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21/10/2022 | FRANCE | N°20/00066

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 21 octobre 2022, 20/00066


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1794/22



N° RG 20/00066 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S25R



GG/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

04 Décembre 2019

(RG 18/00118 -section 2)






































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [R] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



SARL HANDILIB

[Adresse 1]

[Localité 2]

re...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1794/22

N° RG 20/00066 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S25R

GG/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

04 Décembre 2019

(RG 18/00118 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [R] [E]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SARL HANDILIB

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Barbara FLORCZAK, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Août 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Août 2022

EXPOSE DU LITIGE

La SARL HANDILIB a engagé M. [R] [E] suivant contrat à durée déterminée du 10/02/2014, à temps partiel de 65 heures par mois, soumis à la convention collective nationale du transport routier. La relation de travail s'est poursuivie par avenant du 07/05/2014, puis pour une durée indéterminée et à temps complet à compter du 01/01/2015 suivant contrat du 31/12/2014.

Par lettre du 24/02/2017, M. [E] a été convoqué par l'employeur à un entretien préalable à licenciement fixé au 09/03/2017 pour un motif économique.

Par lettre notifiée le 09/03/2017, mais datée du 24/02/2017, la société Handilib a remis au salarié un contrat de sécurisation professionnelle, accepté par M. [E] le 16/03/2017. A la suite de l'acceptation du salarié, l'employeur lui a notifié par lettre du 28/03/2017 les motifs du licenciement économique comme suit :

« ['] La Société HANDILIB est confrontée à de sérieuses difficultés de trésorerie.

Elle doit faire face à la baisse de son chiffre d'affaires qui est en forte diminution et ce, de manière constante depuis au moins deux trimestres consécutifs comparativement avec la même période de l'année précédente : 172.356 € en 2016 contre 188.760 € en 2015 ; soit une perte de 16.404 € ;

Les perspectives pour 2017 sont alarmantes avec une baisse de Chiffre d'affaires de l'ordre de 40% par mois depuis septembre 2016.

Le résultat d'exploitation est en forte baisse également et évolue de +2459€ en 2015 à un résultat négatif de -3625€ en 2016 ; les prévisions 2017 mettent en évidence un résultat négatif dans de plus fortes proportions.

Au 31 décembre 2016, le résultat net comptable a fait apparaître une perte de -3625€ (alors que I'année 2015 était positive avec un bénéfice de +2459€) ;

Parallèlement les charges d'exploitation ont augmenté fortement.

Cette situation est la résultante de divers éléments conjugués :

La baisse d'activité liée aux suppressions actuelles des subventions et aides financiéres de I'Etat aux

Administrations publiques ce qui conduit les diverses administrations ( ex MAIRIE) à faire appel aux procédures d'appels d'offre ; Or les marchés publics représentent 90% de notre clientèle.

Cette situation accroît la concurrence dont nous sommes déjà victimes.

L'augmentation du coût de la location des véhicules adaptés qui ne peut être répercutée a posteriori sur le client ( crédit bail, location),

L'arrêt de divers contrats avec des institutionnels ou entreprise tels que Mairie de [Localité 5] et IMPRO,

L'arrêt de divers contrats avec des particuliers cf [O]- [C]- [W],

La baisse de la marge générale sur l'ensemble des devis, de l'ordre de 35 %, rendue nécessaire afin de rester compétitifs sur le marché par rapport aux entreprises concurrentes.

Ce motif nous conduit à supprimer votre poste.

Nous avons cherché à vous reclasser.

Cependant au égard à la petite taille de l'entreprise, et le profil de votre poste transport de personnes aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée[...] ».

Estimant le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille par requête du 29/01/2018 de diverses demandes indemnitaires relatives à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 04/12/2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [R] [E] de ses demandes, l'a condamné à payer à la SARL HANDILIB une indemnité de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par déclaration reçue le 15/01/2020, M. [E] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions reçues le 13/04/2020, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau, de :

-dire et juger que licenciement pour motif économique dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes :

-dommages intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse : 9.000 €,

-indemnité compensatrice de préavis : 3.073,12 € bruts,

-congés payés afférents : 307,31 € bruts,

-dommages intérêts pour non respect des critères d'ordre : 3.000 € nets,

-dommages intérêts pour défaut d'information sur la priorité de réembauchage : 4.500€, -condamner la société intimée aux frais irrépétibles issus de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 €.

