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21/10/2022 | FRANCE | N°20/00068

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 21 octobre 2022, 20/00068


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1684/22



N° RG 20/00068 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S26U



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

21 Novembre 2019

(RG 18/00353 -section 4)






































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Association STARTER

[Adresse 2]

[Localité 3]/FRANCE

représentée par Me Marion NIVELLE, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



Mme [E] [I] épouse [B]

[Adre...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1684/22

N° RG 20/00068 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S26U

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

21 Novembre 2019

(RG 18/00353 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Association STARTER

[Adresse 2]

[Localité 3]/FRANCE

représentée par Me Marion NIVELLE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Mme [E] [I] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me [T] [O], avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/01149 du 18/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Août 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 Septembre 2022 au 21 Octobre 2022 pour plus ample délibéré

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Août 2022

EXPOSE DU LITIGE

L'association Starter a recruté Mme [E] [I], née en 1982, suivant contrat à durée déterminée, sous la forme d'un contrat unique d'insertion du 24/02/2017, au 28/02/2018, en qualité de conseillère d'insertion professionnelle à temps partiel de 20 heures hebdomadaires, soumis à la convention collective de l'animation.

Par lettre du 16/06/2017 lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire, Mme [I] a été convoquée à un entretien, fixé au 27/06/2017, préalable à rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave.

L'employeur a rompu le contrat pour faute grave par lettre du 30/06/2017 aux motifs suivants :

« ['] Réitération des manquements professionnels malgré l'avertissement notifié par écrit et dit lors de l'entretien du 24 mai 2017 :

o non-respect des consignes pour la planification des rendez-vous (gênant l'organisation interne de l'équipe)

o durant vos absences répétées, aucune transmission de suivis, de compte-rendus, d'informations et impossibilité d'accéder à vos dossiers (vous avez changé le mot de passe de votre boîte mail professionnelle sans nous prévenir et sans nous le communiquer),

o lors d'entretiens individuels, incitation à la fraude (fausse déclaration au fisc) et incitation au travail dissimulé,

o non-respect des cadres protocolaires de l'atelier de recherche d'emploi : mélange des genres : emploi-logement, accompagnement collectif et non individuel ' accompagnemement emploi et non logement,

o tâches prioritaires professionnelles non remplies (demandes d'employeurs potentiels visant à l'insertion de nos usagers sans réponse et sans traitement depuis plus d'un mois,

-Le 13 juin 2017, après vos absences des 7, 8 et 9 juin 2017, vous aviez rendez-vous à 8h45 avec nos partenaires et financeurs, vous vous êtes présentée à 9h05. N'ayant eu aucune nouvelle de votre part, nous avons dû mandater une autre salariée de l'association, malgré son planning chargé, pour palier votre défection éventuelle,

-représentation de l'association à l'extérieur défaillante,

-comportement agressif et violent et propos menaçant vis-à-vis de votre directrice,

-entrées et sorties violentes dans le bureau de votre directrice,

-abandon de poste le 13 juin 2017 à 15h04 (vous terminez toujours à 16h), toujours aussi violent en ces termes : «je démissionne' je vais démissionner», ponctué d'insultes «clocharde va !» à l'intention de la directrice devant témoins internes et externes à l'association.

Ces faits constituent une faute grave rendant impossibles votre maintien dans l'entreprise[...] ».

Estimant abusive la rupture du contrat, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille de diverses demandes indemnitaires en lien avec la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 21/11/2019, le conseil de prud'hommes a jugé que la rupture du contrat de travail du 30 juin 2017 dont a fait l'objet Mme [E] [I] est abusive car dépourvue de faute grave, et a condamné l'association STARTER à lui payer :

-une indemnité pour rupture abusive d'un montant de 6.776,08 €,

-une indemnité compensatrice de salaire au titre de la mise à pied conservatoire pour un montant de 423,45 euros bruts,

-une indemnité de congés payés pour un montant de 719,95 euros bruts,

-la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-a débouté l'association STARTER de toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 15/01/2020 l'association Starter a régulièrement interjeté appel du jugement précité.

Selon ses conclusions reçues le 10/04/2020, l'association Starter demande à la cour  : -d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

-de juger la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Mme [I] parfaitement justifiée,

-de débouter Mme [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-de la condamner au paiement d'une somme de 1.500 € pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens de première instance et d'appel.

