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21/10/2022 | FRANCE | N°19/01764

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 21 octobre 2022, 19/01764


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1575/22



N° RG 19/01764 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SRBY



PL/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

09 Juillet 2019

(RG 19/00081 -section )





































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [K] [N]

[Adresse 2]

représenté par Me Hervé JOLY, avocat au barreau de DUNKERQUE





INTIMÉE :



Société ISOR HOLDING

[Adresse 1]

représentée par Me Mari...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1575/22

N° RG 19/01764 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SRBY

PL/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

09 Juillet 2019

(RG 19/00081 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [K] [N]

[Adresse 2]

représenté par Me Hervé JOLY, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉE :

Société ISOR HOLDING

[Adresse 1]

représentée par Me Marie hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Août 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 décembre 2022

EXPOSE DES FAITS

 

[K] [N] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 janvier 2012 en qualité d'agent de propreté par la société Elior. Il était assujetti à la convention collective des entreprises de propreté. La société ISOR ayant repris le marché de la société SOTRALIM, sur le site de laquelle le salarié était notamment affecté, un avenant a été conclu en application de l'article 7 de la convention collective, le 19 octobre 2017, fixant sa durée de travail mensuel à 47,67 heures.

La société ISOR, considérant que [K] [N] se trouvait en absence irrégulière depuis le 4 juillet 2018, l'a convoqué, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 septembre 2018 à un entretien le 24 septembre 2018 en vue d'un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. A la demande de ce dernier que l'entretien se déroule sur le site de la société SOTRALIM, il a fait l'objet d'une nouvelle convocation, adressée par courrier recommandé du 12 octobre 2018, à un nouvel entretien fixé le 23 octobre 2018, la mise à pied conservatoire étant maintenue. L'entretien n'ayant pas eu lieu, [K] [N] s'est présenté sur son lieu de travail le 3 décembre 2018. L'accès au site lui ayant été refusé, il a adressé à la société ISOR le 6 décembre 2018 un courrier dans lequel il prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de cette dernière.

Après avoir engagé une procédure en référé auprès du conseil de prud'hommes de Dunkerque en vue d'obtenir la communication de ses documents sociaux et du solde de tout compte, il a saisi au fond cette juridiction par requête reçue le 19 mars 2019, afin de faire constater l'illégitimité de la rupture de la relation de travail et d'obtenir le versement d'un rappel de salaire, d'indemnités et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 9 juillet 2019, le conseil de prud'hommes a dit que la prise d'acte de rupture s'analysait en une démission, a condamné la société à lui verser

1467,27 euros à titre de rappel de salaire

146,72 euros au titre des congés payés y afférents

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné la délivrance des bulletins de paye sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

débouté le salarié du surplus de sa demande et laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Le 9 août 2019, [K] [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 29 novembre 2011, la procédure a été clôturée. L'audience des plaidoiries a été fixée au 30 août 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 21 septembre 2020, [K] [N] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser la somme de

1196 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

119,60 euros au titre des congés payés y afférents

1034,73 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

9000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

3000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire

1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise, sous astreinte, du bulletin de paye du mois de septembre 2018 et d'une attestation Pôle Emploi conforme.

L'appelant expose que la prise d'acte de rupture doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il a été privé de rémunération à partir du 12 septembre 2018, que la sanction consécutive à la mise en 'uvre de la procédure de licenciement aurait dû intervenir dans un délai d'un mois à compter du jour fixé pour l'entretien préalable, soit le 23 novembre 2018 au plus tard, qu'en l'absence de toute sanction, la société devait lui permettre de reprendre son travail et recommencer à lui verser son salaire, que l'illégitimité de la rupture de la relation de travail lui a occasionné un préjudice en raison des difficultés matérielles rencontrées, que l'indemnité maximale prévue à l'article L1235-3 du code du travail est insuffisante, que ces dispositions sont contraires à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail et à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qu'il a été victime d'une procédure vexatoire imputable à son employeur.

 

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 25 février 2021, la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, la fixation du salaire brut mensuel de l'appelant à la somme de 489,09 euros, la limitation du montant des dommages et intérêts à 1467,27 euros et, en tout état de cause, la condamnation de l'appelant à lui verser 3600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient que le contrat a été rompu par la démission de l'appelant, que l'absence de prise de décision par la société dans le mois qui a suivi l'entretien préalable ne pouvait valablement fonder une prise d'acte, qu'entre le 2 juillet et le 3 décembre 2018, il ne s'est pas présenté à son travail, n'a pas souhaité reprendre son poste et s'est abstenu de tout signe de vie, que de la communication des éléments relatifs à sa situation professionnelle au sein de la société ELIOR, il ressort qu'il a été en arrêt maladie pour accident du travail du 3 au 10 septembre 2018, que l'intimée ignorait l'existence de ce second emploi et de cet accident et a considéré qu'il était en absence injustifiée, qu'il ne peut donc, sans une parfaite mauvaise foi, reprocher à son employeur de ne pas lui avoir versé de rémunération sur cette période, à titre subsidiaire, qu'il ne communique aucun élément sur sa situation professionnelle et personnelle, que la remise tardive par l'employeur des documents sociaux à la suite d'une prise d'acte n'occasionne pas un préjudice au salarié, puisque celle-ci produit les effets d'une démission et n'ouvre pas droit au bénéfice d'allocations de chômage.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu qu'il n'existe de contestation ni sur le montant du rappel de salaire alloué à l'appelant par les premiers juges ni sur l'obligation à la charge de la société de délivrer des bulletins de paye conformes, ordonnée par ceux-ci ;