Selon ses conclusions reçues le 09/07/2020, la SARL HANDILIB demande à la cour de :

-dire les pièces 12 et 13 produites par l'appelant non conformes aux dispositions de l'art 202 du code de procédure civile et les déclarer irrecevables,

-confirmer le jugement déféré du 4 décembre 2019,

-dire le licenciement de M. [R] [E] bien fondé,

-dire les demandes de M. [R] [E] infondées,

En conséquence,

-débouter M. [R] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

-le condamner au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'art 700 du code de procédure civile, outre les frais et dépens tant de 1ère instance que d'appel.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 10/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère en vertu de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions écrites et soutenues oralement dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la contestation du licenciement

L'appelant expose que la lettre de licenciement comprend des mentions erronées au regard des pièces produites par l'intimée, que la perte de chiffre d'affaires n'est que de 6,24 %, que les charges d'exploitation sont en baisse depuis 2014, que par ailleurs les charges d'exploitation ont diminué de 2014 à 2017, que s'agissant de la perte de clients, les prestations effectuées pour la mairie de [Localité 5] ou l'IMPRO permettent de compenser la perte de clients particuliers, laquelle est bien antérieure au licenciement, qu'on ne peut imputer les difficultés économiques à son comportement pour lequel il n'a jamais été sanctionné, que son poste n'a pas été supprimé, une salariée l'occupant et réalisant la même tournée, que l'employeur a manqué à ses obligations en ne mettant pas en place de critères d'ordre, que le licenciement de Mme [L] devait être privilégié, que l'employeur a fait preuve de légèreté blâmable compte-tenu de l'embauche de trois salariés en août, septembre et décembre 2016, que l'employeur a manqué à la priorité de réembauchage.

L'intimée réplique que les difficultés économiques sont avérées, comme le démontre le résultat d'exploitation de 2017, que les prestations pour la mairie de [Localité 5] sont très ponctuelles, tout comme pour l'IMPRO, que la perte de clients n'a pas été compensée par de nouveaux contrats, que le gérant M. [L] n'a pu rembourser le montant dû au titre du CSP et a dû contracter un prêt personnel pour solder la dette auprès du Pôle emploi, un prêt au nom de la société ayant été refusé, que la perte de certains contrats est imputable au comportement du salarié, bien qu'il n'ait pas été sanctionné, comme le démontrent plusieurs lettres de réclamation, que le poste du salarié a bien été supprimé, aucun salarié n'ayant été embauché après le 01/04/2017, le contrat de Mme [L] engagée le 01/09/2016 ayant été renouvelé à compter du 03/01/2017 à temps partiel de 24 heures, sa tournée concernant d'autres clients, que les attestations du fils de M. [E] et de Mme [A] sont irrecevables, et mensongères, que faute d'embauche après son départ, il ne résulte aucun préjudice du défaut de mention de la priorité de réembauchage, que le salarié ne l'a pas interpellé sur les critères d'ordre, qu'aucune légèreté blâmale ne peut lui être imputée.

Il résulte de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2016-1088 du 08/08/2016, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.

Pour apprécier la réalité des difficultés économiques sur lesquelles le licenciement est fondé, ou la nécessité de la réorganisation de l'entreprise, le juge doit se situer à la date de la rupture du contrat, dans le cadre de l'entreprise, si celle-ci comporte plusieurs établissements, ou, si l'employeur fait partie d'un groupe, dans le cadre de celui-ci, au niveau des sociétés appartenant au même secteur d'activité que lui, dès lors qu'il existe entre elles des possibilités de permutation du personnel à la date du licenciement, sauf fraude avérée. Il n'y a pas lieu de réduire le groupe ou son secteur d'activité aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national ou européen ; il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant de déterminer l'étendue du secteur d'activité du groupe dont relève l'entreprise.

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Sur ce, il est de principe que la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié et qu'à défaut de ces mentions le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement évoque des difficultés de trésorerie et une baisse constante du chiffre d'affaires depuis au moins deux trimestres consécutifs, un résultat d'exploitation en forte baisse, des charges d'exploitation en augmentation, une baisse d'activité en lien avec la suppression de subventions, entraînant le recours à des appels d'offre ce qui accroît la concurrence, l'augmentation du coût de location de véhicule, la perte de clients, une baisse de marge de 35 % pour rester compétitifs.