Selon ses conclusions reçues le 17/04/2020, Mme [E] [I] épouse [B] demande à la cour de :

-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la rupture du contrat du 30 juin 2017 abusive car dépourvue de faute grave et en ce qu'elle a condamné l'association Starter à lui payer :

Indemnité pour licenciement abusif : 6 776,08 euros bruts

Indemnité compensatrice de salaire : 423,45 euros bruts

Indemnité compensatrice de congé payé : 719,95 euros bruts

-dire et juger l'appel de l'Association STARTER recevable mais mal fondé

En conséquence,

-débouter l'Association STARTER de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-dire qu'il serait inéquitable que le Trésor Public pour une part, et le conseil de Mme [E] [I] épouse [B] pour une autre part, financent tous deux la défense de la requérante alors que l'association STARTER est parfaitement en capacité de faire face aux frais que la requérante devrait supporter s'il n'avait pas eu le bénéfice de l'aide juridictionnelle,

-en conséquence, vu les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, et subsidiairement l'article 700 du code de procédure civile, condamner l'association Starter au paiement de 2.000 € à titre d'indemnité qualifiée d'honoraires auprès de Me [T] [O], conseil de Mme [E] [I] épouse [B],

-donner acte à Me [T] [O] de ce qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si dans les six mois du jour où la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, s'il parvient à recouvrer auprès de l'Association STARTER la somme allouée,

-condamner l'Association STARTER aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 10/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la rupture du contrat de travail

L'appelante expose que l'insuffisance professionnelle peut être fautive si elle s'accompagne d'une volonté délibérée de la salariée de ne pas réaliser son travail, que cette dernière n'a pas respecté les consignes pour planifier ses rendez-vous, n'a pas transmis le suivi des dossiers pendant ses absences, n'a pas respecté le cadre protocolaire ainsi que des tâches professionnelles, et a été défaillante dans la représentation de l'association à l'extérieur.

L'intimée considère que certains des griefs qualifiés de « manquements professionnels» (non-respect des consignes pour planifications des rendez-vous, pas de transmission de suivi des dossiers pendant les absences, le non-respect des cadres protocolaires, des tâches professionnelles et enfin, la représentation de l'association à l'extérieur défaillante) ne peuvent constituer qu'une insuffisance professionnelle, la preuve de sa mauvaise volonté n'étant pas rapportée.

En vertu de l'article L1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

La faute grave se définit comme un manquement du salarié d'une gravité telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail. L'employeur doit rapporter la preuve de la faute grave qu'il allègue. L'existence d'une faute disciplinaire est subordonnée à la preuve du caractère intentionnel du manquement professionnel reproché. L'insuffisance professionnelle ne peut jamais constituer une faute disciplinaire.

En l'espèce, il convient d'analyser chacun des griefs figurant dans le courrier de rupture anticipée du contrat à durée déterminée afin de vérifier s'ils constituent une faute grave.

Il ressort de la lettre de rupture que l'employeur reproche à la salariée :

-la réitération de manquements fautifs depuis la réunion du 24/05/2017 en l'espèce le non-respect de consignes pour la planification de rendez-vous, l'absence de transmission d'informations durant les absences répétées de la salariée, l'incitation à la fraude lors d'entretiens individuels, le non-respect des cadres protocolaires de l'atelier « recherches d'emploi », des tâches professionnelles prioritaires non effectuées.

-un retard le 13/06/2017 entraînant une représentation de l'association à l'extérieur défaillante, un comportement agressif et violent et propos menaçant vis-à-vis de la directrice, avec entrées et sorties violentes dans son bureau de votre directrice, un abandon de poste le même jour et des propos violents : «je démissionne' je vais démissionner», ponctués d'insultes «clocharde va !» à l'intention de la directrice devant témoins internes et externes à l'association.

Pour preuve de la faute grave, l'employeur verse :

-plusieurs attestation de M. [M] [L] (président de l'association), de Mme [F] [R] (directrice), de Mme [G] [K] (formatrice), de M. [X] [H], de Mme [Y] [J] (administratrice de l'association), de M. [A] [D] (membre de l'association), de M. [V] [S], ainsi que divers documents internes relatifs aux absences de la salariée.

Les attestations ne permettent pas de mettre en évidence les premiers griefs précités (le non-respect de consignes pour la planification de rendez-vous, l'absence de transmission d'informations durant les absences répétées de la salariée, le non-respect des cadres protocolaires de l'atelier « recherches d'emploi », des tâches professionnelles prioritaires non effectuées).

