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06/10/2022 | FRANCE | N°19/04414

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 06 octobre 2022, 19/04414


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 06/10/2022





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/04414 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQOY



Jugement (N° 18-004494)

rendu le 14 juin 2019 par le tribunal d'instance de Lille







APPELANTE



La SA Cofidis

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 3]



représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil de Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille





INTIMÉS



Monsieur [Z] [I]

né le 22 février 1956 à [Localité 6]

Madame [L] [I]

née...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 06/10/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/04414 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SQOY

Jugement (N° 18-004494)

rendu le 14 juin 2019 par le tribunal d'instance de Lille

APPELANTE

La SA Cofidis

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

ayant pour conseil de Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille

INTIMÉS

Monsieur [Z] [I]

né le 22 février 1956 à [Localité 6]

Madame [L] [I]

née le 16 avril 1954 à [Localité 7] (Maroc)

demeurant ensemble [Adresse 2]

[Localité 5]

représentés par Me Dominguez, avocat au barreau de Valenciennes

assistés de Me Harry Bensimon, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Cyrianne Adjevi, avocat au barreau de Paris

La SELAFA MJA

représentée par Me [U] [M] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL Viva Vieco

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

assignée en reprise d'instance et en intervention le 11 août 2021 à personne habilitée -n'ayant pas constitué avocat

DÉBATS à l'audience publique du 30 juin 2022 tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Céline Miller, conseiller en remplacement de Christine Simon-Rossenthal, présidente empêchée et Delphine verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 juin 2022

****

Le 24 juin 2016, Monsieur [Z] [I] a signé avec la SARL Viva Vieco un bon de commande n° 5255 portant sur une prestation de fourniture et pose d'une centrale photovoltaïque pour un montant total de 29 900 euros, intégralement financée au moyen d'un crédit Sofemo financement souscrit auprès de la S.A. Cofidis.

Suivant offre préalable régularisée le même jour, la société Cofidis a consenti à Madame [L] [W] épouse [I] et Monsieur [Z] [I] un crédit affecté à la réalisation d'une prestation de photovoltaïque d'un montant de 29 900 euros, remboursable en 132 mensualités de 306,13 euros précédées d'un différé de paiement de douze mois, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 4,57 %.

Par actes d'huissier en date du 8 octobre 2018, Monsieur et Madame [I] ont fait assigner la SELAFA MJA prise en la personne de Madame [U] [M] en sa qualité de liquidateur de la société Viva Vieco et la société Cofidis aux fins de voir notamment prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par courrier en date du 25 octobre 2018 adressé au tribunal, la SELAFA MJA a indiqué quelle n'entendait pas comparaître en raison de la situation d'impécuniosité du dossier.

Dans le dernier état de leurs conclusions, M. et Mme [I] sollicitaient le débouté des demandes de la société Cofidis et de la société Vieco Viva, le prononcé de la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, d'ordonner le remboursement des sommes versées par M. et Mme [I] à la société Cofidis au jour du jugement outre celles à venir soit la somme de 40 409,16 euros, la condamnation solidaire des sociétés Vieco Viva et Cofidis à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée, la condamnation de la société Cofidis à leur verser les sommes de 8 000 euros en indemnisation du préjudice financier et 3 000 euros en indemnisation du préjudice moral et la fixation des créances au passif de la liquidation de la société Vieco Viva.

La société Cofidis sollicitait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, le débouté des demandes de M. et Mme [I] et demandait au tribunal de les condamner, à titre reconventionnel, à poursuivre l'exécution du contrat de prêt. A titre subsidiaire, elle sollicitait la condamnation solidaire de M. et Mme [I] à lui verser la somme de 29 900 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision et qu'il soit dit que les échéances réglées lui resteraient acquises à titre de dommages et intérêts. A titre infiniment subsidiaire, elle sollicitait leur condamnation à lui verser la somme de 29 900 euros, déduction faite des échéances déjà payées.

