La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°20/01078

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 21 octobre 2022, 20/01078


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1807/22



N° RG 20/01078 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6LV



GG/AA

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

13 Février 2020

(RG 19/00021 -section )






































r>



GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.S. APEN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



M. [V] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]/ FRANCE...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1807/22

N° RG 20/01078 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6LV

GG/AA

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

13 Février 2020

(RG 19/00021 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. APEN

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Franck TREFEU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

M. [V] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]/ FRANCE

représenté par Me Jérôme LESTOILLE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 07 Septembre 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17/08/2022

EXPOSE DU LITIGE

La SAS APEN qui assure une activité de sécurité privée, emploie habituellement plus de 10 salariés, et applique la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, a engagé M. [V] [J] à compter du 01/11/2015, dans le cadre de la reprise de marché de la société VIGI-VILLAGES GARDIENNAGE qui avait engagé le salarié le 01/05/2013.

Au dernier état de la relation de travail, M. [J] exerçait les fonctions d'agent de sécurité, statut agent de maîtrise, niveau 1, échelon 1, coefficient 150, de la convention collective.

Un avertissement a été infligé au salarié par lettre du 04/01/2018 pour une absence injustifiée.

A la suite de la lettre d'une salarié (M. [D] [R]) du 06/06/2018 indiquant subir des faits de harcèlement moral de la part de M. [J], et des propos déplacés, l'employeur a convoqué M. [J] par lettre du 08/06/2018, à un entretien préalable à licenciement fixé au 21/06/2018, une mise à pied conservatoire étant en outre notifiée.

L'employeur a notifié à M. [J] par lettre du 19/07/2018 à M. [J] son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

« Suite à notre entretien qui s'est tenu le 21/06/2018, nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

-Comportements déplacés et répétés sur votre lieu de travail ;

-Non-respect de vos horaires de travail le 06/06/2018.

En effet, nous avons appris que vous avez tenu sur votre lieu de travail, notamment et principalement à l'égard de certains de vos subordonnées hiérarchique, des propos déplacés, agressifs, dénigrants et/ou vulgaires, et ce, de façon répétée.

D'autre part, nous avons constaté que vous vous êtes permis de quitter votre poste de travail sans notre autorisation le 06/06/2018 à 14h en lieu et place de 16h00, et ce, en notant faussement avoir quitté votre poste à 16h sur le cahier de rapport.

Cette conduite est grave et met en cause la bonne marche du service.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave[...] ».

Estimant le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy par requête du 11/02/2019 de diverses demandes indemnitaires concernant la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 13/02/2020, le conseil de prud'hommes a :

-écarté les pièces 22 et 23 de la partie demanderesse communiquées la veille de l'audience de jugement,

-requalifié le licenciement pour faute grave de M. [V] [J] en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-En conséquence, condamné la SASU APEN à verser à M. [V] [J] les sommes suivantes :

-2.139,66 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-3.630 € au titre de l'indemnité de préavis,

-363 € au titre des congés payés afférents,

-9.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2.994 € au titre du rappel de salaires suite à la mise à pied conservatoire du 08 juin 2018 au 19 juillet 2018,

-Dit que ces sommes seront majorées de l'intérêt au taux légal :

-A compter de la date de réception de la convocation par la partie défenderesse devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 14 février 2019, pour les créances de nature salariale,

-A compter du présent jugement pour toute autre somme.

-Ordonné à la SASU APEN de délivrer à M. [V] [J] les documents rectifiés suivants :

-Les bulletins de paie

-Un certificat de travail

-Une attestation POLE EMPLOI

Dans un délai de 15 jours à compter du prononcé du présent jugement et ce, à peine d'astreinte provisoire d'un montant de 15 € par jour de retard, passé ce délai, et pour l'ensemble des documents.

-S'est réservé expressément le droit de liquider l'astreinte,

-Condamné la SASU APEN à verser à M. [V] [J] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-rappelé qu'en vertu de l'article R1454-28 du code du travail, la présente décision ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 dudit code est exécutoire de plein droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois,

-Ordonné conformément à l'article L1235-4 du Code du travail, à l'employeur de rembourser à POLE EMPLOI les allocations chômage versées à M. [V] [J] depuis le licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités,

-Débouté M. [V] [J] du surplus de ses autres demandes, fins et conclusions.

