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06/10/2022 | FRANCE | N°20/01899

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 06 octobre 2022, 20/01899


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 06/10/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/01899 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TAHJ



Jugement (N° 19/06536) rendu le 03 mars 2020

par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9] (Belgique)

demeurant [Adresse 7]

[Localité 6]


r>représenté par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Paul-Louis Minier, avocat au barreau de Lille.



INTIMÉE



Le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 06/10/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/01899 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TAHJ

Jugement (N° 19/06536) rendu le 03 mars 2020

par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9] (Belgique)

demeurant [Adresse 7]

[Localité 6]

représenté par Me Bernard Franchi, membre de la SCP Processuel, avocat au barreau de Douai

assisté de Me Paul-Louis Minier, avocat au barreau de Lille.

INTIMÉE

Le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord (PRS)

ayant son siège, [Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Benoît de Berny, membre de la SCP de Berny Follet Herbaut, avocat au barreau de Lille,

DÉBATS à l'audience publique du 23 juin 2022 tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 après prorogation du délibéré en date du 29 septembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller conseiller, en remplacement de Simon-Rossenthal présidente empêchée et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 2 juin 2002

****

Une SARL Dimm Habitat a été créée en octobre 2009 pour l'exploitation d'une activité de marchand de bien et de promotion immobilière, M. [S] [X] en étant le gérant.

La société Dimm habitat a acquis le 25 juin 2010 un ancien immeuble industriel situé [Adresse 10], dans le but d'y faire des travaux de réhabilitation, de l'aménager et de revendre 46 lots après découpage. Après plusieurs mois de travaux, 46 lots nus, bruts et dotés d'arrivées et d'évacuations de fluides ont été effectivement créés parmi lesquels 5 ont été aménagés en appartements habitables.

Les divers lots ont été vendus de juillet 2010 à janvier 2012.

La société Dimm habitat a soumis la vente des 5 appartements aménagés à la TVA mais pas celle des 41 lots vendus bruts.

La société Dimm habitat a fait l'objet d'un contrôle de sa comptabilité et l'administration lui a notifié le 24 janvier 2014 une proposition de rectification portant sur l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012.

L'administration a appliqué les pénalités de 40 % pour manquements délibérés. La société Dimm habitat a formé des observations qui ont été rejetées par l'administration le 13 mai 2014.

L'administration a émis le 22 juillet 2014 un avis de mise en recouvrement par suite du redressement ainsi opéré.

La société a ensuite formé une réclamation, assortie d'une demande de sursis à paiement, qui a été également rejetée le 1er octobre 2014.

Parallèlement, la société Dimm habitat a introduit un recours devant le tribunal administratif de Lille concernant les rappels de TVA sur la vente des 41 lots bruts et l'application de la majoration pour manquement délibéré et par jugement du 21 décembre 2017, sa requête a été entièrement rejetée.

Dans l'intervalle et par jugement du 14 mars 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société Dimm habitat et désigné Maître [E] [G], en qualité de liquidateur judiciaire. Maître [G] a délivré un certificat d'irrecouvrabilité au comptable public le 3 octobre 2016.

Le 21 juin 2019, le directeur des finances publiques des Hauts de France a donné l'autorisation au comptable de mettre en cause la responsabilité de M. [X] en qualité de dirigeant de la société Dimm habitat.

Sur autorisation donnée le 26 juillet 2019 et par acte d'huissier du 28 août 2019, le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Nord a fait assigner à jour fixe M. [X] devant le président du tribunal de grande instance de Lille à l'audience du 5 novembre 2019, afin d'engager sa responsabilité fiscale d'ancien dirigeant de la société Dimm habitat .

Par jugement en date du 03 mars 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- Rejeté la fin de non recevoir tirée de la formulation de l'autorisation donnée par le directeur régional des finances publiques le 21 juin 2019 ;

- Rejeté la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de l'action du comptable public ;

- Rejeté la demande de renvoi préjudiciel devant le tribunal administratif et de sursis dans l'attente de la décision à rendre par cette juridiction ;

- Déclaré M. [S] [X] solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités appliquées à la SARL Dimm habitat au titre de la période allant du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012 ;

- Condamné en conséquence M. [S] [X] à payer à M. le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de 760 640,14 euros ;

- Rejeté le surplus de la demande en principal ;

- Rejeté la demande relative aux intérêts ;

- Rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par le comptable public à l'encontre de M. [S] [X] et dénoncée par acte d'huissier du 28 août 2019 ;

- Condamné M. [S] [X] à payer à M. le comptable public du Pôle de recouvrement spécialisé du Nord la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [X] à supporter les dépens de l'instance ;

- Dit que le jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit.

