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel précitée de l'Unedic (RG n°20/01441) par décision du 13/01/2021.

Selon ses conclusions d'appelant du 05/01/2021, la SELARL WRA demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé la créance de M. [U], de dire que le contrat d'apprentissage est nul en vertu des dispositions de l'article L632-1-1-2° du code de commerce, de le confirmer en ce qu'il a débouté l'apprenti de sa demande de dommages-intérêts de 10.000 €, de débouter M. [U] de ses prétentions, de dire et juger qu'il n'y a pas lieu à fixation de créance dans la liquidation judiciaire de M. et Mme [P], et de condamner M. [U] aux entiers frais et dépens.

Selon ses conclusions d'intimée du 20/10/2020 prise dans le dossier RG n°20/1460, l'Unédic délégation CGEA de Lille demande à la cour de réformer le jugement déféré, mais de le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice résultant de la rupture du contrat d'apprentissage formulée par M. [E] [U]

STATUANT A NOUVEAU :

Vu l'article L.632-1 I 2° du code de commerce,

DIRE et JUGER que le contrat d'apprentissage de Monsieur [E] [U] est nul en vertu des dispositions de l'article L.632-1 I 2° du code de commerce, et en tout état de cause inopposable au CGEA,

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur [E] [U] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions.

EN TOUTE HYPOTHESE :

DEBOUTER Monsieur [E] [U] de ses demandes, fins, moyens et conclusions.

DONNER ACTE à l'organisme concluant qu'il a procédé aux avances au profit de Monsieur [E] [U] d'un montant de 2.721,45 €,

En cas d'infirmation de la décision dont appel, CONDAMNER le salarié à rembourser les sommes avancées au titre de l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes et qui constituent un indu,

DIRE que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

DIRE ET JUGER que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

STATUER ce que de droit quant aux dépens.

Selon ses conclusions du 13/11/2020, M. [E] [U] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de DUNKERQUE statuant en formation de départage le 13 mai 2020 en ce qu'il a fixé sa créance dans la procédure collective ouverte à l'encontre de Monsieur et Madame [W] et [Z] [P] à la somme de 7.675,00 € au titre des dommages et intérêts pour les salaires dus jusqu'à la fin du contrat d'apprentissage ;

le RECEVOIR en son appel incident ;

INFIRMER le jugement rendu en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de la rupture du contrat d'apprentissage ;

FIXER sa créance dans la liquidation judiciaire de Monsieur et Madame [W] et [Z] [P] aux sommes suivantes :

-Dommages et intérêts jusqu'à l'expiration du contrat d'apprentissage : 7 675,00 euros ;

-Dommages et intérêts dus en raison du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'apprentissage et de l'interruption de sa formation : 10 000,00 €

CONDAMNER aux entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 31/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites et transmises par RPVA dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de nullité du contrat de professionnalisation

La SELARL WRA fait valoir la nullité du contrat d'apprentissage conclu durant la période suspecte ; elle rappelle que l'employeur s'engageait à régler un salaire sur deux ans et à fournir du travail, qu'à la date de l'embauche les débiteurs étaient déjà en état de cessation des paiements, que les difficultés de M. et Mme [P] sont anciennes, qu'un premier jugement de redressement judiciaire avait été rendu par le tribunal de commerce de Dunkerque du 13/11/2012, qu'un plan d'apurement du passif a été entériné le 04/02/2014 mais qui n'a jamais été respecté, en sorte que s'engageant pour une durée de 24 mois à la date du 14/06/2016, en s'engageant dans la souscription d'un contrat d'apprentissage, l'employeur a souscrit des obligations excédant notablement celles de l'autre partie, la date de fixation de cessation des paiements étant fixée au 26/03/2016.

L'Unedic, délégation AGS CGEA de Lille s'associe à l'argumentation du liquidateur, indique que le contrat d'apprentissage a été conclu postérieurement à la date de cessation des paiements du 26/03/2016, et pendant la période suspecte, que le déséquilibre doit s'apprécier in concreto, que l'employeur s'est engagé pendant 24 mois à régler les salaires pour un montant total de 20.250,48 € brut outre les charges sociales, que la possibilité de mettre un terme au contrat même en cas de faute est complexe et coûteuse, que l'employeur avait connaissance de la cessation des paiements, le salarié n'ayant plus à fournir sa prestation de travail en cas de rupture, les salaires restant dus, le contrat lui étant en toute hypothèse inopposable.