-Débouté la SASU APEN de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux éventuels dépens de la présente instance.

Par déclaration reçue le 11/03/2020 la SAS APEN a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 18/05/2020, la SAS APEN demande à la cour de réformer le jugement, et de :

dire et juger que le licenciement de M. [V] [J] repose sur une faute grave,

-débouter M. [V] [J] de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés,

-débouter en conséquence M. [V] [J] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner M. [V] [J] à lui payer la somme 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Selon ses conclusions reçues le 18/08/2020, M. [J] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et y ajoutant de condamner la société APEN au paiement de la somme de 2000 € pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil, outre 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 17/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

L'appelante fait valoir que le licenciement pour faute grave est justifié, que le salarié s'est permis de quitter son poste sans l'autorisation de sa direction, ce que confirme l'attestation de M. [N] versée par l'intimé, M. [N] n'étant pas l'employeur, que le salarié a déjà été sanctionné pour des faits similaires, qu'elle a été avisée par un salarié et par un représentant du personnel concernant le comportement grave de M. [J] à l'égard des agents, que plusieurs salariés ont confirmé la situation oralement puis par écrit, que pas moins de sept salariés ont fait état de propos irrespectueux, que leurs témoignages sont concordants, mais qu'ils ne sont pas identiques, que les mesures nécessaires ont été prises pour assurer la sécurité et préserver la santé mentale et physique des salariés, que ces derniers ont refusé la médiation au regard des liens étroits entretenus entre M. [J] et sa compagne, Mme [SO] [Z], chef de poste à [Localité 5] Grand Palais, que le CHSCT n'a qu'un avis consultatif, que les attestations produites par l'intimé n'émanent pas de salariés de l'entreprise et sont partisanes et incorrectes, que les échanges de sms produits datent de plusieurs mois avant la révélation des faits, ces pièces n'ayant pas de lien avec les faits reprochés,

L'intimé réplique que son professionnalisme a toujours été reconnu, que les faits invoqués sont imprécis, aucune attestation de tiers à l'entreprise n'étant produite ce qui n'aurait pas manqué d'être le cas si les faits étaient avérés, qu'il entretenait des relations personnelles avec M. [DD], en utilisant des propos péjoratifs, que M. [R] jouait aux jeux d'ordinateurs avec son fils, ce qui exclut toute pression à son encontre, que M. [DD] l'a remplacé, M. [R] lui succédant, que le CHSCT n'a mené aucune enquête, qu'il s'est absenté avec l'accord du client.

L'article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave privative du préavis prévu à l'article L.1234-1 du même code résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur.

Il appartient à ce dernier de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse.

La lettre de licenciement fait état de propos déplacés, agressifs, dénigrants et/ou vulgaires, de façon répétée, tenus par M. [J] à l'encontre de ses subordonnés, ainsi que d'une absence injustifiée le 06/06/2018 (départ à 14h au lieu de 16h00).

Pour preuve de la faute grave, la société APEN produit :

-la copie du registre mentionnant pour le 06/06/2018 une heure de fin de service à 16h,

-une lettre de M. [D] [R] du 06/07/2018 reçue le 07/06/2018, adressée à M. [W] [H], directeur des ressources humaines par laquelle ce dernier :

« [...]confirme donc que je subis depuis plusieurs mois des agissements d'harcèlement moral de la part de mon supérieur hiérarchique sur le site de [Localité 5] Grand Palais M. [V] [J]. Je n'arrive plus à le supporter. Mon médecin m'a mis sous traitement à cause de ces agissements » ; la lettre relate les propos déplacés imputés à M. [J], ce dernier le rabaissant sans-cesse ([...]Par exemple lorsque je suis arrivé au travail, il m'a dit : tu es déjà là, Ah oui c'est l'heure de la suce ; Que je suis parano, que je devais voir un psy ; Enculez vous bien à mon collègue [C] [DD] en ma présence ; T'es converti tu es blanc t'as pas honte (en référence à ma religion)['], indiquant en outre que M. [J] ne respecte pas le temps de pause, que d'autres salariés sont concernés ;

