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21/10/2022 | FRANCE | N°19/01742

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 21 octobre 2022, 19/01742


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1572/22



N° RG 19/01742 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQWC



PL/VDO

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

02 Juillet 2019

(RG 18/00415 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [J] [K]

[Adresse 2]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S. EDIFI BATIMENT

[Adresse 5],

[Localité 1]
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ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1572/22

N° RG 19/01742 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQWC

PL/VDO

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

02 Juillet 2019

(RG 18/00415 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [J] [K]

[Adresse 2]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. EDIFI BATIMENT

[Adresse 5],

[Localité 1]

représentée par Me Anne POLICELLA, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Août 2022

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 novembre 2021

EXPOSE DES FAITS

 

[J] [K] a été embauché à compter du 1er septembre 2015 par la société EDIFI en qualité de plaquiste, coefficient 230 de la convention collective du bâtiment du Nord-Pas de Calais par contrat de travail à durée déterminée à temps complet, converti en contrat à durée indéterminée.

Il a été convoqué à un entretien le 5 décembre 2016, par courrier en date du 25 novembre 2016, en vue d'une rupture conventionnelle du contrat de travail qui n'a pas prospéré.

Le 13 décembre 2016, la société EDIFI lui a infligé un avertissement pour avoir endommagé le véhicule de la société mis à sa disposition, sanction qu'il a contestée par courrier du 16 décembre 2016.

Le salarié a ensuite été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 décembre 2016 à un entretien le 4 janvier 2017 en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour une cause réelle et sérieuse lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 janvier 2017.

 

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«Vous n'êtes pas assez soigneux dans votre travail. Nous avons eu à vous reprocher à plusieurs reprises des malfaçons, des erreurs d'aplomb et d'équerrage, le manque de soins dans les finitions notamment sur les chantiers « Well Form » à [Localité 4] et CHR de [Localité 3]. Comme nous vous le disions lors de l'entretien, compte tenu du fait que vous avez été entrepreneur à votre compte, nous avons été étonnés de constater ce manque de compétences, mais aussi votre incapacité à gérer votre équipe.

Par ailleurs, nous vous informons que nous vous dispensons de réaliser votre préavis d'un mois, Par conséquent, vous recevrez une indemnité compensatrice de préavis.»

 

Par requête reçue le 17 avril 2018, le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Lille afin d'obtenir l'annulation de l'avertissement, de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.

 

Par jugement en date du 2 juillet 2019, le Conseil de Prud'hommes a annulé l'avertissement et condamné la société à lui verser

300 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée

2050 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts ainsi qu'aux dépens..

Le 2 août 2019, [J] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 17 novembre 2021, la procédure a été clôturée. L'audience des plaidoiries a été fixée au 30 août 2022.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 12 mai 2021, [J] [K] sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser

2000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injustifiée

24925 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts à compter du jour de la demande et capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

 

