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21/10/2022 | FRANCE | N°19/01456

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 2, 21 octobre 2022, 19/01456


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1787/22



N° RG 19/01456 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SODE



FB/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

03 Juin 2019

(RG 18/00106 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [D] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



SAS SODIAM EXPLOITATION venant aux droi...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1787/22

N° RG 19/01456 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SODE

FB/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI

en date du

03 Juin 2019

(RG 18/00106 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [D] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

SAS SODIAM EXPLOITATION venant aux droits de la SARL 3J SERVICES

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Eric LAFORCE, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Claudina FERREIRA PITON, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Septembre 2022

Tenue par Frédéric BURNIER

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 30 Août 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [D] [J] a été engagée par la société 3J Services, aux droits de laquelle la société Sodiam Exploitation se trouve actuellement, pour une durée indéterminée à compter du 4 juillet 2011, en qualité d'agent d'entretien.

La société 3J Services oeuvrait dans le secteur du nettoyage courant des bâtiments.

La relation était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

Madame [J] a été placée en arrêt maladie à compter du 12 avril 2016.

Le 21 février 2017, Madame [D] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai et formé des demandes afférentes à l'exécution et à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par courrier du 27 septembre 2017, la CPAM a informé Madame [J] que, selon le médecin conseil, son arrêt de travail n'était plus justifié, et qu'elle ne percevrait plus d'indemnités à compter du 15 octobre 2017.

Le 2 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré la salariée apte à reprendre son poste de travail.

Par lettre du 21 novembre 2017, Madame [D] [J] a été convoquée pour le 5 décembre suivant, à un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre du 12 décembre 2017, l'employeur a notifié à Madame [D] [J] son licenciement pour faute grave, caractérisée par une absence injustifiée depuis le 3 novembre 2017.

Par jugement du 3 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Cambrai a :

- dit le licenciement fondé sur une faute grave ;

- débouté Madame [D] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société Sodiam Exploitation au paiement de la somme de 750 euros pour frais de procédure ainsi qu'aux dépens.

Madame [D] [J] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 juin 2019, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mai 2022, Madame [D] [J] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant de nouveau, de:

à titre principal

-prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ;

-condamner la société Sodiam Exploitation à lui régler les sommes de:

- 3 600,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- 360,00 euros au titre des congés payés y afférents;

- 2 887,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- 20 000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 15 000,00 euros au titre du préjudice moral distinct;

- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, et ce à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à venir;

à titre subsidiaire

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner la société Sodiam Exploitation à lui régler les sommes de:

- 3 600,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- 360,00 euros au titre des congés payés y afférents;

- 2 925,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- 20 000,00 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 15 000,00 euros au titre du préjudice moral distinct;

- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, et ce à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à venir;

à titre infiniment subsidiaire

- dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse exclusif d'une faute grave,

-condamner la société Sodiam Exploitation à lui régler les sommes de:

- 3 600,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- 360,00 euros au titre des congés payés y afférents;

- 2 887,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement;

- 15 000,00 euros au titre du préjudice moral distinct;

- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, et ce à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à venir;

concernant l'exécution du contrat de travail

- condamner la société Sodiam Exploitation à lui régler les sommes de:

- à titre principal, 20 757,77 euros au titre des heures supplémentaires du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016, outre 2 075,77 euros au titre des congés payés y afférents;

-à titre subsidiaire, 19 233,64 euros au titre des heures supplémentaires de février 2014 au 31 décembre 2016, outre 1 923,36 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 10 800 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité;

en tout état de cause

- condamner la société Sodiam Exploitation à lui régler la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et confirmer la somme de 750 euros allouée en première instance au titre des frais de procédure.

Au soutien de ses demandes, Madame [D] [J] expose que :

- elle n'a jamais exercé les fonctions d'agent d'entretien ; elle a été employée au domicile de Monsieur [E], gérant de la société 3J Services; elle a subi des conditions anormales de travail; accomplissant de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées malgré plusieurs demandes ; elle produit des décomptes d'heures ; elle a subi un harcèlement moral aboutissant à un arrêt maladie en raison d'une hernie discale et d'un ulcère à l'estomac résultant d'une situation de stress lié au travail à compter du 12 avril 2016; l'employeur, qui ne s'est jamais soucié de sa situation, a manqué à son obligation de sécurité ; son contrat de travail a ensuite fait l'objet d'une modification unilatérale, l'employeur lui assignant une nouvelle affectation alors qu'elle était en arrêt maladie, supprimant en outre d'importants avantages en nature, comme le logement et le véhicule jusqu'alors mis à sa disposition ; ces manquements de l'employeur sont caractérisés et justifient une résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- le comportement de l'employeur à l'occasion de son arrêt maladie, qui lui a indiqué qu'elle ne reprendrait pas son poste, lui a retiré immédiatement son véhicule et exigé le versement d'un loyer pour le logement, présente un caractère vexatoire; il a causé un préjudice distinct ;