-la copie des arrêts de travail de M. [R] du 11/06/2018 et du 23/06/2018,

-une lettre du 08/06/2018 de M. [A] [O], accompagnée d'une attestation par laquelle le témoin confirme son courrier, indiquant que M. [J] a « un comportement déplacé et agressif à l'égard des agents », que «[...] par exemple mardi dernier monsieur [V] [J] est venu me rencontré sur mon lieu de travail sans me saluer et en me demendant avec assistance et agressivité « c'est qui ton chef » à plusieurs reprises pour m'intimider['] ça fait 3 mois que je suis sur le site de [Localité 5] grand palais, j'aime mon travail et je respecte les règles mes je viens la boule au ventre car monsieur [V] [J] me fait sencesse des reproches injustifier alors que lui se permet de ne pas respecter les règles[...] », le salarié indiquant à ce égard que le 06/06/2018 M. [J] a quitté son travail à 14h au lieu de 16h ;

-une lettre du 07/06/2018 de M. [K] [I], accompagnée d'une attestation la certifiant, qui « confirme avoir été témoin à plusieurs reprises du comportement agressif et déplacé » de M. [J], ajoutant que « monsieur [R] [D] et monsieur [DD] [C] sont la cibles des réflexions déplacées et parfois vulgaires de [V] depuis plusieurs mois », et que M. [J] est parti en avance le 06/06/2018,

-une lettre de M. [C] [DD] du 07/06/2018, par laquelle ce dernier confirme avoir témoin de propos déplacés de M. [J] à l'encontre de M. [R] (« ['] par exemple, je l'ai déjà entendu dire que Mr [R] était un parano qu'il devait voir un psy, qu'il devait demandé sa mutation[...] » ) ou au sien (« [...]En effet Monsieur [V] [J] me fait des réflexions continuellement sans justificatif. par exemple : avant de son départ en vacances il m'a annoncé 'enculez-vous bien' en guise de dire au revoir[...]»), et concluant confirmer la réalité des propos ainsi que le fait qu'il n'arrive plus à le supporter, et avoir été suivi pour dépression,

-une lettre et une attestation de M. [U] [X] confimant « avoir été témoin des agissements déplacés et agressifs de M. [J] [V], à l'encontre des salariés [R] [D] et [DD] [C] » et n'avoir rien dit pour éviter un problème avec le client,

-une lettre de M. [F] [P] du 11/06/2018 qui confirme que M. [J] a « un comportement agressif déplacé et agressif en vers les agents (« ['] par exemple: Monsieur [V] [J] m'a déjà interpelé en m'appelant (Bourricot) ce qui m'a mis hors de moi  ['] »),

-une lettre du 07/06/2018 de M. [S] [L] confirmant que M. [J] a un comportement agressif et déplacé,

-un extrait de procès-verbal de réunion du CHSCT du 29/06/2018 dont le paragraphe V porte sur le problème de comportement de M. [J] à l'égard des agents APEN affectés sur le site de [Localité 5] Grand Palais, selon lequel la secrétaire du CHSCT (Mme [Y] [G]) et le responsable des ressources humaines (M. [W] [H]) indiquent avoir été informé d'un « grave problème de comportement », ce dernier indiquant avoir tenté une médiation, aucune des personnes plaignantes n'ayant accepté la réunion, les membres du CHSCT demandant à la direction de régler le problème sans délai,

-les échanges de courriel du 13 au 19 juin entre Mme [G] et M. [H], dont il ressort que la première a été informée d'une situation alarmante, un salarié étant en arrêt de travail, M. [H] expliquant le 18/06/2018 avoir commencé à réagir, puis avoir mené une enquête (19/06/2018), les membres du CHSCT (M. [T]) expliquant avoir vainement tenté de prendre contact avec M. [J], un changement de poste étant envisagé, pour que M. [J] ne travaille pas en équipe son management d'équipe étant considéré comme « beaucoup trop intrusif et dangereux pour le laisser gérer une équipe »,

-des échanges de courriel du 09/07/2018 et 26/07/2018 de M. [H] avec l'inspectrice du travail Mme [E] [B], celui-ci l'informant de la situation, cette dernière rappelant les dispositions des articles L4121-1, L1152-4 et L1152-5 du code du travail, et le principe de proportionnalité de la sanction.