L'appelant expose que la société intimée n'apporte pas la preuve de nature à légitimer l'avertissement notifié le 13 décembre 2016, qu'il n'a jamais reconnu avoir commis des dégradations sur le véhicule, qu'elle ne peut alléguer d'autres faits que ceux qu'elle a entendu lui reprocher au soutien de cet avertissement, que lorsqu'un doute subsiste sur la réalité de la faute commise ou sur la proportionnalité de la sanction prononcée, il profite toujours au salarié, que la production de factures de réparation ne démontrent pas que les faits lui seraient imputables, que son licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse, que les manquements qui lui sont reprochés relèvent d'une insuffisance professionnelle, sanctionnée par cette dernière sur le terrain disciplinaire, ce qui rend de fait son licenciement sans cause réelle sérieuse, que par ailleurs la preuve des faits invoqués n'est aucunement rapportée, qu'il n'a jamais reçu la moindre remarque négative sur la qualité de son travail pendant près de deux ans passés au sein de la société, qu'il bénéficiait d'une expérience de plus de quarante années dans le métier, que l'intimée ne démontre pas qu'il ait fait preuve d'une mauvaise volonté intentionnelle dans l'exécution de sa prestation, lui permettant de se placer sur le terrain disciplinaire, que les deux attestations produites par la société ont été établies pour les besoins de la cause par ses supérieurs hiérarchiques et sont donc dépourvues de valeur probante, qu'en outre, s'agissant du chantier Wellform, ces faits sont prescrits et ce grief ne lui est pas imputable, que s'agissant du chantier Hurié au C.H.R de [Localité 3], le chef de chantier ne lui a jamais reproché de ne pas l'avoir nettoyé, que ce chantier a été réalisé correctement et même achevé avec une journée d'avance, que les motifs allégués dans la lettre de licenciement sont également imprécis, qu'ils ne sont ni circonstanciés ni datés et sont rédigés en des termes particulièrement incertains, qu'il a subi un important préjudice du fait de son licenciement, qu'il a été licencié dans des conditions particulièrement obscures et injustes, qu'étant âgé de 56 ans, il se situe dans une tranche d'âge pour laquelle il est difficile de retrouver une situation professionnelle stable, qu'il est toujours inscrit au titre des demandeurs d'emploi auprès de Pôle Emploi, que l'indemnité à allouer doit être calculée sur la base d'un salaire brut de référence fixé à 2077,10 euros.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 9 novembre 2021, la société EDIFI intimée sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, sa réformation et l'allocation à l'appelant de la seule somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, en tout état de cause, sa condamnation à verser à la société 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'intimée soutient qu'elle est spécialisée dans les travaux de rénovation, réhabilitation, les travaux neufs sur tout corps d'état, mais aussi dans le gros 'uvre, béton armé, plâtrerie, carrelage, qu'à compter du mois de septembre 2016, l'appelant a fait preuve d'un manque de sérieux dans l'exécution de son travail, qu'elle l'a interrogé sur les raisons de son changement de comportement, que celui-ci n'ayant pas caché sa volonté de quitter la société, elle a envisagé une rupture conventionnelle du contrat de travail à laquelle il n'a pas donné suite estimant qu'il n'avait jamais manifesté le moindre souhait en ce sens, que le 12 décembre 2016, il a eu un deuxième accident avec le fourgon de la société, qu'elle n'a eu d'autre choix que de lui adresser un avertissement infligé dans le respect de l'article 3 du règlement intérieur, qu'il a reconnu les deux accidents dans le cadre de son entretien préalable, que son licenciement est justifié, qu'il repose sur un motif disciplinaire et non sur une insuffisance professionnelle, qu'à aucun moment, il n'a été porté à la connaissance de l'intimée les malfaçons constatées sur le chantier, qu'elle ne les a connues que le 12 décembre 2016 lorsque le président de la société Form Studio l'a convoquée avec l'appelant à cette date pour constater l'existence de ces malfaçons, que l'intimée verse aux débats les attestations de deux salariés faisant état de la conduite de l'appelant de particulière mauvaise foi, que le désintérêt total de celui-ci pour son travail a entrainé la perte de clients, que le directeur de la société Form Studio relate expressément que ce dernier a reconnu devant lui être responsable des défauts signalés, qu'il bénéficiait d'une ancienneté d'une année et sept mois au sein de la société et percevait un salaire mensuel brut moyen d'un montant de 2077,10 euros, qu'il ne justifie ni d'un préjudice ni de sa situation actuelle, qu'à titre subsidiaire, son prétendu préjudice a été justement quantifié à la somme de 2500 euros par le conseil des prud'hommes.

