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21/10/2022 | FRANCE | N°19/02413

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 21 octobre 2022, 19/02413


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1741/22



N° RG 19/02413 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SYCB



GG/NB

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

21 Novembre 2019

(RG 18/00322)







































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aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [X] [D] épouse [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par M. [G] [J] (Défenseur syndical)





INTIMÉE :



CANSSM

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1741/22

N° RG 19/02413 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SYCB

GG/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

21 Novembre 2019

(RG 18/00322)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [X] [D] épouse [Y]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par M. [G] [J] (Défenseur syndical)

INTIMÉE :

CANSSM

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth GOBBERS-VENIEL, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Août 2022

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 30 septembre 2022 au 21 octobre 2022 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 août 2022

EXPOSE DU LITIGE

La caisse régionale minière du Nord-Pas de Calais, devenue la caisse nationale de sécurité sociale minière en sa délégation régionale du Nord (la CANSSM ci après) a engagé Mme [X] [Y] née [D], née en 1962, suivant contrat à durée indéterminé à temps plein modulé du 28/02/2008, en qualité d'agent à domicile.

A la suite de plusieurs signalement d'usagers, et d'un entretien préalable du 13/07/2018, l'employeur a infligé à la salariée une mise à pied de deux jours par lettre du 17/07/2018 pour « manque de professionnalisme dans la prise en charge des interventions qui vous sont confiées : non prise en compte des remarques des usagers, exécution partielle des tâches demandées, lenteur excessive dans la réalisation des prestations, attitude agressive envers les usagers ».

A la suite de nouveaux faits, l'employeur a convoqué le 21/08/2018 Mme [Y] à un entretien préalable à licenciement le 31/08/2018.

Puis, l'employeur a notifié par lettre du 13/09/2018 à Mme [Y] son licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

« [']Pour rappel, vous avez été reçue en entretien disciplinaire le 13 juillet 2018 pour vulgarité, emportement, absence de délivrance de repas à l'usager lors d'une intervention le 7 juillet 2018.

Une mise à pied disciplinaire de deux jours a été actée le 17 juillet 2018 pour manque de professionnalisme dans la prise en charge des interventions : non prise en compte des remarques des usagers, exécution partielle des tâches demandées, lenteur excessive dans la réalisation des prestations, attitude agressive envers les usagers.

Vous avez commis une une nouvelle faute le 21 juillet 2018. Vous vous êtes rendue chez un usager de GIR2 une heure avant la prestation programmée, or cet usager n'était pas en capacité d'ouvrir la porte et vous a demandé de repasser à l'heure convenue pour qu'un proche soit présent pour ouvrir la porte. Vous avez omis de revenir et n'avez pas prévenu le SPASAD.

Lors de notre entretien en date du 31 août 2018, vous avez reconnu les faits.

S'agissant d'une personne âgée dépendante reconnue en GIR2, votre absence d'intervention aurait pu entraîner sa mise en danger. Ces faits étant suffisamment graves, c'est la raison pour laquelle nous sommes amenés, par la présente, à vous notifier votre licenciement pour faute[...] ».

Estimant le licenciement abusif, Mme [Y] a saisi par requête du 30/10/2018 le conseil de prud'hommes de Lens.

Par jugement du 21/11/2019, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement pour faute grave de Mme [X] [Y] fondé, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

Suivant déclaration du 13/12/2019 enregistrée par procès-verbal du 18/12/2019, Mme [Y] a interjeté appel par le truchement de son défenseur syndical.

Selon ses conclusions reçues le 10/03/2020, Mme [Y] demande à la cour de condamner la CARMI à lui payer les sommes qui suivent :

-19.332 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

-3.000 € de dommages-intérêts pour préjudice moral,

-3.222 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 322 € au titre des congés payés,

-7.786 € d'indemnité de licenciement,

-1.210 € et 121 € de congés payés pour la mise à pied du 21 août au 13 septembre 2018 soit 23 jours,

-2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

-dire que les sommes allouées à titre de salaire et accessoires de salaire porteront intérêt au taux légal à compter de la demande et pour les autres au prononcé du jugement.

Selon ses conclusions du 02/06/2020, la CANSSM demande à la cour de débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de la condamner au paiement de la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin par conclusions du 18/11/2021, la CANSSM a demandé au conseiller de la mise en état de constater la caducité de l'appel interjeté par Mme [Y] le 13/12/2019 et de condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 10/08/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'incident de caducité

Bien que la demanderesse à l'incident a indiqué oralement à l'audience se désister de l'incident de caducité, il convient de statuer sur cette demande faute de conclusions de désistement.

En l'espèce, Mme [Y] justifie de la communication à l'intimée de ses conclusions et pièces, suivant lettre recommandée avec accusé de réception signé le 10/03/2020 (copie AR signé au dossier). Par suite le délai prévu de trois mois prévu par l'article 908 du code de procédure civile, et rappelé par l'article 911 du même code a bien été respecté s'agissant de la notification des conclusions de l'appelante à l'intimée. Par conséquent, la déclaration d'appel n'est pas caduque. La CANSSM est donc déboutée de son incident.

Sur la rupture du contrat de travail

L'appelante conteste les faits qui lui sont imputés, elle indique avoir trouvé porte close lorsqu'elle est arrivée chez Mme [W], puis avoir poursuivi sa tournée pour ne pas être en retard chez les autres patients, qu'elle n'est pas arrivée avec une heure d'avance, que le contrat n'a pas été rompu dans un délai restreint, que la mise à pied conservatoire est en réalité disciplinaire.