Par jugement en date du 14 juin 2019, le tribunal d'instance de Lille a :

- Prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 24 juin 2016 entre Monsieur [Z] [I] et la société Vieco Viva suivant bon de commande n° 5255 ;

- Constaté la nullité du contrat de crédit conclu entre la société Cofidis et les époux [I] le 24 juin 2016 ;

- Condamné la société Cofidis à restituer aux époux [I] l'ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit en exécution du crédit conclu le 24 juin 2016 ;

- Débouté la société Cofidis de toutes ses demandes ;

- Débouté les époux [I] de leurs demandes de dommages et intérêts et du surplus de leurs demandes ;

- Condamné la société Cofidis à payer aux époux [I] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Cofidis aux dépens.

La société Cofidis a interjeté appel de ce jugement et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 juin 2022, demande à la cour de :

- Voir dire et juger Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] irrecevables et subsidiairement mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter ;

- Voir dire et juger la SA Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement du tribunal d'instance de Lille du 14 juin 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Voir dire et juger n'y avoir lieu à nullité des conventions pour quelque cause que ce soit ;

- Condamner solidairement Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] à payer à la SA Cofidis la somme de 32 892,66 euros au taux contractuel de 4,57 % l'an à compter du 20 octobre 2020;

A titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité des conventions pour quelque cause que ce soit :

- Condamner solidairement Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] à rembourser à la SA Cofidis le capital emprunté d'un montant de 29 900 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, déduction à faire des échéances payées ;

En tout état de cause :

- Condamner solidairement Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] à payer à la SA Cofidis une indemnité d'un montant de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] aux entiers dépens.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 juin 2022, Monsieur et Madame [I] demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts et du surplus de leurs demandes et, statuant à nouveau, de :

- Déclarer que le contrat conclu entre Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] et Vieco (SARL Viva) est nul en raison de sa violation des dispositions du droit de la consommation

- Déclarer que la société Vieco (SARL Viva) a commis un dol à l'encontre de Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] ;

- Déclarer que la société Cofidis a délibérément participé au dol commis par la société Vieco (SARL Viva) ;

Au surplus,

- Déclarer que la société Cofidis a commis des fautes personnelles :

- En laissant prospérer l'activité de la société Vieco (SARL Viva) par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu'elle ne pouvait prétendre ignorer,

- En accordant des financements inappropriés s'agissant de travaux construction,

- En manquant à ses obligations d'informations et de conseils à l'égard de Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] ;

- En délivrant les fonds à la société Vieco (SARL Viva) sans s'assurer de l'achèvement des travaux ;

En conséquence,

- Déclarer que les sociétés Vieco (SARL Viva) et Cofidis sont solidairement responsables de l'ensemble des conséquences de leurs fautes à l'égard de Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] ;

- Prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de vente liant Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] et la société Vieco (SARL Viva) ;

- Prononcer la nullité ou à défaut la résolution du contrat de crédit affecté liant Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] et la société Cofidis ;

- Déclarer que la société Cofidis ne pourra se prévaloir des effets de l'annulation à l'égard des emprunteurs ;

- Ordonner le remboursement des sommes versées par Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] à la société Cofidis au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 40 409,16 euros, sauf à parfaire ;

- Condamner solidairement les sociétés Vieco (SARL Viva) et Cofidis à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée ;

- Condamner la société Cofidis à verser à Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] les sommes de :

- 8 000 euros au titre de leur préjudice financier et de leur trouble de jouissance,

- 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,

- Dire qu'à défaut pour la société Vieco (SARL Viva) de récupérer le matériel fourni dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] ;

- Condamner la société Vieco (SARL Viva) à garantir Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre ;

- Déclarer qu'en toutes hypothèses, la société Cofidis ne pourra se faire restituer les fonds auprès de Monsieur [Z] [I] et Madame [L] [I] mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Vieco (SARL Viva) seule bénéficiaire des fonds débloqués eu égard le mécanisme de l'opération commerciale litigieuse ;

- Condamner solidairement les sociétés Vieco (SARL Viva) et Cofidis au paiement des entiers dépens outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société Vieco (SARL Viva) et la société Cofidis, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l'article R631-4 du code de la consommation ;

- Fixer les créances au passif de la liquidation de la société Vieco (SARL Viva).