MOTIFS DE L'ARRET

Attendu en application de l'article L1333-2 du code du travail que l'avertissement infligé à l'appelant repose sur l'imputation de dégâts matériels commis le 13 décembre 2016 au fourgon de l'entreprise ; que ces dégâts auraient concerné les portes arrières du véhicule, qui auraient été déformées à la suite d'un choc important, et auraient nécessité le remplacement de ces dernières ; que toutefois, les pièces produites aux débats par la société ne démontrent nullement que, le jour des faits, le véhicule endommagé était à la disposition de l'appelant puisque l'historique de l'achat de carburant communiqué s'arrête au 1er décembre 2016 ; que la facture de réparation émise le 19 janvier 2017 ne fait apparaitre que des interventions en vue du remplacement d'un rétroviseur et d'un répétiteur avant gauche ; qu'il en est de même de la seconde facture émise le 30 juin 2017, soit plus de six mois après l'accident allégué, qui apparait sans rapport avec les dommages imputés au salarié ; qu'en conséquence la sanction infligée à l'appelant est bien dépourvue de fondement ; que le défaut justification de cette sanction lui a bien occasionné un préjudice que les premiers juges ont exactement évalué ;

Attendu en application de l'article L1235-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont la commission à plusieurs reprises de malfaçons, d'erreurs d'aplomb et d'équerrage, un manque de soins dans la finition de travaux sur le chantier Well Form et sur celui du Centre hospitalier universitaire ;

Attendu que les griefs reprochés sont notamment des erreurs d'aplomb et d'équerrage dans la pose de cloisons ou de parois susceptibles de constituer des faits fautifs ; que de telles erreurs étaient nécessairement grossières du fait de la qualité de plaquiste de l'appelant et de l'expérience dont il n'est pas contesté qu'il s'en était prévalu à l'occasion de son embauche et à laquelle il est fait allusion à l'article 3 du contrat de travail ; que pour caractériser ces griefs, l'intimée communique un courrier de protestation en date du 20 janvier 2017 du client, la société Form Studio, sise à [Localité 4] ; que celui-ci exprimait son mécontentement à la suite de la réalisation de travaux de plâtrerie consistant en la pose de parois en placoplâtre ; qu'il soulignait que plusieurs d'entre elles n'avaient pas été posées dans les règles de l'art puisqu'elles n'étaient ni d'équerre ni d'aplomb ; qu'il ajoutait l'avoir fait constater le 12 décembre 2016 sur place par le gérant en présence de l'appelant qui avait réalisé la totalité des travaux ; que l'intimée produit également l'attestation de [V] [C], chef de chantier, rapportant avoir constaté, sur le chantier de [Localité 4], sur lequel se trouvait l'appelant du 19 au 22 septembre 2016, des erreurs dans la pose de cloisons, celles-ci n'étant pas d'équerre ; que le témoin ajoutait que ces erreurs étaient bien exclusivement imputables à ce dernier, car l'ouvrier l'accompagnant se bornait à exécuter les instructions de celui-ci, et que l'appelant avait commis des malfaçons similaires avec un autre collègue de travail ; que l'intimée communique enfin l'attestation de [O] [W], chef de chantier, assurant que le travail accompli par l'appelant sur le chantier du Centre hospitalier régional avait été mal exécuté, le nettoyage n'ayant pas été effectué malgré la venue de la direction le 15 novembre 2016, que cinq à six m2 de cloisons de la salle de stockage mal posées avaient dû être démontées par une autre équipe qui avait dû reprendre le travail ; que l'appelant ne précise pas en quoi ces deux attestations ne seraient pas conformes aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'il n'est par ailleurs nullement démontré que les témoignages des deux chefs de chantier soient de pure complaisance ; qu'en outre, ils sont confortés par le courrier de protestation de la société Form Studio qui a tenu à faire constater par l'intimée les malfaçons reprochées en présence de l'appelant, comme le rappelle son courrier du 20 janvier 2017 ; que ces derniers faits ne sont pas prescrits puisque le dirigeant de la société intimée n'en a pu avoir une exacte connaissance qu'à l'occasion de la réunion organisée sur le site de [Localité 4] le 12 décembre 2016 ; que les griefs reprochés sont donc caractérisés et constituent bien une cause réelle et sérieuse de licenciement du fait de leur multiplicité ;

 

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

 

REFORME le jugement déféré,

 

DEBOUTE [J] [K] de sa demande du chef de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONFIRME pour surplus le jugement entrepris à l'exception des dépens,

FAIT MASSE des dépens,

DIT qu'ils seront supportés par moitié par chaque partie.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 19/01742
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.01742 ?
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