Attendu en application des articles L1231-1 et L1332-2 du code du travail qu'il résulte de la prise d'acte de rupture et des écritures de l'appelant, que celle-ci est fondée sur le refus de son employeur de lui permettre de reprendre son travail le 3 décembre 2018 ;

Attendu que l'appelant a fait l'objet d'un arrêt de travail consécutif à un accident du travail du 3 au 21 septembre 2018 ; que cet arrêt de travail étant d'une durée inférieure à trente jours, il n'était pas nécessaire que le salarié soit soumis à une visite médicale de reprise qui, tant qu'elle n'était pas organisée, aurait eu pour effet de suspendre le contrat de travail ; que la société ayant engagé une procédure de licenciement fondée sur un motif disciplinaire, la sanction qu'elle envisageait d'infliger à l'appelant devait intervenir au plus tard dans un délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, soit en l'espèce le 23 novembre 2018 ; que la société n'ayant notifié au salarié aucune mesure à cette date, la mise à pied conservatoire était devenue inopérante ; que l'appelant était donc en droit de reprendre son travail ; qu'il résulte des attestations de [M] [D], agent de service, et de [X] [S], chef d'équipe, que n'ayant reçu aucune instruction de sa hiérarchie, celui-ci n'a pas accepté le 3 décembre 2018 que l'appelant regagne son poste de travail ; qu'un tel refus étant devenu illégitime, il constituait un grave manquement de l'employeur à son obligation de fournir un travail au salarié et justifie que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la rémunération mensuelle brute moyenne de l'appelant, calculée sur les trois derniers mois précédant la prise d'acte de rupture, doit être évaluée à 533,35 euros ;

Attendu, conformément aux dispositions de la convention collective et compte tenu de l'ancienneté du salarié, que l'indemnité compensatrice de préavis doit être évaluée à 1067,10 euros, les congés payés y afférents à 106,71 euros et l'indemnité conventionnelle de licenciement à 922,25 euros ;

Attendu que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail ; que par ailleurs les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L1235-3 précitées ;

Attendu en application de l'article L1235-3 alinéa 2 du code du travail qu'à la date de la rupture de la relation de travail, l'appelant était âgé de 32 ans et jouissait d'une ancienneté de plus de six années au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle plus de dix salariés ; qu'il n'a subi qu'un préjudice matériel limité puisqu'il était employé concurremment par la société Elior en qualité d'agent de propreté et percevait à la date de la prise d'acte de rupture une rémunération mensuelle brute de 1690,07 euros ; qu'il convient donc d'évaluer à 2133 euros le préjudice consécutif à la perte de son emploi ;

Attendu que la rupture de la relation de travail n'est pas survenue dans des conditions vexatoires ou humiliantes puisque l'appelant n'avait jamais informé son employeur des motifs de son absence alors qu'aux termes de l'article 14 du contrat de travail, il était tenu de l'avertir dans les quarante-huit heures et qu'il n'a donné aucun signe de vie entre la date de l'entretien préalable et le 3 décembre 2018 ; qu'en outre il se trouve à l'origine de la rupture qui est consécutive à sa prise d'acte ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la délivrance par la société intimée du bulletin de paye correspondant au mois de septembre 2018 et d'une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt sans assortir cette obligation d'une astreinte ;

Attendu en application de l'article L 1235-4 alinéa 1 et 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être ordonné au profit du Pôle Emploi lorsque le salarié a deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci emploie habituellement au moins onze salariés ;

 

Attendu que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société intimée des allocations versées à l'appelant dans les conditions prévues à l'article précité et dans la limite de six mois d'indemnités ;

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REFORME le jugement déféré,

 

DIT que la prise d'acte de rupture en date du 6 décembre 2018 produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION à verser à [K] [N]

1067,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

106,71 euros au titre des congés payés y afférents

922,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

2133 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE la remise par la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION du bulletin de paye du mois de septembre 2018 et d'une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt,

DEBOUTE [K] [N] du surplus de sa demande,

ORDONNE le remboursement par la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION au profit du Pôle Emploi des allocations versées à [K] [N] dans la limite de six mois d'indemnités,

 

CONDAMNE la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION à verser à [K] [N] 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

CONDAMNE la société ISOR INTER SERVICE ORGANISATION aux dépens.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/01764
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.01764 ?
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