*

La procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Viva le 7 février 2018 a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement en date du 13 octobre 2020.

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 20 juillet 2021, la SELAFA MJA prise en la personne de Me [U] [M] a été désignée en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la SARL Viva dans le cadre de l'instance l'opposant devant la cour d'appel de Douai à la S.A. Cofidis et M. et Mme [I].

Par acte du 11 août 2021, la SELAFA MJA représentée par Me [U] [M] en qualité de mandataire ad hoc chargé de représenter la SARL Viva dans le cadre de la présente procédure, a été assignée en reprise d'instance et en intervention avec signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant.

Par courrier reçu au greffe du 27 août 2021, elle a indiqué que compte tenu de l'impécuniosité du dossier, elle ne pourrait faire représenter la liquidation judiciaire dans le cadre de la présente procédure.

*

Pour l'exposé détaillé des prétentions des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure au regard de l'existence d'une procédure collective

Les règles de l'arrêt des poursuites individuelles et de l'interruption des instances en cours sont d'ordre public et peuvent être invoquées en tout état de cause et la juridiction est tenue de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'arrêt ou de l'interruption des poursuites individuelles consécutive à l'ouverture d'une procédure collective, même en cause d'appel, et de vérifier la réunion des conditions d'une reprise de plein droit de l'instance en cas d'interruption.

En application de l'article L. 622-21-I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part du créancier tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent au titre d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective ou tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Toute action en dommages-intérêts, en ce qu'elle tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent et trouve son origine dans un fait reproché lors de la conclusion ou de l'exécution du contrat antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, est soumise à l'arrêt ou à l'interruption des poursuites.

En revanche, l'action en nullité et l'action en résolution pour un motif autre que le défaut de paiement ne sont pas soumises à l'interdiction ou à l'interruption.

De même, ne sont pas soumises à l'interdiction ou à l'interruption, et donc à déclaration de créance antérieure, les créances qui naissent de la décision judiciaire intervenue postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

Tel est le cas, lorsque l'annulation ou la résolution de la vente, et le cas échéant celle du crédit affecté, est prononcée après l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du vendeur de la créance de restitution du prix, de la créance de l'emprunteur à l'encontre du vendeur au titre de son obligation à le garantir envers le prêteur du remboursement du prêt et de la créance du prêteur à l'encontre du vendeur au titre de son obligation de garantie fondée sur l'article L.311-33 du code de la consommation. En effet, ces créances trouvent leur origine, non pas dans la conclusion des contrats, mais dans l'annulation ou la résolution du contrat de vente par le fait du vendeur et l'annulation ou la résolution consécutive du contrat de crédit prononcées postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective de celui-ci.

En l'espèce, la demande tendant au prononcé de la nullité ou à la résolution du contrat de vente n'entre pas dans le champ de l'article L. 622-21 du code de commerce. Cette demande est donc recevable.

L'action étant régulière et recevable, il convient de statuer sur son bien-fondé.

Sur la validité du contrat principal

A titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur version issue de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014.

En vertu de l'article L 121-18-1 du code de la consommation, les contrats hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat écrit daté dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter notamment, à peine de nullité, les informations relatives à l'identité du démarcheur et ses coordonnées, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix du bien ou du service, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; la faculté de rétractation du consommateur prévue à l'article L121-21 du code de la consommation et les conditions d'exercice de cette faculté. Le contrat doit être accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17, lequel doit être détachable pour permettre au consommateur d'adresser au professionnel sa rétractation.