M. [U] rappelle que le contrat d'apprentissage conclu par l'employeur pendant la période suspecte, n'est pas nécessairement nul, qu'il était payé 53 % du SMIC , soit la plus basse rémunération qui puisse être allouée à un salarié, en sorte qu'il n'y avait aucun déséquilibre, sauf à son préjudice, qu'il a travaillé à compter du mois de juin 2016 jusqu'au mois de septembre 2017, soit pendant près de 16 mois, que le report de la date de cessation des paiements est une fiction juridique, que le liquidateur a pour sa part attendu un an et demi pour solliciter la résolution du plan de continuation alors que les échéances n'étaient pas payées depuis le 04/02/2015, qu'en outre l'activité de brasserie nécessitait l'emploi de personnel, et que la poursuite de l'exploitation était envisagée lors du recrutement de l'apprenti.

Sur ce, les moyens invoqués par la SELARL WRA au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

La cour ajoute les éléments qui suivent.

L'article L.632-1, I, du code de commerce, dans sa rédaction applicable, dispose que« sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie[...] »

Aux termes de l'article 1104 du code civil, le contrat commutatif est défini comme celui dans lequel chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Un contrat est commutatif lorsque l'avantage que chacune des parties en retire est susceptible d'être évalué par elles au moment de la conclusion de l'acte.

La date de cessation des paiement a été fixée au 26/03/2016.

Le contrat de professionnalisation, signé le 14/06/2016, soit durant la période suspecte, prévoit pour l'apprenti une rémunération pour la première année du 01/07/2016 au 30/06/2017 de 53 % du SMIC et pour la seconde année du 01/07/2017 au 30/06/2018 de 61 % du SMIC. Il s'agit donc, bien que le contrat soit conclu pour 24 mois, d'une faible rémunération, étant observé que l'arrêt de l'activité est intervenu le 30/09/2016 (date mentionnée dans la lettre de licenciement), le salarié ayant travaillé plus de 15 mois, sur les deux années prévues. Il convient d'observer que le salaire a été versé durant cette période. La rémunération versée apparaît donc modique, puisqu'inférieure au salaire minimum, le salarié ayant acquis en outre des compétences professionnelles durant cette période, ayant nécessairement profité à l'activité de brasserie-bar-tabac de l'employeur.

En outre, le recrutement a été effectué durant une période où l'employeur exécutait un plan de continuation du 04/02/2014. Il ressort du jugement du tribunal de commerce qu'une première mensualité du plan de 83.867,74 € échue le 04/02/2015, plusieurs reports ayant été accordés pour permettre la poursuite du plan, le commerce requérant du personnel pour la poursuite de l'activité, la résolution ayant été demandée à l'audience du 26/09/2017, soit plus de deux ans après l'incident de paiement, ce qui démontre bien que la poursuite de l'activité était envisagée.

Dans ces conditions, les obligations de l'employeur n'excédaient pas notablement celle de l'apprenti. Le contrat n'est donc pas nul. Par ailleurs le montant des salaires à échoir au 30/06/2018, tel qu'arrêté par le premier juge, soit 7.675 € n'est pas sérieusement contredit. Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande la nullité du contrat d'apprentissage et fixé cette somme à l'état des créances.

S'agissant de la demande de dommages-intérêts, l'apprenti fait valoir que l'employeur l'a exposé au risque de rupture du contrat. Il n'est cependant pas justifié d'un préjudice distinct ou plus ample que celui réparé par l'indemnité de fin de contrat que celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité de fin de contrat précitée. La demande est rejetée et le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt sera opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA dans les limites de sa garantie, et des avances effectuées.

Les dépens seront pris privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel de Douai, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA dans les limites de sa garantie, et des avances effectuées,

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01460
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;20.01460 ?
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