La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°19/01419

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 21 octobre 2022, 19/01419


ARRÊT DU

21 Octobre 2022







N° 1730/22



N° RG 19/01419 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SNPQ



AM/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Mai 2019

(RG 18/00184 -section )







































>


GROSSE :



aux avocats



le 21 Octobre 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [T] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.R.L. JV FINANCES Venant aux droits d...

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1730/22

N° RG 19/01419 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SNPQ

AM/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LANNOY

en date du

21 Mai 2019

(RG 18/00184 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [T] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.R.L. JV FINANCES Venant aux droits de la S.A.S ATELIERS VANDERSCHELDEN DANIEL(AVD)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Wilfried POLAERT, avocat au barreau de LILLE substitué par Me PORTRAIT, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Septembre 2022

Tenue par Alain MOUYSSET

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Cindy LEPERRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Angelique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Août 2022

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée M. [T] [E] a été embauché le 10 janvier 2011 par la société AVD, aux droits de laquelle vient la société JV FINANCES, en qualité d'agent de production et préparateur de commandes, bénéficiant au moment de la rupture du contrat de travail d'un classement au niveau II , coefficient 170 de la grille de classification de la convention collective de la métallurgie Flandre Douaisis.

La société, qui employait 14 salariés, a décidé de cesser son activité et après avoir procédé au reclassement de quatre salariés dans une autre société du groupe, en a licencié neuf, l'un d'entre eux bénéficiant d'un départ à la retraite.

En l'absence de représentants des salariés dans l'entreprise, du fait d'un défaut de candidature ayant donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal de carence, la société a fait le choix de réunir l'ensemble du personnel pour l'informer de la situation de l'entreprise, et a parallèlement adressé à la DIRECCTE un document lui faisant part de ses démarches et des difficultés de la société.

Dans le cadre d'une procédure d'un licenciement collectif de plus de 10 salariés, la société a convoqué M. [E] à un entretien préalable qui s'est tenu le 24 novembre 2015, et au cours duquel elle lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle que le salarié a accepté le 30 novembre 2015, de sorte qu'après écoulement du délai légal de 21 jours le contrat de travail a été rompu le 15 décembre 2015.

Le 24 mars 2016 le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lannoy, lequel par jugement en date du 21 mai 2019, après avoir dit et jugé que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes, en le condamnant aux éventuels dépens.

Le 21 juin 2016 le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 26 décembre 2019 par le salarié.

Vu les conclusions déposées le 10 décembre 2021 par la société.

Vu la clôture de la procédure au 10 août 2022.

SUR CE

Du licenciement

Seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de ce dernier, à la différence d'une cessation partielle de l'activité qui ne justifie un licenciement économique qu'en cas de difficultés économiques de mutations technologiques ou de réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

En cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou à l'inverse déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés.

En l'espèce le salarié soutient que la cessation d'activité n'a pas été totale mais seulement partielle comme cela ressort de l'établissement d'un bon de commande datée de la fin du mois de novembre 2016, et fait valoir que la société n'a pas été dissoute et liquidée plus de deux ans après la saisine du conseil de prud'hommes.

Il argue d'une poursuite d'activité en Roumanie par le biais de la société SARMATEC, en affirmant que les carnets de commandes de la société AVD étaient pleins avant leur disparition.

Le salarié, se prévalant d'une cessation d'activité partielle, indique que la société doit justifier de la réalité de difficultés économiques et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du groupe, et soutient à ce titre que les documents fournis par la société sont insuffisants à établir la réalité de telles difficultés qui doivent s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe, et que la sauvegarde de la compétitivité n'était pas en jeu, et qu'au contraire cette dernière a voulu procéder à un licenciement d'économie et non un licenciement pour motif économique.

Le salarié fait valoir que la société a commis une fraude en tentant d'échapper au transfert d'activité au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, puisque le transfert de matériel au profit d'une société du groupe traduit l'existence d'un transfert d'entité économique autonome qui, en plus des actifs corporels, aurait dû s'accompagner du transfert du personnel attaché à l'entité.

Il affirme enfin que la société a manqué à son obligation de reclassement en ne proposant pas un des postes pourtant disponibles au sein d'une des sociétés du groupe, et en ne recherchant pas de possibilité de reclassement dans l'ensemble des entités du groupe.

La société soutient qu'elle a cessé son activité de manière totale et définitive pour des motifs économiques réels, tout en faisant valoir qu'elle n'a pas à justifier de leur existence au regard de la cessation totale, et que pour remettre en cause une telle décision il est nécessaire d'établir l'existence d'une fraude ou d'une légèreté blâmable.

Elle conteste l'existence d'une telle situation en faisant valoir que les dispositions de l'article L. 1224-1 du travail supposent une modification dans la situation juridique de l'entreprise, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

La société argue de ce que l'absence de consultation de la société DRAFIL.COM est la conséquence de l'impossibilité de procéder à un reclassement de M. [E] au sein de cette entreprise, dès lors que cette dernière n'emploie que des commerciaux assurant des missions nécessitant une qualification préalable en la matière, ce qui n'est pas le cas du salarié.

Il convient tout d'abord de constater que les éléments avancés par le salarié pour arguer d'une absence de cessation totale sont très parcellaires, et ne permettent pas de remettre en cause ceux avancés par la société pour justifier d'une cessation totale.