Il apparaît que Mme [I] ne s'est pas présentée à une visite médicale le 02/05/2017, 10/05/2017, le 15/06/2017. Toutefois, ce grief n'est pas mentionné à la lettre de rupture qui fixe le cadre du litige, et les pièces produites ne permettant pas d'établir le défaut de suivi allégué. En toute hypothèse, ainsi que le soutient à juste titre l'intimée, ces faits sont susceptible de relever d'une insuffisance professionnelle, en l'espèce non démontrée, la mauvaise volonté délibérée de la salariée n'étant pas plus établie sur ces points. Ces griefs ne sont pas démontrés.

S'agissant de l'incitation à la fraude et au travail dissimulé, l'appelante explique qu'il s'agit de faits survenus le 31/03/2017 et le 02/06/2017.

Mme [I] invoque la prescription s'agissant des faits du 31/03/2017 en vertu de l'article L1332-4 du code du travail. Il convient de rappeler que si, en vertu du texte précité, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, ces dispositions ne s'opposent pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Il ressort de l'attestation de Mme [R], s'agissant des faits du 31/03/2017, que Mme [I] a demandé à une personne accompagnée de réaliser des travaux de couture, en s'engageant à la rémunérer, sans que ce travail ne soit déclaré. Aucun autre élément n'est produit hormis l'attestation de Mme [R], le président ou le conseil d'administration n'ayant pas été spécifiquement saisis de ce problème. Un doute subsiste donc en faveur de la salariée, s'agissant de ce grief (faits du 31/03/2017).

S'agissant des faits du 02/06/2017, l'employeur verse :

-l'attestation de Mme [R] selon laquelle lors d'un accompagnement pour la déclaration de revenus, Mme [I] n'a pas cherché à expliquer à la personne concernée que faire une fausse déclaration allait à l'encontre de la loi, s'agissant de la réponse à la question « possédez-vous un téléviseur »,

-Mme [K] atteste que «  vendredi 2 juin 2017, début d'après-midi dans les locaux de starter en présence d'une usagère, Mme [I] vient dans mon bureau pour me dire, qu'à la demande d'une usagère, il faudrait «arranger» sa déclaration de revenus (préciser qu'elle ne possède pas de télé ce qui était faux). Stupeur de ma part, pourquoi Madame [I] n'a pas coupé court à une telle

demande ' Je me rends dans la salle informatique où l'usagère attendait devant un ordinateur éteint.

Madame [I], contrairement aux consignes, s'était installée au clavier pour faire le travail à la place de l'intéressée. J'explique l'importance de payer ses impôts. L'usagère me répond : « mais ce n'est pas moi qui regarde la télé mais les enfants» et toutes les deux éclatent de rire. Je n'apprécie pas la réaction de ma collègue[...] ».

Il suit de ces attestation, examinées avec circonspection compte-tenu du lien de subordination, que confrontée à la demande d'une usagère dans le cadre d'un accompagnement à la déclaration de revenus, Mme [I] ne s'est pas, d'une part, opposée à la demande de l'usagère qui demandait une rectification pour dissimuler la possession d'un téléviseur, ce qui relève bien de ses fonctions de conseillère d'insertion professionnelle, que d'autre part Mme [I] s'est bien chargée de participer à la rectification de la déclaration de revenus de l'intéressée pour ne pas déclarer un téléviseur, un tel agissement constituant un manquement grave à ses obligations professionnelle et au devoir de loyauté à l'égard de l'employeur.

Mme [I] ne peut se borner à indiquer qu'elle n'a aucun moment suggéré de faire une fausse déclaration, dès lors qu'elle ne s'est pas opposée à la demande de l'usagère et l'a même favorisée. Le grief est établi.

S'agissant des faits du 13/06/2017, le retard de 20 mn à une réunion n'est pas discuté. Le grief est établi.

En outre, s'agissant du comportement agressif et des insultes, l'employeur verse plusieurs attestations dont il ressort :

-Mme [K] : «[...] mardi 13 juin 2017, l'après-midi dans les locaux de starter Mme [R] fait observer à Mme [I] que son travail pose problème sur 2 points : elle est en train de faire sur internet une recherche individuelle de logement pour [Z].. alors que son emploi du temps prévoit l'animation d'un atelier collectif recherche d'emploi, d'autre part, elle se trouve à l'ordinateur, s'est plutôt à [Z].. de s'y trouver ; il faut former les personnes à être autonome devant un écran. Mme [I] : « tu ne me parles pas comme ça devant le public, tu me manques de respect là !».