Il ressort de l'examen de l'exemplaire du bon de commande qu'il n'est pas conforme à ces dispositions légales en ce que :

' seul le prénom du démarcheur est mentionné à l'exclusion de son nom de famille,

' la désignation de la nature et des caractéristiques des biens offerts n'est pas précisément indiquée puisque que ni la marque ni le modèle de la centrale photovoltaïque ne sont mentionnées,

' aucune mention ne vient expliciter les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et la durée prévisible des travaux d'installation de la centrale photovoltaïque ainsi que la date de fin d'exécution de son installation, d'obtention du consuel, même prévisionnelle,

' le bon de commande ne comporte qu'un prix global correspondant au montant du capital financé, sans décomposition entre le coût des panneaux et le coût des travaux de pose. Ces mentions sommaires sont insuffisantes pour satisfaire à l'exigence d'indication du prix des biens et du service.

Il s'ensuit que le contrat principal n'est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité.

Sur la confirmation de la nullité alléguée par le prêteur

Si la violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, et qui a pour finalité la protection des intérêts de l'acquéreur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier, il résulte des dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa version applicable aux relations entre les parties que la confirmation tacite d'un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l'affectant et qu'il ait eu l'intention de le réparer.

En l'espèce, le seul fait que M. et Mme [I] aient signé leur acceptation de l'offre de vente sous une mention pré-imprimée aux termes de laquelle ils reconnaissent 'avoir pris connaissance des articles L.121-17 à L.121-18-2 du code de la consommation applicable lors de la vente à domicile, ainsi que d'avoir reçu l'exemplaire de ce présent contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation' est insuffisant à révéler aux consommateur profanes qu'ils sont les vices affectant ce bon dès lors que, quand bien même les conditions générales reproduiraient les articles L121-17, L.121-18, L121-18-2, L121-21, L121-21-1, L121-21-2, L121-21-3, L121-21-4, L121-21-5, L121-21-7, L121-21-8 du code de la consommation, alors en vigueur, il n'est pas rapporté la preuve spécifique, par un acte extérieur au contrat, de la connaissance qu'avait le consommateur des vices affectant le contrat, la cour relevant en outre que les dispositions des articles L111-1 et L111-2 dudit code relatives à l'obligation d'information pré-contractuelle du vendeur ne sont pas reproduites et ne permettaient donc pas au consommateur d'avoir connaissance précisément des mentions éventuellement manquantes sur son contrat.

Il en résulte que faute pour M. et Mme [I], consommateurs profanes, d'avoir eu connaissance des vices affectant le bon de commande, aucun de ses agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité qu'il s'agisse de :

' l'absence d'exercice de la faculté de rétractation,

' l'absence d'opposition à la réalisation des travaux d'installation à leur domicile,

' la signature sans réserve de l'attestation de livraison et d'installation - demande de financement Sofemo en date du 27 juillet 2016, et du mandat de prélèvement Sepa en date du même jour,

' du règlement d'échéances du prêt.

Aucune confirmation de la nullité ne saurait donc être caractérisée.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat principal.

Sur l'annulation du contrat de crédit accessoire

En application du principe de l'interdépendance des contrats consacré par l'article L311-32 du code de la consommation alors applicable à l'espèce, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. Cette disposition n'est applicable que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit accessoire par voie de conséquence de l'annulation judiciairement prononcée.

Sur les conséquences de l'annulation du contrat accessoire

* Sur la faute de la banque

Les annulations prononcées entraînent en principe la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats. Ainsi, la résolution du contrat de prêt en conséquence de celle du contrat de prestations de services qu'il finançait emporte, pour l'emprunteur, l'obligation de rembourser au prêteur le capital prêté, peu important que ce capital ait été versé directement au prestataire de services par le prêteur, sauf si l'emprunteur établit l'existence d'une faute du prêteur et d'un préjudice consécutif à cette faute. Elle emporte également pour le prêteur l'obligation de restituer les sommes déjà versées par l'emprunteur.

Commet ainsi une faute le prêteur qui libère les fonds prêtés sans vérifier la régularité du contrat principal souscrit à l'occasion du démarchage au domicile de l'emprunteur, vérifications qui lui auraient permis le cas échéant de constater que le bon de commande était affecté d'une cause de nullité.

Commet également une faute la banque qui libère les fonds sur une attestation de livraison ne comprenant pas toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération concernée ou ne lui permettant pas de s'assurer du caractère complet de l'exécution de la prestation, ni de s'en convaincre légitimement.