Il y a lieu en effet de rappeler que la société devait procéder à la liquidation de son stock, et que si la date prévisionnelle n'a pas été respectée comme cela ressort du bon de commande dont le salarié se prévaut, il n'en demeure pas moins qu'aucun élément ne permet de dissocier ce document d'opérations de liquidation nécessaires.

Il doit être souligné d'une part que l'ensemble des salariés ont été reclassés pour une minorité et licenciés pour la majorité, de sorte qu'il était impossible à la société de continuer son activité de production, et d'autre part que s'agissant du transfert du siège de l'entreprise, celui-ci constitue une preuve supplémentaire de l'arrêt de ladite production, puisqu'il s'explique, comme cela ressort d'une note transmise à la DIRECCTE, par la résiliation anticipée du bail de certains locaux.

En ce qui concerne l'absence de dissolution de la société, cette dernière fait valoir à juste titre qu'en raison ne serait-ce que de l'existence de litiges prud'homaux il lui était impossible de procéder à une telle dissolution, et ce d'autant qu'elle devait par ailleurs réaliser certains actifs.

Il convient à ce titre d'observer que si la société JV FINANCES vient aux droits de la société AVD, ce n'est pas aux termes d'un transfert d'activité de cette dernière société, mais consécutivement à la cessation d'activité de cette dernière, étant rappelé qu'elle était la présidente de la société AVD.

En ce qui concerne les accusations de fraude, il y a lieu tout d'abord de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une telle fraude d'en démontrer l'existence.

Or non seulement le salarié procède par voie d'affirmations quant à un transfert de la clientèle de la société au profit d'une autre située en Roumanie, mais il apparaît aussi que les photos, souvent inexploitables, remises par le salarié ne sont pas de nature à établir la réalité d'un transfert d'éléments corporels.

Outre le fait que celui-ci aurait pu s'inscrire dans le cadre d'une liquidation des actifs de la société, il apparaît que les allégations du salarié quant à l'existence d'une entité économique autonome ne sont étayées par aucun élément objectifs.

Il ressort même de la procédure que le positionnement du salarié est sur ce point contradictoire, puisque des salariés ont été transférés par le biais de reclassements au profit d'une société, alors que les prétendus transfert de biens corporels et incorporels auraient été opérés au bénéfice d'une autre société.

Par ailleurs la concomitance entre la cessation d'activité d'une société et un agrandissement des locaux d'une autre société, justifiée par l'employeur par le développement d'une autre activité, n'est pas en soi suffisante, même en l'absence d'une telle situation, à établir la réalité d'une fraude.

En revanche la société ne conteste pas ne pas avoir interrogé une autre entreprise du groupe DRAFIL.COM, même si elle affirme qu'il ne s'agit pas d'une omission mais une prise en compte de la spécificité de l'activité et du personnel de cette dernière ne permettant pas la réalisation de reclassement.

Il y a lieu tout d'abord d'observer que la situation du groupe ne correspond pas à celle du regroupement de plusieurs entités, pour lesquelles a été mis en place une gestion commune des ressources humaines.

La consultation des autres entreprises du groupe corrobore l'absence d'une telle modalité d'organisation.

Il apparaît que non seulement la société a préjugé d'une impossibilité de reclassement sans pouvoir justifier de la détention des informations nécessaires, mais aussi que dans le cadre de la présente instance elle ne fournit toujours pas les éléments de nature à justifier du fondement de sa décision.

Au-delà du point de savoir si une telle justification pourrait être suffisante, il convient de constater qu'elle ne fournit pas le registre unique du personnel de cette société, se contentant de remettre une liste de quelques salariés présentés comme occupant des postes de commerciaux en qualité de cadres ou d'employés, sans qu'aucun élément ne permette d'authentifier l'origine de ce document et sa fiabilité.

Cette carence de la société est constitutive d'une violation de son obligation de reclassement, qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une telle cause et débouté le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de sa demande en indemnité de préavis et congés payés afférents.

Il y a lieu de préciser à ce titre qu'une telle indemnité est due, même dans l'hypothèse d'une acceptation préalable du contrat de sécurisation professionnelle, dans la mesure où la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur, et que le salarié recouvre ainsi le droit de bénéficier d'une telle indemnité.

Au regard des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa version applicable au moment des faits, de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, de sa qualification et de sa capacité à retrouver un emploi, des circonstances de la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié a droit également à l'octroi d'une indemnité de préavis d'un montant de 3058,12 euros outre les congés payés afférents à hauteur de 305,81 euros.

Il y a lieu par ailleurs d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter du 26 mars 2016 s'agissant de l'indemnité de préavis des congés payés afférents, dans la mesure où une telle demande a été présentée pour la première fois à cette date, et à compter du présent arrêt s'agissant des dommages et intérêts octroyés.

De la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la société à payer au salarié la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Des dépens

La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau et ajoutant jugement entrepris,

Dit que le licenciement de M. [T] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société JV FINANCES à payer à M. [T] [E] les sommes suivantes :

-10000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-3058,12 euros à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 305,81 euros au titre des congés payés afférents

-1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts échus seront eux-mêmes productifs d'intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter du 26 mars 2016 s'agissant de la créance au titre de l'indemnité de préavis de congés payés afférents , date à laquelle la demande d'anatocisme a été formée pour la première fois, et à compter du présent arrêt s'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société JV FINANCES aux dépens.

LE GREFFIER

Angelique AZZOLINI

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 19/01419
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.01419 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award