L'intimée expose que plusieurs incidents ont été signalés les 23/01/2017, 28/11/2017 et 05/12/2017, que d'autres incidents survenus de mars à juin 2018 ont donné lieu à sanction le 17/07/2018, que de nouveaux faits se sont produits le 21/07/2018, qu'il appartenait à la salariée de prévenir la structure pour que la famille soit immédiatement contactée, que les consignes n'ont pas été respectée, que ces faits s'inscrivent dans un comportement non professionnel constaté depuis plusieurs mois.

Sur ce, la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise.

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, les juges forment leur conviction au vu des éléments de preuve fournis par les parties.

Afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis ; lorsque qu'une faute grave n'est pas caractérisée, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur reproche à la salariée de :

-le 21/07/2018, s'être rendue chez un usager de GIR2 une heure avant la prestation programmée, la personne ne pouvant pas ouvrir la porte, de n'être pas revenue et de n'avoir pas prévenu le SPASAD.

Pour preuve de la faute grave, l'employeur verse :

-les incidents concernant plusieurs usagers signalés par des proches (23/01/2017, 30/11/2017, 05/12/2017, 19/03/2018, 18/04/2018, 18/05/2018, 12/06/2018) demandant un changement d'intervenant à domicile,

-le « dossier sanction disciplinaire » du 04/07/2018 faisant état notamment d'une attitude agressive, d'une absence de préoccupation de la santé ou du confort de la personne âgée, de ne pas faire le travail demandé, de ne pas écouter les remarques des clients ou des assistants techniques et chargés de secteur,

-la lettre de notification de la mise à pied disciplinaire du 17/07/2018,

-la fiche d'observation du 22/07/2018 concernant Mme [W],

-le registre d'intervention, la date du 21/07/2018 n'étant pas signée par Mme [W],

-la fiche mission concernant Mme [W], et les consignes relatives à l'ouverture de la porte, la fiche de l'usager précisant que l'intéressée n'a plus l'usage de ses jambes,

-le dossier « sanction disciplinaire » du 24/07/2018 indiquant que Mme [Y] s'est présentée chez une usager GIR 2 avec une heure d'avance, que celle-ci lui a demandé de repasser à l'heure convenue car son fils allait venir ouvrir la porte du domicile car « Mme n'était pas en capacité d'ouvrir la porte », que Mme [Y] est repartie mais n'est pas revenue faire d'intervention, n'a pas prévenu le SPASAD et a laissé l'usager sans intervention,

-des échanges de courriel dont celui du 03/09/2018 indiquant que Mme [Y] reconnaît les faits.

Il ressort de ces éléments que le grief est constitué, Mme [Y] s'étant présentée chez une personne en situation de perte de mobilité, de n'avoir pas attendu comme cette dernière le lui indiquait l'arrivée de son fils, et surtout de ne pas avoir prévenu le service que les prestations à domicile n'était pas effectuées. Le grief est établi.

Le grief est suffisamment grave, s'agissant d'une personne évaluée en groupe iso ressource 2, témoignant d'une absence de mobilité, pour justifier la rupture du contrat de travail, d'autant que Mme [Y] a déjà été sanctionnée pour des faits similaires.

Mme [Y] invoque le principe que la procédure disciplinaire doit être engagée à très bref délai. En l'espèce l'employeur a été informé le 22/07/2018 de la faute commise, mais la procédure disciplinaire a été engagée le 21/08/2018, soit tardivement pour justifier une faute grave.

Le licenciement repose donc sur une cause réelle et sérieuse, la faute grave étant cependant écartée. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences indemnitaires

La moyenne des 12 derniers mois de salaire s'établit à la somme de 1.560,67 €.

Mme [Y] est bien fondée à demande paiement de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois soit 3.077,42 € outre 307,74 € de congés payés afférents.

L'indemnité de licenciement s'établit conformément à l'article R1234-2 du code du travail s'établit à la somme réclamée de 7.786 €.

En revanche la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et séreuse doit être rejetée, le licenciement étant justifié.

De plus, la demande nouvelle de dommages-intérêts pour préjudice moral n'est pas argumentée, et n'est pas justifiée. Mme [Y] en sera déboutée.

Enfin, il ne ressort pas des pièces produites qu'une mise à pied conservatoire a été prononcée le temps de la procédure disciplinaire : la lettre de convocation à entretien préalable du 21/08/2018 ne le précise pas, et les bulletins de paie n'en font pas non plus état. Cette demande n'était pas formulée en première instance. La demande est rejetée.

Sur les autres demandes

Les dispositions de première instance étant infirmées, la CANSM supporte les dépens de première instance et d'appel compte-tenu de sa succombance partielle.

Les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

Il est équitable d'allouer à Mme [Y] une indemnité de 1.500 € pour ses frais irrépétibles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement par mise à disposition et en premier ressort,

Rejette l'incident de caducité de la déclaration d'appel,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [Y] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, mais écarte la faute grave,

Condamne la caisse nationale de sécurité sociale minière en sa délégation régionale du Nord à payer à Mme [X] [Y] née [D] les sommes qui suivent :

-3.077,42 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 307,74 € de congés payés afférents,

-7.786 € d'indemnité de licenciement,

-1.500 € d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [X] [D] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

Dit que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires,

Condamne la caisse nationale de sécurité sociale minière en sa délégation régionale du Nord aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 19/02413
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.02413 ?
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