En l'espèce, la société Cofidis qui a versé les fonds au prestataire de services sans avoir vérifié au préalable la régularité du contrat principal alors que les irrégularités du bon de commande précédemment retenues étaient manifestes - vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat principal était affecté d'une cause de nullité - a commis une faute.

Par ailleurs, l'attestation de livraison a été émise le 27 juillet 2016, soit tout juste un mois après la signature du bon de commande le 24 juin 2016, de sorte qu'il était peu probable que l'ensemble des démarches administratives prévues au contrat (déclaration préalable de travaux, obtention de l'attestation de conformité photovoltaïque du consuel, démarches administratives ERDF) aient pu être finalisées, ce que le caractère sommaire des mentions portées sur l'attestation de livraison n'a pas permis à la banque de vérifier avant de libérer les fonds.

La faute de la banque dans le déblocage des fonds est ainsi caractérisée.

S'agissant du manquement allégué de la banque à son devoir d'information, de mise en garde et de conseil, la cour relève que celui-ci est sanctionné par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts du contrat, ce qui aboutit en pratique au même résultat que les restitutions résultant de l'annulation du contrat de crédit déjà constatée du fait de l'annulation du contrat principal. Par ailleurs, les époux [I] ne démontrent pas en quoi l'évaluation de la banque de leur situation financière aurait été défaillante alors que sont versés aux débats la fiche de dialogue portant évaluation des revenus et charges des emprunteurs, la fiche d'explication sur le crédit sollicité, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, que les emprunteurs ont produit leur avis d'imposition et le bilan financier de la micro-entreprise de M. [I] et que l'ensemble de ces éléments démontrent que les époux [I] avaient la capacité financière d'assumer les remboursements du crédit.

* Sur le préjudice et le lien de causalité

La faute de la banque dans le déblocage des fonds ne saurait toutefois la priver de sa créance de restitution sans avoir occasionné aux emprunteurs un préjudice effectif, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Or, si M. et Mme [I] affirment que leur préjudice est caractérisé par le fait que l'annulation des contrats après le déblocage fautif des fonds entre les mains du vendeur ayant permis la réalisation d'une opération commerciale hasardeuse les placera dans la situation de devoir restituer le capital emprunté sans perspective de pouvoir se retourner contre le fournisseur qui, lui-même, fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la cour relève que, du fait de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif de la société Viva Vieco, la restitution du matériel consécutive à l'annulation des contrats ne pourra s'opérer, si bien que M. et Mme [I] conserveront une installation en état de fonctionnement, raccordée au réseau ERDF et qui produit de l'électricité.

Les époux [I], arguant qu'ils vont être contraints de faire démonter à leurs frais l'installation et remettre la toiture de leur habitation en état, sollicitent la condamnation solidaire des sociétés Viva et Cofidis à leur payer la somme de 5 000 euros à ce titre. Ils ne justifient cependant d'aucun devis relatif aux travaux envisagés alors que l'installation étant en état de fonctionnement, ils auront un intérêt évident à la conserver quand bien même elle ne produirait pas autant d'électricité qu'espéré.

Ils sollicitent par ailleurs l'indemnisation par la société Cofidis de leur préjudice financier lié à la nécessité d'avancer des frais conséquents pour faire valoir leur défense en justice et aux frais du crédit qu'ils doivent régler.

Ils ne justifient cependant pas des frais qu'ils évoquent pour leur défense en justice étant précisé que de tels frais sont, le cas échéant, indemnisables sur le fondement des articles 696 et 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, du fait de l'annulation du contrat de crédit consécutivement à l'annulation du contrat de vente, ils ne seront plus tenus qu'au remboursement du capital emprunté, déduction faite des sommes déjà versées, de sorte qu'ils ne seront plus tenus au paiement des intérêts contractuels et des assurances du crédit.