- elle ne s'est pas présentée pour prendre son nouveau poste à l'issue de son arrêt maladie en raison des conditions de ce retour et des modifications substantielles apportées par l'employeur au contrat de travail :changement du lieu de travail (à 185 km de chez elle), modification de ses missions, perte d'avantages en nature; le refus d'une modification du contrat de travail ne peut justifier un licenciement pour faute grave.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2020, la société Sodiam Exploitation sollicite la confirmation du jugement excepté en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité pour frais de procédure et aux dépens. Elle demande que Madame [J] soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sodiam Exploitation fait valoir que :

- l'action en paiement des salaires se prescrit par 3 ans ; cette demande aurait dû être précédée d'une phase obligatoire de conciliation ;

- les relevés d'horaires présentés par l'appelante contiennent de nombreuses erreurs (notamment des périodes au cours desquelles elle était en congés ou en arrêt maladie); ils ne prennent pas compte de la coupure quotidienne de deux heures dont disposait la salariée ; ils ignorent les temps où la famille [E] était absente du logement ;

- l'intention frauduleuse d'une dissimulation d'heures prestées n'est pas démontrée ;

- l'employeur n'a été alerté d'une situation de danger que par courrier du 15 septembre 2016; il a réagi immédiatement en interrogeant les époux [E] et en proposant une nouvelle affectation à la salariée ; aucun manquement à l'obligation de sécurité ne peut être caractérisé;

- aucun élément probant ne vient établir l'existence de conditions de travail anormales;

- aucun lien de causalité entre l'activité professionnelle et les arrêts maladie de la salariée n'est démontré ; les différents médecins consultés n'ont fait que rapporter les allégations de Madame [J] ;

-l'appelante ne prouve pas l'existence de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

- la nouvelle affectation proposée se trouvait à 20 km du siège de la société ; elle était conforme à la clause de mobilité ; les fonctions d'entretien peuvent s'exercer aussi bien chez des particuliers que dans des locaux professionnels; ni son contrat de travail ni ses bulletins de salaire ne font mention d'avantages en nature ; à l'approche de ses 60 ans, Madame [J] a souhaité être licenciée en refusant cette nouvelle affectation.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 août 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en rappel de salaires

A titre liminaire, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, il convient de rappeler que la cour ne peut pas statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action ou de l'absence de conciliation préalable qui, bien qu'évoquée par l'intimée, ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions.

Aux termes de l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient donc au salarié de présenter, au préalable, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement, en produisant ses propres éléments.

Il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, qu'il incombe à l'employeur, l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.

En l'espèce, Madame [J], qui explique qu'elle travaillait comme employée de maison au domicile de Monsieur [E], gérant de la société 3J Services,verse aux débats un relevé manuscrit du nombre d'heures qu'elle allègue avoir presté chaque jour, entre le 1er janvier 2013 et le 12 avril 2016, sur la base d'un horaire quotidien allant de 8 heures à 17 heures, 4 jours par semaine, et une journée généralement travaillée le week-end (samedi ou dimanche) de 8 heures à 23 heures.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Pour sa part, la société Sodiam Exploitation ne produit aucun élément permettant de mesurer les temps de travail effectifs de l'intéressée.

Des tableaux reprenant chaque mois, pour les années 2014 à 2016, les rémunérations de base, heures supplémentaires, primes et retenues prises en compte pour déterminer le salaire versé à Madame [J], qui portent la mention manuscrite 'certifié sincère et véritable 14/04/2017" accompagnée d'une seule signature, qui n'est manifestement pas celle de la salariée (telle qu'elle apparaît sur les autres documents attribués à celle-ci) mais ressemble à celle apposée sur l'attestation de Madame [K] épouse [L], cheffe du personnel, ne sauraient être regardés comme répondant aux exigences d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de l'intéressée.

L'attestation de Madame [K] épouse [L], cheffe du personnel, qui déclare que Madame [J] travaillait selon un horaire convenu de 8h à 12h puis de 14h à 17h, quatre jours par semaine (repos le jeudi) et par alternance le samedi ou le dimanche, et qui ajoute que celle-ci n'a jamais fait état d'heures supplémentaires, ne peut seule suffire à établir la réalité des horaires effectivement prestés.

Enfin, les quelques incohérences relevées par l'employeur concernant des périodes au cours desquelles la salariée était en arrêt maladie, si elles doivent être prises en considération, ne sont pas de nature à jeter le discrédit sur l'ensemble des décomptes transmis par l'appelante.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que Madame [J] a accompli des heures supplémentaires, dans une moindre mesure cependant que celle alléguée, et condamne, par réformation du jugement, l'employeur à lui payer la somme de 15 000 euros au titre des heures supplémentaires accomplies du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016, outre la somme de 1 500 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Il résulte des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, que le fait, pour l'employeur, de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie du salarié un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli est réputé travail dissimulé et ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaires.