Il ressort de ces pièces que six salariés, à la suite de la lettre de M. [R], ont évoqué un problème de comportement de M. [J] en lien avec des propos agressifs et déplacés. La lettre de M. [L] ne fait pas état de propos précis, et est donc insuffisante à prouver la faute alléguée. Il en est de même pour la lettre de M. [I] s'agissant des propos tenus par M. [J].

En revanche, la lettre de M. [R] relate de façon précise les propos tenus par M. [J], bien que ces derniers ne soient pas datés. La dégradation de l'état de santé du salarié est corroborée par les avis d'arrêts de travail produits par l'employeur, mais également par le fait que Mme [G], membre du CHSCT, a été alertée de la situation préoccupante en lien avec le management de M. [J] sur le site de [Localité 5] Grand Palais. Les échanges de minimessages entre M. [R] et le fils de M. [J], en septembre 2017, janvier 2018 et mars 2018 démontrent l'existence de relations personnelles limitées à la pratique de jeux en réseau sur console, lesquels ne sont pas de nature à faire naître un doute sur la réalité des propos tenus.

De même, les échanges de mini messages entre M. [DD] et M. [J], ainsi qu'entre Mme [M] [Z] et l'épouse de M. [DD], démontrent certes l'existence de relations, antérieures aux faits, et empreintes de familiarité (« bisous gros pd ») entre M. [J] et M. [DD], ce qui corrobore les propos imputés par ce salarié à M. [J].

Enfin, il convient de relever que M. [O] précise venir depuis plusieurs mois avec la « boule au ventre » au travail, que M. [P] évoque le terme « bourricot ». La situation a été estimée suffisamment précoccupante pour que le CHSCT se saisisse du problème. Alors que M. [J] conteste les propos qui lui sont imputés, il apparaît que celui-ci n'a pas tenu à répondre à l'invitation des membres du CHSCT. M. [J] ne peut donc valablement faire plaider que l'enquête de cet organisme est insuffisante.

Il résulte de ces éléments, et même si par ailleurs M. [J] paraît apprécié des clients bénéficiant des prestations de la société APEN au regard des nombreuses attestations produites, que le grief est établi, à savoir le fait de tenir à l'égard de ses subordonnés des propos déplacés, agressifs, dénigrants et vulgaires, de façon répétée.

S'agissant du départ le 06/06/2018 à 14 H00 au lieu de 16 h, outre que plusieurs salariés évoquent dans leurs lettres précitées un départ à 14H, M. [J] admet avoir quitté les lieux avec l'accord du client (attestation de M. [N]). Toutefois ce dernier n'a pas qualité pour modifier les horaires de travail du salarié, qui a manqué de loyauté avec son employeur en indiquant un horaire erroné sur le planning. Le grief est établi.

Ces éléments sont suffisamment précis et circonstanciés pour établir les faits reprochés par l'employeur.

Ces faits sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail. Les propos tenus par M. [J] à l'encontre des salariés ont porté atteinte à la santé d'un salarié (M. [R]) et sont susceptibles de caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de prévention de la santé et de la sécurité des salariés. L'existence de relations personnelles antérieures avec certains salariés ne peut justifier les propos grossiers employés par M. [J] dans le cadre de la relation de travail. Il convient de rappeler, qu'en dépit des nombreux témoignages de satisfaction produits par le salarié, il est incompréhensible, alors que ses qualités de responsabilité et de rigueur sont mises en exergue, que ce dernier n'ait pas daigné répondre à l'invitation des membres du CHSCT.

Enfin, M. [J] a déjà été sanctionné le 04/01/2018 pour une absence injustifiée, son départ prématuré le 06/06/2018 constituant une réitération des faits fautifs.

Il s'ensuit que la faute commise a rendu impossible la poursuite de la relation de travail y compris durant le temps du préavis.

En conséquence, le licenciement repose bien sur une faute grave. Il convient dès lors d'infirmer le jugement et de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur les autres demandes.

Il n'est pas justifié d'un abus du droit d'agir en justice, toute personne ayant droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, selon l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme. M. [J] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Les dispositions de première instance étant infirmées, M. [J] supporte les dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

Déboute M. [V] [J] de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires relatives à la rupture du contrat de travail,

Déboute M. [V] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [V] [J] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01078
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;20.01078 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award