Mme [R] : « Je ne te manque pas de respect je te rappelle tes missions ! Si [Z].. fait une démarche personnelle tu la reçois en entretien individuel pas pendant un atelier collectif». Mme [R] rejoint son bureau. Mme [I] claque brutalement la tablette coulissante du bureau informatique sur lequel elle travaillait et demande à [Z].. de partir. Ensuite elle frappe violemment à la porte du bureau de Mme [R], elle y entre et elle hurle : « Tu ne manques plus de respect comme ça devant les gens ! » Je n'entends pas distinctement le reste de la conversation car la porte s'est fermée. Mme [I] sort du bureau en claquant la porte et en l'insultant « clocharde va ! » Elle entre dans notre bureau prend violemment ses affaires et elle me dit « bonne continuation ». 15h04 elle sort de nos locaux en claquant brutalement la porte d'entrée[...]».

-Mme [R] confirme que la salariée n'a pas respecté son emploi du temps, en s'enfermant dans une salle informatique au lieu de la participation à un atelier collectif, et confirme les propos précités indiquant « elle était furieuse, n'a pas voulu m'écouter, j'ai tenté de la calmer, en vain. Elle était très menaçante, a brandi les poings. J'ai eu très peur, elle allait me frapper. Toujours furieuse, elle est partie en hurlant « clocharde va ». Sa collègue Mme [K] l'a entendue. Sur ce Mme [I] a pris ses affaires, a dit « bonne continuation » à son collègue, a quitté son poste à 15h04 (elle terminait à 16h) sans m'en demander l'autorisation[...]. Elle précise dans une seconde attestation : « j'ai été très choquée car c'était une violence incompréhensible et des menaces physiques, verbales, sur ma propre personne sans raison apparente. J'ai dû appeler un membre de l'association pour venir me rechercher à l'association pour éviter tout règlement de compte à l'extérieur et tout traquenard à l'extérieur. J'ai été très affectée, j'en ai souffert et en souffre encore[...]»

-enfin M. [A] [D] atteste avoir reçu un appel le 13/06/2017 vers 17h de Mme [R] « en état de choc qui craignait pour son intégrité physique à la sortie de son travail. Devant son état d'anxiété et pour la protéger (d'une éventuelle agression à la sortie de son travail), je suis venu la chercher pour la raccompagner chez elle en voiture alors que d'habitude elle prend le train. Mme [R] était très choquée et ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle était au bord des larmes, avait les yeux rougis et avait peur des représailles ».

Il ressort de ces attestations concordantes que Mme [I] s'est emportée le 13/06/2017, en manifestant un comportement agressif, et a tenu des propos injurieux, en l'espèce « clocharde, va » à l'encontre de Mme [R].

Ces propos, tenus en présence de personnels et de tiers, sont constitutifs d'une faute grave. Mme [I] ne peut sérieusement soutenir que son comportement résulte d'un sentiment d'exaspération en se fondant sur le courriel de Mme [R] du 20/03/2017 qui constitue un simple rappel des règles de fonctionnement de l'association.

L'employeur était donc fondé à rompre le contrat à durée déterminée de façon anticipée pour faute grave. Le jugement est donc infirmé. Il s'ensuit que Mme [I] doit par conséquent être déboutée de ses demandes d'indemnité pour rupture abusive, pour rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et rappel d'indemnités compensatrice de congés payés afférent.

Sur les autres demandes

Bien que succombant, il n'est pas justifié d'un abus du droit d'agir en justice, toute personne ayant droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, selon l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme. L'association Starter sera déboutée de sa demande.

Les dispositions de première instance étant infirmées, Mme [I] supporte les dépens de première instance et d'appel.

Mme [I] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, l'équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition et en premier ressort,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que la rupture anticipée du contrat de travail repose sur une faute grave,

Déboute Mme [E] [I] de ses demandes d'indemnité pour rupture abusive, pour rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et rappel d'indemnités compensatrice de congés payés afférents,

Déboute l'association Starter de sa demande d'indemnité pour procédure abusive,

Condamne Mme [E] [I] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/00068
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;20.00068 ?
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