Monsieur [X] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 décembre 2020, Monsieur [X] demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 3 mars 2020 en toutes ses dispositions, à l'exception de l'exclusion du rejet des prétentions du comptable public concernant les CFE de 2013 et 2015 pour un montant global de 76 euros et, statuant à nouveau, de :

A titre liminaire :

- Déclarer irrecevable l'action du comptable public à l'encontre de Monsieur [S] [X], sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile et de la jurisprudence, en raison de l'irrégularité de la décision d'autorisation de mise en cause de Monsieur [S] [X] prise le 21 juin 2019 ;

- Déclarer irrecevable l'action du comptable public à l'encontre de Monsieur [S] [X], sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile et de la jurisprudence, en raison du caractère tardif de l'action en responsabilité solidaire introduite par le comptable public à l'encontre de Monsieur [S] [X], le 28 août 2019, celui-ci n'ayant pas agi dans un délai satisfaisant ;

Pour le cas où l'action serait déclarée recevable par la cour :

A titre principal :

- Constater que les conditions d'application de l'article L.267 du livre des procédures fiscales ne sont par réunies en l'espèce,

- Débouter, en conséquence, le comptable public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Monsieur [S] [X],

A titre subsidiaire :

- Débouter le comptable public de sa demande de responsabilité fiscale formée à l'encontre de Monsieur [S] [X] s'agissant des rappels de TVA au titre des exercices 2010 et 2012, des pénalités et de la CFE au titre des années 2013 et 2015, correspondant à la somme globale de 760 716,14 euros, compte tenu de l'absence de fondement de la CFE 2013 et 2015 mise à la charge de la société Dimm Habitat et de l'absence de fondement des rappels de TVA mis à la charge de la société Dimm Habitat au titre des exercices 2010 et 2012 ;

En tout état de cause :

- Ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille du 22 juillet 2019 sur l'immeuble appartenant à Monsieur [X] situé [Adresse 8]), cadastré AL [Cadastre 4] ;

- Condamner le comptable public à payer Monsieur [S] [X] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner le comptable public aux entiers frais et dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 décembre 2020, Monsieur le comptable public en charge du pôle recouvrement spécialisé du Nord demande à la cour de confirmer le jugement du 3 mars 2020 et, y ajoutant, de :

- Condamner Monsieur [S] [X] à payer au comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du nord la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamner aux dépens.

*

Par ordonnance 08 juin 2021, le conseiller de la mise en état a débouté Monsieur le comptable public en charge du pôle recouvrement spécialisé du Nord de sa demande de radiation de l'affaire et a débouté Monsieur [X] de sa demande de sursis à statuer et de renvoi préjudiciel.

Pour l'exposé détaillé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non-recevoir

* Sur la régularité de la décision d'autorisation prise le 21 juin 2019

M. [S] [X] soutient que la décision d'autorisation hiérarchique permettant au comptable public de le poursuivre prise le 21 juin 2019 est irrégulière car basée sur un fondement textuel, à savoir l'instruction 12 C 6-98 du 7 septembre 1998, qui n'existait plus à la date à laquelle la décision a été prise, s'agissant d'une instruction antérieure au 11 septembre 2012, date à partir de laquelle seuls les commentaires publiés sur le site du bulletin officiel des finances publiques - impôts (Bofip) sont opposables.

Le comptable public demande la confirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [X] tirée de la formulation de l'autorisation donnée par le directeur régional des finances publiques le 21 juin 2019, soulignant que cette autorisation comporte l'ensemble des informations nécessaires en ce compris l'autorisation du comptable public à agir sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales et la dernière phrase relative à l'instruction 12 C698 du 7 septembre 1998 étant superfétatoire.

Ceci étant exposé, le comptable public ne peut engager l'action en responsabilité solidaire à l'encontre de l'ancien dirigeant visée à l'article L267 du livre des procédures fiscales que sur l'autorisation personnelle donnée par le directeur des services fiscaux, le juge devant vérifier si, préalablement à l'action, le comptable public a demandé et obtenu l'autorisation hiérarchique d'engager les poursuites. Cette autorisation spéciale n'a pas à être motivée mais doit avoir été prise au regard de la situation particulière du contribuable et doit préciser son fondement textuel, la qualité et les motifs pour lesquels le dirigeant est poursuivi.