S'agissant des difficultés économiques, il ressort des documents comptables produits par l'employeur que :

-le résultat de l'exercice 2017 (passif) est déficitaire (-12.115 au 31/12/2017, -3.625 € au 31/12/2016, +2.409 € au 31/12/2015),

-le chiffre d'affaires net est passé de 188.760 € au 31/12/2014, à 182.151 € au 31/12/2015, à 176.196 € au 31/12/2016, puis à 137.222 € au 31/12/2017,

-le résultat d'exploitation de 2.459 € au 31/12/2015 devient négatif (-3.625 €) au 31/12/2016, puis à nouveau (-10.113 €) au 31/12/2017,

-les charges d'exploitation de 188.706 € au 31/12/2015 sont en diminution (181.136 € au 31/12/2016, 147.345 € au 31/12/2017)

-il apparaît que les subventions d'exploitation (1.399€ au 31/12/2015, 703 € au 31/12/2016) n'ont plus été allouées sur l'exercice 2017,

-l'état de situation intermédiaire au 31/08/2018 fait apparaître un résultat net de -11.282€.

Il est exact que la lettre de licenciement évoque une forte augmentation de charges d'exploitation, laquelle n'est pas corroborée par les éléments comptables versés par l'employeur. Toutefois, et en dépit d'une baisse de celles-ci, le chiffre d'affaires est en constante diminution, de l'ordre de -28 % de l'exercice 2016 à l'exercice 2017, en retenant un chiffre d'affaires en 2016 de 176.196 € (et non de 172.356 € comme indiqué dans la lettre). Le résultat d'exploitation est lui aussi en constante diminution. Compte-tenu d'un effectif de trois salariés, indiqué sur l'attestation Pôle emploi, il est bien justifié d'une baisse significative du chiffre d'affaires, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés. Ces éléments caractérisent donc les difficultés économiques évoquées dans la lettre de licenciement du 28/03/2017.

S'agissant de la perte de clients, la SARL HANDILIB reconnaît que, si la mairie de [Localité 5], a recours à la procédure d'appel d'offres, plusieurs prestations ont été effectuées en 2017 à hauteur de une par mois, sans préciser la baisse de chiffre d'affaires avec ce prestataire. Le grand livre fait également apparaître des prestations régulières en 2017 pour l'IMPRO, comme le fait observer l'appelant, de sorte que la perte de ces deux clients ne peut être retenue pour l'année 2017. En revanche les parties s'accordent quant à la perte de particuliers clients, à savoir Mme [O], Mme [W] et M. [C]. L'intimée admet que la perte de ces contrats est intervenue courant 2016, antérieurement au licenciement. Toutefois au regard de la diminution constante de chiffre d'affaires constatée plus haut, la SARL HANDILIB n'a manifestement pas trouvé de nouveaux marchés pour compenser cette perte. A titre surabondant, il n'est pas établi que la perte de ces clients soit imputable à M. [E], la cour constatant cependant que l'employeur produit une lettre du 18/01/2016 demandant que le salarié ne soit plus affecté aux transports de l'IEM Dabbadie en raison du comportement inapproprié de celui-ci, ce fait n'ayant cependant pas donné lieu à sanction.

S'agissant de la suppression du poste de M. [E], l'appelant produit une attestation de son fils [N] [E] selon laquelle Mme [P] [L], qui fait partie de la même équipe de basket, lui a « affirmé avoir retrouvé du boulot, je lui ai demandé où ' Elle m'a répondu qu'elle travaille chez Handilib, l'entreprise de son parrain qui venait de licencier une personne (mon père)».

Au préalable, l'attestation de M. [N] [E] est conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et ne peut être déclarée irrecevable par le seul fait que l'intimée entende la critiquer. Il en va de même pour l'attestation de Mme [A], qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats, la SARL HANDILIB étant déboutée de sa demande.

Outre que le témoin ne précise pas la date de la conversation avec Mme [L], il apparaît que celle-ci était déjà salariée de la SARL HANDILIB depuis le 01/09/2016, le contrat à durée déterminée étant renouvelé le 03/01/2017 à temps partiel de 24 heures.