M. et Mme [I] invoquent encore un trouble de jouissance lié aux travaux d'installation qu'ils ont subi, aux travaux de désinstallation à subir, au caractère inutile et inesthétique de l'installation, au bruit permanent de l'onduleur électrique et au temps perdu en démarches administratives.

Ils ne démontrent cependant pas en quoi un tel préjudice serait en lien avec la faute de la banque dans le déblocage des fonds.

Ils font enfin valoir un préjudice moral lié au dol qu'ils auraient subi et aux difficultés de trésorerie qu'ils auraient rencontré du fait de la charge de remboursement du crédit.

Le dol qu'ils allèguent fait cependant visiblement référence aux agissements de la société Viva qui, dans le cadre d'un démarchage à domicile, leur aurait présenté une opération trompeuse en mettant en avant l'autofinancement de l'installation et la perspective de rendements financiers à venir. Or le préjudice résultant des agissements fautifs du vendeur, à les supposer démontrés, et consistant en une insuffisance de rentabilité économique de l'installation, n'est pas en lien avec la faute de la banque dans le déblocage des fonds, cette dernière n'étant pas tenue de garantir la rentabilité économique de l'opération. 

Par ailleurs, ainsi qu'il a été développé plus haut, le prêteur n'étant pas tenu pour responsable de la mauvaise évaluation économique de la charge de remboursement du crédit faite par les emprunteurs lors de la souscription du prêt, il n'y a pas lieu à indemnisation du préjudice moral invoqué par les époux [I] du fait de leurs difficultés de trésorerie.

Aussi, en l'absence de démonstration du préjudice subi par les époux [I] du fait de la faute de la banque dans le déblocage des fonds, il n'y a pas lieu de priver la banque de sa créance de restitution du capital prêté aux époux [I]. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

En conséquence de l'annulation du contrat de prêt, les intimés seront condamnés à rembourser le capital emprunté de 26 900 euros sous déduction des échéances qu'ils ont payées et dont la banque leur doit elle-même le remboursement. La différence sera productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Ils seront par ailleurs déboutés de leurs demandes indemnitaires.

Sur le sort du matériel installé

Du fait de la clôture de la liquidation judiciaire de la SARL Viva, la restitution du matériel installé ne pourra pas avoir lieu.

Les acquéreurs pourront donc alors disposer du bien. En effet, l'entreprise n'ayant plus alors la personnalité morale, il ne sera pas porté atteinte à son droit de propriété.

Sur la demande de condamnation de la SARL Viva à garantir les époux [I]

La demande des époux [I] tendant à la condamnation de la SARL Viva à les garantir de toute condamnation sera déclarée irrecevable compte tenu de la clôture de la liquidation de cette société, la cour précisant au surplus que cette demande n'était étayée par aucun moyen dans la motivation des conclusions des époux [I].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, chaque partie succombant partiellement, elles garderont la charge de leurs dépens et de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ; il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal de vente conclu le 24 juin 2016 entre Monsieur [Z] [I] et la société Vieco Viva suivant bon de commande n°5255  et constaté la nullité du contrat de crédit affecté conclu entre la société Cofidis et les époux [I] le 24 juin 2016  ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [Z] [I] et Mme [L] [I] de leur demande tendant à voir priver la société Cofidis de sa créance de restitution,

Déboute M. [Z] [I] et Mme [L] [I] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre des frais de désinstallation et de remise en état de la toiture, de leur préjudice financier, de leur trouble de jouissance et de leur préjudice moral,

Condamne solidairement M. [Z] [I] et Mme [L] [I], en conséquence de l'annulation du contrat de prêt, à rembourser à la société Cofidis le capital prêté, sous déduction des échéances payées, la différence produisant intérêts de retard au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que compte tenu de la clôture de la procédure collective de la SARL Viva, M. [Z] [I] et Mme [L] [I] pourront disposer du matériel installé ;

Déclare M. [Z] [I] et Mme [L] [I] irrecevables en leur demande de garantie formée à l'encontre de la SARL Viva,

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier

Delphine Verhaeghe

Pour la présidente

Céline Miller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/04414
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;19.04414 ?
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