En l'espèce, l'autorisation du directeur régional des finances publiques en date du 21 juin 2019 produite aux débats est intitulée 'Autorisation de mise en cause d'un dirigeant de société (article L.267 du Livre des procédures Fiscales)' et dispose :

'Le Directeur soussigné, vu le rapport qui lui a été soumis et après s'être assuré que les circonstances propres de l'affaire caractérisent les conditions requises par l'application de l'article 267 du LPF, autorise le Responsable du Pôle de recouvrement spécialisé du Nord, comptable chargé du recouvrement, à mettre en cause, au titre de l'article L.267 du Livre des procédures fiscales, M. [S] [X] né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9] en Belgique en sa qualité de dirigeant de la:

SARL Dimm Habitat

Siren n°517.863.247

dont le siège social est [Adresse 1]

La présente décision est prise conformément à l'instruction *12 C 698 du 7 septembre 1998.'

C'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il ressortait clairement et sans équivoque des termes de l'autorisation donnée par le directeur régional des finances publiques au pôle de recouvrement spécialisé du Nord que tout d'abord, l'autorisation avait été donnée sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales, qu'ensuite, elle concernait M. [S] [X] en sa qualité de dirigeant de la société Dimm habitat, que par ailleurs cette autorisation était spéciale et enfin qu'elle avait été donnée en toute connaissance de cause et après examen de l'affaire.

C'est de manière tout aussi pertinente que ce juge a estimé que la référence finale à une instruction administrative supposée erronée n'entachait pas d'irrégularité la décision d'autorisation donné par l'autorité compétente avec toutes les mentions exigées pour sa validité.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

* Sur le délai satisfaisant

M. [S] [X] sollicite l'infirmation de la décision attaquée en ce que celle-ci a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'engagement de sa responsabilité par l'administration fiscale dans un délai satisfaisant. Il fait valoir que la notion de délai satisfaisant, qui ne se confond ni avec celle de bref délai, ni avec la prescription quadriennale applicable à l'action de l'administration, doit être appréciée par le juge en fonction des circonstances de la cause, lequel doit rechercher si l'administration a agi dans les meilleurs délais et n'a pas retardé de manière injustifiée l'exercice de la procédure.

Il ajoute que si le certificat d'irrecouvrabilité du 3 octobre 2016 a bien été transmis par le liquidateur judiciaire, l'irrecouvrabilité de la créance fiscale d'un montant important pouvait se déduire dès l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire simplifiée à l'égard de la société Dimm habitat le 14 mars 2016 ; qu'il ressort de la jurisprudence que l'exigence de délai satisfaisant n'est pas respectée lorsque le comptable public attend 20 mois pour engager son action à l'encontre du dirigeant ; qu'en l'espèce, le comptable public qui disposait ou, en tout cas, devait disposer de l'ensemble des éléments lui permettant d'engager la responsabilité solidaire du dirigeant de la société Dimm habitat, n'a engagé cette action que le 28 août 2019, soit trois ans après l'ouverture de la procédure de liquidation simplifiée, ce qui est parfaitement disproportionné.

Il soutient que quand bien même le recours formé par la société Dimm habitat devant le tribunal administratif le 28 novembre 2014 aurait eu pour effet de lui faire bénéficier d'un sursis de paiement, le comptable public n'était pas tenu d'attendre l'expiration du délai d'appel de deux mois à compter du jugement du tribunal administratif de Lille du 24 novembre 2017, les impositions dont le tribunal administratif n'a pas prononcé la décharge devenant à nouveau exigibles dès le prononcé du jugement et non de sa notification. Il souligne que le comptable public n'a engagé l'action en solidarité à son encontre que le 28 août 2019, soit plus de 21 mois après la fin du sursis de paiement et ce, alors qu'il ne pouvait ignorer l'impossibilité de recouvrement de ses créances auprès de la société Dimm habitat.

Il ajoute que les actes préparatoires à son action invoqués par l'administration pour justifier le délai pour engager son action sont inopérants dès lors que le caractère satisfaisant du délai dépend de la détermination de la date à laquelle le comptable public a appris l'impossibilité de recouvrer sa créance auprès de la société débitrice et qu'en l'occurrence, les diligences accomplies par l'administration pour la constitution du dossier à présenter au directeur des services fiscaux étaient peu nombreuses et ne justifiaient pas un délai aussi long, quinze mois s'étant au surplus écoulés entre la constitution du dossier et sa présentation au directeur des services fiscaux.

Le comptable public demande la confirmation de la décision entreprise, soutenant qu'au regard de la chronologie du dossier, elle a agi dans un délai raisonnable à l'encontre de M. [X].

Ceci étant exposé, il résulte de l'instruction 12 C-20-88 du 6 septembre 1988, reprise par la doctrine administrative BOI-REC-SOLID-10-10-30-20160803 publiée le 3 août 2016, que celle-ci recommande aux comptables publics d'engager l'action prévue à l'article L267 du livre des procédures fiscales dans des délais satisfaisants dont elle ne donne cependant aucune définition.