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que les bulletins de paie de Madame [J] mentionnent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Ces heures supplémentaires ont été réalisées au domicile et au service direct du gérant de la société 3J Services, de sorte de que, compte tenu de l'ampleur du nombre d'heures ainsi prestées, ce dernier ne pouvait ignorer ce fait.

Par conséquent, Madame [J] est fondée à obtenir paiement d'une indemnité égale à six mois de salaire, soit la somme de 10 800 euros.

Sur l'allégation de harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable au litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, Madame [J] fait état de conditions de travail marquées par l'attitude harcelante de Madame [E].

Elle ne rapporte, toutefois, dans ses écritures, aucun fait précis.

La lettre qu'elle a adressée le 15 septembre 2016 à son employeur pour dénoncer 'le harcèlement psychologique de Madame [E]', en précisant que celle-ci lui faisait des remarques sur son âge et cacher ' des choses dégoûtantes pour voir si je les ramasse', ne suffit pas, seule, à décrire, et moins encore, à établir la matérialité d'agissements susceptibles de caractériser un harcèlement moral.

Il s'ensuit que Madame [J] n'établit pas la matérialité de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Madame [J] a été placée en arrêt maladie à compter du 12 avril 2016.

Les arrêts de travail versés au dossier (à compter du 27 mai 2016) sont motivés par un 'stress lié au travail' puis par un 'syndrome dépressif'.

Un certificat du Docteur [U], psychiatre, rédigé le 10 novembre 2016, indique que l'intéressée 'est en arrêt de travail depuis avril 2016 au départ pour une hernie hiatale et un ulcère à l'estomac. Ce jour elle est en pleurs, le sommeil est perturbé, elle évoque des idées suicidaires. Ses difficultés sont en lien avec des difficultés professionnelles. Elle est employée de maison dans la région parisienne depuis 5 ans. Elle évoque surmenage, humiliations répétées'.

Les documents médicaux transmis évoquent un suivi psychiatrique jusqu'en octobre 2017.

Si la réalité d'humiliations répétées subies dans le cadre professionnel n'est pas établie, l'existence d'un surmenage peut découler du nombre important d'heures supplémentaires accomplies.

Il s'ensuit que la dégradation de l'état de santé de la salariée trouve, pour partie, son origine dans l'exercice de son activité professionnelle.

L'employeur qui ne démontre pas avoir pris la moindre mesure pour évaluer puis prévenir le risque de surmenage au regard des heures supplémentaires prestées, ne justifie pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de la salariée.

Il s'ensuit que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité telle qu'elle résulte des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

Ce manquement a causé à Madame [J] un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 3 000 euros.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu'un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement de sa part à ses obligations contractuelles d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Lorsque le salarié est licencié postérieurement à sa demande de résiliation, cette dernière, si elle est accueillie, doit produire ses effets à la date du licenciement.

En l'espèce, le défaut de paiement, pendant plusieurs années, d'un nombre conséquent d'heures supplémentaires et la violation par l'employeur de son obligation de sécurité ayant contribué à altérer l'état de santé de la salariée, constituent des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Ces manquements justifient que, par infirmation du jugement déféré, la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée.

Cette résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La date de la rupture est fixée à la date de notification du licenciement, prononcé après la demande en résiliation, le 12 décembre 2017.

Madame [J], qui comptait une ancienneté de plus de deux années, est en droit de prétendre au paiement des sommes de :

- 3 600,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

- 360,00 euros au titre des congés payés afférents;

- 2 137,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement (les périodes d'absence pour maladie non-professionnelle ne pouvant être prises en considération dans le calcul de l'ancienneté propre à déterminer le montant de l'indemnité légale de licenciement).

Au moment de la rupture, Madame [J], âgée de 60 ans, comptait plus de 6 années ans d'ancienneté.

Au vu de cette situation, du montant de la rémunération (1 800 euros par mois) et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, d'évaluer son préjudice à 6 000 euros.

Sur la demande au titre du préjudice moral distinct

Madame [J] ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue d'un préjudice moral distinct résultant des conditions de la rupture de la relation de travail.

Elle sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sodiam Exploitation à payer à Madame [D] [J] une indemnité de 750 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de la condamner au paiement d'une indemnité de 1 000 euros en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, excepté en ce qu'il a :

- débouté Madame [D] [J] de sa demande au titre du préjudice moral distinct,

- condamné la SAS Sodiam Exploitation à payer à Madame [D] [J] la somme de 750 euros pour frais de procédure,

- condamné la SAS Sodiam Exploitation aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [D] [J] aux torts de l'employeur au 12 décembre 2017,

Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Sodiam Exploitation à payer à Madame [D] [J] les sommes de:

- 15 000,00 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies du 1er décembre 2013 au 31 décembre 2016,

- 1 500,00 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 10 800,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

- 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 3 600,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 360,00 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 2 137,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 6 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Sodiam Exploitation à payer à Madame [D] [J] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification,

Déboute la SAS Sodiam Exploitation de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel,

Condamne la SAS Sodiam Exploitation aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 2
Numéro d'arrêt : 19/01456
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.01456 ?
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