Il est exact que ce contrat n'est pas signé, l'appelant n'étant toutefois pas recevable à se prévaloir d'une embauche en contrat à durée indéterminée, cette action n'appartenant qu'à la salariée concernée.

L'appelant verse deux photographies non datées montrant une personne en fauteuil véhiculée dans une ambulance. L'attestation de Mme [A] ne fait que reproduire les déclarations de l'appelant selon laquelle il s'agirait de Mme [F], étant ajouté que le témoin précise avoir pris les photos le 09/08/2017, et a établi une seconde attestation indiquant s'être trompée, les photographies ayant été prise le 09/10/2017, cette attestation étant établie après que Mme [F] a expliqué être en arrêt maladie du 13/06/2017 au 11/09/2017, et que M. [Z] ait attesté qu'il ne s'est trouvait pas à la mairie de [Localité 5] à cette date, et que « [R] » n'était pas son unique chauffeur.

A ce stade du raisonnement, il apparaît que la SARL HANDILIB a manifestement continué à travailler pour M. [Z] et Mme [F], le planning de 2016 versé par l'employeur démontrant que M. [E] était principalement chargé de conduire ces personnes, l'employeur ne pouvant dès lors prétendre ignorer sérieusement l'identité de la personne figurant aux photographies, alors qu'elle a demandé à deux de ses clients d'attester en sa faveur. Cela démontre que les tâches subsistantes ont été réparties auprès du personne restant, ce qui établit dès lors la réalité de la suppression de poste.

Enfin, s'agissant de la légèreté blâmable, celle-ci n'est pas démontrée. Le recrutement au moyen de contrats à durée déterminée le 31/08/2016 de M. [J] [S] et le 20/12/2016 de M. [K] [D], chacun pour une durée de 12 mois, s'accompagne en parallèlle d'une diminution des charges d'exploitation, comme le fait d'ailleurs remarquer l'appelant. Il n'est pas établi que ces embauches soient en lien avec la diminution du chiffre d'affaires. Il en est de même pour le renouvellement de contrat de Mme [L].

Il s'ensuit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de telle sorte que le jugement doit être confirmé.

Sur les autres demandes indemnitaires

-la priorité de réembauche

En vertu de l'article L1235-13 du code du travail dans sa version applicable, en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire.

La lettre de licenciement ne mentionne pas la priorité de réembauche. Toutefois, il n'est pas justifié d'une embauche postérieure au licenciement par la SARL HANDILIB ayant privé M. [E] de l'exercice de son droit, son préjudice n'étant pas démontré. La demande est rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

-sur le respect des critères d'ordre

Le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements. Le fait que M. [E] n'a pas usé de la faculté conférée par l'article L1233-17 du code du travail ne le prive pas de la possibilité de se prévaloir de l'inobservation de ces critères et de demander la réparation du préjudice en résultant.

En l'espèce, l'intimée oppose avoir tenu compte de l'âge des salariés, de leurs caractéristiques sociales (charge de famille et emplois précaires), et de leurs qualités professionnelles (implication, motivation, rigueur, assiduité et sérieux). Il n'est pas justifié des charges de familles des salariés intéressés, ni de leur qualités professionnelles, étant observé comme le fait remarquer à juste titre l'appelant que le contrat de Mme [L], née en 1995, a été renouvelé début janvier soit dans un temps très proche de la procédure pour licenciement économique. Il en résulte pour le salarié un préjudice, qui sera réparé par une indemnité de 3.000 € de dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

Les dispositions de première instance étant infirmées, la SARL HANDILIB qui succombe partiellement, supporte les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [E] pour ses frais irrépétibles une indemnité de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déboute la SARL HANDILIB de sa demande tendant à déclarer irrecevables les pièces 12 et 13 produites par l'appelant,

Confirme le jugement déféré du conseil de prud'hommes de Lille du 4 décembre 2019, sauf en ce qu'il a débouté M. [R] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL HANDILIB à payer à M. [R] [E] une somme de 3.000 € de dommages-intérêts pour inobservation des critères d'ordre,

Dit que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale échues à cette date, et à compter du présent arrêt pour les sommes à caractère indemnitaires,

Condamne la SARL HANDILIB aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SARL HANDILIB à payer à M. [R] [E] une indemnité de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/00066
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;20.00066 ?
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