Si la notion de délai satisfaisant n'implique pas que l'action doive être engagée dans un bref délai, il va de soi qu'elle n'a de sens que si cette action n'est pas atteinte par la prescription qu'il suffit dès lors de constater.

Il appartient en conséquence au juge de se déterminer au vu des circonstances de l'espèce en recherchant si l'administration aurait pu agi dans de meilleurs délais.

En l'espèce, c'est de manière pertinente que le premier juge a estimé que l'administration connaissait, dès l'ouverture de la liquidation judiciaire simplifiée de la société Dimm le 14 mars 2016, l'impossibilité de recouvrer sa créance sur le compte bancaire de la société en raison du caractère infructueux de la tentative de saisie conservatoire sur le compte bancaire de la société du 12 décembre 2014, ainsi que l'impossibilité de recouvrer celle-ci sur un immeuble dès lors que tous les lots avaient été vendus, de sorte que même sans avoir réceptionné le certificat d'irrecouvrabilité, elle ne pouvait ignorer dès le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2017 que sa créance était à la fois reconnue par le juge administratif, exigible et irrécouvrable sur la société Dimm habitat.

Cependant, s'il résulte des éléments de la procédure tels que repris par le premier juge que le comptable public n'est pas restée inactif pendant les vingt mois qui ont séparé le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2017 de la date de l'autorisation de poursuivre donnée par le directeur des services fiscaux le 21 juin 2019, celui-ci ayant entrepris des investigations sur la solvabilité de M. [X] de manière à fournir des éléments d'appréciation utiles au directeur, la cour relève que les diligences accomplies par l'administration pendant cette période se limitent à la demande par l'administration d'un état des inscriptions hypothécaires sur un immeuble de M. [X] le 14 mars 2018 et à l'évaluation de cet immeuble par le service des domaines le 20 mars 2018, de sorte que le délai de vingt mois entre le jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2017 et la décision d'autorisation du directeur régional des finances publiques du 21 juin 2019 et de quinze mois entre la dernière diligence du comptable public et la décision d'autorisation précitée apparaît excessif, quand bien même cette autorisation aurait été ensuite suivie rapidement de l'engagement de l'action par acte du 28 août 2019.

La cour ajoute qu'il s'est en définitive écoulé plus de trois ans depuis le jugement de liquidation judiciaire simplifiée pour que l'action en solidarité soit engagée sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales alors que compte tenu de cette procédure de liquidation judiciaire simplifiée, il était évident que l'importante créance fiscale ne pourrait manifestement être recouvrée à l'encontre de la personne morale.

La décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non -recevoir tirée du délai excessif pour agir de l'administration et statuant à nouveau, il sera fait droit à cette fin de non-recevoir, l'action engagée par le comptable public à l'encontre de M. [X] sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales étant déclarée irrecevable.

Sur la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire

L'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

L'article L531-1 dudit code précise qu'une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières.

L'article L512-1 dudit code ajoute que même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

L'article R512-2 ajoute que si les conditions prévues aux articles R511-1 à R511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans les cas où l'article L511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation. Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

En l'espèce, le comptable public étant déclaré irrecevable en son action engagée à l'encontre de M. [X] sur le fondement des dispositions de l'article L267 du livre des procédures fiscales, il convient d'ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 26 août 2019 par le comptable public sur le terrain et l'immeuble appartenant à M. [X], située à [Adresse 8], le tout cadastré AL[Cadastre 4] pour une contenance de 19 a 92 ca.

Sur les autres demandes

Le comptable public sera tenu aux entiers dépens de première instance et d'appel. Il convient par ailleurs de le condamner à payer à M. [S] [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la formulation de l'autorisation donnée par le directeur régional des finances publiques le 21 juin 2019 ;

Statuant à nouveau,

Constate que l'action de M. le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques n'a pas été engagée dans un délai satisfaisant ;

Déclare irrecevable l'action engagée par M. Le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques à l'encontre de M. [S] [X] sur le fondement de l'article L267 du livre des procédures fiscales ;

Ordonne la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite le 26 août 2019 par M. le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques sur le terrain et l'immeuble appartenant à M. [X], située à [Adresse 8], le tout cadastré AL[Cadastre 4] pour une contenance de 19 a 92 ca ;

Condamne M. le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques à payer à M. [S] [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. le comptable public en charge du pôle de recouvrement spécialisé du Nord de la direction générale des finances publiques de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

Le greffier,Pour la présidente,

Delphine Verhaeghe.Céline Miller.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 20/01899
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;20.01899 ?
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